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Mort

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Mort

Poésies de la collection mort

    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Le dormeur du Val C'est un trou de verdure où chante une rivière, Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Les étrennes des orphelins I La chambre est pleine d’ombre ; on entend vaguement De deux enfants le triste et doux chuchotement. Leur front se penche, encore alourdi par le rêve, Sous le long rideau blanc qui tremble et se soulève… – Au dehors les oiseaux se rapprochent frileux ; Leur aile s’engourdit sous le ton gris des cieux ; Et la nouvelle Année, à la suite brumeuse, Laissant traîner les plis de sa robe neigeuse, Sourit avec des pleurs, et chante en grelottant… II Or les petits enfants, sous le rideau flottant, Parlent bas comme on fait dans une nuit obscure. Ils écoutent, pensifs, comme un lointain murmure… Ils tressaillent souvent à la claire voix d’or Du timbre matinal, qui frappe et frappe encor Son refrain métallique en son globe de verre… – Puis, la chambre est glacée… on voit traîner à terre, Épars autour des lits, des vêtements de deuil L’âpre bise d’hiver qui se lamente au seuil Souffle dans le logis son haleine morose ! On sent, dans tout cela, qu’il manque quelque chose… – Il n’est donc point de mère à ces petits enfants, De mère au frais sourire, aux regards triomphants ? Elle a donc oublié, le soir, seule et penchée, D’exciter une flamme à la cendre arrachée, D’amonceler sur eux la laine et l’édredon Avant de les quitter en leur criant : pardon. Elle n’a point prévu la froideur matinale, Ni bien fermé le seuil à la bise hivernale ?… – Le rêve maternel, c’est le tiède tapis, C’est le nid cotonneux où les enfants tapis, Comme de beaux oiseaux que balancent les branches, Dorment leur doux sommeil plein de visions blanches !… – Et là, – c’est comme un nid sans plumes, sans chaleur, Où les petits ont froid, ne dorment pas, ont peur ; Un nid que doit avoir glacé la bise amère… III Votre coeur l’a compris : – ces enfants sont sans mère. Plus de mère au logis ! – et le père est bien loin !… – Une vieille servante, alors, en a pris soin. Les petits sont tout seuls en la maison glacée ; Orphelins de quatre ans, voilà qu’en leur pensée S’éveille, par degrés, un souvenir riant… C’est comme un chapelet qu’on égrène en priant : – Ah ! quel beau matin, que ce matin des étrennes ! Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes Dans quelque songe étrange où l’on voyait joujoux, Bonbons habillés d’or, étincelants bijoux, Tourbillonner, danser une danse sonore, Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore ! On s’éveillait matin, on se levait joyeux, La lèvre affriandée, en se frottant les yeux… On allait, les cheveux emmêlés sur la tête, Les yeux tout rayonnants, comme aux grands jours de fête, Et les petits pieds nus effleurant le plancher, Aux portes des parents tout doucement toucher… On entrait !… Puis alors les souhaits… en chemise, Les baisers répétés, et la gaîté permise ! IV Ah ! c’était si charmant, ces mots dits tant de fois ! – Mais comme il est changé, le logis d’autrefois : Un grand feu pétillait, clair, dans la cheminée, Toute la vieille chambre était illuminée ; Et les reflets vermeils, sortis du grand foyer, Sur les meubles vernis aimaient à tournoyer… – L’armoire était sans clefs !… sans clefs, la grande armoire ! On regardait souvent sa porte brune et noire… Sans clefs !… c’était étrange !… on rêvait bien des fois Aux mystères dormant entre ses flancs de bois, Et l’on croyait ouïr, au fond de la serrure Béante, un bruit lointain, vague et joyeux murmure… – La chambre des parents est bien vide, aujourd’hui Aucun reflet vermeil sous la porte n’a lui ; Il n’est point de parents, de foyer, de clefs prises : Partant, point de baisers, point de douces surprises ! Oh ! que le jour de l’an sera triste pour eux ! – Et, tout pensifs, tandis que de leurs grands yeux bleus, Silencieusement tombe une larme amère, Ils murmurent :  » Quand donc reviendra notre mère ? «  V Maintenant, les petits sommeillent tristement : Vous diriez, à les voir, qu’ils pleurent en dormant, Tant leurs yeux sont gonflés et leur souffle pénible ! Les tout petits enfants ont le coeur si sensible ! – Mais l’ange des berceaux vient essuyer leurs yeux, Et dans ce lourd sommeil met un rêve joyeux, Un rêve si joyeux, que leur lèvre mi-close, Souriante, semblait murmurer quelque chose… – Ils rêvent que, penchés sur leur petit bras rond, Doux geste du réveil, ils avancent le front, Et leur vague regard tout autour d’eux se pose… Ils se croient endormis dans un paradis rose… Au foyer plein d’éclairs chante gaîment le feu… Par la fenêtre on voit là-bas un beau ciel bleu ; La nature s’éveille et de rayons s’enivre… La terre, demi-nue, heureuse de revivre, A des frissons de joie aux baisers du soleil… Et dans le vieux logis tout est tiède et vermeil Les sombres vêtements ne jonchent plus la terre, La bise sous le seuil a fini par se taire … On dirait qu’une fée a passé dans cela ! … – Les enfants, tout joyeux, ont jeté deux cris… Là, Près du lit maternel, sous un beau rayon rose, Là, sur le grand tapis, resplendit quelque chose… Ce sont des médaillons argentés, noirs et blancs, De la nacre et du jais aux reflets scintillants ; Des petits cadres noirs, des couronnes de verre, Ayant trois mots gravés en or :  » A NOTRE MÈRE ! « 

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Ophélie I Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles La blanche Ophélia flotte comme un grand lys, Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles... - On entend dans les bois lointains des hallalis. Voici plus de mille ans que la triste Ophélie Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir. Voici plus de mille ans que sa douce folie Murmure sa romance à la brise du soir.

