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Mort

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Mort

Poésies de la collection mort

    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Exécution La balle laboura son âme Son regard transperçant ses bourreaux Une rivière de sang abreuvant ses paroles réveillées par la surprise soudaine révélation médiocrité humaine. C’était au mois de mai, un jour de printemps Un oiseau se baigna dans la mare érubescente l’œil mouillé, il regarda les hommes ivres La beauté les avait quittés Ils n’étaient que des marionnettes de guerre

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    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Fantasmagorie d’un suicide annoncé Naissance virginale Mise en scène parfaite Ton ombre torturée par la passion virevolte dans la lanterne magique La tempe éclatée, le pistolet à la main les lettres froidement rédigées Une mélodie hypnotique et fascinante retentit bande son de cette macabre découverte L’incantation peut commencer La danse de minuit à la lueur du feu rituel inconscient obscur envoutant symphonie des ténèbres aux pas artificiels des danseurs survoltés exorcise ton amour sorcier Tu es partie Ton nom je ne le prononcerai plus jamais Je te laisserai reposer dans le silence froid ultime désespoir

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    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    La date Elle voudrait connaître la date pour enfin arrêter son cœur. Le supplice qui nous écrase volatilise son existence caresse son âme une plume rigide à la main. Elle voudrait connaître le jour fait de néants pour pouvoir construire son aujourd’hui d’une tendre reconnaissance. Elle voudrait savourer la vérité seule, unique, irréfutable responsable de toutes les douleurs. Elle voudrait ne pas vouloir ne pas respirer se noyer dans son sang chaud sur un lit de neige froide en tombant de la falaise de ses désirs.

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    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Le musicien Tintement assoiffé de vie s’atomisant à l’aurore de l’année La prison s’est ouverte Le bécotement solitaire est terminé Ton flanc bleu respire la liberté Quelques clochettes bourdonnent Le carillon grelotte Le miroir te cherche Le sol t’accueille figé glacial Marcel Le trou est creusé La loge est vide Sous une douleur marmoréenne la musique ruisselle éloignée

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    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Le rendez-vous Rendez-vous manqué d’une soyeuse nuit Boule de neige dans la glace de mon esprit Je croyais dans la beauté des paysages blanchis Neige, neige d’un amour englouti Je t’ai attendu Glaçon Tu n’es pas venu La tempête enflammée a fondu mon étincelle Pourquoi ? Tu disais notre amour inéluctable Ton excuse : Parois de glace qui ensevelit Je ne te pardonnerai jamais Rendez-vous d’une mort subite Froid

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    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Pourquoi ? Les couleurs ne sont plus triomphantes. Les musiciens jouent une marche funèbre. Mes yeux se noient dans l’amertume. La maigreur de la pensée trahit l’apocalypse. Je cherche dans ce labyrinthe l’essence primordiale, elle n’est plus là, elle n’a jamais été là. Sur mes épaules des douleurs ancestrales luttent. Je hurle mon malaise ! Personne ne vient. Personne ne veut plus m’écouter. Une vague déferlante sature mon cloître. La nuit tombe sans un bruit sur ma tombe. Ivresse apathique Cadavre éternel. Je ne sais pas ! Pourquoi ?

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    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Thaumaturge des enfants Ton départ abrupt a broyé mon cœur Déchirure extrême Artère explosée Noyé dans ton sang par une mort inattendue tu n’es plus hic et nunc. Des larmes de chagrin ruissellent sur mes joues, mes rêves sont envahis de moments partagés Images trop vivantes âme transcendante Nuage rassurant sur la tête de mes enfants Tu n’es que poussière éternelle ici et maintenant.

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    S

    Séb

    @seb

    Attaque L’océan saigné se signe d’écume dans ce damier de chairs et de chocs Le soudain s’est soulevé Débarrassé de son équilibre le corps s’expulse la mort lente planche : Cruauté qui se crampe Une dérive dessine son amputation

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

    Théodore Agrippa d'Aubigné

    @theodoreAgrippaDaubigne

    Accourez au secours de ma mort Accourez au secours à ma mort violente, Amans, nochers experts en la peine où je suis, Vous qui avez suivi la route que je suis Et d’amour esprouvé les flots et la tourmente. Le pilote qui voit une nef perissante, En l’amoureuse mer remarquant les ennuis Qu’autrefois il risqua, tremble et luy est advis Que d’une telle fin il ne pert que l’attente. Ne venez point ici en espoir de pillage ; Vous ne pouvez tirer profit de mon naufrage : Je n’ay que des souspirs, de l’espoir, et des pleurs. Pour avoir mes souspirs les vents lèvent les armes, Pour l’air font mes espoirs volagers et menteurs, La mer me fait perir pour s’enfler de mes larmes.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

    Théodore Agrippa d'Aubigné

    @theodoreAgrippaDaubigne

    Extase Ainsi l’amour du Ciel ravit en ces hauts lieux Mon âme sans la mort, et le corps en ce monde Va soupirant çà bas à liberté seconde De soupirs poursuivant l’âme jusques aux Cieux. Vous courtisez le Ciel, faibles et tristes yeux, Quand votre âme n’est plus en cette terre ronde : Dévale, corps lassé, dans la fosse profonde, Vole en ton paradis, esprit victorieux. Ô la faible espérance, inutile souci, Aussi loin de raison que du Ciel jusqu’ici, Sur les ailes de foi délivre tout le reste. Céleste amour, qui as mon esprit emporté, Je me vois dans le sein de la Divinité, Il ne faut que mourir pour être tout céleste.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

    Théodore Agrippa d'Aubigné

    @theodoreAgrippaDaubigne

    Prière du matin Le Soleil couronné de rayons et de flammes Redore nostre aube à son tour : Ô sainct Soleil des Saincts, Soleil du sainct amour, Perce de flesches d’or les tenebres des ames En y rallumant le beau jour. Le Soleil radieux jamais ne se courrouce, Quelque fois il cache ses yeux : C’est quand la terre exhalle en amas odieux Un voile de vapeurs qu’au devant elle pousse, En se troublant, et non les Cieux. Jesus est toujours clair, mais lors son beau visage Nous cache ses rayons si doux, Quand nos pechez fumans entre le Ciel et nous, De vices redoublez enlevent un nuage Qui noircit le Ciel de courroux. Enfin ce noir rempart se dissout et s’esgare Par la force du grand flambeau. Fuyez, pechez, fuyez : le Soleil clair et beau Vostre amas vicieux et dissipe et separe, Pour nous oster nostre bandeau. Nous ressusciterons des sepulchres funebres, Comme le jour de la nuict sort Si la premiere mort de la vie est le port, Le beau jour est la fin des espaisses tenebres, Et la vie est fin de la mort.

