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Mort

303 poésies en cours de vérification
Mort

Poésies de la collection mort

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    Charles Marie René Leconte de Lisle

    @charlesMarieReneLeconteDeLisle

    À Victor Hugo Dors, Maître, dans la paix de ta gloire ! Repose, Cerveau prodigieux, d’où, pendant soixante ans, Jaillit l’éruption des concerts éclatants ! Va ! La mort vénérable est ton apothéose : Ton Esprit immortel chante à travers les temps. Pour planer à jamais dans la Vie infinie, Il brise comme un Dieu les tombeaux clos et sourds, Il emplit l’avenir des Voix de ton génie, Et la terre entendra ce torrent d’harmonie Rouler de siècle en siècle en grandissant toujours !

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    C

    Charles Marie René Leconte de Lisle

    @charlesMarieReneLeconteDeLisle

    Aux Morts Après l'apothéose après les gémonies, Pour le vorace oubli marqués du même sceau, Multitudes sans voix, vains noms, races finies, Feuilles du noble chêne ou de l'humble arbrisseau ; Vous dont nul n'a connu les mornes agonies, Vous qui brûliez d'un feu sacré dès le berceau, Lâches, saints et héros, brutes, mâles génies, Ajoutés au fumier des siècles par monceau ; Ô lugubres troupeaux des morts, je vous envie, Si, quand l'immense espace est en proie à la vie, Léguant votre misère à de vils héritiers, Vous goûtez à jamais, hôtes d'un noir mystère, L'irrévocable paix inconnue à la terre, Et si la grande nuit vous garde tout entiers !

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    C

    Charles Marie René Leconte de Lisle

    @charlesMarieReneLeconteDeLisle

    À un poète mort Toi dont les yeux erraient, altérés de lumière, De la couleur divine au contour immortel Et de la chair vivante à la splendeur du ciel, Dors en paix dans la nuit qui scelle ta paupière. Voir, entendre, sentir ? Vent, fumée et poussière. Aimer ? La coupe d'or ne contient que du fiel. Comme un Dieu plein d'ennui qui déserte l'autel, Rentre et disperse-toi dans l'immense matière. Sur ton muet sépulcre et tes os consumés Qu'un autre verse ou non les pleurs accoutumés, Que ton siècle banal t'oublie ou te renomme ; Moi, je t'envie, au fond du tombeau calme et noir, D'être affranchi de vivre et de ne plus savoir La honte de penser et l'horreur d'être un homme !

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    C

    Charles Marie René Leconte de Lisle

    @charlesMarieReneLeconteDeLisle

    Qaïn En la trentième année, au siècle de l'épreuve, Étant captif parmi les cavaliers d'Assur, Thogorma, le Voyant, fils d'Elam, fils de Thur, Eut ce rêve, couché dans les roseaux du fleuve, A l'heure où le soleil blanchit l'herbe et le mur. Depuis que le Chasseur Iahvèh, qui terrasse Les forts et de leur chair nourrit l'aigle et le chien, Avait lié son peuple au joug assyrien, Tous, se rasant les poils du crâne et de la face, Stupides, s'étaient tus et n'entendaient plus rien. Ployés sous le fardeau des misères accrues, Dans la faim, dans la soif, dans l'épouvante assis, Ils revoyaient leurs murs écroulés et noircis, Et, comme aux crocs publics pendent les viandes crues, Leurs princes aux gibets des Rois incirconcis Le pied de l'infidèle appuyé sur la nuque Des vaillants, le saint temple où priaient les aïeux Souillé, vide, fumant, effondré par les pieux, Et les vierges en pleurs sous le fouet de l'eunuque Et le sombre Iahvèh muet au fond des cieux. Or, laissant, ce jour-là, près des mornes aïeules Et des enfants couchés dans les nattes de cuir, Les femmes aux yeux noirs de sa tribu gémir, Le fils d'Elam, meurtri par la sangle des meules, Le long du grand Khobar se coucha pour dormir. Les bandes d'étalons, par la plaine inondée De lumière, gisaient sous le dattier roussi, Et les taureaux, et les dromadaires aussi, Avec les chameliers d'Iran et de Khaldée. Thogorma, le Voyant, eut ce rêve. Voici :