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    À Théophile Gautier Poète ! ta ferveur fait grande ta mémoire. Absorbé tout entier dans ton culte béni, Tu préféras la Muse à tout, même à la gloire, Maître ! qui dans ton art égalas Cellini. Amours, honneurs, trésors, tout ce que l’homme envie, Moins qu’un beau vers touchaient ton cœur épris du beau. A tout indifférent, tu passas dans la vie L’âme et les yeux fixés sur l’idéal flambeau. Tu ne savais rien voir qu’au jour de sa lumière ; Tu voulais beau le bien et belle la vertu. Diamant affranchi de sa gangue première, Le vrai ne te charmait que de beauté vêtu. Des rythmes d’or portant allègrement la chaîne, Tu ciselais en vers ton rêve et ton ardeur. Ton esprit pur de fiel ne connut qu’une haine, Cette haine du Mal que trahit sa laideur. Comme l’abeille au lys, l’expression heureuse, Rimes et mots ailés, accourait à ta voix. L’image éblouissait dans ta strophe nombreuse, Mes mètres se teignaient de pourpre sous tes doigts. Le nombre et la couleur, le rythme au long vocable Épousaient dans ton vers la ligne au fier contour. La forme avait ton culte, ô poète impeccable ! Et de ses dons la forme a payé ton amour. Artiste exquis, tu fus un ouvrier modèle : Patient, obstiné, tendant sans cesse au mieux, Ta pensée et ton cœur, sous ton pinceau fidèle, En de vivants tableaux se traduisaient aux yeux. Ta parole peignait ; pour toi l’inexprimable N’existait pas ; les mots t’obéissaient, soumis. Mais sévère à toi seul, Maître ! ta force aimable Accueillait tout effort de ses bravos amis. Dans tes savantes mains la plume du critique Conseillait sans blesser. Ta clémente équité Savait mêler l’éloge au blâme sympathique : Tu fus doux dans ta force et grand dans ta bonté. Et tu pars, et la tombe a clos ta destinée ; Mais de la lice au moins tu sors ayant vaincu. Tu peux croiser tes bras, ton œuvre est terminée, Maître ! et tu n’es pas mort, toi, sans avoir vécu ! Comme un fleuve dont l’eau féconde au loin les plages, Pars du sol des vivants sans remords ni regrets : Tu laisses après toi d’harmonieux feuillages ; L’oiseau du souvenir chante dans ton cyprès. La Muse romantique au front ceint d’hyacinthe, Évoquant en son deuil les chants où tu survis, Debout, veille sur toi, dans l’attitude sainte D’une mère pleurant au tombeau de son fils. Près d’elle je viendrai dans mes ferveurs discrètes Méditer sur ta tombe, au pied des saules verts ; Et, visiteur pieux, sur tes cendres muettes, Fleurs d’un cœur qui t’aima, j’effeuillerai mes vers.

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Le soldat On marche aux sons voilés du tambour. Sur la plaine Le soleil luit ; l’oiseau vole au bord du chemin. Oh ! que n’ai-je son aile ! oh ! que la vie est pleine De tristesse ! Mon cœur se brise dans mon sein. Au monde je n’aimais que lui, mon camarade, Que lui seul, et voici qu’on le mène à la mort. Pour le voir fusiller défile la parade ; Et c’est nous, pour tirer, nous qu’a choisis le sort. On arrive : ses yeux contemplent la lumière De ce soleil de Dieu qui monte dans le ciel… Mais d’un bandeau voici qu’on couvre sa paupière : Dieu clément, donnez-lui le repos éternel ! Nous sommes neuf en rang, déjà prêts sous les armes. Huit balles l’ont blessé ; la mienne, – de douleur Leurs mains tremblaient, leurs yeux visaient mal sous les larmes, – La mienne l’a frappé juste au milieu du cœur. Imité de l’allemand.

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Souvenirs d’enfance O frère, ô jeune ami, dernier fils de ma mère, O toi qui devanças, dans le val regretté, Cette enfant, notre sœur, une rose éphémère, Qui ne vécut qu’un jour d’été ; Que fais-tu, cher absent, ô mon frère ! à cette heure Où mon cœur et mes yeux se retournent vers toi ? Ta pensée, évoquant les beaux jours que je pleure, Revole-t-elle aussi vers moi ? Souvent dans mon exil, je rêve à notre enfance, A nos matins si purs écoulés sous les bois, Et sur mon front le vent des souvenirs balance Les molles ombres d’autrefois. Pour tromper les ennuis d’un présent bien aride Pour rafraîchir mon pied que la route a lassé, Je remonte, songeur, à la source limpide Qui gazouille dans mon passé. De nos beaux jours c’était le matin et le rêve : Tout était joie et chants, fleurs et félicités ! O bonheurs des enfants que le temps nous enlève, Pourquoi nous avez-vous quittés ? Nous étions trois alors. Éveillés dès l’aurore, Sortant du nid à l’heure où l’aube sort du ciel, Nous allions dans les fleurs qu’elle avait fait éclore Boire la rosée et le miel. Elle et toi, de concert à ma voix indociles, Vous braviez du soleil les torrides chaleurs. Quand ma mère accourait, l’arbre aux ombres mobiles Voilait nos plaisirs querelleurs. Elle avait tout vu. Quittant le frais ombrage, Nous lisions notre faute à son front rembruni. Moi – j’étais votre aîné – bien qu’étant le plus sage, Je n’étais pas le moins puni. Nous la suivions. Bientôt, trompant sa vigilance, Nous revolions aux champs, au grand air, au soleil, Et des bois assoupis, tiède abri du silence, Nous allions troubler le sommeil. Alors, malheur à l’arbre à la grappe embaumée, Au fruit d’or rayonnant à travers les rameaux ! Nous brisions branche et fruits, la grappe et la ramée, Et jusqu’aux nids des tourtereaux. Et puis nous descendions la pente des ravines, Où l’onde et les oiseaux confondaient leurs chansons, Nous heurtant aux cailloux, nous blessant aux épines Des framboisiers et des buissons. Un lac était au bas, large, aux eaux peu profondes. Sur ses bords qu’ombrageait le dais mouvant des bois, Avec les beaux oiseaux furtifs amis des ondes, Enfants, nous jouions tous les trois. Pour suivre sur les flots leur caprice sauvage, Des troncs du bananier nous faisions un radeau, Et sur ce frêle esquif, glissant près du rivage, Nous poursuivions les poules d’eau. Ma sœur, trempant ses pieds dans l’onde claire et belle, Comme la fée-enfant de ces bords enchanteurs, Jetait aux bleus oiseaux qui nageaient devant elle Des fruits, des baisers et des fleurs. Et puis nous revenions. Notre mère, inquiète, Pour nous punir s’armant de sévères froideurs, Nous attendait au seuil de l’humble maisonnette, Heureuse, avec des mots grondeurs. O chagrin des enfants, qu’aisément tu désarmes Les mères ! Nous donnant et des fruits et du lait, Elle mêlait aux mots qui nous coûtaient des larmes Le baiser qui nous consolait. Ainsi coulaient nos jours. – O radieuse aurore ! O mes doux compagnons, je crois vous voir encore ! Bonheurs évanouis des printemps révolus, Soleils des gais matins qui ne m’éclairez plus, A vos jeunes chaleurs rajeunissant mon être, Je sens mon cœur revivre et mon passé renaître ! Je vous retrouve enfin ! Je vois là, sous mes yeux, Courir sur les gazons mes souvenirs joyeux. Je vois, de notre mère oubliant la défense, Par les grands champs de riz voltiger notre enfance. Chassons le papillon, l’insecte, les oiseaux, Glanons un fruit tombé sur le cristal des eaux ; C’est le ravin, le lac aux vagues argentines, Le vieil arbre ombrageant nos têtes enfantines ; C’est toi, c’est notre mère aux yeux pleins de douceur ! C’est moi, c’est… ; ô mon frère ! où donc est notre sœur ? Un tertre vert, voilà ce qui nous reste d’elle ! Quand une âme est si blanche, à lui Dieu la rappelle. Tige, orgueil de nos champs et que la brise aimait, Tout en elle brillait, fleurissait, embaumait. Lys sans tache, à la vie elle venait d’éclore, Douce comme un parfum, blonde comme une aurore ! Le soleil à ses jours mesurait les chaleurs ; Des roses du Bengale elle avait les pâleurs. Oh ! les fins cheveux d’or ! Les nouvelles épouses Du bonheur de ma mère, hélas ! étaient jalouses. Toutes lui faisaient fête et, des mains et des yeux Caressant de son front l’ovale harmonieux, Demandaient au Seigneur, d’une lèvre muette, Un blond enfant semblable à cette blonde tête ! Nos Noirs, comme ils l’aimaient ! Dans leur langue de feu Ils la disaient l’étoile et la fille de Dieu. Naïfs, ils comparaient cette fleur des savanes Aux fraîches visions qui hantent les cabanes : C’était un bon génie, une âme douce aux Noirs ; Et, lorsque du labour ils revenaient, les soirs, Tous, ils lui rapportaient des nids et des jam-roses, Ou le bleu papillon, amant ailé des roses. Hélas ! que vous dirais-je encor de notre sœur ? Elle était tout pour nous, grâce et fée, astre et fleur ; L’ange de la maison au nimbe d’innocence ; La tige virginale, et le palmier d’enfance Qui, croissant avec nous sous les yeux maternels, Mêlait à nos rameaux ses rameaux fraternels. C’est ma nourrice aussi qui l’avait élevée : Nous étions presque enfants d’une même couvée ; Oiseaux à qui le ciel faisait des jours pareils, Un même nid le soir berçait nos longs sommeils. Temps heureux ! Et la mort ! ô deuil ! ma pauvre mère !… Elle vint après nous et s’en fut la première. Sous un souffle glacé j’ai vu ployer son corps ; L’ange froid des tombeaux éteignit sa prunelle, Et, loin d’un sol en pleurs l’emportant sur son aile, Ensemble ils sont partis pour le pays des morts. Sa tombe ?… Elle est au pied de la haute colline Dont le front large et nu sur l’Océan s’incline ; Où la vague aux soupirs des mornes filaos Vient mêler jour et nuit ses lugubres sanglots, Et semble pour les morts, d’une voix solennelle, Chanter le Requiem de sa plainte éternelle. Paris, 1840.