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    Théodore Agrippa d'Aubigné

    Théodore Agrippa d'Aubigné

    @theodoreAgrippaDaubigne

    Soupirs épars, sanglots en l’air perdus Soupirs épars, sanglots en l’air perdus, Témoins piteux des douleurs de ma gêne, Regrets tranchants avortés de ma peine, Et vous, mes yeux, en mes larmes fondus, Désirs tremblants, mes pensers éperdus, Plaisirs trompés d’une espérance vaine, Tous les tressauts qu’à ma mort inhumaine Mes sens lassés à la fin ont rendus, Cieux qui sonnez après moi mes complaintes, Mille langueurs de mille morts éteintes, Faites sentir à Diane le tort Qu’elle me tient, de son heur ennemie, Quand elle cherche en ma perte sa vie Et que je trouve en sa beauté la mort !

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    La colombe blessée Ô colombe qui meurs dans le ciel azuré, Rouvre un instant les yeux, mourante aux blanches ailes ! Le vautour qui te tue expire, déchiré Par des flèches mortelles. Va, tu tombes vengée, ô victime, et ta soeur Peut voir, en traversant la forêt d’ombre pleine, L’oiseau tout sanglant pendre au carquois d’un chasseur Qui passe dans la plaine. Le jeune archer, folâtre et chantant des chansons, Passe, sa proie au dos, par les herbes fleuries, Laissant déchiqueter par les dents des buissons Ces dépouilles meurtries.

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    T

    Théophile de Viau

    @theophileDeViau

    À Monsieur de L. sur la mort de son pire Ôte-toi, laisse-moi rêver. Je sens un feu se soulever Dont mon âme est toute embrasée. ô beaux prés, beaux rivages verts, ô grands flambeaux de l'univers, Que je trouve ma veine aisée! Belle Aurore, douce rosée, Que vous m'allez donner de vers ! Le vent s'enfuit dans les ormeaux, Et pressant les feuillus rameaux Abat le reste de la nue; Iris a perdu ses couleurs ; L'air n'a plus d'ombre, ni de pleurs ; La bergère aux champs revenue, Mouillant sa jambe toute nue, Foule les herbes et les fleurs. Ces longues pluies dont l'hiver Empêchait Tircis d'arriver Ne seront plus continuées, L'orage ne fait plus de bruit, La clarté dissipe la nuit, Ses noirceurs sont diminuées, Le vent emporte les nuées, Et voilà le soleil qui luit. Mon Dieu, que le soleil est beau ! Que les froides nuits du tombeau Font d'outrages à la nature! La mort grosse de déplaisirs, De ténèbres et de soupirs, D'os, de vers et de pourriture, Étouffe dans la sépulture Et nos forces et nos désirs. Chez elle les géants sont nains, Les Mores et les Africains Sont aussi glacés que le Scythe, Les dieux y tirent l'aviron, César comme le bûcheron, Attendant que l'on ressuscite, Tous les jours au bord du Cocyte Se trouve au lever de Charon °. Tircis, vous y viendrez un jour; Alors les Grâces et l'Amour Vous quitteront sur le passage, Et dedans ces royaumes vains, Effacé du rang des humains, Sans mouvement et sans visage, Vous ne trouverez plus l'usage Ni de vos yeux ni de vos mains. Votre père est enseveli, Et dans les noirs flots de l'oubli " Où la Parque l'a fait descendre, Il ne sait rien de votre ennui, Et ne fût-il mort qu'aujourd'hui, Puisqu'il n'est plus qu'os et que cendre, Il est aussi mort qu'Alexandre Et vous touche aussi peu que lui. Saturne n'a plus ses maisons, Ni ses ailes, ni ses saisons : Les destins en ont fait une ombre; Ce grand Mars n'est-il pas détruit? Ses faits ne sont qu'un peu de bruit. Jupiter n'est plus qu'un feu sombre Qui se cache parmi le nombre Des petits flambeaux de la nuit. Le cours des ruisselets errants, La fièrel chute des torrents, Les rivières, les eaux salées, Perdront et bruit et mouvement; Le soleil insensiblement Les ayant toutes avalées, Dedans les voûtes étoilées Transportera leur élément. Le sable, le poisson, les flots, Le navire, les matelots, Tritons et Nymphes et Neptune À la fin se verront perclus ; Sur leur dos ne se fera plus Rouler le char de la Fortune, Et l'influence de la lune Abandonnera le reflux. Les planètes s'arrêteront, Les éléments se mêleront En cette admirable structure Dont le ciel nous laisse jouir. Ce qu'on voit, ce qu'on peut ouïr, Passera comme une peinture : L'impuissance de la nature Laissera tout évanouir. Celui qui formant le soleil Arracha d'un profond sommeil L'air et le feu, la terre et l'onde, Renversera d'un coup de main La demeure du genre humain Et la base où le ciel se fonde : Et ce grand désordre du monde Peut-être arrivera demain.

