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Mort

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Mort

Poésies de la collection mort

    Pierre de Ronsard

    Pierre de Ronsard

    @pierreDeRonsard

    Je n’ai plus que les os Je n’ai plus que les os, un squelette je semble, Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé, Que le trait de la mort sans pardon a frappé, Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble. Apollon et son fils, deux grands maîtres ensemble, Ne me sauraient guérir, leur métier m’a trompé ; Adieu, plaisant Soleil, mon œil est étoupé, Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble. Quel ami me voyant en ce point dépouillé Ne remporte au logis un œil triste et mouillé, Me consolant au lit et me baisant la face, En essuyant mes yeux par la mort endormis ? Adieu, chers compagnons, adieu, mes chers amis, Je m’en vais le premier vous préparer la place.

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    Pierre de Ronsard

    Pierre de Ronsard

    @pierreDeRonsard

    Je veux mourir pour tes beautés, maîtresse Je veux mourir pour tes beautés, Maîtresse, Pour ce bel oeil, qui me prit à son hain, Pour ce doux ris, pour ce baiser tout plein D’ambre et de musc, baiser d’une Déesse. Je veux mourir pour cette blonde tresse, Pour l’embonpoint de ce trop chaste sein, Pour la rigueur de cette douce main, Qui tout d’un coup me guérit et me blesse. Je veux mourir pour le brun de ce teint, Pour cette voix, dont le beau chant m’étreint Si fort le coeur que seul il en dispose. Je veux mourir ès amoureux combats, Soûlant l’amour, qu’au sang je porte enclose, Toute une nuit au milieu de tes, bras.

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    Pierre de Ronsard

    Pierre de Ronsard

    @pierreDeRonsard

    Plût-il à dieu n’avoir jamais tâté Plût-il à Dieu n’avoir jamais tâté Si follement le tétin de m’amie ! Sans lui vraiment l’autre plus grande envie, Hélas ! ne m’eût, ne m’eût jamais tenté. Comme un poisson, pour s’être trop hâté, Par un appât, suit la fin de sa vie, Ainsi je vois où la mort me convie, D’un beau tétin doucement apâté. Qui eût pensé, que le cruel destin Eût enfermé sous un si beau tétin Un si grand feu, pour m’en faire la proie ? Avisez donc, quel serait le coucher Entre ses bras, puisqu’un simple toucher De mille morts, innocent, me froudroie.

