Je n’ai plus que les os Je n’ai plus que les os, un squelette je semble,
Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé,
Que le trait de la mort sans pardon a frappé,
Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble.
Apollon et son fils, deux grands maîtres ensemble,
Ne me sauraient guérir, leur métier m’a trompé ;
Adieu, plaisant Soleil, mon œil est étoupé,
Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble.
Quel ami me voyant en ce point dépouillé
Ne remporte au logis un œil triste et mouillé,
Me consolant au lit et me baisant la face,
En essuyant mes yeux par la mort endormis ?
Adieu, chers compagnons, adieu, mes chers amis,
Je m’en vais le premier vous préparer la place.
il y a 8 mois
Pierre de Ronsard
@pierreDeRonsard
Je veux mourir pour tes beautés, maîtresse Je veux mourir pour tes beautés, Maîtresse,
Pour ce bel oeil, qui me prit à son hain,
Pour ce doux ris, pour ce baiser tout plein
D’ambre et de musc, baiser d’une Déesse.
Je veux mourir pour cette blonde tresse,
Pour l’embonpoint de ce trop chaste sein,
Pour la rigueur de cette douce main,
Qui tout d’un coup me guérit et me blesse.
Je veux mourir pour le brun de ce teint,
Pour cette voix, dont le beau chant m’étreint
Si fort le coeur que seul il en dispose.
Je veux mourir ès amoureux combats,
Soûlant l’amour, qu’au sang je porte enclose,
Toute une nuit au milieu de tes, bras.
il y a 8 mois
Pierre de Ronsard
@pierreDeRonsard
Plût-il à dieu n’avoir jamais tâté Plût-il à Dieu n’avoir jamais tâté
Si follement le tétin de m’amie !
Sans lui vraiment l’autre plus grande envie,
Hélas ! ne m’eût, ne m’eût jamais tenté.
Comme un poisson, pour s’être trop hâté,
Par un appât, suit la fin de sa vie,
Ainsi je vois où la mort me convie,
D’un beau tétin doucement apâté.
Qui eût pensé, que le cruel destin
Eût enfermé sous un si beau tétin
Un si grand feu, pour m’en faire la proie ?
Avisez donc, quel serait le coucher
Entre ses bras, puisqu’un simple toucher
De mille morts, innocent, me froudroie.
il y a 8 mois
Raymond Radiguet
@raymondRadiguet
Sur la mort d’une rose Cette rose qui meurt dans un vase d'argile
Attriste mon regard,
Elle paraît souffrir et son fardeau fragile
Sera bientôt épars.
Les pétales tombés dessinent sur la table
Une couronne d'or,
Et pourtant un parfum subtil et palpable
Vient me troubler encor.
J'admire avec ferveur tous les êtres qui donnent
Ce qu'ils ont de plus beau
Et qui, devant la Mort s'inclinent et pardonnent
Aux auteurs de leurs maux,
Et c'est pourquoi penché sur cette rose molle
Qui se fane pour moi,
J'embrasse doucement l'odorante corolle
Une dernière fois.
il y a 8 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Les yeux Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encore.
Les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux sans nombre ;
Les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d’ombre.
Oh ! qu’ils aient perdu le regard,
Non, non, cela n’est pas possible !
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu’on nomme l’invisible ;
Et comme les astres penchants,
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leurs couchants,
Mais il n’est pas vrai qu’elles meurent :
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l’autre côté des tombeaux
Les yeux qu’on ferme voient encore.
il y a 8 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Bonne mort Le Phédon jette en l'âme un céleste reflet,
Mais rien n'est plus suave au cœur que l'Évangile.
Délicat embaumeur de la raison fragile,
Il sent la myrrhe, il coule aussi doux que le lait.
Dans ses pures leçons rien n'est prouvé ; tout plaît :
Le bon Samaritain qui prodigue son huile,
L'héroïsme indulgent pour la plèbe servile
L'âme offerte à l'épreuve et la joue au soufflet.
On dit que les mourants ont foi dans ce beau-livre :
Quand la raison fléchit, il apaise, il enivre,
Et l'agonie y trouve un généreux soutien.
