Shay Frisch

Christian Boltanski vient de disparaître. Ce livre d'entretiens s'est achevé quinze jours auparavant. Il avait décidé de tout, du titre, de la couverture, de l'ordre des chapitres. Il semblait heureux de ce texte qu'il avait minutieusement relu et corrigé. Il ne faut pas y lire la moindre dimension testamentaire. Christian était habité par une force de vie peu commune, il riait tout le temps, il était très drôle, et ce fut une joie de faire ce livre avec lui. Il était comme on dit «un bon vivant», même si son oeuvre, dans ses différents registres et ce, depuis l'origine, était hantée par la mort. L'éphémère, la finitude, la fragilité, le hasard constituent en un entrelacs serré l'arche de ses pensées. L. A.

Christian Boltanski, récits : conversation avec Laude Adler

Personnes

« J'ai décidé de m'atteler au projet qui me tient à coeur depuis longtemps : se conserver tout entier, garder une trace de tous les instants de notre vie, de tous les objets qui nous ont côtoyés, de tout ce que nous avons dit et de ce qui a été dit autour de nous, voilà mon but. » Christian Boltanski.

Faire son temps

Départ

Tous les artistes du Louvre en un seul livre ! L'ouvrage conçu par Christian Boltanski et Jacques Roubaud explore les ressources de la poétique de la liste : effets d'accumulation, montage, jeux oulipiens... L'écrivain Jacques Roubaud propose d'abord avec humour et finesse un corps de listes thématiques - celle consacrée à la nourriture confirme l'esprit ludique qui anime l'ouvrage : BOUDIN Eugène CALLAMARD Charles-Antoine CARPACCIO Vittore PANNINI Giovanni Paolo [... ] - constituées à partir d'un répertoire défini par Christian Boltanski, où l'on trouve à la fois artistes présents dans les collections du Louvre et employés du musée. La liste des "habitants du Louvre" questionne ainsi les notions d'anonymat ou de célébrité : parmi tous ces noms, qui est artiste ? Qui ne l'est pas ? Cet annuaire est doublé d'une série de photomontages créés par Christian Boltanski, qui assemblent autoportraits d'artistes et visages des agents du Louvre.

Les habitants du Louvre

On of France's most important contemporary artists, Christian Boltanski came to prominence with major exhibitions at such important international venues at the Centre Pompidou, Paris (1984) and the Whitechapel Art Gallery, London, (1990). For his magical installations, Boltanski collects old photos, clothing and personal objects, which are presented as archival artefacts tracing individual lives. His own autobiogaphy is itself presented as fiction, particularly in his early 'mischevious' performative work, which invents a self-identity using found photos. Boltanski often uses everyday documents - passport photographs, school portraits and family albums - to memorialize ordinary people: the unknown children killed in the Holocaust, the citizens of a Swiss town or the employees of a Halifax carpet factory. The spaces he creates, often filled with flickering lights and shadows, lie somewhere between little theatres and churches, generating a sense of hushed wonder and a poignant evocation of loss. Boltanski's work has been presented in museums and public sites all over the world, including the Lyric Theatre, London, where the artist devised the stage sets and lighting for Schubert's Winter Reise in 1996.

Paris-based art historian Didier Semin follows Boltanski's work from the fictional biographies through to recent installations in the context of cultural and art historical developments in post-war France. Boltanski discusses his work and the role of the artist with art historian Tamar Garb, author of Sisters of the Brush (1994) and co-editor of The Jew in the Text (1995). Donald Kuspit, contributing editor to Artforum, focuses on Monument: The Children of Dijon, a work that consists of dozens of eerily lit, anonymous, black and white photographs of children long since lost to adulthood. Boltanski has chosen texts by master postmodern novelist Georges Perec, written in an inventory-like style that mirrors that of the artist. The book also features a selection of Boltanski's own writings, a beguiling and provocative blend of truth and fiction.

Christian Boltanski

L'album photographique de Christian Boltanski - 1948-1956

Christian Marie Dominique Liberté Boltanski, né le 6 septembre 1944 à Paris 7e et mort à  Paris 14e le 14 juillet 2021, est un artiste plasticien français reconnu comme l'un des principaux artistes français contemporains. Photographe, sculpteur et cinéaste, il est avant tout célèbre pour ses installations et son style conceptuel français contemporain. Il se définit lui-même comme peintre, alors qu'il a, depuis longtemps, abandonné ce support.

C'est prétentieux à dire, mais mon art est comme une petite histoire zen, une histoire avec un point d'interrogation à la fin. Les gens peuvent en retirer ce dont ils ont besoin. Si quelqu'un dit: "Votre art est très drôle", je dis: "Vous avez tout à fait raison." Si quelqu'un dit: "Votre art est très triste", je dis: "Vous avez tout à fait raison." Au Japon, ils disent: "Votre art est très japonais, vous avez même l'air japonais. Votre arrière-grand-père était le plus sûrement un Japonais." Et je dis: "Vous avez tout à fait raison."

Vous êtes ce que vous êtes parce que vos parents ont fait l'amour à ce moment précis, et s'ils faisaient l'amour une seconde après que vous soyez différent.

Quand j'avais quatre ou cinq ans, j'ai entendu beaucoup d'histoires sur l'Holocauste parce que mes deux parents étaient survivants. Je suis sûr que c'était très important dans ma vie. Mon père s'est glissé sous le plancher pour faire l'amour à ma mère. Je ne peux pas imaginer pourquoi ils m'ont gardé.