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Coquetterie posthume Quand je mourrai, que l'on me mette, Avant de clouer mon cercueil, Un peu de rouge à la pommette, Un peu de noir au bord de l'oeil. Car je veux dans ma bière close, Comme le soir de son aveu, Rester éternellement rose Avec du kh'ol sous mon oeil bleu. Pas de suaire en toile fine, Mais drapez-moi dans les plis blancs De ma robe de mousseline, De ma robe à treize volants. C'est ma parure préférée ; Je la portais quand je lui plus. Son premier regard l'a sacrée, Et depuis je ne la mis plus. Posez-moi, sans jaune immortelle, Sans coussin de larmes brodé, Sur mon oreiller de dentelle De ma chevelure inondé. Cet oreiller, dans les nuits folles, A vu dormir nos fronts unis, Et sous le drap noir des gondoles Compté nos baisers infinis. Entre mes mains de cire pâle, Que la prière réunit, Tournez ce chapelet d'opale, Par le pape à Rome bénit : Je l'égrènerai dans la couche D'où nul encor ne s'est levé ; Sa bouche en a dit sur ma bouche Chaque Pater et chaque Ave.

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    La mort La mort est multiforme, elle change de masque Et d'habit plus souvent qu'une actrice fantasque ; Elle sait se farder, Et ce n'est pas toujours cette maigre carcasse, Qui vous montre les dents et vous fait la grimace Horrible à regarder. Ses sujets ne sont pas tous dans le cimetière, Ils ne dorment pas tous sur des chevets de pierre À l'ombre des arceaux ; Tous ne sont pas vêtus de la pâle livrée, Et la porte sur tous n'est pas encor murée Dans la nuit des caveaux. Il est des trépassés de diverse nature : Aux uns la puanteur avec la pourriture, Le palpable néant, L'horreur et le dégoût, l'ombre profonde et noire Et le cercueil avide entr'ouvrant sa mâchoire Comme un monstre béant ; Aux autres, que l'on voit sans qu'on s'en épouvante Passer et repasser dans la cité vivante Sous leur linceul de chair, L'invisible néant, la mort intérieure Que personne ne sait, que personne ne pleure, Même votre plus cher. Car, lorsque l'on s'en va dans les villes funèbres Visiter les tombeaux inconnus ou célèbres, De marbre ou de gazon ; Qu'on ait ou qu'on n'ait pas quelque paupière amie Sous l'ombrage des ifs à jamais endormie, Qu'on soit en pleurs ou non, On dit : ceux-là sont morts. La mousse étend son voile Sur leurs noms effacés ; le ver file sa toile Dans le trou de leurs yeux ; Leurs cheveux ont percé les planches de la bière ; À côté de leurs os, leur chair tombe en poussière Sur les os des aïeux. Leurs héritiers, le soir, n'ont plus peur qu'ils reviennent ; C'est à peine à présent si leurs chiens s'en souviennent, Enfumés et poudreux, Leurs portraits adorés traînent dans les boutiques ; Leurs jaloux d'autrefois font leurs panégyriques ; Tout est fini pour eux. L'ange de la douleur, sur leur tombe en prière, Est seul à les pleurer dans ses larmes de pierre, Comme le ver leur corps, L'oubli ronge leur nom avec sa lime sourde ; Ils ont pour drap de lit six pieds de terre lourde. Ils sont morts, et bien morts ! Et peut-être une larme, à votre âme échappée, Sur leur cendre, de pluie et de neige trempée, Filtre insensiblement, Qui les va réjouir dans leur triste demeure ; Et leur coeur desséché, comprenant qu'on les pleure, Retrouve un battement. Mais personne ne dit, voyant un mort de l'âme : Paix et repos sur toi ! L'on refuse à la lame Ce qu'on donne au fourreau ; L'on pleure le cadavre et l'on panse la plaie, L'âme se brise et meurt sans que nul s'en effraie Et lui dresse un tombeau. Et cependant il est d'horribles agonies Qu'on ne saura jamais ; des douleurs infinies Que l'on n'aperçoit pas. Il est plus d'une croix au calvaire de l'âme Sans l'auréole d'or, et sans la blanche femme Échevelée au bas. Toute âme est un sépulcre où gisent mille choses ; Des cadavres hideux dans des figures roses Dorment ensevelis. On retrouve toujours les larmes sous le rire, Les morts sous les vivants, et l'homme est à vrai dire Une nécropolis. Les tombeaux déterrés des vieilles cités mortes, Les chambres et les puits de la Thèbe aux cent portes Ne sont pas si peuplés ; On n'y rencontre pas de plus affreux squelettes. Un plus vaste fouillis d'ossements et de têtes Aux ruines mêlés. L'on en voit qui n'ont pas d'épitaphe à leurs tombes, Et de leurs trépassés font comme aux catacombes Un grand entassement ; Dont le coeur est un champ uni, sans croix ni pierres, Et que l'aveugle mort de diverses poussières Remplit confusément. D'autres, moins oublieux, ont des caves funèbres Où sont rangés leurs morts, comme celles des guèbres Ou des égyptiens ; Tout autour de leur coeur sont debout les momies, Et l'on y reconnaît les figures blémies De leurs amours anciens. Dans un pur souvenir chastement embaumée Ils gardent au fond d'eux l'âme qu'ils ont aimée ; Triste et charmant trésor ! La mort habite en eux au milieu de la vie ; Ils s'en vont poursuivant la chère ombre ravie Qui leur sourit encor. Où ne trouve-t-on pas, en fouillant, un squelette ? Quel foyer réunit la famille complète En cercle chaque soir ? Et quel seuil, si riant et si beau qu'il puisse être, Pour ne pas revenir n'a vu sortir le maître Avec un manteau noir ? Cette petite fleur, qui, toute réjouie, Fait baiser au soleil sa bouche épanouie, Est fille de la mort. En plongeant sous le sol, peut-être sa racine Dans quelque cendre chère a pris l'odeur divine Qui vous charme si fort. Ô fiancés d'hier, encore amants, l'alcôve Où nichent vos amours, à quelque vieillard chauve A servi comme à vous ; Avant vos doux soupirs elle a redit son râle, Et son souvenir mêle une odeur sépulcrale À vos parfums d'époux ! Où donc poser le pied qu'on ne foule une tombe ? Ah ! Lorsque l'on prendrait son aile à la colombe, Ses pieds au daim léger ; Qu'on irait demander au poisson sa nageoire, On trouvera partout l'hôtesse blanche et noire Prête à vous héberger. Cessez donc, cessez donc, ô vous, les jeunes mères Berçant vos fils aux bras des riantes chimères, De leur rêver un sort ; Filez-leur un suaire avec le lin des langes. Vos fils, fussent-ils purs et beaux comme les anges, Sont condamnés à mort !