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    S

    Sadek Belhamissi

    @sadekBelhamissi

    Aux âmes disparues Mais où êtes vous braves gens hommes, femmes, tout - petits. Gouffre sans fond, est il vrai que le temps vous ait tous à jamais engloutis ? . Seulement hier, il y a un instant encore, tout comme nous, vous souriait, la vie. Nul ne saura la nature de ce sort, ni comment ses élus, il choisit. Le sort, le temps, la mort est leur amie.. Pauvres humains, avec eux point de sursis. Que d’espoirs, que de richesses, enfouis, que de misères et de détresses ensevelies ! Riches ou pauvres, faibles ou puissants, petits ou grands, profanes ou savants, vertueux ou démons, athées et croyants tous ensemble, balayés par le temps. . Des stations inconnues pour un train mystérieux, à chacun la sienne, à chacun son tour, Il file à toute allure, emportant jeunes et vieux, pauvres humains, sans espoir de retour. Commentaires succincts/ . _A la fin de l’existence, .personne ne sait où il se dirige au crépuscule de sa vie . C’est pourquoi je parle de stations « inconnues » .tout le monde est embarqué dans le même train (image du temps différente de celle du premier quatrain où il aspire tout tel un trou noir dans le cosmos d’où l’appellation de gouffre sans fond ).et en même temps ce train nous transporte réellement dans le temps :dimension elle-même bien mystérieuse . _C’est pour cette raison que je dis train mystérieux .nous sommes tous embarqués dans un même train jeunes ,vieux mais chacun s’arrête à la station qui lui est destinée ,qu’il n’a pas choisie et de plus inconnue . il y a en réalité deux inconnues : personne ne sait à quel moment ,il doit rejoindre sa station de destination et quand il lui est ordonné de "descendre" ,il se dirige vers l’inconnu . (la vie que nous connaissons s’achève mais le nouveau chemin qui nous attend ,personne ne peut le définir ni le décrire .c’est un allez simple qui commence à notre naissance et qui s’achève selon un décret qui nous échappe complètement) . _Il file à toute allure ,en parlant de ce train singulier pour rappeler que quelle que soit la durée de la vie d’une personne même plus que centenaire ,il lui semble avoir vécu tout au plus quelques heures, la dimension d’un film de cinéma ! Le temps passe très vite ,trop vite ,c’est ce que nous ressentons chaque jour !

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    B

    Benjamin Delmont

    @benjaminDelmont

    Un corps offert en pature L’âme vidée, le cœur éteint et les reins lourds, La douce brise que la bise à engager a laissé battre les tambours des fossoyeurs de l’amour. Les corps crispés dans une brutale contraction S’abandonnent sans passion à la pénétration. Pas un regard, pas un geste tendre, Il suffisait d’attendre, que l’orgasme masculin soit rassasié, comme le sont les bêtes après la transe du festin. Dans le silence lourd du commandant qui s’endort. Le tirailleur n’a pas pu profiter du festin. Et doit, attendre la prochaine lutte intestine. Pour fantasmer le lointain butin, Promis par de nombreux États-majors. Alors mutilez-vous, arrêtez cette guerre de tranchée. Faites tomber les têtes et faites-leur tirer la langue. Pour votre plaisir. crucifiez les, pour que leur bras soit docile Et viennent vous caresser l’âme. Parlez ! pensez ! découvrez ! imaginez et rêvez ! Soyez fou, inventif, brutal et tendres. Et dans le chevauchement ultime, ou le drapeau blanc se dresse Ou les souffles sont coupés, regardez-vous, Ni maitre ni esclave, Et murmurez-vous, Je t’aime.

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    C

    Caroline Baucher

    @carolineBaucher

    Adieux le temps, assis sur un banc, caresse ses yeux : sa jeunesse, frivole, inonde son ceour : sous la pluie d'or de tous ses songes silencieux se réveillent ses jeunes années de bonheur elles dansent, si insouciantes, et le parfum de leur rire embaume ses heures désormais dénudées de toues les splendeurs de la beauté incandescente son oeil,laiteux et hagard, s'est déjà voilé sur tous ces instants qu'il aurai tant voulu éternel ; dans un dernier regard pétrifié, il a enterré ses souvenirs perdus.