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    Raymond Radiguet

    Raymond Radiguet

    @raymondRadiguet

    Sur la mort d’une rose Cette rose qui meurt dans un vase d'argile Attriste mon regard, Elle paraît souffrir et son fardeau fragile Sera bientôt épars. Les pétales tombés dessinent sur la table Une couronne d'or, Et pourtant un parfum subtil et palpable Vient me troubler encor. J'admire avec ferveur tous les êtres qui donnent Ce qu'ils ont de plus beau Et qui, devant la Mort s'inclinent et pardonnent Aux auteurs de leurs maux, Et c'est pourquoi penché sur cette rose molle Qui se fane pour moi, J'embrasse doucement l'odorante corolle Une dernière fois.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Les yeux Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux, Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ; Ils dorment au fond des tombeaux Et le soleil se lève encore. Les nuits plus douces que les jours Ont enchanté des yeux sans nombre ; Les étoiles brillent toujours Et les yeux se sont remplis d’ombre. Oh ! qu’ils aient perdu le regard, Non, non, cela n’est pas possible ! Ils se sont tournés quelque part Vers ce qu’on nomme l’invisible ; Et comme les astres penchants, Nous quittent, mais au ciel demeurent, Les prunelles ont leurs couchants, Mais il n’est pas vrai qu’elles meurent : Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux, Ouverts à quelque immense aurore, De l’autre côté des tombeaux Les yeux qu’on ferme voient encore.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Bonne mort Le Phédon jette en l'âme un céleste reflet, Mais rien n'est plus suave au cœur que l'Évangile. Délicat embaumeur de la raison fragile, Il sent la myrrhe, il coule aussi doux que le lait. Dans ses pures leçons rien n'est prouvé ; tout plaît : Le bon Samaritain qui prodigue son huile, L'héroïsme indulgent pour la plèbe servile L'âme offerte à l'épreuve et la joue au soufflet. On dit que les mourants ont foi dans ce beau-livre : Quand la raison fléchit, il apaise, il enivre, Et l'agonie y trouve un généreux soutien. Prêtre, tu mouilleras mon front qui te résiste ; Trop faible pour douter, je m'en irai moins triste Dans le néant peut-être, avec l'espoir chrétien.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Le dernier adieu Quand l'être cher vient d'expirer, On sent obscurément la perte, On ne peut pas encor pleurer : La mort présente déconcerte ; Et ni le lugubre drap noir, Ni le Dies irae farouche, Ne donnent forme au désespoir : La stupeur clôt l'âme et la bouche. Incrédule à son propre deuil, On regarde au fond de la tombe, Sans rien comprendre à ce cercueil Sonnant sous la terre qui tombe. C'est aux premiers regards portés, En famille, autour de la table, Sur les sièges plus écartés, Que se fait l'adieu véritable.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Le volubilis Toi qui m'entends sans peur te parler de la mort, Parce que ton espoir te promet qu'elle endort Et que le court sommeil commencé dans son ombre S'achève au clair pays des étoiles sans nombre, Reçois mon dernier vœu pour le jour où j'irai Tenter seul, avant toi, si ton espoir dit vrai. Ne cultive au-dessus de mes paupières closes Ni de grands dahlias, ni d'orgueilleuses roses, Ni de rigides lis : ces fleurs montent trop haut. Ce ne sont pas des fleurs si fières qu'il me faut, Car je ne sentirais de ces raides voisines Que le tâtonnement funèbre des racines. Au lieu des dahlias, des roses et des lis, Transplante près de moi le gai volubilis Qui, familier, grimpant le long du vert treillage Pour denteler l'azur où ton âme voyage, Forme de ta beauté le cadre habituel Et fait de ta fenêtre un jardin dans le ciel. Voilà le compagnon que je veux à ma cendre : Flexible, il saura bien jusque vers moi descendre. Quand tu l'auras baisé, chérie, en me nommant, Par quelque étroite fente il viendra doucement, Messager de ton cœur, dans ma suprême couche, Fleurir de ton espoir le néant de ma bouche.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Sur la mort I. On ne songe à la Mort que dans son voisinage : Au sépulcre éloquent d'un être qui m'est cher, J'ai, pour m'en pénétrer, fait un pèlerinage, Et je pèse aujourd'hui ma tristesse d'hier. Je veux, à mon retour de cette sombre place Où semblait m'envahir la funèbre torpeur, Je veux me recueillir et contempler en face La mort, la grande mort, sans défi, mais sans peur. Assiste ma pensée, austère poésie Qui sacres de beauté ce qu'on a bien senti ; Ta sévère caresse aux pleurs vrais s'associe, Et tu sais que mon cœur ne t'a jamais menti. Si ton charme n'est point un misérable leurre, Ton art un jeu servile, un vain culte sans foi, Ne m'abandonne pas précisément à l'heure Où, pour ne pas sombrer, j'ai tant besoin de toi. Devant l'atroce énigme où la raison succombe, Si la mienne fléchit tu la relèveras ; Fais-moi donc explorer l'infini d'outre-tombe Sur ta grande poitrine entre tes puissants bras ; Fais taire l'envieux qui t'appelle frivole, Toi qui dans l'inconnu fais crier des échos Et prêtes par l'accent, plus sûr que la parole, Un sens révélateur au seul frisson des mots. Ne crains pas qu'au tombeau la morte s'en offense, Ô poésie, ô toi, mon naturel secours, Ma seconde berceuse au sortir de l'enfance, Qui seras la dernière au dernier de mes jours. II. Hélas ! J'ai trop songé sous les blêmes ténèbres Où les astres ne sont que des bûchers lointains, Pour croire qu'échappé de ses voiles