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    Christian Mégrelis

    @christianMegrelis

    Eurydice Orphée est allé chercher Eurydice à l’entrée du royaume des morts, ils sont restés suspendus au- dessus de l’abîme plus d’un an, main dans la main, avant d’y retourner ensemble. Quand je suis éveillé je ne pense qu’à toi, Et nos mains se rejoignent. Et quand je dors enfin, je ne rêve qu’à toi Et ma douleur s’éloigne. Longtemps, Chérie, nous nous sommes aimés, Ou plutôt, oui, toujours. Mais nous avions le temps de gravir les sommets Où se nichaient nos amours. Et tout à coup le temps fut maître de nos sorts Le pire nous menaçait Nous n’avions préparé ni nos cœurs ni nos corps Il fallait nous presser. Lorsque la main du temps s’est posée sur ton front Nos mains ne se sont plus quittées. Mains jointes, nous croyions que nous arriverions A défier l’adversité. Le temps nous assiégeait, silencieux et tueur Nous nous sommes battus. L’espérance a toujours conduit notre bonheur, Et nous étions têtus. Et cette année de mort fut une année d’amour Héroïque et brutale, Où l’espoir et la peur alternaient chaque jour Sur nos fronts si pâles. Ensemble nous avons déplacé des montagnes Et ouvert des chemins, Pour que, l’ennui gagnant, la mort enfin regagne Son empire souterrain. Cette année de serments, de mots et de tristesses Le temps nous l’a a donnée ! Ce temps pourtant qui n’a pas de tendresse, Pour nous laisser aimer Mains serrées, dans tes yeux fiévreux j’ai reconnu L’infini de l’amour, Cette force d’aimer que la vie n’a jamais retenue, Qui a nourri nos jours. Ta douleur, ô chérie, a déchiré ma vie, Confisquant l’espérance. Et je souffre encore de ne pas aujourd’hui Partager ta souffrance Mais je sais que viendra bientôt ce temps béni, Qui ne nous sera pas volé, Où côte à côte, nous retrouverons l’infini De ce bonheur passé. Alors nous vieillirons sans jamais le savoir Et le temps aboli Transmuté en amour, remplacera l’espoir Des amants infinis.

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    Christine Larrieu

    @christineLarrieu

    Berceuse Laisse moi te conter le chant de la rivière, Sous la douce lueur de clairs reflets d’argent, Te dire la senteur des grands glaïeuls ardents, Et la tendre fraîcheur de ton lit de lumière. Te raconter qu’autour la nature s’agite, L’oiseau mélancolique chantant son désespoir, Que la lune bientôt viendra au ciel inscrire Son disque, miroir profond, qui plus tard pâlira. Te dire mon doux rêve d’un long sommeil sans fin, Dans ce tout Petit Val sous ces rayons divins, Bercée par la beauté de ton pâle sourire, Et sentir dans la nuit les grands roseaux frémir. Puis délicatement sur ton corps endormi – Afin de protéger ta jeunesse qui s’en va Et ne plus affronter ô cruelle infamie, Ces deux trous rouge sang sur ton corps côté droit, Telle brume du soir lorsque l’astre descend, Jaunissant vivement l’onde dans le couchant – Laisse moi doucement laisse moi tendrement, Déposer un suave et léger voile blanc.

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    Christophe Bregaint

    @christopheBregaint

    Chrysanthèmes Sous la mitraille Chemin tortueux Dans la grisaille Pas hasardeux. Des cicatrices Larmes de sang Dans l’interstice Un être absent. La mort qui guette Dans le ciel noir En fine esthète Le non-espoir. Des cris déchirent La nuit, la vie La peau transpire Tout se détruit. Des chrysanthèmes Rêves réels Vie post-mortem Formes sensuelles.

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    Claude Roy

    @claudeRoy

    Amitié des Morts Il suffit d'une étoile à portée de la main pour conjurer le sort Dormez enfants du jour vos paupières demain reconnaîtront les morts. Ils vous apporteront ce qu'ils aimaient le mieux ce qui ne déçoit point Les ombres du couchant les fontaines les lieux l'odeur triste du foin S'ils laissent un matin un arbre un écureuil un oiseau qu'on entend Remerciez-les avant qu'ils ne passent le seuil après il n'est plus temps Ne méprisez jamais les dons que font les morts ils n'ont pas autre chose Le choix n'est pas si grand quand on est loin du port et jamais ne repose.

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    Claude Roy

    @claudeRoy

    Bestiaire d'une certaine mort Animaux si pressés si sages si légers ne fuyez pas encore J'ai très besoin de vous mes discrets passagers complices du dehors Avant de m'embarquer laissez-moi vous nommer comme le patriarche Je vais voguer longtemps des jours et des années seul à bord de mon arche Ni le chat ni l'oiseau ni le gentil renard ne monteront à bord Cheval et vous fourmi vous garderez ma part je vous confie mon sort.

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    C

    Claude Roy

    @claudeRoy

    Bestiaire des animaux que nous envoient les morts Il suffit d'une étoile à portée de la main pour conjurer le sort Dormez enfants du jour vos paupières demain reconnaîtront les morts Ils vous apporteront ce qu'ils aimaient le mieux ce qui ne déçoit point les ombres du couchant les fontaines les lieux l'odeur triste du foin S'ils laissent un matin un arbre un écureuil un oiseau qu'on entend remerciez-les avant qu'ils ne passent le seuil après il n'est plus temps Ne méprisez jamais les dons que font les morts ils n'ont pas autre chose Le choix n'est pas si grand quand on est loin du port et jamais ne repose.

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    Clément Marot

    Clément Marot

    @clementMarot

    A la mort Las, or cst-il à sa dernière danse, Où toi, la Mort, lui as fait sans soûlas Faire faux pas et mortelle cadence, Sous dur rebec sonnant le grand hélas. Quant est du corps, vrai est que meurtri l'as, Mais de son bruit, où jamais n'eut frivole, Maulgré ton dard, par tout le monde il vole, Toujours croissant, comme lys qui fleuronne. Touchant son âme, immortelle couronne Lui a donné celui pour qui mourut ; Mais quelque bien encor que Dieu lui donne, Je suis contraint par amour, qui l'ordonne, Le regretter, et maudire Baruth.