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    La mort de Jeanne d’Arc Silence au camp ! La vierge est prisonnière ; Par un injuste arrêt Bedfort croit la flétrir : Jeune encore, elle touche à son heure dernière… Silence au camp ! La vierge va périr. Des pontifes divins, vendus à la puissance, Sous les subtilités des dogmes ténébreux Ont accablé son innocence. Les anglais commandaient ce sacrifice affreux : Un prêtre en cheveux blancs ordonna le supplice ; Et c’est au nom d’un dieu par lui calomnié, D’un dieu de vérité, d’amour et de justice, Qu’un prêtre fut perfide, injuste et sans pitié. Dieu, quand ton jour viendra, quel sera le partage Des pontifes persécuteurs ? Oseront-ils prétendre au céleste héritage De l’innocent dont ils ont bu les pleurs ? Ils seront rejetés, ces pieux imposteurs, Qui font servir ton nom de complice à leur rage, Et t’offrent pour encens la vapeur du carnage. A qui réserve-t-on ces apprêts meurtriers ? Pour qui ces torches qu’on excite ? L’airain sacré tremble et s’agite… D’où vient ce bruit lugubre ? Où courent ces guerriers Dont la foule à long flots roule et se précipite ? La joie éclate sur leurs traits, Sans doute l’honneur les enflamme : Ils vont pour un assaut former leurs rangs épais : Non, ces guerriers sont des anglais Qui vont voir mourir une femme. Qu’ils sont nobles dans leur courroux ! Qu’il est beau d’insulter au bras chargé d’entraves ! La voyant sans défense, ils s’écriaient, ces braves : Qu’elle meure ! Elle a contre nous Des esprits infernaux suscité la magie… Lâches ! Que lui reprochez-vous ? D’un courage inspiré la brûlante énergie, L’amour du nom français, le mépris du danger, Voilà sa magie et ses charmes ; En faut-il d’autres que des armes Pour combattre, pour vaincre et punir l’étranger ? Du Christ avec ardeur Jeanne baisait l’image ; Ses longs cheveux épars flottaient au gré des vents, Au pied de l’échafaud, sans changer de visage, Elle s’avançait à pas lents. Tranquille, elle y monta : quand, debout sur le faîte, Elle vit ce bûcher qui l’allait dévorer, Les bourreaux en suspens, la flamme déjà prête, Sentant son cœur faillir, elle baissa la tête, Et se prit à pleurer. Ah ! Pleure, fille infortunée ! Ta jeunesse va se flétrir, Dans sa fleur trop tôt moissonnée ! Adieu, beau ciel, il faut mourir. Ainsi qu’une source affaiblie, Près du lieu même où naît son cours, Meurt en prodiguant ses secours Au berger qui passe et l’oublie ; Ainsi, dans l’âge des amours, Finit ta chaste destinée, Et tu péris abandonnée Par ceux dont tu sauvas les jours. Tu ne reverras plus tes riantes montagnes, Le temple, le hameau, les champs de Vaucouleurs, Et ta chaumière et tes compagnes, Et ton père expirant sous le poids des douleurs. Chevaliers, parmi vous qui combattra pour elle ? N’osez-vous entreprendre une cause si belle ? Quoi ! Vous restez muets ! Aucun ne sort des rangs ! Aucun pour la sauver ne descend dans la lice ! Puisqu’un forfait si noir les trouve indifférens, Tonnez, confondez l’injustice, Cieux, obscurcissez-vous de nuages épais ; Éteignez sous leurs flots les feux du sacrifice, Ou guidez au lieu du supplice, À défaut du tonnerre, un chevalier français. Après quelques instans d’un horrible silence, Tout à coup le feu brille, il s’irrite, il s’élance… Le cœur de la guerrière alors s’est ranimé ; À travers les vapeurs d’une fumée ardente, Jeanne, encor menaçante, Montre aux anglais son bras à demi consumé. Pourquoi reculer d’épouvante, Anglais ? Son bras est désarmé. La flamme l’environne, et sa voix expirante Murmure encore : ô France ! O mon roi bien-aimé ! Que faisait-il ce roi ? Plongé dans la mollesse, Tandis que le malheur réclamait son appui, L’ingrat, il oubliait, aux pieds d’une maîtresse, La vierge qui mourait pour lui ! Ah ! Qu’une page si funeste De ce règne victorieux, Pour n’en pas obscurcir le reste, S’efface sous les pleurs qui tombent de nos yeux ! Qu’un monument s’élève aux lieux de ta naissance, Ô toi, qui des vainqueurs renversas les projets ! La France y portera son deuil et ses regrets, Sa tardive reconnaissance ; Elle y viendra gémir sous de jeunes cyprès : Puissent croître avec eux ta gloire et sa puissance ! Que sur l’airain funèbre ou grave des combats, Des étendards anglais fuyant devant tes pas, Dieu vengeant par tes mains la plus juste des causes. Venez, jeunes beautés ; venez, braves soldats ; Semez sur son tombeau les lauriers et les roses ! Qu’un jour le voyageur, en parcourant ces bois, Cueille un rameau sacré, l’y dépose, et s’écrie : « À celle qui sauva le trône et la patrie, Et n’obtint qu’un tombeau pour prix de ses exploits. » Notre armée au cercueil eut mon premier hommage ; Mon luth chante aujourd’hui les vertus d’un autre âge : Ai-je trop présumé de ses faibles accens ? Pour célébrer tant de vaillance, Sans doute il n’a rendu que des sons impuissans ; Mais, poète et français, j’aime à vanter la France. Qu’elle accepte en tribut de périssables fleurs. Malheureux de ses maux et fier de ses victoires, Je dépose à ses pieds ma joie ou mes douleurs : J’ai des chants pour toutes ses gloires, Des larmes pour tous ses malheurs.