funèbres L'homme s'envole et monte à de plus beaux matins ; J'ai trop vu sans raison pâtir les créatures Pour croire qu'il existe au delà d'ici-bas Quelque plaisir sans pleurs, quelque amour sans tortures, Quelque être ayant pris forme et qui ne souffre pas. Toute forme est sur terre un vase de souffrances, Qui, s'usant à s'emplir, se brise au moindre heurt ; Apparence mobile entre mille apparences Toute vie est sur terre un flot qui roule et meurt. N'es-tu plus qu'une chose au vague aspect de femme, N'es-tu plus rien ? Je cherche à croire sans effroi Que, ta vie et ta chair ayant rompu leur trame, Aujourd'hui, morte aimée, il n'est plus rien de toi. Je ne puis, je subis des preuves que j'ignore. S'il ne restait plus rien pour m'entendre en ce lieu, Même après mainte année y reviendrais-je encore, Répéter au néant un inutile adieu ? Serais-je épouvanté de te laisser sous terre ? Et navré de partir, sans pouvoir t'assister Dans la nuit formidable où tu gis solitaire, Penserais-je à fleurir l'ombre où tu dois rester ? III. Pourtant je ne sais rien, rien, pas même ton âge : Mes jours font suite au jour de ton dernier soupir, Les tiens n'ont-ils pas fait quelque immense passage Du temps qui court au temps qui n'a plus à courir ? Ont-ils joint leur durée à l'ancienne durée ? Pour toi s'enchaînent-ils aux ans chez nous vécus ? Ou dois-tu quelque part, immuable et sacrée, Dans l'absolu survivre à ta chair qui n'est plus ? Certes, dans ma pensée, aux autres invisible, Ton image demeure impossible à ternir, Où t'évoque mon cœur tu luis incorruptible, Mais serais-tu sans moi, hors de mon souvenir ? Servant de sanctuaire à l'ombre de ta vie, Je la préserve encor de périr en entier. Mais que suis-je ? Et demain quand je t'aurai suivie, Quel ami me promet de ne pas t'oublier ? Depuis longtemps ta forme est en proie à la terre, Et jusque dans les cœurs elle meurt par lambeaux, J'en voudrais découvrir le vrai dépositaire, Plus sûr que tous les cœurs et que tous les tombeaux. IV. Les mains, dans l'agonie, écartent quelque chose. Est-ce aux mots d'ici-bas l'impatient adieu Du mourant qui pressent sa lente apothéose ? Ou l'horreur d'un calice imposé par un dieu ? Est-ce l'élan qu'imprime au corps l'âme envolée ? Ou contre le néant un héroïque effort ? Ou le jeu machinal de l'aiguille affolée, Quand le balancier tombe, oublié du ressort ? Naguère ce problème où mon doute s'enfonce, Ne semblait pas m'atteindre assez pour m'offenser ; J'interrogeais de loin, sans craindre la réponse, Maintenant je tiens plus à savoir qu'à penser. Ah ! Doctrines sans nombre où l'été de mon âge Au vent froid du discours s'est flétri sans mûrir, De mes veilles sans fruit réparez le dommage, Prouvez-moi que la morte ailleurs doit refleurir, Ou bien qu'anéantie, à l'abri de l'épreuve, Elle n'a plus jamais de calvaire à gravir, Ou que, la même encor sous une forme neuve, Vers la plus haute étoile elle se sent ravir ! Faites-moi croire enfin dans le néant ou l'être, Pour elle et tous les morts que d'autres ont aimés, Ayez pitié de moi, car j'ai faim de connaître, Mais vous n'enseignez rien, verbes inanimés ! Ni vous, dogmes cruels, insensés que vous êtes, Qui du juif magnanime avez couvert la voix ; Ni toi, qui n'es qu'un bruit pour les cerveaux honnêtes, Vaine philosophie où tout sombre à la fois ; Toi non plus, qui sur Dieu résignée à te taire Changes la vision pour le tâtonnement, Science, qui partout te heurtant au mystère Et n'osant l'affronter, l'ajournes seulement. Des mots ! Des mots ! Pour l'un la vie est un prodige, Pour l'autre un phénomène. Eh ! Que m'importe à moi ! Nécessaire ou créé je réclame, vous dis-je, Et vous les ignorez, ma cause et mon pourquoi. V. Puisque je n'ai pas pu, disciple de tant d'autres, Apprendre ton vrai sort, ô morte que j'aimais, Arrière les savants, les docteurs, les apôtres. Je n'interroge plus, je subis désormais. Quand la nature en nous mit ce qu'on nomme l'âme, Elle a contre elle-même armé son propre enfant ; L'esprit qu'elle a fait juste au nom du droit la blâme, Le cœur qu'elle a fait haut la méprise en rêvant. Avec elle longtemps, de toute ma pensée Et de tout mon cœur, j'ai lutté corps à corps, Mais sur son œuvre inique, et pour l'homme insensée, Mon front et ma poitrine ont brisé leurs efforts. Sa loi qui par le meurtre a fait le choix des races, Abominable excuse au carnage que font Des peuples malheureux les nations voraces, De tout aveugle espoir m'a vidé l'âme à fond ; Je succombe épuisé, comme en pleine bataille Un soldat, par la veille et la marche affaibli, Sans vaincre, ni mourir d'une héroïque entaille, Laisse en lui les clairons s'éteindre dans l'oubli ; Pourtant sa cause est belle, et si doux est d'y croire Qu'il cherche en sommeillant la vigueur qui l'a fui ; Mais trop las pour frapper, il lègue la victoire Aux fermes compagnons qu'il sent passer sur lui. Ah ! Qui que vous soyez, vous qui m'avez fait naître, Qu'on vous nomme hasard, force, matière ou dieux, Accomplissez en moi, qui n'en suis pas le maître, Les destins sans refuge, aussi vains qu'odieux. Faites, faites de moi tout ce que bon vous semble, Ouvriers inconnus de l'infini malheur, Je viens de vous maudire, et voyez si je tremble, Prenez ou me laissez mon souffle et ma chaleur ! Et si je dois fournir aux avides racines De quoi changer mon être en mille êtres divers, Dans l'éternel retour des fins aux origines, Je m'abandonne en proie aux lois de l'univers.