Je pense qu'il est très important de savoir que nous allons mourir. Maintenant, nous refusons le fait de mourir. Il y avait une fois la sérénité dans la mort où vous aviez tous vos enfants autour de vous lors d'une cérémonie et prononceriez vos derniers mots avec quelque chose comme «I Love the Sky».

J'ai rempli toute ma vie en essayant de préserver le souvenir de la vie, dans la lutte contre la mort. Peut-être que la seule chose que j'ai faite, car arrêter la mort est impossible, est peut-être de montrer ce combat. Le combat lui-même ne nous satisfait pas non plus.

J'ai eu la chance de naître à l'époque du minimalisme. Je pense que je peux être plus froid à cause de cela. En forme, je parle avec le minimalisme mais mon sentiment est sentimental - je suis un minimaliste sentimental.

Je crois qu'au début de la vie de chaque artiste, il y a une sorte de traumatisme. Nous avons un problème et toute notre vie, nous essayons de parler de ce problème. Mon traumatisme était historique. Quand j'avais trois ou quatre ans, tous les amis de mes parents étaient des survivants de l'Holocauste; Ils en ont beaucoup parlé. Mon père se cachait pendant la guerre, c'était quelque chose de totalement présent quand j'étais un garçon. Il est sûr que cela m'a fait.

La science sur la vie est très optimiste. Chaque seconde, quatre personnes dans le monde meurent et six naissent. C'est optimiste.

... aux yeux de ses visiteurs, Venise n'a pas de réalité propre. Le visiteur a déjà vu tant de photos de la ville qu'il ne peut que tenter de la voir à travers ces clichés, et il ramène chez lui des photos de Venise semblables à celles qu'il connaissait déjà. Venise [devient] comme l'une de ces toiles de fond peintes que les photographes utilisent dans leur studio.

J'aime regarder le doigt de Dieu. Pourquoi cela prend un et non un autre, pourquoi celui-ci ou celui-là, pourquoi maintenant ou pourquoi alors. Le doigt de Dieu est toujours sur nous. Lorsque vous vieillissez et que vous voyez vos amis mourir autour de vous, vous dites "Pourquoi pas moi?" Cette machine est toujours là.

L'art ne consiste pas à dire la vérité mais à faire sentir la vérité

Il y a des portes qui sont fermées, et chaque humain en cherche les clés.

Vous êtes ce que vous êtes parce que vos parents ont fait l'amour à ce moment précis, et s'ils faisaient l'amour une seconde après que vous soyez différent. Le fait que vous soyez né signifie qu'il n'y a pas d'autres enfants nés à cause de vous - vous les avez tués en quelque sorte. Est-ce le destin? A-t-il été écrit quelque part que ce devait être votre vie? Est-il utile que vous soyez ici? Ou est-ce simplement par hasard?

Le fait que vous soyez né signifie qu'il n'y a pas d'autres enfants nés à cause de vous - vous les avez tués en quelque sorte.

Nous mourons tous deux fois - une fois quand nous mourrons et une fois quand personne sur Terre ne reconnaît notre photo.

Chaque fois que je pose des questions sur le sexe, je finis toujours par poser des questions sur la mort.

En science, nous voyons des progrès. Dans l'art, il n'y a pas de progrès. Dans l'art, les questions ont toujours été les mêmes. Depuis le début des temps, nous posons toujours les mêmes questions. Il y en a très peu. Nous recherchons Dieu, nous demandons pourquoi nous mourons, nous envisageons le sexe et la beauté de la nature. La seule chose qui change, c'est que, à chaque période de questionnement, nous parlons avec la langue de notre temps.

La photographie est utilisée pour témoigner, et les preuves sont toujours trompeuses.

Dans la plupart de mes pièces photographiques, j'ai manipulé la qualité des preuves que les gens attribuent à la photographie, afin de le renverser, ou de montrer que la photographie réside - que ce qu'elle transmet n'est pas la réalité mais un ensemble de codes culturels.

Le seul fait d'avoir une école pour former des gens créatifs est une folie absolue ... L'idée de «vision pédagogique» est ignoble, cela n'a rien à voir avec l'art, c'est contraire à l'art. Je crois vraiment à l'enseignement, malgré ce que je dis.

Je pense que toute activité humaine est stupide. L'activité artistique est également stupide, mais vous pouvez le voir plus clairement.

Plus vous travaillez, moins vous existez. Je crois (au moins, je croyais, parce que je ne pense plus que c'est tout à fait vrai) que l'artiste est comme quelqu'un portant un miroir dans lequel tout le monde peut se regarder et se reconnaître, de sorte que la personne qui porte le miroir finit par être rien.

Il y a très peu de fois dans la création dans votre vie. Une fois, c'est lorsque vous devenez un adulte, une fois, c'est quand vos parents meurent, et l'autre fois, c'est quand vous êtes très vieux.

La photo remplace la mémoire. Quand quelqu'un décède, après un certain temps, vous ne pouvez plus les visualiser, vous ne vous en souvenez que par leurs photos.

Je ne prends jamais de photos moi-même. Je ne me sens pas comme un photographe, plus comme un recycleur

Nous peignons les mêmes personnes toute notre vie - c'est juste la façon dont nous les regardons qui changent. Si vous ressentez un traumatisme, vous pouvez en parler de tant de manières différentes. Vous pouvez parler de paysage, vous pouvez parler de votre nourriture; C'est toujours différent. Le traumatisme est le début de la vie en tant qu'artiste.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Christian_Boltanski

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