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Les funérailles du général Foy À la France Rome, villa Paolina. Non, tu ne connais pas encore Ce sentiment d’ivresse et de mélancolie Qu’inspire d’un beau jour la splendeur affaiblie. Toi qui n’as pas vu les flots d’or, Où nage à son couchant un soleil d’Italie, Inonder du Forum l’enceinte ensevelie Et le temple détruit de Jupiter Stator ! Non, tu ne connais pas l’irrésistible empire Des beautés qu’il déploie au moment qu’il expire, Si tes yeux n’ont pas vu son déclin vif et pur, Qui s’éteint par degrés sur Albane et Tibur, Verser les derniers feux d’une ardeur épuisée A travers le brillant azur Des portiques du Colisée ! Sur le mont Janicule et ses pins toujours verts, Tu meurs, mais dans ta gloire ; on t’admire, on te chante ; Tu meurs, divin soleil, au milieu des concerts De cette Rome plus touchante Qui pleure ta clarté ravie à ses déserts. Du trône tu descends comme elle ; Jadis ses monuments t’égalaient en splendeur : D’une reine déchue amant toujours fidèle, Que ta lumière est triste et belle Sur les débris de sa grandeur ! Tes rayons amortis, que le regard supporte, Palissent en les éclairant, Soleil, et ton éclat mourant S’unit mieux à leur beauté morte. Ainsi l’on voit s’éteindre, environné d’hommages, Le talent inspiré, qui, pur et sans nuages, N’a brillé que par la vertu. Ainsi nous l’admirons, ainsi nos larmes coulent, Au milieu des débris de nos lois qui s’écroulent Comme un monument abattu ; Et l’éclat plus sacré de ce flambeau qui tombe Répand les derniers feux dont il est embrasé Sur le temple détruit et sur l’autel brisé De la Liberté qui succombe. Dans sa splendeur enseveli, Glorieux et pleuré par la reconnaissance, Ainsi mourut celui qui vengea notre France. Ces traits éloquents ont pâli Qui de l’âme élancés pénétraient jusqu’à l’âme ; Il s’est ouvert ce cœur, il vient de se briser, Trop plein pour contenir la généreuse flamme Qu’il répandait sans l’épuiser. La patrie, à l’aspect d’une cendre si chère, A senti s’émouvoir ses entrailles de mère. Ah ! qu’elle pleure, elle a droit de pleurer : Pour la défendre encore il déposa ses armes. Elle s’honore en voulant l’honorer. A le nommer son fils qu’elle trouve de charmes ! Fière de sa douleur, plus belle de son deuil, A qui voudra les voir qu !elle montre ses larmes : Car il est des enfants qu’on pleure avec orgueil. Rome, tes yeux sont morts à ces larmes sacrées Dont on fait gloire en les versant ; Les cendres de tes fils ne sont plus honorées Par ce tribut reconnaissant. En vain leurs nobles cœurs battaient pour la patrie. Dans ton abaissement en vain ils t’ont chérie ; Ces murs, dont Michel-Ange a jeté dans les cieux Le dôme audacieux, Réservent leurs honneurs à la puissance morte : Pour elle des concerts, des fleurs et des flambeaux. Et des bronzes menteurs penchés sur des tombeaux ; Mais pour la vertu, que t’importe ? Ainsi, courbé sous l’or du sceptre pastoral, Ton peuple grave et fier, que ce mépris offense, Laisse tomber son bras levé pour ta défense. Il fléchit sous des rois, lui qui n’eut point d’égal Quand la gloire était ton idole ; Et l’herbe a désuni le pavé triomphal Qui conduisait au Capitole. En passant sur la terre où dorment tes héros, Par les mugissements de sa voix importune Le bœuf pesant d’Ostie insulte à leur repos, Ou, symbole vivant de ta triste fortune, Endormi sous le joug du char qu’il a traîné, Courbe sa corne noire et son front enchaîné A la place où fut la tribune. Et c’est là qu’autrefois les publiques douleurs Paraient l’urne des morts de gazons et de fleurs ! Vous le savez, race guerrière, O vous ossements oubliés, Muets débris, noble poussière, Que je sens tressaillir sous les touffes de lierre De ces tombeaux qu’on foule aux pieds ! Vous le savez, vous tous qui, pour vos-funérailles, Avez vu Rome en deuil sortir de ses murailles ! Ah ! s’il a pu cesser, ce culte glorieux Qu’on rendait au courage, à la sainte éloquence, Levez-vous, il renaît ; Romains, ouvrez les yeux, Ne regardez pas Rome, et regardez la France. Il fut orateur et guerrier, Celui que la France attendrie » Couronne d’un double laurier ! Entendez-vous ces mots : « Valeur, Talent, Patrie ? » Entendez-vous ce cri d’une éloquente voix : « Ses enfants sont ceux de la France ! » Ce cri, qui d’un seul cœur s’élance, Semble de tous les cœurs s’élever à la fois… Orateurs, répondez : jamais plus digne hommage Honora-t-il un père en sa postérité, Et jamais votre pauvreté Laissa-t-elle à vos fils un plus riche héritage ? Et vous aussi, guerriers, levez-vous : contemplez De nos vieux étendards les vengeurs mutilés ! Ces Romains qui suivaient vos pompes funéraires Par des exploits plus grands s’étaient-ils signalés Autour des faisceaux consulaires ? Les travaux, les hivers et l’ardeur des étés Avaient-ils sur leur, front mieux gravé leurs services, Et leurs pleurs en coulant se sont-ils arrêtés Dans de plus nobles cicatrices ? Non, guerriers, non, jamais, mânes victorieux, Jamais, fiers défenseurs des libertés publiques, Rome ne se couvrit, pour vos vertus antiques, D’un deuil plus unanime et plus religieux. Non, non, sur vos tombeaux, Rome, la vieille Rome, N’offrit pas dans sa gloire un spectacle plus grand Que ce concours sacré d’un peuple entier pleurant, Pleurant la perte d’un seul homme ! Reçois, ô mon pays, ce tribut mérité ! France, de quel orgueil mon cœur a palpité En l’adressant ces vers sous les ombrages sombres Qui couronnent le Célius, Au pied du Palatin, devant les grandes ombres Des Camille et des Tullius ! Et toi, qu’on vent flétrir, jeunesse ardente et pure, De guerriers, d’orateurs, toi, généreux essaim, Qui sens fermenter dans ton sein Les germes dévorants de ta gloire future, Penché sur le cercueil que tes bras ont porté, De ta reconnaissance offre l’exemple au monde : Honorer la vertu, c’est la rendre féconde, Et la vertu produit la liberté. Prépare son triomphe en lui restant fidèle. Des préjugés vieillis les autels sont usés ; Il faut un nouveau culte à cette ardeur nouvelle Dont les esprits sont embrasés. Vainement contre lui l’ignorance conspire. Que celle liberté qui règne par les lois Soit, la religion des peuples et des rois. Pour la mieux consacrer on devait la proscrire ; Sa palme, qui renaît, croît sous les coups mortels ; Elle eut son fanatisme, elle touche au martyre, Un jour elle aura ses autels. Le verrai-je, ce jour, où sans intolérance Son culte relevé protégera la France ? O champs de Pressagni, fleuve heureux, doux coteaux, Alors, peut-être, alors mon humble sépulture Se cachera sous les rameaux Où souvent, quand mes pas erraient à l’aventure, Mes vers inachevés ont mêlé leur murmure Au bruit de la rame et des eaux. Mais si le Temps m’épargne et si la Mort m’oublie, Mes mains, mes froides mains par de nouveaux concerts Sauront la rajeunir, cette lyre vieillie ; Dans mon cœur épuisé je trouverai des vers, Des sons dans ma voix affaiblie ; Et cette liberté, que je chantai toujours, Redemandant un hymne à ma veine glacée, Aura ma dernière pensée Comme elle eut mes premiers amours.