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    Renee Vivien

    @reneeVivien

    Amazone L’amazone sourit au-dessus des ruines, Tandis que le soleil, las de luttes, s’endort. La volupté du meurtre a gonflé ses narines : Elle exulte, amoureuse étrange de la mort. Elle aime les amants qui lui donnent l’ivresse De leur fauve agonie et de leur fier trépas, Et, méprisant le miel de la mièvre caresse, Les coupes sans horreur ne la contentent pas. Son désir, défaillant sur quelque bouche blême Dont il sait arracher le baiser sans retour, Se penche avec ardeur sur le spasme suprême, Plus terrible et plus beau que le spasme d’amour.

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    RRenee Vivien

    @rreneeVivien

    Devant la mort Ils me disent, tandis que je sanglote encore : « Dans l’ombre du sépulcre où sa grâce pâlit, Elle aspire la paix passagère du lit. Les ténèbres au front, et dans les yeux l’aurore. « Elle aura la splendeur de l’Esprit délivré, Rêve, haleine, musique, essor, parfum, lumière. Le cercueil ne la peut contenir tout entière, Ni le sol, de chair morte et de pleurs enivré. « Le cierge aux larmes d’or, le râle du cantique Les lys fanés, ne sont qu’un symbole menteur : Dans une aube d’avril qui vient avec lenteur, Elle refleurira, violette mystique. » — Et j’écoute parmi les temples de la mort. Je sens monter vers moi la chaleur de la terre, Dont l’accablante odeur recèle le mystère Du sanglot qui se tait et du rayon qui dort. J’écoute, mais le vent des espaces emporte L’audacieux espoir des infinis sereins… Elle ne sera plus dans l’heure que j’étreins, L’heure unique et certaine, et moi, je la crois morte. La nuit, dont la langueur ne craint plus le soleil, L’enveloppant du bleu féerique de ses voiles, Éteint jusqu’aux lueurs lointaines des étoiles, Et le vin des pavots lui verse le sommeil. O Morte que j’aimais, ô Pâleur étendue Dans l’immobilité des néants noirs et froids, Je n’ose t’apporter que les fleurs d’autrefois Et mes sanglots païens sur ta beauté perdue.