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Les joujoux de la morte La petite Marie est morte, Et son cercueil est si peu long Qu’il tient sous le bras qui l’emporte Comme un étui de violon. Sur le tapis et sur la table Traîne l’héritage enfantin. Les bras ballants, l’air lamentable, Tout affaissé, gît le pantin. Et si la poupée est plus ferme, C’est la faute de son bâton ; Dans son oeil une larme germe, Un soupir gonfle son carton. Une dînette abandonnée Mêle ses plats de bois verni A la troupe désarçonnée Des écuyers de Franconi. La boîte à musique est muette ; Mais, quand on pousse le ressort Où se posait sa main fluette, Un murmure plaintif en sort. L’émotion chevrote et tremble Dans : Ah ! vous dirai-je maman ! Le Quadrille des Lanciers semble Triste comme un enterrement, Et des pleurs vous mouillent la joue Quand la Donna è mobile, Sur le rouleau qui tourne et joue, Expire avec un son filé. Le coeur se navre à ce mélange Puérilement douloureux, Joujoux d’enfant laissés par l’ange, Berceau que la tombe a fait creux !

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    Tristan Corbière

    Tristan Corbière

    @tristanCorbiere

    Le mousse Mousse : il est donc marin, ton père ?… – Pêcheur. Perdu depuis longtemps. En découchant d’avec ma mère, Il a couché dans les brisants … Maman lui garde au cimetière Une tombe – et rien dedans – C’est moi son mari sur la terre, Pour gagner du pain aux enfants. Deux petits. – Alors, sur la plage, Rien n’est revenu du naufrage ? … – Son garde-pipe et son sabot … La mère pleure, le dimanche, Pour repos… Moi : j’ai ma revanche Quand je serai grand – matelot ! –

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    Tristan Corbière

    Tristan Corbière

    @tristanCorbiere

    Rondel Il fait noir, enfant, voleur d'étincelles ! Il n'est plus de nuits, il n'est plus de jours ; Dors… en attendant venir toutes celles Qui disaient : Jamais ! Qui disaient : Toujours ! Entends-tu leurs pas ? … Ils ne sont pas lourds : Oh ! les pieds légers ! – l'Amour a des ailes… Il fait noir, enfant, voleur d'étincelles ! Entends-tu leurs voix ? … Les caveaux sont sourds.