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    L’âme du Purgatoire Venise Mon bien-aimé, dans mes douleurs, Je viens de la cité des pleurs, Pour vous demander des prières. Vous me disiez, penché vers moi : « Si je vis, je prîrai pour toi. » Voilà vos paroles dernières. Hélas ! hélas ! Depuis que j’ai quitté vos bras. Jamais je n’entends vos prières. Hélas ! hélas ! J’écoute, et vous ne priez pas. « Puisse au Lido ton âme errer, » Disiez-vous, « pour me voir pleurer ! » Elle s’envola sans alarme. Ami, sur mon froid monument L’eau du ciel tomba tristement, Mais de vos yeux, pas une larme. Hélas ! hélas ! Ce Dieu qui me vit dans vos bras. Que votre douleur le désarme ! Moi seule, hélas ! Je pleure, et vous ne priez pas. Combien nos doux ravissements, Ami, me coûtent de tourments, Au fond de ces tristes demeures ! Les jours n’ont ni soir ni matin : Et l’aiguille y tourne sans fin. Sans fin, sur un cadran sans heures. Hélas ! hélas ! Vers vous, ami, levant les bras, l’attends en vain dans ces demeures. Hélas ! hélas ! J’attends, et vous ne priez pas. Quand mon crime fut consommé, Un seul regret eût désarmé Ce Dieu qui me fut si terrible. Deux fois, prête a me repentir, De la mort qui vint m’avertir Je sentis l’haleine invisible. Hélas ! hélas ! Vous étiez heureux dans mes bras. Me repentir fut impossible. Hélas ! hélas ! Je souffre, et vous ne priez pas. Souvenez-vous de la Brenta, Où la gondole s’arrêta, Pour ne repartir qu’à l’aurore ; De l’arbre qui nous a cachés, Des gazons… qui se sont penchés, Quand vous m’avez dit : « Je t’adore. » Hélas ! hélas ! La mort m’y surprit dans vos bras, Sous vos baisers tremblante encore. Hélas ! hélas ! Je brûle, et vous ne priez pas. Rendez-les-moi, ces frais jasmins, Où, sur un lit fait par vos mains, Ma tête en feu s’est reposée. Rendez-moi ce lilas en fleurs, Qui, sur nous secouant ses pleurs, Rafraîchit ma bouche embrasée. Hélas ! hélas ! Venez m’y porter dans vos bras, Pour que j’y boive la rosée. Hélas ! hélas ! J’ai soif, et vous ne priez pas. Dans votre gondole, à son tour, Une autre vous parle d’amour ; Mon portrait devait lui déplaire. Dans les flots son dépit jaloux A jeté ce doux gage, et vous, Ami, vous l’avez laissé faire. Hélas ! hélas ! Pourquoi vers vous tendre les bras ? Non, je dois souffrir et me taire. Hélas ! hélas ! C’en est fait, vous ne prîrez pas. Adieu, je ne reviendrai plus Vous lasser de cris superflus, Puisqu’à vos yeux une autre est belle. Ah ! que ses baisers vous soient doux ! Je suis morte, et souffre pour vous. Heureux d’aimer, vivez pour elle. Hélas ! hélas ! Pensez quelquefois, dans ses bras, A l’abîme où Dieu me rappelle. Hélas ! hélas ! J’y descends, ne m’y suivez pas !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Don Juan aux Enfers Quand Don Juan descendit vers l’onde souterraine Et lorsqu’il eut donné son obole à Charon, Un sombre mendiant, l’oeil fier comme Antisthène, D’un bras vengeur et fort saisit chaque aviron. Montrant leurs seins pendants et leurs robes ouvertes, Des femmes se tordaient sous le noir firmament, Et, comme un grand troupeau de victimes offertes, Derrière lui traînaient un long mugissement. Sganarelle en riant lui réclamait ses gages, Tandis que Don Luis avec un doigt tremblant Montrait à tous les morts errant sur les rivages Le fils audacieux qui railla son front blanc. Frissonnant sous son deuil, la chaste et maigre Elvire, Près de l’époux perfide et qui fut son amant, Semblait lui réclamer un suprême sourire Où brillât la douceur de son premier serment. Tout droit dans son armure, un grand homme de pierre Se tenait à la barre et coupait le flot noir ; Mais le calme héros, courbé sur sa rapière, Regardait le sillage et ne daignait rien voir.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    La mort des amants Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères, Des divans profonds comme des tombeaux, Et d'étranges fleurs sur des étagères, Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux. Usant à l'envi leurs chaleurs dernières, Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux, Qui réfléchiront leurs doubles lumières Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux. Un soir fait de rose et de bleu mystique, Nous échangerons un éclair unique, Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ; Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes, Viendra ranimer, fidèle et joyeux, Les miroirs ternis et les flammes mortes.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

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    La mort des artistes Combien faut-il de fois secouer mes grelots Et baiser ton front bas, morne caricature ? Pour piquer dans le but, de mystique nature, Combien, ô mon carquois, perdre de javelots ? Nous userons notre âme en de subtils complots, Et nous démolirons mainte lourde armature, Avant de contempler la grande Créature Dont l’infernal désir nous remplit de sanglots ! Il en est qui jamais n’ont connu leur Idole, Et ces sculpteurs damnés et marqués d’un affront, Qui vont se martelant la poitrine et le front, N’ont qu’un espoir, étrange et sombre Capitole ! C’est que la Mort, planant comme un soleil nouveau, Fera s’épanouir les fleurs de leur cerveau !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

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    La mort des pauvres C’est la Mort qui console, hélas ! et qui fait vivre ; C’est le but de la vie, et c’est le seul espoir Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre, Et nous donne le cœur de marcher jusqu’au soir ; À travers la tempête, et la neige, et le givre, C’est la clarté vibrante à notre horizon noir ; C’est l’auberge fameuse inscrite sur le livre, Où l’on pourra manger, et dormir, et s’asseoir ; C’est un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques Le sommeil et le don des rêves extatiques, Et qui refait le lit des gens pauvres et nus ; C’est la gloire des Dieux, c’est le grenier mystique, C’est la bourse du pauvre et sa patrie antique, C’est le portique ouvert sur les Cieux inconnus !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse, Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse, Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs. Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs, Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres, Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres, Certe, ils doivent trouver les vivants bien ingrats, A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps, Tandis que, dévorés de noires songeries, Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries, Vieux squelettes gelés travaillés par le ver, Ils sentent s'égoutter les neiges de l'hiver Et le siècle couler, sans qu'amis ni famille Remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille. Lorsque la bûche siffle et chante, si le soir, Calme, dans le fauteuil, je la voyais s'asseoir, Si, par une nuit bleue et froide de décembre, Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre, Grave, et venant du fond de son lit éternel Couver l'enfant grandi de son œil maternel, Que pourrais-je répondre à cette âme pieuse, Voyant tomber des pleurs de sa paupière creuse ?