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    Didier Venturini

    @didierVenturini

    Catrina La robe fendue sur une cuisse mince la jambe tendue pour quelque prince mais souviens toi que tu mourras quand dans mes bras tu renaitras regarde beau gosse ce cheval sombre ce ciel de noce au d’ssus des tombes dia de los muertos viens dans ma danse joyeux mortel suis la cadence du grand sommeil sur cet autel où tu m’honores soyons fidèles même dans la mort je suis défunte déjà squelette pour quelques feintes rire des défaites un beau chapeau venu de France couvre mes os de sa clémence buvons encore à nos santés le pain des morts est bien doré

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le cercueil Au jour ou mon aïeul fut pris de léthargie, Par mégarde on avait apporté son cercueil; Déjà l’étui des morts s’ouvrait pour son accueil, Quand son âme soudain ralluma sa bougie. Et nos âmes, depuis cet horrible moment, Gardaient de ce cercueil de grandes terreurs sourdes; Nous croyions voir l’aïeul au fond des fosses lourdes, Hagard, et se mangeant dans l’ombre éperdument. Aussi quand l’un mourait, père ou frère atterré Refusait sa dépouille à la boîte interdite, Et ce cercueil, au fond d’une chambre maudite, Solitaire et muet, plein d’ombre, est demeuré. Il me fut défendu pendant longtemps de voir Ou de porter les mains à l’objet qui me hante. . . Mais depuis, sombre errant de la forêt méchante Où chaque homme est un tronc marquant mon souci noir. J’ai grandi dans le goût bizarre du tombeau, Plein du dédain de l’homme et des bruits de la terre, Tel un grand cygne noir qui s’éprend de mystère, Et vit à la clarté du lunaire flambeau. Et j’ai voulu revoir, cette nuit, le cercueil Qui me troubla jusqu’en ma plus ancienne année; Assaillant d’une clé sa porte surannée J’ai pénétré sans peur en la chambre de deuil. Et là, longtemps je suis resté, le regard fou, Longtemps, devant l’horreur macabre de la boîte; Et j’ai senti glisser sur ma figure moite Le frisson familier d’une bête à son trou. Et je me suis penché pour l’ouvrir, sans remord Baisant son front de chêne ainsi qu’un front de frère; Et, mordu d’un désir joyeux et funéraire, Espérant que le ciel m’y ferait tomber mort.

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le corbillard Par des temps de brouillard, de vent froid et de pluie, Quand l’azur a vêtu comme un manteau de suie, Fête des anges noirs! dans l’après-midi, tard, Comme il est douloureux de voir un corbillard, Traîné par des chevaux funèbres, en automne, S’en aller cahotant au chemin monotone, Là-bas vers quelque gris cimetière perdu, Qui lui-même, comme un grand mort gît étendu! L’on salue, et l’on est pensif au son des cloches Élégiaquement dénonçant les approches D’un après-midi tel aux rêves du trépas. Alors nous croyons voir, ralentissant nos pas, À travers des jardins rouillés de feuilles mortes, Pendant que le vent tord des crêpes à nos portes, Sortir de nos maisons, comme des cœurs en deuil, Notre propre cadavre enclos dans le cercueil.

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le perroquet Aux jours de sa vieille détresse Elle avait, la pauvre négresse, Gardé cet oiseau d’allégresse. Ils habitaient, au coin hideux, Un de ces réduits hasardeux, Un faubourg lointain, tous les deux. Lui, comme jadis à la foire, Il jacassait les jours de gloire Perché sur son épaule noire. La vieille écoutait follement, Croyant que par l’oiseau charmant Causait l’âme de son amant. Car le poète chimérique, Avec une verve ironique A la crédule enfant d’Afrique Avait conté qu’il s’en irait, A son trépas, vivre en secret Chez l’âme de son perroquet. C’est pourquoi la vieille au front chauve, A l’heure où la clarté se sauve, Interrogeait l’oiseau, l’oeil fauve. Mais lui riait, criant toujours, Du matin au soir tous les jours :  » Ha ! Ha ! Ha ! Gula, mes amours ! «  Elle en mourut dans un cri rauque, Croyant que sous le soliloque Inconscient du bavard glauque, L’amant défunt voulait, moqueur, Railler l’amour de son vieux coeur. Elle en mourut dans la rancoeur. L’oiseau pleura ses funérailles, Puis se fit un nid de pierrailles En des ruines de murailles. Mais il devint comme hanté ; Et quand la nuit avait chanté Au clair du ciel diamanté, On eût dit, à voir sa détresse, Qu’en lui pleurait, dans sa tendresse, L’âme de la pauvre négresse.