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    T

    Tristan L'Hermite

    @tristanLhermite

    Consolation à idalie sur la mort d'un parent Puisque votre Parent ne s'est peu dispensé De servir de victime au Démon de la guerre : C'est, ô belle Idalie, une erreur de penser Que les plus beaux Lauriers soient exempts du tonnerre. Si la Mort connaissait le prix de la valeur Ou se laissait surprendre aux plus aimables charmes, Sans doute que Daphnis garanti du malheur, En conservant sa vie, eût épargné vos larmes. Mais la Parque sujette à la Fatalité, Ayant les yeux bandés et l'oreille fermée, Ne sait pas discerner les traits de la Beauté, Et n'entend point le bruit que fait la Renommée.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Aux morts du 4 décembre Jouissez du repos que vous donne le maître. Vous étiez autrefois des coeurs troublés peut-être, Qu’un vain songe poursuit ; L’erreur vous tourmentait, ou la haine, ou l’envie ; Vos bouches, d’où sortait la vapeur de la vie, Étaient pleines de bruit. Faces confusément l’une à l’autre apparues, Vous alliez et veniez en foule dans les rues, Ne vous arrêtant pas, Inquiets comme l’eau qui coule des fontaines, Tous, marchant au hasard, souffrant les mêmes peines, Mêlant les mêmes pas. Peut-être un feu creusait votre tête embrasée, Projets, espoirs, briser l’homme de l’Élysée, L’homme du Vatican, Verser le libre esprit à grands flots sur la terre ; Car dans ce siècle ardent toute âme est un cratère Et tout peuple un volcan. Vous aimiez, vous aviez le coeur lié de chaînes, Et le soir vous sentiez, livrés aux craintes vaines, Pleins de soucis poignants, Ainsi que l’océan sent remuer ses ondes, Se soulever en vous mille vagues profondes Sous les cieux rayonnants. Tous, qui que vous fussiez, tête ardente, esprit sage, Soit qu’en vos yeux brillât la jeunesse, ou que l’âge Vous prît et vous courbât, Que le destin pour vous fût deuil, énigme ou fête, Vous aviez dans vos coeurs l’amour, cette tempête, La douleur, ce combat. Grâce au quatre décembre, aujourd’hui, sans pensée, Vous gisez étendus dans la fosse glacée Sous les linceuls épais ; Ô morts, l’herbe sans bruit croît sur vos catacombes, Dormez dans vos cercueils ! taisez-vous dans vos tombes ! L’empire, c’est la paix.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Ce que c’est que la mort Ne dites pas : mourir ; dites : naître. Croyez. On voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est l’homme mauvais que je suis, que vous êtes ; On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fêtes ; On tâche d’oublier le bas, la fin, l’écueil, La sombre égalité du mal et du cercueil ; Quoique le plus petit vaille le plus prospère ; Car tous les hommes sont les fils du même père ; Ils sont la même larme et sortent du même oeil. On vit, usant ses jours à se remplir d’orgueil ; On marche, on court, on rêve, on souffre, on penche, on tombe, On monte. Quelle est donc cette aube ? C’est la tombe. Où suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnu Vous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu, Impur, hideux, noué des mille noeuds funèbres De ses torts, de ses maux honteux, de ses ténèbres ; Et soudain on entend quelqu’un dans l’infini Qui chante, et par quelqu’un on sent qu’on est béni, Sans voir la main d’où tombe à notre âme méchante L’amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et, d’extase et d’azur s’emplissant, Tout notre être frémit de la défaite étrange Du monstre qui devient dans la lumière un ange.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Claire Quoi donc ! la vôtre aussi ! la vôtre suit la mienne ! O mère au coeur profond, mère, vous avez beau Laisser la porte ouverte afin qu’elle revienne, Cette pierre là-bas dans l’herbe est un tombeau ! La mienne disparut dans les flots qui se mêlent ; Alors, ce fut ton tour, Claire, et tu t’envolas. Est-ce donc que là-haut dans l’ombre elles s’appellent, Qu’elles s’en vont ainsi l’une après l’autre, hélas ? Enfant qui rayonnais, qui chassais la tristesse, Que ta mère jadis berçait de sa chanson, Qui d’abord la charmas avec ta petitesse Et plus tard lui remplis de clarté l’horizon, Voilà donc que tu dors sous cette pierre grise ! Voilà que tu n’es plus, ayant à peine été ! L’astre attire le lys, et te voilà reprise, O vierge, par l’azur, cette virginité ! Te voilà remontée au firmament sublime, Échappée aux grands cieux comme la grive aux bois, Et, flamme, aile, hymne, odeur, replongée à l’abîme Des rayons, des amours, des parfums et des voix ! Nous ne t’entendrons plus rire en notre nuit noire. Nous voyons seulement, comme pour nous bénir, Errer dans notre ciel et dans notre mémoire Ta figure, nuage, et ton nom, souvenir ! Pressentais-tu déjà ton sombre épithalame ? Marchant sur notre monde à pas silencieux, De tous les idéals tu composais ton âme, Comme si tu faisais un bouquet pour les cieux ! En te voyant si calme et toute lumineuse, Les coeurs les plus saignants ne haïssaient plus rien. Tu passais parmi nous comme Ruth la glaneuse , Et, comme Ruth l’épi, tu ramassais le bien. La nature, ô front pur, versait sur toi sa grâce, L’aurore sa candeur, et les champs leur bonté ; Et nous retrouvions, nous sur qui la douleur passe, Toute cette douceur dans toute ta beauté ! Chaste, elle paraissait ne pas être autre chose Que la forme qui sort des cieux éblouissants ; Et de tous les rosiers elle semblait la rose, Et de tous les amours elle semblait l’encens. Ceux qui n’ont pas connu cette charmante fille Ne peuvent pas savoir ce qu’était ce regard Transparent comme l’eau qui s’égaie et qui brille Quand l’étoile surgit sur l’océan hagard. Elle était simple, franche, humble, naïve et bonne ; Chantant à demi-voix son chant d’illusion, Ayant je ne sais quoi dans toute sa personne De vague et de lointain comme la vision. On sentait qu’elle avait peu de temps sur la terre, Qu’elle n’apparaissait que pour s’évanouir, Et qu’elle acceptait peu sa vie involontaire ; Et la tombe semblait par moments l’éblouir. Elle a passé dans l’ombre où l’homme se résigne ; Le vent sombre soufflait ; elle a passé sans bruit, Belle, candide, ainsi qu’une plume de cygne Qui reste blanche, même en traversant la nuit ! Elle s’en est allée à l’aube qui se lève, Lueur dans le matin, vertu dans le ciel bleu, Bouche qui n’a connu que le baiser du rêve, Ame qui n’a dormi que dans le lit de Dieu ! Nous voici maintenant en proie aux deuils sans bornes, Mère, à genoux tous deux sur des cercueils sacrés, Regardant à jamais dans les ténèbres mornes La disparition des êtres adorés ! Croire qu’ils resteraient ! quel songe ! Dieu les presse. Même quand leurs bras blancs sont autour de nos cous, Un vent du ciel profond fait frissonner sans cesse Ces fantômes charmants que nous croyons à nous. Ils sont là, près de nous, jouant sur notre route ; Ils ne dédaignent pas notre soleil obscur, Et derrière eux, et sans que leur candeur s’en doute, Leurs ailes font parfois de l’ombre sur le mur. Ils viennent sous nos toits ; avec nous ils demeurent ; Nous leur disons : Ma fille, ou : Mon fils ; ils sont doux, Riants, joyeux, nous font une caresse, et meurent. – O mère, ce sont là les anges, voyez-vous ! C’est une volonté du sort, pour nous sévère, Qu’ils rentrent vite au ciel resté pour eux ouvert ; Et qu’avant d’avoir mis leur lèvre à notre verre, Avant d’avoir rien fait et d’avoir rien souffert, Ils partent radieux ; et qu’ignorant l’envie, L’erreur, l’orgueil, le mal, la haine, la douleur, Tous ces êtres bénis s’envolent de la vie A l’âge où la prunelle innocente est en fleur ! Nous qui sommes démons ou qui sommes apôtres, Nous devons travailler, attendre, préparer ; Pensifs, nous expions pour nous-même ou pour d’autres ; Notre chair doit saigner, nos yeux doivent pleurer. Eux, ils sont l’air qui fuit, l’oiseau qui ne se pose Qu’un instant, le soupir qui vole, avril vermeil Qui brille et passe ; ils sont le parfum de la rose Qui va rejoindre aux cieux le rayon du soleil ! Ils ont ce grand dégoût mystérieux de l’âme Pour notre chair coupable et pour notre destin ; Ils ont, êtres rêveurs qu’un autre azur réclame, Je ne sais quelle soif de mourir le matin ! Ils sont l’étoile d’or se couchant dans l’aurore, Mourant pour nous, naissant pour l’autre firmament ; Car la mort, quand un astre en son sein vient éclore, Continue, au delà, l’épanouissement ! Oui, mère, ce sont là les élus du mystère, Les envoyés divins, les ailés, les vainqueurs, A qui Dieu n’a permis que d’effleurer la terre Pour faire un peu de joie à quelques pauvres coeurs. Comme l’ange à Jacob, comme Jésus à Pierre, Ils viennent jusqu’à nous qui loin d’eux étouffons, Beaux, purs, et chacun d’eux portant sous sa paupière La sereine clarté des paradis profonds. Puis, quand ils ont, pieux, baisé toutes nos plaies, Pansé notre douleur, azuré nos raisons, Et fait luire un moment l’aube à travers nos claies, Et chanté la chanson du ciel dam nos maisons, Ils retournent là-haut parler à Dieu des hommes, Et, pour lui faire voir quel est notre chemin, Tout ce que nous souffrons et tout ce que nous sommes, S’en vont avec un peu de terre dans la main. Ils s’en vont ; c’est tantôt l’éclair qui les emporte, Tantôt un mal plus fort que nos soins superflus. Alors, nous, pâles, froids, l’oeil fixé sur la porte, Nous ne savons plus rien, sinon qu’ils ne sont plus. Nous disons : – A quoi bon l’âtre sans étincelles ? A quoi bon la maison où ne sont plus leurs pas ? A quoi bon la ramée où ne sont plus les ailes ? Qui donc attendons-nous s’ils ne reviendront pas ? – Ils sont partis, pareils au bruit qui sort des lyres. Et nous restons là, seuls, près du gouffre où tout fuit, Tristes ; et la lueur de leurs charmants sourires Parfois nous apparaît vaguement dans la nuit. Car ils sont revenus, et c’est là le mystère ; Nous entendons quelqu’un flotter, un souffle errer, Des robes effleurer notre seuil solitaire, Et cela fait alors que nous pouvons pleurer. Nous sentons frissonner leurs cheveux dans notre ombre ; Nous sentons, lorsqu’ayant la lassitude en nous, Nous nous levons après quelque prière sombre, Leurs blanches mains toucher doucement nos genoux. Ils nous disent tout bas de leur voix la plus tendre : « Mon père, encore un peu ! ma mère, encore un jour ! « M’entends-tu ? je suis là, je reste pour t’attendre « Sur l’échelon d’en bas de l’échelle d’amour. « Je t’attends pour pouvoir nous en aller ensemble. « Cette vie est amère, et tu vas en sortir. « Pauvre coeur, ne crains rien, Dieu vit ! la mort rassemble. « Tu redeviendras ange ayant été martyr. » Oh ! quand donc viendrez-vous ? Vous retrouver, c’est naître. Quand verrons-nous, ainsi qu’un idéal flambeau, La douce étoile mort, rayonnante, apparaître A ce noir horizon qu’on nomme le tombeau ? Quand nous en irons-nous où vous êtes, colombes ! Où sont les enfants morts et les printemps enfuis, Et tous les chers amours dont nous sommes les tombes, Et toutes les clartés dont nous sommes les nuits ? Vers ce grand ciel clément où sont tous les dictames, Les aimés, les absents, les êtres purs et doux, Les baisers des esprits et les regards des âmes, Quand nous en irons-nous ? quand nous en irons-nous ? Quand nous en irons-nous où sont l’aube et la foudre ? Quand verrons-nous, déjà libres, hommes encor, Notre chair ténébreuse en rayons se dissoudre, Et nos pieds faits de nuit éclore en ailes d’or ? Quand nous enfuirons-nous dans la joie infinie Où les hymnes vivants sont des anges voilés, Où l’on voit, à travers l’azur de l’harmonie, La strophe bleue errer sur les luths étoilés ? Quand viendrez-vous chercher notre humble coeur qui sombre ? Quand nous reprendrez-vous à ce monde charnel, Pour nous bercer ensemble aux profondeurs de l’ombre, Sous l’éblouissement du regard éternel ?

