Filles, garçons, ils avaient entre quatre et douze ans sous l'Occupation. Juifs ou non, simples témoins, parfois acteurs, toujours victimes, certains ont traversé cette tragédie avec l'insouciance de l'enfance, quand d'autres ont vu leur vie basculer. Malmenés par la faim, la peur, le silence des adultes, déracinés, parfois séparés de leurs parents - que certains d'entre eux ne reverront jamais -, tous, vaille que vaille, ont construit leur vie d'adultes sur les décombres d'un passé douloureux. Ces enfants n'ont ni collaboré ni résisté. Ils ont vu partir des gens pour toujours ; ils ont vu leur père fabriquer des pains de plastique ou rentrer hirsutes de camps de travail ; ils ont vu leur mère chercher un peu de tissu pour faire un manteau ; ils ont vu des jeunes courir sur les toits et se faire tuer d'une balle dans le dos ; ils ont vu la voisine rasée sur la place publique ; ils ont vu d'autres enfants disparaître de l'école du jour au lendemain ; chaque matin, en classe, ils ont chanté Maréchal, nous voilà. Même lorsqu'on se taisait, ils ont compris ce qu'était la peur. Tous ces témoins, âgés aujourd'hui de près de soixante-dix ans, ont accepté de raconter leurs années d'enfance avec application, parfois surpris de l'intérêt inattendu qu'ils suscitaient. Maria Carrier, journaliste et chroniqueur, les a écoutés et a retranscrit fidèlement leurs souvenirs longtemps tus ou même gardés secrets. Cette parole retrouvée éclaire le quotidien de ces années sombres d'un regard nouveau, sobre et poignant. Avec une iconographie originale, constituée de documents, de photos et de papiers de famille.

Maréchal, nous voilà... - 1940-1944 : Souvenirs d'enfants sous l'occupation

Nous voulions faire " un beau livre " autour de savoir-faire traditionnels et réunir dans une esthétique commune, textes courts et photographies en noir et blanc. Mais, rapidement l'aventure s'est chargée d'une dimension imprévue. Dès les premières images, les regards, les gestes sont apparus infiniment puissants. Nous avons alors compris que nos hôtes, dans l'intimité de leurs ateliers, pouvaient s'abstraire de notre monde, et qu'un trait de lumière suffisait à faire émerger cette évidence. Leurs mots étaient les nôtres, mais en sortant de leurs bouches, ils devenaient si forts, qu'en les notant fébrilement pour n'en perdre aucun, ils nous laissaient croire que nous appartenions au petit cercle des sages. Chacun d'entre eux à sa façon nous a fait entrevoir un monde dans lequel le travail est un accomplissement quotidien et la perfection, un éternel projet. Et si dans la rue, juste devant chez eux, la société court après des valeurs qui s'envolent comme tuiles par temps d'orage, ces fous, modestes et imperturbables, répètent obstinément, que la mémoire est une semence. Eternels apprentis, pour qui le temps est autre, ils découvrent encore et ne cessent de transmettre. Ne croyez pas qu'ils accomplissent un devoir. Non ! Ils ne connaissent pas d'autres manières de vivre... libres ! Ces quelques rencontres volées à un univers parallèle et intangible, appartiennent à ces instants si particuliers qu'ils modifient imperceptiblement ce que nous sommes.

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