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Rondel à ma pipe Devant un bock, ma bonne pipe, Selon notre amical principe Rêvons à deux, ce soir d’hiver. Puisque le ciel me prend en grippe (N’ai-je pourtant assez souffert ?) les pieds sur les chenets, ma pipe. Preste, la mort que j’anticipe Va me tirer de cet enfer Pour celui du vieux Lucifer; Soit ! nous fumerons chez ce type, Les pieds sur des chenets de fer.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    La crypte Égarons-nous, mon âme, en ces cryptes funestes, Où la douleur, par des crimes, se définit, Où chaque dalle, au long du mur, atteste Qu’un meurtre noir, à toute éternité, Est broyé là, sous du granit. Des pleurs y tombent sur les morts ; Des pleurs sur des corps morts Et leurs remords, Y tombent ; Des coeurs ensanglantés d’amour Se sont jadis aimés, Se sont tués, quoique s’aimant toujours, Et s’entendent, les nuits, et s’entendent, les jours, Se taire ou s’appeler, parmi ces tombes. Le vent qui passe et que l’ombre y respire, Est moite et lourd et vieux de souvenirs ; On l’écoute, le soir, l’haleine suspendue ; Et l’on surprend des effluves voler Et s’attirer et se frôler. Oh ! ces caves de marbre en sculpture tordues. La vie, au-delà de la mort encor vivante, La vie approfondie en épouvante, Perdure là, si fort, Qu’on croit sentir, dans les murailles, Avec de surhumains efforts, Battre et s’exalter encor Tous ces coeurs fous, tous ces coeurs morts, Qui ont vaincu leurs funérailles. Reposent là des maîtresses de rois Dont le caprice et le délire Ont fait se battre des empires ; Des conquérants, dont les glaives d’effroi Se brisèrent, entre des doigts de femme ; Des poètes fervents et clairs De leur ivresse et de leur flamme, Qui périrent, en chantant l’air Triste ou joyeux qu’aimait leur dame. Voici les ravageurs et les ardents Dont le baiser masquait le coup de dents ; Les fous dont le vertige aimait l’abîme Qui dépeçaient l’amour en y taillant un crime ; Les violents et les vaincus du sort Ivres de l’inconnu que leur offrait la mort ; Enfin, les princesses, les reines, Mortes – depuis quels temps et sur quels échafauds ? – Quand le peuple portait des morts, comme drapeaux, Devant ses pas rués vers la conquête humaine. Égarons-nous, mon âme, en ces cryptes de deuil, Où, sous chaque tombeau, où, dans chaque linceul, On écoute les morts si terriblement vivre. Leur désespoir superbe et leur douleur enivrent, Car, au-delà de l’agonie, ils ont planté Si fortement et si tragiquement leur volonté Que leur poussière encore est pleine Des ferments clairs de leur amour et de leur haine. Leurs passions, bien qu’aujourd’hui sans voix, S’entremordent, comme autrefois, Plus féroces depuis qu’elles se sentent Libres, dans ce palais de la clarté absente. Regard d’orgueil, regard de proie, Fondent l’un sur l’autre, sans qu’on les voie, Pour se percer et s’abîmer, en des ténèbres. Autour des vieux granits et des pierres célèbres, Parfois, un remuement de pas guerriers s’entend Et tel héros debout dans son orgueil, attend Que, sur son socle orné de combats rouges, Soudain le bronze et l’or de la bataille bougent. Tout drame y vit, les yeux hagards, le poing fermé, Et traîne, à ses côtés, le désespoir armé ; L’envie et le soupçon aux carrefours s’abouchent ; Des mots sont étouffés, par des mains, sur des bouches ; Des bras se nouent et se dénouent, ardents et las ; Dans l’ombre, on croirait voir luire un assassinat ; Mille désirs qui se lèvent et qui avortent, D’un large élan vaincu, battent toujours les portes ; L’intermittent reflet de vieux flambeaux d’airain Passe, le long des murs, en gestes surhumains ; On sent, autour de soi, les passions bandées, Sur l’arc silencieux des plus sombres idées ; Tout est muet et tout est haletant ; La nuit, la fièvre encore augmente et l’on entend Un bruit pesant sortir de terre Et se rompre les plombs et se fendre les bières ! Oh, cette vie aiguë et toute en profondeur, Si ténébreuse et si trouble, qu’elle fait peur ! Cette vie âpre, où les luttes s’accroissent A force de volonté, Jusqu’à donner l’éternité Pour mesure à son angoisse, Mon coeur, sens-tu, comme elle est effrénée En son spasme suprême et sa ferveur damnée ? Soit par pitié, soit parce qu’elle Concentre, en son ardeur, toute l’âme rebelle, Incline-toi, vers son mystère et sa terreur, Ô toi, qui veux la vie à travers tout, mon coeur ! Pèse sa crainte et suppute ses rages Et son entêtement, en ces conflits d’orages, Toujours exaspéré, jusqu’au suprême effort ; Sens les afflux de joie et les reflux de peine Passer, dans l’atmosphère, et enfiévrer la mort ; Songe à tous tes amours, songe à toutes tes haines, Et plonge-toi, sauvage et outrancier, Comme un rouge faisceau de lances, En ce terrible et fourmillant brasier De violence et de silence.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    La mort Avec ses larges corbillards Ornés de plumes majuscules, Par les matins, dans les brouillards, La mort circule. Parée et noire et opulente, Tambours voilés, musiques lentes, Avec ses larges corbillards, Flanqués de quatre lampadaires, La Mort s’étale et s’exagère. Pareils aux nocturnes trésors, Les gros cercueils écussonnés – Larmes d’argent et blasons d’or – Ecoutent l’heure éclatante des glas Que les cloches jettent, là-bas : L’heure qui tombe, avec des bonds Et des sanglots, sur les maisons, L’heure qui meurt sur les demeures, Avec des bonds et des sanglots de plomb. Parée et noire et opulente, Au cri des orgues violentes Qui la célèbrent, La mort tout en ténèbres Règne, comme une idole assise, Sous la coupole des églises. Des feux, tordus comme des hydres, Se hérissent, autour du catafalque immense OÙ des anges, tenant des faulx et des cleps Dressent leur véhémence, Clairons dardés, vers le néant. Le vide en est grandi sous le transept béan De hautes voix d’enfants jettent vers les miséricordes Des cris tordus comme des cordes, Tandis que les vieilles murailles Montent, comme des linceuls blancs, Autour du bloc formidable et branlant De ces massives funérailles. Drapée en noir et familière, La Mort s’en va le long des rues Longues et linéaires. Drapée en noir, comme le soir, La vieille Mort agressive et bourrue S’en va par les quartiers Des boutiques et des métiers, En carrosse qui se rehausse De gros lambris exorbitants, Couleur d’usure et d’ancien temps. Drapée en noir, la Mort Cassant, entre ses mains, le sort Des gens méticuleux et réfléchis Qui s’exténuent, en leurs logis, Vainement, à faire fortune, La Mort soudaine et importune Les met en ordre dans leurs bières Comme en des cases régulières’. Et les cloches sonnent péniblement Un malheureux enterrement, Sur le défunt, que l’on trimballe, Par les églises colossales, Vers un coin d’ombre, où quelques cierg Pauvres flammes, brÛlent, devant la Vieri Vêtue en noir et besogneuse, La Mort gagne jusqu’aux faubourgs, En chariot branlant et lourd, Avec de vieilles haridelles Qu’elle flagelle Chaque matin, vers quels destins ? Vêtue en noir, La Mort enjambe le trottoir Et l’égout pâle, où se mirent les bornes, Qui vont là-bas, une à une, vers les champs mornes; Et leste et rude et dédaigneuse Gagne les escaliers et s’arrête sur les paliers OÙ l’on entend