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    Renee Vivien

    @reneeVivien

    Désir Elle est lasse, après tant d’épuisantes luxures. Le parfum émané de ses membres meurtris Est plein du souvenir des lentes meurtrissures. La débauche a creusé ses yeux bleus assombris. Et la fièvre des nuits avidement rêvées Rend plus pâles encor ses pâles cheveux blonds. Ses attitudes ont des langueurs énervées. Mais voici que l’Amante aux cruels ongles longs Soudain la ressaisit, et l’étreint, et l’embrasse D’une ardeur si sauvage et si douce à la fois, Que le beau corps brisé s’offre, en demandant grâce, Dans un râle d’amour, de désirs et d’effrois. Et le sanglot qui monte avec monotonie, S’exaspérant enfin de trop de volupté, Hurle comme l’on hurle aux moments d’agonie, Sans espoir d’attendrir l’immense surdité. Puis, l’atroce silence, et l’horreur qu’il apporte, Le brusque étouffement de la plaintive voix, Et sur le cou, pareil à quelque tige morte, Blêmit la marque verte et sinistre des doigts.

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    Renee Vivien

    @reneeVivien

    Let the dead bury their dead Voici la nuit : je vais ensevelir mes morts, Mes songes, mes désirs, mes douleurs, mes remords, Tout le passé… je vais ensevelir mes morts. J’ensevelis, parmi les sombres violettes, Tes yeux, tes mains, ton front et tes lèvres muettes, Ô toi qui dors parmi les sombres violettes ! J’emporte cet éclair dernier de ton regard… Dans le choc de la vie et le heurt du hasard, J’emporte ainsi la paix de ton dernier regard. Je couvrirai d’encens, de roses et de roses, La pâle chevelure et les paupières closes D’un amour dont l’ardeur mourut parmi les roses. Que s’élève vers moi l’âme froide des morts, Abolissant en moi les craintes, les remords, Et m’apportant la paix souriante des morts ! Que j’obtienne, dans un grand lit de violettes, Cette immuable paix d’éternités muettes Où meurt jusqu’à l’odeur des douces violettes ! Que se reflète, au fond de mon calme regard, Un vaste crépuscule immobile et blafard ! Que diminue enfin l’ardeur de mon regard ! Mais que j’emporte aussi le souvenir des roses, Lorsqu’on viendra poser sur mes paupières closes Les lotus et les lys, les roses et les roses !

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    Renee Vivien

    @reneeVivien

    Sonnet à une enfant Tes yeux verts comme l’aube et bleus comme la brume Ne rencontreront pas mes yeux noirs de tourment, Puisque ma douleur t’aime harmonieusement, O lys vierge, ô blancheur de nuage et d’écume ! Tu ne connaîtras point l’effroi qui me consume, Car je sais épargner au corps frêle et dormant La curiosité de mes lèvres d’amant, Mes lèvres que l’Hier imprégna d’amertume. Seule, lorsque l’azur de l’heure coule et fuit, Je te respirerai dans l’odeur de la nuit Et je te reverrai sous mes paupières closes. Portant, comme un remords, mon orgueil étouffant, J’irai vers le Martyre ensanglanté de roses, Car mon cœur est trop lourd pour une main d’enfant.