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Demain, dès l'aube Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forêt, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    La mort du chien Un groupe tout à l’heure était là sur la grève, Regardant quelque chose à terre : « Un chien qui crève ! » M’ont crié des enfants ; voilà tout ce que c’est ! Et j’ai vu sous leurs pieds un vieux chien qui gisait. L’océan lui jetait l’écume de ses lames. « Voilà trois jours qu’il est ainsi », disaient les femmes. « On a beau lui parler, il n’ouvre pas les yeux » « Son maître est un marin absent », disait un vieux. Un pilote, passant la tête à la fenêtre, A repris : « le chien meurt de ne plus voir son maître! Justement le bateau vient d’entrer dans le port. Le maître va venir, mais le chien sera mort! » Je me suis arrêté près de la triste bête, qui, sourde, ne bougeant ni le corps ni la tête, Les yeux fermés, semblait morte sur le pavé. Comme le soir tombait, le maître est arrivé, Vieux lui même, et, hâtant son pas que l’âge casse, A murmuré le nom de son chien à voix basse. Alors, rouvrant ses yeux pleins d’ombre, extenué, Le chien a regardé son maître, a remué Une dernière fois sa pauvre vieille queue, Puis est mort. C’était l’heure où, sous la voûte bleue, Comme un flambeau qui sort d’un gouffre, Vénus luit ; Et j’ai dit : « D’où vient l’astre ? où va le chien ? ô nuit ! »