pleurer et sangloter, Derrière la porte entr’ouverte, Des gens laissant l’espoir tomber, Inerte. Et dans la pluie indéfinie, Une petite église de banlieue, Très maigrement, tinte un adieu, Sur la bière de sapin blanc Qui se rapproche, avec des gens dolents, Par les routes, silencieusement. Telle la Mort journalière et logique Qui fait son ceuvre et la marque de croix Et d’adieux mornes et de voix Criant vers l’inconnu les espoirs liturgiques. Mais d’autres fois, c’est la Mort grande et sa Avec son aile au loin ramante, Vers les villes de l’épouvante. Un ciel étrange et roux brûle la terre moite Des tours noires s’étirent droites Telles des bras, dans la terreur des cré Les nuits tombent comme épaissies, Les nuits lourdes, les nuits moisies, OÙ, dans l’air gras et la chaleur rancie, Tombereaux pleins, la Mort circule. Ample et géante comme l’ombre, Du haut en bas des maisons sombres, On l’écoute glisser, rapide et haletante. La peur du jour qui vient, la peur de toute attente, La peur de tout instant qui se décoche, Persécute les coeurs, partout, Et redresse, soudain, en leur sueur, debout Ceux qui, vers le minuit, songent au matin Les hôpitaux gonflés de maladies, Avec les yeux fiévreux de leurs fenêtres roug Regardent le ciel trouble, où rien ne bouge Ni ne répond aux détresses grandies. Les égouts roulent le poison Et les acides et les chlores, Couleur de nacre et de phosphore, Vainement tuent sa floraison. De gros bourdons résonnent Pour tout le monde, pour personne Les églises barricadent leur seuil, Devant la masse des cercueils. Et l’on entend, en galops éperdus, La mort passer et les bières que l’on transporte Aux nécropoles, dont les portes, Ni nuit ni jour, ne ferment plus. Tragique et noire et légendaire, Les pieds gluants, les gestes fous, La Mort balaie en un grand trou La ville entière au cimetière.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    La ville Tous les chemins vont vers la ville. Du fond des brumes, Là-bas, avec tous ses étages Et ses grands escaliers et leurs voyages Jusques au ciel, vers de plus hauts étages, Comme d’un rêve, elle s’exhume. Là-bas, Ce sont des ponts tressés en fer Jetés, par bonds, à travers l’air; Ce sont des blocs et des colonnes Que dominent des faces de gorgones; Ce sont des tours sur des faubourgs, Ce sont des toits et des pignons, En vols pliés, sur les maisons; C’est la ville tentaculaire, Debout, Au bout des plaines et des domaines. Des clartés rouges Qui bougent Sur des poteaux et des grands mâts, Même à midi, brûlent encor Comme des œufs monstrueux d’or, Le soleil clair ne se voit pas: Bouche qu’il est de lumière, fermée Par le charbon et la fumée, Un fleuve de naphte et de poix Bat les môles de pierre et les pontons de bois; Les sifflets crus des navires qui passent Hurlent la peur dans le brouillard: Un fanal vert est leur regard Vers l’océan et les espaces. Des quais sonnent aux entrechocs de leurs fourgons, Des tombereaux grincent comme des gonds, Des balances de fer font choir des cubes d’ombre Et les glissent soudain en des sous-sols de feu; Des ponts s’ouvrant par le milieu, Entre les mâts touffus dressent un gibet sombre Et des lettres de cuivre inscrivent l’univers, Immensément, par à travers Les toits, les corniches et les murailles, Face à face, comme en bataille. Par au-dessus, passent les cabs, filent les roues, Roulent les trains, vole l’effort, Jusqu’aux gares, dressant, telles des proues Immobiles, de mille en mille, un fronton d’or. Les rails ramifiés rampent sous terre En des tunnels et des cratères Pour reparaître en réseaux clairs d’éclairs Dans le vacarme et la poussière. C’est la ville tentaculaire. La rue – et ses remous comme des câbles Noués autour des monuments – Fuit et revient en longs enlacements; Et ses foules inextricables Les mains folles, les pas fiévreux, La haine aux yeux, Happent des dents le temps qui les devance. A l’aube, au soir, la nuit, Dans le tumulte et la querelle, ou dans l’ennui, Elles jettent vers le hasard l’âpre semence De leur labeur que l’heure emporte. Et les comptoirs mornes et noirs Et les bureaux louches et faux Et les banques battent des portes Aux coups de vent de leur démence. Dehors, une lumière ouatée, Trouble et rouge, comme un haillon qui brûle, De réverbère en réverbère se recule. La vie, avec des flots d’alcool est fermentée. Les bars ouvrent sur les trottoirs Leurs tabernacles de miroirs Où se mirent l’ivresse et la bataille; Une aveugle s’appuie à la muraille Et vend de la lumière, en des boîtes d’un sou; La débauche et la faim s’accouplent en leur trou Et le choc noir des détresses charnelles Danse et bondit à mort dans les ruelles. Et coup sur coup, le rut grandit encore Et la rage devient tempête: On s’écrase sans plus se voir, en quête Du plaisir d’or et de phosphore; Des femmes s’avancent, pâles idoles, Avec, en leurs cheveux, les sexuels symboles. L’atmosphère fuligineuse et rousse Parfois loin du soleil recule et se retrousse Et c’est alors comme un grand cri jeté Du tumulte total vers la clarté: Places, hôtels, maisons, marchés, Ronflent et s’enflamment si fort de violence Que les mourants cherchent en vain le moment de silence Qu’il faut aux yeux pour se fermer. Telle, le jour – pourtant, lorsque les soirs Sculptent le firmament, de leurs marteaux d’ébène, La ville au loin s’étale et domine la plaine Comme un nocturne et colossal espoir; Elle surgit: désir, splendeur, hantise; Sa clarté se projette en lueurs jusqu’aux cieux, Son gaz myriadaire en buissons d’or s’attise, Ses rails sont des chemins audacieux Vers le bonheur fallacieux Que la fortune et la force accompagnent; Ses murs se dessinent pareils à une armée Et ce qui vient d’elle encore de brume et de fumée Arrive en appels clairs vers les campagnes. C’est la ville tentaculaire, La pieuvre ardente et l’ossuaire Et la carcasse solennelle. Et les chemins d’ici s’en vont à l’infini Vers elle.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Les cierges Ongles de feu, cierges ! – Ils s’allument, les soirs, Doigts mystiques dressés sur des chandeliers d’or, A minces et jaunes flammes, dans un décor Et de cartels et de blasons et de draps noirs. Ils s’allument dans le silence et les ténèbres, Avec le grésil bref et méchant de leur cire, Et se moquent – et l’on croirait entendre rire Les prières autour des estrades funèbres. Les morts, ils sont couchés très longs dans leurs remords Et leur linceul très pâle et les deux pieds dressés En pointe et les regards en l’air et trépassés Et repartis chercher ailleurs les autres morts. Chercher ? Et les cierges les conduisent ; les cierges Pour les charmer et leur illuminer la route Et leur souffler la peur et leur souffler le doute Aux carrefours multipliés des chemins vierges. Ils ne trouveront point les morts aimés jadis, Ni les anciens baisers, ni les doux bras tendus, Ni les amours lointains, ni les destins perdus ; Car les cierges ne mènent pas en paradis. Ils s’allument dans le silence et les ténèbres, Avec le grésil bref et méchant de leur cire Et se moquent – et l’on entend gratter leur rire Autour des estrades et des cartels funèbres. Ongles pâles dressés sur des chandeliers d’or ! Emile Verhaeren, Les bords de la route  