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    Renee Vivien

    @reneeVivien

    Vieillesse commençante C’est en vain aujourd’hui que le songe me leurre. Me voici face à face inexorablement Avec l’inévitable et terrible moment : Affrontant le miroir trop vrai, mon âme pleure. Tous les remèdes vains exaspèrent mon mal, Car nul ne me rendra la jeunesse ravie… J’ai trop porté le poids accablant de la vie Et sanglote aujourd’hui mon désespoir final. Hier, que m’importaient la lutte et l’effort rude ! Mais aujourd’hui l’angoisse a fait taire ma voix. Je sens mourir en moi mon âme d’autrefois, Et c’est la sombre horreur de la décrépitude !

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    Renee Vivien

    @reneeVivien

    Épitaphe Doucement tu passas du sommeil à la mort, De la nuit à la tombe et du rêve au silence, Comme s’évanouit le sanglot d’un accord Dans l’air d’un soir d’été qui meurt de somnolence. Au fond du Crépuscule où sombrent les couleurs, Où le monde pâli s’estompe au fond du rêve, Tu sembles écouter le reflux de la sève Murmurer, musical, dans les veines des fleurs. Le velours de la terre aux caresses muettes T’enserre, et sur ton front pleurent les violettes.

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    Rhita Benjelloun

    @rhitaBenjelloun

    Fleur du paradis Colombe blanche qui plane dans les cieux Réside avec les anges et le bon Dieu Ton âme est une note de musique qui nous éblouit Si rayonnante telle une fleur qui s’épanouit Juvénile, d’une blancheur pure et angélique Et ce sourire qui m’emporte vers un monde féerique Jadis, on marchait en chantant Main dans la main souvent en galopant Ainsi on vivait avant le 25 mai Ce jour damné qui a ton existence a mis un trait Houda …Ta mémoire est gravée dans mon cœur d’enfant Elle sera intacte, je veillerai à ce qu’elle le soit longtemps… Car ton authentique amitié est inestimable Je n’oublierai jamais nos rires, et même nos larmes Ton esprit court sans aucun doute Dans les jardins du paradis Je prierai chaque jour le bon Dieu pour ton répit Hommage à mon amie d’enfance Houda CHAHIDI, une pensée à tous ceux qui ont perdus leurs proches dans la guerre de la route…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Aux médecins qui viennent me voir Je ne peux plus, je ne peux plus, vous voyez bien… C’est tout ce que je puis. Et vous me regardez et vous ne faites rien. Vous dites que je peux, vous dites – aujourd’hui Comme il y a des jours et des jours – que l’on doit Lutter quand même et vous ne savez pas Que j’ai donné toute ma pauvre force, moi, Tout mon pauvre courage et que j’ai dans mes bras Tous mes efforts cassés, tous mes efforts trompés Qui pèsent tant – si vous saviez ! Pourquoi ne pas comprendre ? Au bois des Oliviers Jésus de Nazareth pleurait, enveloppé D’une moins lourde nuit que celle où je descends. Il fait noir. Tout est laid, misérable, écœurant, sinistre…Vainement, vous tentez en passant un absurde sourire auquel nul ne se prend. C’est d’un geste raté, d’une voix sonnant faux que vous me promettez un secours pour demain. Demain ! C’est à présent, tout de suite, qu’il faut une main secourable dans ma main. Je suis à bout… C’est tout ce que je peux souffrir, c’est tout. Je ne peux plus, je ne crois plus, n’espère plus. Vous n’avez pas voulu, pas su comprendre, sans pitié Vous me laissez mourir de ma souffrance… Au moins, Faites-moi donc mourir comme on est foudroyé D’un seul coup de couteau, d’un coup de poing – ou d’un de ces poisons de fakir, vert et or, Qui vous endorment pour toujours, comme on s’endort Quand on a tant souffert, tant souffert jour et nuit, Que rien ne compte plus que l’oubli, rien que lui…

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    Sandrine Davin

    @sandrineDavin

    A l’ombre du cerisier La terre pleure Le souvenir de tes pas Que tes semelles ont Trop souvent foulé. Le cerisier Ne fleurit pas, Il n’est plus là Depuis tant d’années. … Le chapeau de paille Accroché dans la grange Se repose à jamais.