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Le mort joyeux Dans une terre grasse et pleine d'escargots Je veux creuser moi-même une fosse profonde, Où je puisse à loisir étaler mes vieux os Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde, Je hais les testaments et je hais les tombeaux ; Plutôt que d'implorer une larme du monde, Vivant, j'aimerais mieux inviter les corbeaux A saigner tous les bouts de ma carcasse immonde. Ô vers ! noirs compagnons sans oreille et sans yeux, Voyez venir à vous un mort libre et joyeux ; Philosophes viveurs, fils de la pourriture, A travers ma ruine allez donc sans remords, Et dites-moi s'il est encor quelque torture Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Le vin de l'assassin Ma femme est morte, je suis libre ! Je puis donc boire tout mon soûl. Lorsque je rentrais sans un sou, Ses cris me déchiraient la fibre. Autant qu'un roi je suis heureux ; L'air est pur, le ciel admirable... Nous avions un été semblable Lorsque j'en devins amoureux ! L'horrible soif qui me déchire Aurait besoin pour s'assouvir D'autant de vin qu'en peut tenir Son tombeau ; - ce n'est pas peu dire : Je l'ai jetée au fond d'un puits, Et j'ai même poussé sur elle Tous les pavés de la margelle. - Je l'oublierai si je le puis ! Au nom des serments de tendresse, Dont rien ne peut nous délier, Et pour nous réconcilier Comme au beau temps de notre ivresse, J'implorai d'elle un rendez-vous, Le soir, sur une route obscure. Elle y vint ! - folle créature ! Nous sommes tous plus ou moins fous ! Elle était encore jolie, Quoique bien fatiguée ! et moi, Je l'aimais trop ! voilà pourquoi Je lui dis : Sors de cette vie ! Nul ne peut me comprendre. Un seul Parmi ces ivrognes stupides Songea-t-il dans ses nuits morbides A faire du vin un linceul ? Cette crapule invulnérable Comme les machines de fer Jamais, ni l'été ni l'hiver, N'a connu l'amour véritable, Avec ses noirs enchantements Son cortège infernal d'alarmes, Ses fioles de poison, ses larmes, Ses bruits de chaîne et d'ossements ! - Me voilà libre et solitaire ! Je serai ce soir ivre mort ; Alors, sans peur et sans remord, Je me coucherai sur la terre, Et je dormirai comme un chien ! Le chariot aux lourdes roues Chargé de pierres et de boues, Le wagon enragé peut bien Ecraser ma tête coupable Ou me couper par le milieu, Je m'en moque comme de Dieu, Du Diable ou de la Sainte Table !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Les deux bonnes sœurs La Débauche et la Mort sont deux aimables filles, Prodigues de baisers et riches de santé, Dont le flanc toujours vierge et drapé de guenilles Sous l’éternel labeur n’a jamais enfanté. Au poëte sinistre, ennemi des familles, Favori de l’enfer, courtisan mal renté, Tombeaux et lupanars montrent sous leurs charmilles Un lit que le remords n’a jamais fréquenté. Et la bière et l’alcôve en blasphèmes fécondes Nous offrent tour à tour, comme deux bonnes sœurs, De terribles plaisirs et d’affreuses douceurs. Quand veux-tu m’enterrer, Débauche aux bras immondes ? Ô Mort, quand viendras-tu, sa rivale en attraits, Sur ses myrtes infects enter tes noirs cyprès ?

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Remords posthume Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse, Au fond d'un monument construit en marbre noir, Et lorsque tu n'auras pour alcôve et manoir Qu'un caveau pluvieux et qu'une fosse creuse ; Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse Et tes flancs qu'assouplit un charmant nonchaloir, Empêchera ton cœur de battre et de vouloir, Et tes pieds de courir leur course aventureuse, Le tombeau, confident de mon rêve infini (Car le tombeau toujours comprendra le poète), Durant ces grandes nuits d'où le somme est banni, Te dira : "Que vous sert, courtisane imparfaite, De n'avoir pas connu ce que pleurent les morts ?" - Et le ver rongera ta peau comme un remords.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Une charogne Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme, Ce beau matin d'été si doux : Au détour d'un sentier une charogne infâme Sur un lit semé de cailloux, Les jambes en l'air, comme une femme lubrique, Brûlante et suant les poisons, Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique Son ventre plein d'exhalaisons. Le soleil rayonnait sur cette pourriture, Comme afin de la cuire à point, Et de rendre au centuple à la grande Nature Tout ce qu'ensemble elle avait joint ; Et le ciel regardait la carcasse superbe Comme une fleur s'épanouir. La puanteur était si forte, que sur l'herbe Vous crûtes vous évanouir.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Hiéroglyphe J’ai trois fenêtres à ma chambre : L’amour, la mer, la mort, Sang vif, vert calme, violet. Ô femme, doux et lourd trésor ! Froids vitraux, odeurs d’ambre. La mer, la mort, l’amour, Ne sentir que ce qui me plaît… Femme, plus claire que le jour ! Par ce soir doré de septembre, La mort, l’amour, la mer, Me noyer dans l’oubli complet. Femme! femme! cercueil de chair !

