En 1841 paraît un livre anonyme intitulé La Trompette du Jugement dernier contre Hegel l'athée et l'antichrist.
Sa cible : la philosophie hégélienne, accusée de propager un esprit de subversion contre la religion et les institutions. OEuvre d'un dévot ou canular destiné à tromper l'oeil du censeur ? Stirner, Bakounine, Engels s'enthousiasment pour ce brûlot qui livre les clefs d'une lecture radicale de Hegel. Bientôt, des noms circulent :
Il serait l'oeuvre impie d'un célèbre théologien, Bruno Bauer, et de son disciple encore inconnu, un étudiant nommé... Karl Marx.
Dans l'essai qui accompagne la republication de ce pamphlet, Nicolas Dessaux démontre qu'il s'agit bien du premier livre publié de Marx. C'est l'ancrage dans la philosophie hégélienne qui donne toute sa puissance révolutionnaire à la théorie marxienne, inspirant non seulement sa critique de la religion mais aussi sa critique du capitalisme en tant que religion. Et l'on redécouvre ainsi un Marx humaniste, dialecticien, critique de l'aliénation, aux antipodes de l'image pétrifiée qu'en a donné le marxisme orthodoxe.
Un texte indispensable pour connaître les prémisses philosophiques de la pensée marxienne.

La trompette du jugement dernier

Trompette du jugement dernier contre hegel l'athée et l'antéchrist

L'État chrétien pur est un État dans lequel la loi théologique prévaut. Cette loi atteint le pouvoir réel ou, pour être plus exact, le pouvoir absolu, lorsque ses résultats sont identiques à ceux de l'opium, il endorme toutes les parties de l'humanité. Si certains se réveillent occasionnellement, ils réalisent des crimes qui horrifient l'humanité qui n'est pas encore devenue chrétienne au sens du terme ou a déjà abandonné le cadre chrétien.

Mais dans le christianisme, au contraire, la liberté des enfants de Dieu était aussi la liberté de tous les intérêts mondains importants, de tout art et de toute science, etc.

La raison est le vrai pouvoir créatif, car il se produit comme une conscience de soi infinie, et sa création continue est ... l'histoire du monde. En tant que seul pouvoir qui existe, l'esprit peut donc être déterminé par rien d'autre que lui-même, c'est-à-dire que son essence est la liberté ... la liberté est le pouvoir infini de l'esprit ... La liberté, la seule fin de l'esprit, est aussi la seule Fin de l'histoire, et l'histoire n'est rien d'autre que l'esprit qui devient * conscient * de sa liberté, ou de la conscience de soi réelle, libre et infinie.

La vue de la nature fascine, la cravate de la famille a un doux enchantement et un patriotisme donne à l'esprit religieux une dévotion ardente aux pouvoirs qu'il vénère.

Ainsi, dans le christianisme, l'aliénation était devenue totale, et c'était cette aliénation totale qui a été le plus grand obstacle à la progression de la conscience de soi.

Nous sauvons l'honneur de Jésus lorsque nous rétablissons sa personne à la vie de l'état de l'inanité à laquelle les apologistes l'ont réduit, et lui donnons une fois de plus une relation vivante avec l'histoire, qu'il possédait certainement.

Ses chaînes mêmes ont aidé à le tromper sur la dureté de son service.

Il n'y a plus de religion lorsqu'il n'y a plus de religion privilégiée. Prendre de la religion son pouvoir exclusif et il n'existera plus.

Après avoir assouvi son pulsion destructrice envers tout ce qui est noble et bon sur terre, elle [la religion naïve] esquisse, dans son ivresse d'opium, une image de la situation future, qui diffère radicalement de l'ordre de ce monde, puisque tout change et se renouvelle .

Par conséquent, la critique doit se diriger contre elle-même et contre la substance mystérieuse dans laquelle il a jusqu'à maintenant se cacher. De cette façon, la critique doit résoudre des choses telles que le développement de cette substance se déroule vers l'universalité et la certitude de l'idée de son existence réelle, la conscience éternelle de soi.

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