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    Victor Hugo

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    @victorHugo

    Oceano Nox Oh ! combien de marins, combien de capitaines Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines, Dans ce morne horizon se sont évanouis ? Combien ont disparu, dure et triste fortune ? Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune, Sous l’aveugle océan à jamais enfouis ? Combien de patrons morts avec leurs équipages ? L’ouragan de leur vie a pris toutes les pages Et d’un souffle il a tout dispersé sur les flots ! Nul ne saura leur fin dans l’abîme plongée, Chaque vague en passant d’un butin s’est chargée ; L’une a saisi l’esquif, l’autre les matelots ! Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues ! Vous roulez à travers les sombres étendues, Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus Oh ! que de vieux parents qui n’avaient plus qu’un rêve, Sont morts en attendant tous les jours sur la grève Ceux qui ne sont pas revenus ! On s’entretient de vous parfois dans les veillées, Maint joyeux cercle, assis sur les ancres rouillées, Mêle encore quelque temps vos noms d’ombre couverts, Aux rires, aux refrains, aux récits d’aventures, Aux baisers qu’on dérobe à vos belles futures Tandis que vous dormez dans les goémons verts ! On demande: « Où sont-ils ? Sont-ils rois dans quelque île ? Nous ont’ ils délaissés pour un bord plus fertile ? » Puis, votre souvenir même est enseveli. Le corps se perd dans l’eau, le nom dans la mémoire. Le temps qui sur toute ombre en verse une plus noire, Sur le sombre océan jette le sombre oubli. Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue. L’un n’a-t-il pas sa barque et l’autre sa charrue ? Seules, durant ces nuits où l’orage est vainqueur, Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre, Parlent encore de vous en remuant la cendre De leur foyer et de leur coeur ! Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière, Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre Dans l’étroit cimetière où l’écho nous répond, Pas même un saule vert qui s’effeuille à l’automne, Pas même la chanson naïve et monotone Que chante un mendiant à l’angle d’un vieux pont ! Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ? O flots ! que vous savez de lugubres histoires ! Flots profonds redoutés des mères à genoux ! Vous vous les racontez en montant les marées, Et c’est ce qui vous fait ces voix désespérées Que vous avez le soir, quand vous venez vers nous !

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    À la mère de l'enfant mort Oh ! vous aurez trop dit au pauvre petit ange Qu'il est d'autres anges là-haut, Que rien ne souffre au ciel, que jamais rien n'y change, Qu'il est doux d'y rentrer bientôt ; Que le ciel est un dôme aux merveilleux pilastres, Une tente aux riches couleurs, Un jardin bleu rempli de lis qui sont des astres, Et d'étoiles qui sont des fleurs ; Que c'est un lieu joyeux plus qu'on ne saurait dire, Où toujours, se laissant charmer, On a les chérubins pour jouer et pour rire, Et le bon Dieu pour nous aimer ; Qu'il est doux d'être un coeur qui brûle comme un cierge, Et de vivre, en toute saison, Près de l'enfant Jésus et de la sainte Vierge Dans une si belle maison ! Et puis vous n'aurez pas assez dit, pauvre mère, A ce fils si frêle et si doux, Que vous étiez à lui dans cette vie amère, Mais aussi qu'il était à vous ; Que, tant qu'on est petit, la mère sur nous veille, Mais que plus tard on la défend ; Et qu'elle aura besoin, quand elle sera vieille, D'un homme qui soit son enfant ; Vous n'aurez point assez dit à cette jeune âme Que Dieu veut qu'on reste ici-bas, La femme guidant l'homme et l'homme aidant la femme, Pour les douleurs et les combats ; Si bien qu'un jour, ô deuil ! irréparable perte ! Le doux être s'en est allé !... - Hélas ! vous avez donc laissé la cage ouverte, Que votre oiseau s'est envolé ! Avril 1843.

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    Victor Hugo

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    @victorHugo

    À Laure, duchesse d'A Le conseil municipal de la ville de Paris a refusé de donner six pieds de terre dans le cimetière du Père-Lachaise pour le tombeau de la veuve de Junot, ancien gouverneur de Paris. Le ministre de l'intérieur a également refusé un morceau de marbre pour ce monument. (Journaux de février 1840.) Puisqu'ils n'ont pas compris, dans leur étroite sphère, Qu'après tant de splendeur, de puissance et d'orgueil, Il était grand et beau que la France dût faire L'aumône d'une fosse à ton noble cercueil ; Puisqu'ils n'ont pas senti que celle qui sans crainte Toujours loua la gloire et flétrit les bourreaux A le droit de dormir sur la colline sainte, A le droit de dormir à l'ombre des héros ; Puisque le souvenir de nos grandes batailles Ne brûle pas en eux comme un sacré flambeau ; Puisqu'ils n'ont pas de cœur, puisqu'ils n'ont point d'entrailles, Puisqu'ils t'ont refusé la pierre d'un tombeau ; C'est à nous de chanter un chant expiatoire ! C'est à nous de t'offrir notre deuil à genoux ! C'est à nous, c'est à nous de prendre ta mémoire Et de l'ensevelir dans un vers triste et doux ! C'est à nous cette fois de garder, de défendre La mort contre l'oubli, son pâle compagnon ; C'est à nous d'effeuiller des roses sur ta cendre, C'est à nous de jeter des lauriers sur ton nom ! Puisqu'un stupide affront, pauvre femme endormie, Monte jusqu'à ton front que César étoila, C'est à moi, dont ta main pressa la main amie, De te dire tout bas : Ne crains rien ! je suis là ! Car j'ai ma mission ; car, armé d'une lyre. Plein d'hymnes irrités ardents à s'épancher, Je garde le trésor des gloires de l'Empire ; Je n'ai jamais souffert qu'on osât y toucher ! Car ton cœur abondait en souvenirs fidèles ! Dans notre ciel sinistre et sur nos tristes jours, Ton noble esprit planait avec de nobles ailes, Comme un aigle souvent, comme un ange toujours ! Car, forte pour tes maux et bonne pour les nôtres, Livrée à la tempête et femme en proie au sort, Jamais tu n'imitas l'exemple de tant d'autres, Et d'une lâcheté tu ne te fis un port ! Car toi, la muse illustre, et moi, l'obscur apôtre, Nous avons dans ce monde eu le même mandat, Et c'est un nœud profond qui nous joint l'un à l'autre, Toi, veuve d'un héros, et moi, fils d'un soldat ! Aussi, sans me lasser dans celte Babylone, Des drapeaux insultés baisant chaque lambeau, J'ai dit pour l'Empereur : Rendez-lui sa colonne ! Et je dirai pour toi : Donnez-lui son tombeau ! Février 1840.