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Novembre Les grand’routes tracent des croix A l’infini, à travers bois ; Les grand’routes tracent des croix lointaines A l’infini, à travers plaines ; Les grand’routes tracent des croix Dans l’air livide et froid, Où voyagent les vents déchevelés A l’infini, par les allées. Arbres et vents pareils aux pèlerins, Arbres tristes et fous où l’orage s’accroche, Arbres pareils au défilé de tous les saints, Au défilé de tous les morts Au son des cloches, Arbres qui combattez au Nord Et vents qui déchirez le monde, Ô vos luttes et vos sanglots et vos remords Se débattant et s’engouffrant dans les âmes profondes ! Voici novembre assis auprès de l’âtre, Avec ses maigres doigts chauffés au feu ; Oh ! tous ces morts là-bas, sans feu ni lieu, Oh ! tous ces vents cognant les murs opiniâtres Et repoussés et rejetés Vers l’inconnu, de tous côtés. Oh ! tous ces noms de saints semés en litanies, Tous ces arbres, là-bas, Ces vocables de saints dont la monotonie S’allonge infiniment dans la mémoire ; Oh ! tous ces bras invocatoires Tous ces rameaux éperdument tendus Vers on ne sait quel christ aux horizons pendu. Voici novembre en son manteau grisâtre Qui se blottit de peur au fond de l’âtre Et dont les yeux soudain regardent, Par les carreaux cassés de la croisée, Les vents et les arbres se convulser Dans l’étendue effarante et blafarde, Les saints, les morts, les arbres et le vent, Oh l’identique et affolant cortège Qui tourne et tourne, au long des soirs de neige ; Les saints, les morts, les arbres et le vent, Dites comme ils se confondent dans la mémoire Quand les marteaux battants A coups de bonds dans les bourdons, Ecartèlent leur deuil aux horizons, Du haut des tours imprécatoires. Et novembre, près de l’âtre qui flambe, Allume, avec des mains d’espoir, la lampe Qui brûlera, combien de soirs, l’hiver ; Et novembre si humblement supplie et pleure Pour attendrir le coeur mécanique des heures ! Mais au dehors, voici toujours le ciel, couleur de fer, Voici les vents, les saints, les morts Et la procession profonde Des arbres fous et des branchages tords Qui voyagent de l’un à l’autre bout du monde. Voici les grand’routes comme des croix A l’infini parmi les plaines Les grand’routes et puis leurs croix lointaines A l’infini, sur les vallons et dans les bois !

