La rhétorique chrétienne du second xviie siècle définit les voies d'une insinuation convertie, visant à concilier la simplicité de la colombe et la prudence du serpent (Mt 10,16). Ses dispositifs prudentiels sont ici interrogés dans les Pensées, le Carême du Louvre et Les Aventures de Télémaque.

L'insinuation convertie, Pascal, Bossuet, Fénelon ; la colombe et le serpent

L'Insinuation convertie, Pascal, Bossuet, Fénelon - La colombe et le serpent

Les conceptions traditionnelles de la figure comme "écart" ont trop souvent occulté son hétérogénéité énonciative. Les études réunies dans ce recueil s'inscrivent, à l'inverse, dans le prolongement des recherches propres à l'analyse du discours menées par Marc Bonhomme et Alain Rabatel. Suivant une approche pragmatico-énonciative, elles s'attachent au problème de la production du sens fourni par les énoncés figuraux, en plaçant les dimensions polyphonique et dialogique au coeur de l'ensemble des dispositifs langagiers. Les figures y apparaissent alors comme des condensateurs ou des embrayeurs de points de vue, des "assourdisseurs" ou des amplificateurs de voix, des modulateurs du dire, autorisant, en tout état de cause, un fécond déploiement des perspectives. L'ensemble des contributions couvre un très large champ, qu'il s'agisse de la variété des disciplines convoquées (pragmatique, sémantique, stylistique...), de la diversité des supports soumis à l'examen (époques, genres, auteurs, univers de la blogosphère) ou encore du nombre important de figures éclairées d'un jour nouveau, des plus incontournables (la métaphore, la litote, l'ironie, l'allégorie...) aux plus rarement commentées (l'aposiopèse, l'énallage, l'interrogation rhétorique, la réduplication...). L'ampleur de son investigation et de ses questionnements destine cet ouvrage à tous ceux qui souhaitent connaître les développements actuels de la rhétorique, qu'ils l'étudient, qu'ils l'enseignent, ou que leur pratique - et leur curiosité personnelle - les conduisent à y avoir recours.

Les figures à l'épreuve du discours - Dialogisme et polyphonie

Les contemporains de Pascal étaient unanimes à célébrer sa «merveilleuse» maîtrise de la «vraie rhétorique» ou de la «véritable éloquence». Or évoquant à son tour l'« éloquence naturelle » de son frère, Gilberte Pascal mentionnait pour sa part l'existence de «règles dont on ne s'était point encore avisé», et dont Pascal «se servait si avantageusement qu'il était maître de son style». Mais quelles étaient donc ces règles, auxquelles renvoyait si allusivement Gilberte ? Et selon quelles modalités concrètes «la vraie éloquence» pascalienne se moquait-elle, dans les faits, de l'éloquence ? Cette étude s'emploie précisément à répondre à ces deux questions. Fondée sur un examen systématique des manuscrits des Pensées, elle confronte la théorie de l'éloquence de Pascal à sa praxis d'écrivain et s'emploie à embrasser dans la cohérence d'un même point de vue rhétorique les différents enjeux de l'apologie en devenir. Elle montre ainsi comment s'articulent dans les Pensées une éloquence du coeur et du fléchir épousant le mouvement de la parole prophétique ; et une éloquence de la nature recherchant un équilibre ténu entre raison et volonté, vérité et plaisir, et instrumentalisant les traits séduisants de la rhétorique conversationnelle de l'honnête homme en les réassumant d'un point de vue chrétien. Surtout, elle met en évidence la manière dont, ne pouvant prétendre convertir son lecteur, le dispositif apologétique pascalien vise à le persuader qu'il n'est du moins pas absurde de croire, et à le contraindre enfin à un état proche de la prière, en tenant son coeur préparé, tout le temps de la lecture, à une éventuelle descente de la grâce.

L'écriture de Pascal ; la lumière et le feu ; la "vraie éloquence" à l'oeuvre dans les Pensées

« Les Pensées, "monstre incompréhensible" ? Certes pas. "Pour entendre le sens d'un auteur", recommandait simplement Pascal, "il faut accorder tous les passages contraires". Pour entendre le sens des Pensées, poursuivra-t-on, il faut encore apprendre à les lire. "Commenç[ons]" donc "par là", en tirant du simple examen des lois réglant la composition du recueil l'énoncé des lois singulières devant régler son interprétation. » 
Laurent Susini.

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