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    Sandrine Davin

    @sandrineDavin

    Un ailleurs A l’heure où la nuit se tord Une page se tourne Dans un éphémère silence – Le visage fané Refleurira sous un autre jour, Dans un autre temps. Un ailleurs se dessine Mais nul ne le sait. … Vieillir sans oublier Vieillir et effacer ses rides Ou bien les garder Pour laisser poindre un nouveau jour.

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    Sophie d'Arbouville

    @sophieDarbouville

    La sérénade Mère, quel doux chant me réveille ? Minuit ! c'est l'heure où l'on sommeille. Qui peut, pour moi, venir si tard Veiller et chanter à l'écart ? Dors, mon enfant, dors ! c'est un rêve. En silence la nuit s'achève, Mon front repose auprès du tien, Je l'embrasse et je n'entends rien. Nul ne donne de sérénade À toi, ma pauvre enfant malade ! Ô mère ! ils descendent des cieux, Ces sons, ces chants harmonieux ; Nulle voix d'homme n'est si belle, Et c'est un ange qui m'appelle ! Le soleil brille, il m'éblouit... Adieu, ma mère, bonne nuit ! Le lendemain, quand vint l'aurore, La blanche enfant dormait encore ; Sa mère l'appelle en pleurant, Nul baiser n'éveille l'enfant... Son âme s'était envolée Quand les chants l'avaient appelée.

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    Sophie d'Arbouville

    @sophieDarbouville

    La grand-mère Dansez, fillettes du village, Chantez vos doux refrains d'amour : Trop vite, hélas ! un ciel d'orage Vient obscurcir le plus beau jour. En vous voyant, je me rappelle Et mes plaisirs et mes succès ; Comme vous, j'étais jeune et belle, Et, comme vous, je le savais. Soudain ma blonde chevelure Me montra quelques cheveux blancs… J'ai vu, comme dans la nature, L'hiver succéder au printemps. Dansez, fillettes du village, Chantez vos doux refrains d'amour ; Trop vite, hélas ! un ciel d'orage Vient obscurcir le plus beau jour. Naïve et sans expérience, D'amour je crus les doux serments, Et j'aimais avec confiance… On croit au bonheur à quinze ans ! Une fleur, par Julien cueillie, Était le gage de sa foi ; Mais, avant qu'elle fût flétrie, L'ingrat ne pensait plus à moi ! Dansez, fillettes du Village, Chantez vos doux refrains d'amour ; Trop vite, hélas ! un ciel d'orage Vient obscurcir le plus beau jour. À vingt ans, un ami fidèle Adoucit mon premier chagrin ; J'étais triste, mais j'étais belle, Il m'offrit son cœur et sa main. Trop tôt pour nous vint la vieillesse ; Nous nous aimions, nous étions vieux… La mort rompit notre tendresse… Mon ami fut le plus heureux !