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    Ephraïm Jouy

    @ephraimJouy

    Concrétion À la lisière obscure où gît ton ombre de glaise Dans le complot sourd d’une aurore indécise La trace de ton âme oscille, cousue de néant Prise au creux ardent de tes méandres insatiables Dans le spectre d’un autre loin aux rives incertaines D’où jaillissent des corps aux fêlures sauvages Et des visages dévorés de mystères à vifs Il n’y a plus rien d’autre que ta voix qui rôde dans le ciel et le sang Un dernier écho de brume qui écharde mon coeur vacant

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    Esther Granek

    @estherGranek

    Chanson triste L’œil égrillard Et le sang fou Et du poil gris un peu partout Et trop de lard (mais le niant) Sera-ce donc là mon portrait quand viendront me tournebouler les derniers feux de mon couchant ? *** Le glandulaire Et l’hormonal En moi débridant l’animal Dont je suis fier (suprêmement) Sera-ce donc là mon portrait quand viendront me tournebouler les derniers feux de mon couchant ? *** Ardeurs. Chaleurs. Moult canicules. Sans souci d’aucun ridicule : Brusques verdeurs ! Déferlements ! Sera-ce donc là mon portrait quand viendront me tournebouler les derniers feux de mon couchant ? *** Et ce barbon En devenir Rêvant de pucelles à s’offrir D’âge mignon Cela s’entend Sera-ce donc là mon portrait quand viendront me tournebouler les derniers feux de mon couchant ? *** Puis cet effroi Qui vous tenaille Devinant qu’en ce feu de paille S’éteint déjà La fin d’un temps Sera-ce donc là mon portrait quand viendront me tournebouler…

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    Esther Granek

    @estherGranek

    En gris L’homme est né de la terre, à la terre s’en retourne et redevient poussière. Ainsi les choses tournent. * Or, pour son plus grand bien, la nature a prévu qu’avant de n’être plus, gris-poussière l’homme devint. * Car si l’heureux destin lui prête longue vie, tout en l’homme devient gris, cheveu, poil, oeil et teint. * Ainsi, du grand passage s’amoindrit le dommage. C’est douce préparation, qu’on la camoufle ou non. * Et grisâtres mouvements et grisâtres pensées et grisâtres vêtements déjà l’ont imprégné. * Dans cette brume uniforme tous les vieux ont même forme comme antiques tapisseries tournant toutes au même gris. * Ainsi, du grand passage s’amoindrit le dommage…