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    Victor Hugo

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    @victorHugo

    À Théophile Gautier Ami, poète, esprit, tu fuis notre nuit noire. Tu sors de nos rumeurs pour entrer dans la gloire; Et désormais ton nom rayonne aux purs sommets. Moi qui t’ai connu jeune et beau, moi qui t’aimais, Moi qui, plus d’une fois, dans nos altiers coups d’aile, Éperdu, m’appuyais sur ton âme fidèle, Moi, blanchi par les jours sur ma tête neigeant, Je me souviens des temps écoulés, et songeant A ce jeune passé qui vit nos deux aurores, A la lutte, à l’orage, aux arènes sonores, A l’art nouveau qui s’offre, au peuple criant oui, J’écoute ce grand vent sublime évanoui. Fils de la Grèce antique et de la jeune France, Ton fier respect des morts fut rempli d’espérance; Jamais tu ne fermas les yeux à l’avenir. Mage à Thèbes, druide au pied du noir menhir, Flamine aux bords du Tibre et brahme aux bords du Gange, Mettant sur l’arc du dieu la flèche de l’archange, D’Achille et de Roland hantant les deux chevets, Forgeur mystérieux et puissant, tu savais Tordre tous les rayons dans une seule flamme; Le couchant rencontrait l’aurore dans ton âme; Hier croisait demain dans ton fécond cerveau; Tu sacrais le vieil art aïeul de l’art nouveau; Tu comprenais qu’il faut, lorsqu’une âme inconnue Parle au peuple, envolée en éclairs dans la nue, L’écouter, l’accepter; l’aimer, ouvrir les coeurs; Calme, tu dédaignais l’effort vil des moqueurs Écumant sur Eschyle et bavant sur Shakspeare; Tu savais que ce siècle a son air qu’il respire, Et que, l’art ne marchant qu’en se transfigurant, C’est embellir le beau que d’y joindre le grand. Et l’on t’a vu pousser d’illustres cris de joie Quand le Drame a saisi Paris comme une proie, Quand l’antique hiver fut chassé par Floréal, Quand l’astre inattendu du moderne idéal Est venu tout à coup, dans le ciel qui s’embrase Luire, et quand l’Hippogriffe a relayé Pégase! Je te salue au seuil sévère du tombeau. Va chercher le vrai, toi qui sus trouver le beau. Monte l’âpre escalier. Du haut des sombres marches, Du noir pont de l’abîme on entrevoit les arches; Va! meurs! la dernière heure est le dernier degré. Pars, aigle, tu vas voir des gouffres à ton gré; Tu vas voir l’absolu, le réel, le sublime. Tu vas sentir le vent sinistre de la cime Et l’éblouissement du prodige éternel. Ton olympe, tu vas le voir du haut du ciel, Tu vas du haut du vrai voir l’humaine chimère, Même celle de Job, même celle d’Homère, Ame, et du haut de Dieu tu vas voir Jéhovah. Monte, esprit! Grandis, plane, ouvre tes ailes, va! Lorsqu’un vivant nous quitte, ému, je le contemple; Car entrer dans la mort, c’est entrer dans le temple Et quand un homme meurt, je vois distinctement Dans son ascension mon propre avènement. Ami, je sens du sort la sombre plénitude; J’ai commencé la mort par de la solitude, Je vois mon profond soir vaguement s’étoiler; Voici l’heure où je vais, aussi moi, m’en aller. Mon fil trop long frissonne et touche presque au glaive; Le vent qui t’emporta doucement me soulève, Et je vais suivre ceux qui m’aimaient, moi, banni. Leur oeil fixe m’attire au fond de l’infini. J’y cours. Ne fermez pas la porte funéraire. Passons; car c’est la loi; nul ne peut s’y soustraire; Tout penche; et ce grand siècle avec tous ses rayons Entre en cette ombre immense où pâles nous fuyons. Oh! quel farouche bruit font dans le crépuscule Les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Hercule! Les chevaux de la mort se mettent à hennir, Et sont joyeux, car l’âge éclatant va finir; Ce siècle altier qui sut dompter le vent contraire, Expire ô Gautier! toi, leur égal et leur frère, Tu pars après Dumas, Lamartine et Musset. L’onde antique est tarie où l’on rajeunissait; Comme il n’est plus de Styx il n’est plus de Jouvence. Le dur faucheur avec sa large lame avance Pensif et pas à pas vers le reste du blé; C’est mon tour; et la nuit emplit mon oeil troublé Qui, devinant, hélas, l’avenir des colombes, Pleure sur des berceaux et sourit à des tombes. Hauteville-house, nov. 1872. Jour des Morts.

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    Voltaire

    Voltaire

    @voltaire

    À Mme Lullin Hé quoi ! vous êtes étonnée Qu'au bout de quatre-vingts hivers, Ma Muse faible et surannée Puisse encor fredonner des vers ? Quelquefois un peu de verdure Rit sous les glaçons de nos champs ; Elle console la nature, Mais elle sèche en peu de temps. Un oiseau peut se faire entendre Après la saison des beaux jours ; Mais sa voix n'a plus rien de tendre, Il ne chante plus ses amours.

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