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Les fenêtres Las du triste hôpital et de l’encens fétide Qui monte en la blancheur banale des rideaux Vers le grand crucifix ennuyé du mur vide, Le moribond, parfois, redresse son vieux dos, Se traîne et va, moins pour chauffer sa pourriture Que pour voir du soleil sur les pierres, coller Les poils blancs et les os de sa maigre figure Aux fenêtres qu’un beau rayon clair veut hâler, Et sa bouche, fiévreuse et d’azur bleu vorace, Telle, jeune, elle alla respirer son trésor, Une peau virginale et de jadis ! encrasse D’un long baiser amer les tièdes carreaux d’or. Ivre, il vit, oubliant l’horreur des saintes huiles, Les tisanes, l’horloge et le lit infligé, La toux ; et quand le soir saigne parmi les tuiles, Son œil, à l’horizon de lumière gorgé, Voit des galères d’or, belles comme des cygnes, Sur un fleuve de pourpre et de parfums dormir En berçant l’éclair fauve et riche de leurs lignes Dans un grand nonchaloir chargé de souvenir ! Ainsi, pris du dégoût de l’homme à l’âme dure Vautré dans le bonheur, où ses seuls appétits Mangent, et qui s’entête à chercher cette ordure Pour l’offrir à la femme allaitant ses petits, Je fuis et je m’accroche à toutes les croisées D’où l’on tourne le dos à la vie, et, béni, Dans leur verre, lavé d’éternelles rosées, Que dore la main chaste de l’Infini Je me mire et me vois ange ! et je meurs, et j’aime — Que la vitre soit l’art, soit la mysticité — À renaître, portant mon rêve en diadème, Au ciel antérieur où fleurit la Beauté ! Mais, hélas ! Ici-bas est maître : sa hantise Vient m’écœurer parfois jusqu’en cet abri sûr, Et le vomissement impur de la Bêtise Me force à me boucher le nez devant l’azur. Est-il moyen, ô Moi qui connais l’amertume, D’enfoncer le cristal par le monstre insulté, Et de m’enfuir, avec mes deux ailes sans plume — Au risque de tomber pendant l’éternité ?

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Amour binaire Tu es l’autre partition solitaire et inséparable. La vie sans toi sera néantisée. Symbiose qui réjouit ou véritable angoisse ? Ta présence enflamme la dichotomie de notre amour, fusionne nos étincelles. Crois-tu pouvoir survivre ? Moi, je sais ! Je marche à la dérive dans un désert en décomposition avec cette seule pensée un jour tu ne seras plus. Et je serai Dépariée.

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    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Angoisse de l’aube Angoisse à hue et à dia Réveil martyrisé Pensées ombragées d’une mort qui nous guette Toujours Je ne saurais espérer un demain Immortalité du soleil Araignée Répétition d’une respiration éphémère Torpeur Ta présence maltraitée me soulage Je te demande pardon

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Cancer Renaissance De nouveau tu te présentes Jardin juxtaposé, trouble de la sève T’emparer du corps Du cerveau au thorax tu veux scanner son esprit Les larmes coulent sur le visage d’une femme Elle sait Elle connaît la vérité de la solitude Elle respire la décadence Imminente Elle crie son amour Tentacules méprisants s’entortillant autours des ganglions Sans pitié tu convoites tout l’être Il t’attend depuis toujours Depuis le jour où tu es parti avec son odorat Ne lui laissant plus absorber le parfum du monde Rendant chaque jour immanquablement le dernier

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    Châtiment d’un chat renversé Blanc cassé sur le goudron Sang en éclat de haine Rouge comme ultime rempart d’une vie écourtée par une roue broyant l’évidence Nous l’avons déplacé des yeux du monde Au versant de cette aventure qu’il ne connaîtra plus Un regard triste de tendresse Parfumait notre repas de midi sans volupté Une seconde a suffi Interminable Animal désavoué par la civilisation Gravure de sève vermeille Épitaphe

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    Sybille Rembard

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    Dernières volontés Partager mon âme ma dépouille ma beauté Léguer mes entrailles mes organes mes pensées Redonner le printemps l’innocence l’étincelle Rallumer la perversité du destin Mourir à ta place peut-être demain

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    Deuil Presque cinq ans La voile de ton âme a reçu le dernier souffle Devant mes yeux J’en ai mis du temps pour accepter Tombe maudite Seule Photo de larmes Nocturnes Écrin de poussière Sous les vignes naissantes Tu es là Présence enivrante Géniteur de mes pensées À jamais

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    Epilogue éphémère Le générique de fin déroule son texte Avec une lourdeur précise impitoyable Mon nom a déjà été effacé Je n’avais pas prévu Mon présent se vit dans le néant Ma vie s’évapore, ma détresse aussi Je respire les premiers brouillards de la nuit Avec joie je ressens l’indéfini

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