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    La dame en pierre Sur ce couvercle de tombeau Elle dort. L'obscur artiste Qui l'a sculptée a vu le beau Sans rien de triste. Joignant les mains, les yeux heureux Sous le voile des paupières, Elle a des rêves amoureux Dans ses prières. Sous les plis lourds du vêtement, La chair apparaît rebelle, N'oubliant pas complètement Qu'elle était belle. Ramenés sur le sein glacé Les bras, en d'étroites manches, Rêvent l'amant qu'ont enlacé Leurs chaînes blanches. Le lévrier, comme autrefois Attendant une caresse, Dort blotti contre les pieds froids De sa maîtresse. * Tout le passé revit. Je vois Les splendeurs seigneuriales. Les écussons et les pavois Des grandes salles. Les hauts plafonds de bois, bordés D'emblématiques sculptures, Les chasses, les tournois brodés Sur les tentures. Dans son fauteuil, sans nul souci Des gens dont la chambre est pleine, À quoi peut donc rêver ainsi, La châtelaine ? Ses yeux où brillent par moment Les fiertés intérieures, Lisent mélancoliquement Un livre d'heures. * Quand une femme rêve ainsi Fière de sa beauté rare, C'est quelque drame sans merci Qui se prépare. Peut-être à temps, en pleine fleur, Celle-ci fut mise en terre. Bien qu'implacable, la douleur En fut austère. L'amant n'a pas vu se ternir, Au souffle de l'infidèle, La pureté du souvenir Qu'il avait d'elle. La mort n'a pas atteint le beau. La chair perverse est tuée, Mais la forme est, sur un tombeau, Perpétuée.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Liberté Le vent impur des étables Vient d’ouest, d’est, du sud, du nord. On ne s’assied plus aux tables Des heureux, puisqu’on est mort. Les princesses aux beaux râbles Offrent leurs plus doux trésors. Mais on s’en va dans les sables Oublié, méprisé, fort. On peut regarder la lune Tranquille dans le ciel noir. Et quelle morale ?… aucune. Je me console à vous voir, A vous étreindre ce soir Amie éclatante et brune.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    L’archet À Mademoiselle Hjardemaal. Elle avait de beaux cheveux, blonds Comme une moisson d’août, si longs Qu’ils lui tombaient jusqu’aux talons. Elle avait une voix étrange, Musicale, de fée ou d’ange, Des yeux verts sous leur noire frange. * Lui, ne craignait pas de rival, Quand il traversait mont ou val, En l’emportant sur son cheval. Car, pour tous ceux de la contrée, Altière elle s’était montrée, Jusqu’au jour qu’il l’eut rencontrée. * L’amour la prit si fort au cœur, Que pour un sourire moqueur, Il lui vint un mal de langueur. Et dans ses dernières caresses : « Fais un archet avec mes tresses, Pour charmer tes autres maîtresses. » Puis, dans un long baiser nerveux, Elle mourut. Suivant ses vœux, Il fit l’archet de ses cheveux. * Comme un aveugle qui marmonne, Sur un violon de Crémone Il jouait, demandant l’aumône. Tous avaient d’enivrants frissons À l’écouter. Car dans ces sons Vivaient la morte et ses chansons. * Le roi, charmé, fit sa fortune. Lui, sut plaire à la reine brune Et l’enlever au clair de lune. Mais, chaque fois qu’il y touchait Pour plaire à la reine, l’archet Tristement le lui reprochait. * Au son du funèbre langage, Ils moururent à mi-voyage. Et la morte reprit son gage. Elle reprit ses cheveux, blonds Comme une moisson d’août, si longs Qu’ils lui tombaient jusqu’aux talons.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    L’orgue A André Gill Sous un roi d’Allemagne, ancien, Est mort Gottlieb le musicien. Un l’a cloué sous les planches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Il est mort pour avoir aimé La petite Rose-de-Mai. Les filles ne sont pas franches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Elle s’est mariée, un jour, Avec un autre, sans amour.  » Repassez les robes blanches! «  Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Quand à l’église ils sont venus, Gottlieb à l’orgue n’était plus, Comme les autres dimanches. Hou ! hou ! hou! Le vent souffle dans les branches. Car depuis lors, à minuit noir, Dans la forêt on peut le voir A l’époque des pervenches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Son orgue a les pins pour tuyaux. Il fait peur aux petits oiseaux. orts d’amour ont leurs revanches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Testament Si mon âme claire s’éteint Comme une lampe sans pétrole, Si mon esprit, en haut, déteint Comme une guenille folle, Si je moisis, diamantin, Entier, sans tache, sans vérole, Si le bégaiement bête atteint Ma persuasive parole, Et si je meurs, soûl, dans un coin C’est que ma patrie est bien loin Loin de la France et de la terre. Ne craignez rien, je ne maudis Personne. Car un paradis Matinal, s’ouvre et me fait taire.

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    C

    Charles d'Orléans

    @charlesDorleans

    Las ! Mort, qui t'a fait si hardie Las ! Mort, qui t'a fait si hardie De prendre la noble Princesse Qui était mon confort, ma vie, Mon bien, mon plaisir, ma richesse ! Puisque tu as pris ma maîtresse, Prends-moi aussi son serviteur, Car j'aime mieux prochainement Mourir que languir en tourment, En peine, souci et douleur ! Las ! de tous biens était garnie Et en droite fleur de jeunesse ! Je prie à Dieu qu'il te maudie, Fausse Mort, pleine de rudesse ! Si prise l'eusses en vieillesse, Ce ne fût pas si grand rigueur ; Mais prise l'as hâtivement, Et m'as laissé piteusement En peine, souci et douleur ! Las ! je suis seul, sans compagnie ! Adieu ma Dame, ma liesse ! Or est notre amour departie, Non pourtant, je vous fais promesse Que de prières, à largesse, Morte vous servirai de cœur, Sans oublier aucunement ; Et vous regretterai souvent En peine, souci et douleur. Dieu, sur tout souverain Seigneur, Ordonnez, par grâce et douceur, De l'âme d'elle, tellement Qu'elle ne soit pas longuement En peine, souci et douleur !

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    C

    Charles Marie René Leconte de Lisle

    @charlesMarieReneLeconteDeLisle

    Le soir d’une bataille Tels que la haute mer contre les durs rivages, À la grande tuerie ils se sont tous rués, Ivres et haletants, par les boulets troués, En d’épais tourbillons pleins de clameurs sauvages. Sous un large soleil d’été, de l’aube au soir, Sans relâche, fauchant les blés, brisant les vignes, Longs murs d’hommes, ils ont poussé leurs sombres lignes Et là, par blocs entiers, ils se sont laissés choir. Puis ils se sont liés en étreintes féroces, Le souffle au souffle uni, l’œil de haine chargé. Le fer d’un sang fiévreux à l’aise s’est gorgé ; La cervelle a jailli sous la lourdeur des crosses. Victorieux, vaincus, fantassins, cavaliers, Les voici maintenant, blêmes, muets, farouches, Les poings fermés, serrant les dents, et les yeux louches, Dans la mort furieuse étendus par milliers. La pluie, avec lenteur lavant leurs pâles faces, Aux pentes du terrain fait murmurer ses eaux ; Et par la morne plaine où tourne un vol d’oiseaux Le ciel d’un soir sinistre estompe au loin leurs masses. Tous les cris se sont tus, les râles sont poussés. Sur le sol bossué de tant de chair humaine, Aux dernières lueurs du jour on voit à peine Se tordre vaguement des corps entrelacés ; Et là-bas, du milieu de ce massacre immense, Dressant son cou roidi, percé de coups de feu, Un cheval jette au vent un rauque et triste adieu Que la nuit fait courir à travers le silence. Ô boucherie ! ô soif du meurtre ! acharnement Horrible ! odeur des morts qui suffoques et navres ! Soyez maudits devant ces cent mille cadavres Et la stupide horreur de cet égorgement. Mais, sous l’ardent soleil ou sur la plaine noire, Si, heurtant de leur cœur la gueule du canon, Ils sont morts, Liberté, ces braves, en ton nom, Béni soit le sang pur qui fume vers ta gloire !

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