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    Esther Granek

    @estherGranek

    Il a vécu Il a vécu… Il a vécu et il n’est plus. Larmes fausses… vraies…pensées émues… Chapitre clos. Testament lu. Il a vécu. Une vie durant… Une vie durant, fortune aidant, il amassa amoureusement choses, objets choisis longuement, une vie durant. En sa demeure… En sa demeure moult valeurs s’harmonisaient avec bonheur. Y pénétrer était honneur, en sa demeure Devint féroce… Devint féroce et pire qu’un gosse. Et comme chien défendant son os, il soupçonna le temps, les gens. Devint féroce. Son coeur saignait… Son coeur saignait comme bafoué. En chaque objet. Pour chaque trace. Pour chaque griffe. Pour chaque casse… Son coeur saignait. Chapitre clos… Chapitre clos, chapitre ouvert, ce fut un tremblement de terre car dès qu’il reposa sous terre : chapitre ouvert. Révolution… Révolution dans la maison. Les choses perdent et place et nom. Et l’inutile va au pilon. Révolution. Durs traitements… Durs traitements sont infligés aux objets qu’il a vénérés. Orphelins qu’on s’arrache pourtant. Durs traitements. Il a vécu… Il a vécu et il n’est plus. Dans ses cauchemars a-t-il prévu ? A-t-il tremblé ? Et qu’a-t-il su ? Ou deviné ? Aux quatre vents… Aux quatre vents sont dispersées tant de valeurs accumulées pour être à nouveau adorées, aux quatre vents.

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    Etienne la Boétie (De)

    @etienneLaBoetieDe

    Amour, lors que premier ma franchise fut morte Amour, lors que premier ma franchise fut morte, Combien j'avois perdu encor je ne sçavoy, Et ne m'advisoy pas, mal sage, que j'avoy Espousé pour jamais une prison si forte. Je pensoy me sauver de toy en quelque sorte, Au fort m'esloignant d'elle ; et maintenant je voy Que je ne gaigne rien à fuir devant toy, Car ton traict en fuyant avecques moy j'emporte. Qui a veu au village un enfant enjoué, Qui un baston derriere à un chien a noué, Le chien d'estre battu par derriere estonné, Il se vire et se frappe, et les enfans joyeux Rient qu'il va, qu'il vient, et fuyant parmy eulx Ne peut fuir les coups que luymesme se donne.

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    Eustache Deschamps

    @eustacheDeschamps

    Ballade sur la mort de du Guesclin Estoc d'honneur et arbre de vaillance, Cœur de lion épris de hardement, La fleur des preux et la gloire de France, Victorieux et hardi combattant, Sage en vos faits et bien entreprenant, Souverain homme de guerre, Vainqueur de gens et conquéreur de terre, Le plus vaillant qui jamais fût en vie, Chacun pour vous doit noir vêtir et querre : Pleurez, pleurez, fleur de chevalerie! O Bretagne, pleure ton espérance! Normandie, fais son enterrement, Guyenne aussi, et Auvergne, or t'avance, Et Languedoc, quier lui son monument ! Picardie, Champagne et Occident Doivent pour pleurer acquerre Tragédiens, Arethusa requerre Qui en eaue fut par pleur convertie, Afin qu'à tous de sa mort les cœurs serre. Pleurez, pleurez, fleur de chevalerie! Hé, gens d'armes, ayez en remembrance Votre père, vous étiez ses enfants, Le bon Bertrand, qui tant eut de puissance, Qui vous aimait si amoureusement : Guesclin priait : priez dévotement Qu'il puist Paradis conquerre. Qui deuil n'en fait et qui n'en prie, il erre, Car du monde est la lumière faillie. De tout honneur était la droite serre. Pleurez, pleurez, fleur de chevalerie!

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    Eustache Deschamps

    @eustacheDeschamps

    Ballade sur le trépas de Du Guesclin Souche d'honneur et arbre de vaillance, Coeur de lion plein de hardiesse, La fleur des preux et la gloire de France, Victorieux et hardi combattant, Sage en vos actions et bien entrepenant, Souverain homme de guerre, Vainqueur de gens et conquérant de terre, Le plus vaillant qui jamais fût en vie, Chacun pour vous doit se vêtir de noir Pleurez, pleurez, fleur de chevalerie O Bretagne, pleure ton espérance, Normandie, fais son enterrement, Guyenne aussi et Auvergne avance-toi maintenant Et Languedoc, recherche ses actions. Picardie, Champagne, et Occident Doivent pour pleurer aller chercher Les Tragédiens, ou la nymphe Aréthuse Qui fut convertie en eau par ses pleurs Afin qu`à tous de sa mort le coeur se serre; Pleurez, pleurez, fleur de chevalerie

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    Federico Garcia Lorca

    Federico Garcia Lorca

    @federicoGarciaLorca

    Couleurs Au-dessus de Paris la lune est violette. Elle devient jaune dans les villes mortes. Il y a une lune verte dans toutes les légendes. Lune de toile d’araignée et de verrière brisée, et par-dessus les déserts elle est profonde et sanglante. Mais la lune blanche, la seule vraie lune, brille sur les calmes cimetières de villages.

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    F

    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Cascade Au flanc de la bière, le triple mur de pierre, Sous la chair d’un drapeau enclavé dans le sang, Lance le mikado au-dessus des enfants Comme l’arlequin blanc qu’on voit au cimetière. L’Egypte assoiffée de nourrices et d’ornières, Valse silencieusement au fil du temps, Relevant lentement, sans gant, le pan tranchant De son tulle de gré surpiqué de lumière. Salle vide de bal, le désert qui s’endort, Veille, couché, comme un chacal perlé de feu, Déployant sa poitrine enflée de sable et d’or. Loin des terrasses, le souffle de l’aube perce Enfin, l’anneau de la nuit, du stylet de son jeu, Et dévoilant son corps, se couche sous la herse.

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