Le titre de cet ouvrage pourrait paraître paradoxal ou polémique, et relever du calembour. Pourtant nous pensons que la chanson, qui ne laisse jamais assez de temps à l'auditeur, en proposant un air qui couvre, distend ou distancie le texte, en imposant une mise en voix non conventionnelle, artistique, et surtout en se coulant dans notre vie quotidienne, court le risque de n'être pas bien entendue. Mais est-ce réellement un risque ? N'est-ce pas aussi une chance qu'elle assume et/ou recherche ? Les conditions d'écoute, la durée très maîtrisée font quasiment partie de son cahier des charges et elle doit jouer avec cela, jonglant entre malentendus textuels, esthétiques, éthiques, génériques ou transculturels.

Du malentendu dans la chanson - Actes de la deuxième Biennale internationale d'études sur la chanson

Au coeur de la pop, au coeur des chansons de toutes sortes, il y a la voix. Si souvent, elle nous touche, elle nous marque : nous ne l'oublions plus, nous pouvons parfois la reconnaître en une inflexion, en une fraction de seconde, avant même la fin de la première note. D'autres fois, elle nous est encore inconnue, nous la découvrons, et pourtant nous sommes en mesure de l'apprécier. Alors même que depuis des décennies on sait la capter, l'enregistrer, la restituer, la transformer, la voix pop n'a suscité que récemment l'intérêt de la recherche. C'est le défi que relève ce numéro double, qui explore au travers d'études de cas variées (black metal, rap, chanson française, rock...) de nouvelles méthodes analytiques pour caractériser la voix pop dans ses singularités.

Volume ! 16 N° 2 et 17 N° 1, 2019-20

Analyser la chanson, c'est souvent se trouver confronté à la dialectique texte - musique, privilégier l'un ou l'autre, et sous-estimer l'importance de l'interprétation, de la pratique vive et des variantes induites par la performance dans un genre qui relève pourtant de l'oralité, et, à ce titre, se caractérise par sa " mouvance ", selon la formule de Paul Zumthor. Cette dualité nous semblait particulièrement restrictive chez Léo Ferré : à l'écoute de ses œuvres et de leurs multiples interprétations, il nous a paru que tout un pan de sa création ne relevait ni exclusivement de la valeur poétique de ses textes ni de la richesse de ses mélodies, mais de la performance vocale. L'étude du phrasé, en impliquant une approche combinatoire du texte, de la musique et de l'interprétation, nous offre un moyen pertinent d'aborder l'œuvre de Ferré dans sa globalité, sans en trahir ni la richesse ni la complexité. Cet ouvrage, issu d'un mémoire de Master de musicologie à l'université Lumière-Lyon 2, étudie de manière analytique l'œuvre singulière de Ferré, marquée par une esthétique du mouvement et de l'ouverture, qui d'évolution en révolution fait éclater les cadres de la chanson traditionnelle. Il la place au cœur d'une constellation disciplinaire et méthodologique (musicologie, linguistique, rhétorique, analyse informatique...). L'œuvre protéiforme de Ferré nous dévoile une partie des secrets de la fascination qu'elle exerce...

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