Prêtre, tu mouilleras mon front qui te résiste ;
Trop faible pour douter, je m'en irai moins triste
Dans le néant peut-être, avec l'espoir chrétien.
il y a 8 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Le dernier adieu Quand l'être cher vient d'expirer,
On sent obscurément la perte,
On ne peut pas encor pleurer :
La mort présente déconcerte ;
Et ni le lugubre drap noir,
Ni le Dies irae farouche,
Ne donnent forme au désespoir :
La stupeur clôt l'âme et la bouche.
Incrédule à son propre deuil,
On regarde au fond de la tombe,
Sans rien comprendre à ce cercueil
Sonnant sous la terre qui tombe.
C'est aux premiers regards portés,
En famille, autour de la table,
Sur les sièges plus écartés,
Que se fait l'adieu véritable.
il y a 8 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Le volubilis Toi qui m'entends sans peur te parler de la mort,
Parce que ton espoir te promet qu'elle endort
Et que le court sommeil commencé dans son ombre
S'achève au clair pays des étoiles sans nombre,
Reçois mon dernier vœu pour le jour où j'irai
Tenter seul, avant toi, si ton espoir dit vrai.
Ne cultive au-dessus de mes paupières closes
Ni de grands dahlias, ni d'orgueilleuses roses,
Ni de rigides lis : ces fleurs montent trop haut.
Ce ne sont pas des fleurs si fières qu'il me faut,
Car je ne sentirais de ces raides voisines
Que le tâtonnement funèbre des racines.
Au lieu des dahlias, des roses et des lis,
Transplante près de moi le gai volubilis
Qui, familier, grimpant le long du vert treillage
Pour denteler l'azur où ton âme voyage,
Forme de ta beauté le cadre habituel
Et fait de ta fenêtre un jardin dans le ciel.
Voilà le compagnon que je veux à ma cendre :
Flexible, il saura bien jusque vers moi descendre.
Quand tu l'auras baisé, chérie, en me nommant,
Par quelque étroite fente il viendra doucement,
Messager de ton cœur, dans ma suprême couche,
Fleurir de ton espoir le néant de ma bouche.
il y a 8 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Sur la mort I.
On ne songe à la Mort que dans son voisinage :
Au sépulcre éloquent d'un être qui m'est cher,
J'ai, pour m'en pénétrer, fait un pèlerinage,
Et je pèse aujourd'hui ma tristesse d'hier.
Je veux, à mon retour de cette sombre place
Où semblait m'envahir la funèbre torpeur,
Je veux me recueillir et contempler en face
La mort, la grande mort, sans défi, mais sans peur.
Assiste ma pensée, austère poésie
Qui sacres de beauté ce qu'on a bien senti ;
Ta sévère caresse aux pleurs vrais s'associe,
Et tu sais que mon cœur ne t'a jamais menti.
Si ton charme n'est point un misérable leurre,
Ton art un jeu servile, un vain culte sans foi,
Ne m'abandonne pas précisément à l'heure
Où, pour ne pas sombrer, j'ai tant besoin de toi.
Devant l'atroce énigme où la raison succombe,
Si la mienne fléchit tu la relèveras ;
Fais-moi donc explorer l'infini d'outre-tombe
Sur ta grande poitrine entre tes puissants bras ;
Fais taire l'envieux qui t'appelle frivole,
Toi qui dans l'inconnu fais crier des échos
Et prêtes par l'accent, plus sûr que la parole,
Un sens révélateur au seul frisson des mots.
Ne crains pas qu'au tombeau la morte s'en offense,
Ô poésie, ô toi, mon naturel secours,
Ma seconde berceuse au sortir de l'enfance,
Qui seras la dernière au dernier de mes jours.
II.
Hélas ! J'ai trop songé sous les blêmes ténèbres
Où les astres ne sont que des bûchers lointains,
Pour croire qu'échappé de ses voiles funèbres
L'homme s'envole et monte à de plus beaux matins ;
J'ai trop vu sans raison pâtir les créatures
Pour croire qu'il existe au delà d'ici-bas
Quelque plaisir sans pleurs, quelque amour sans tortures,
Quelque être ayant pris forme et qui ne souffre pas.
Toute forme est sur terre un vase de souffrances,
Qui, s'usant à s'emplir, se brise au moindre heurt ;
Apparence mobile entre mille apparences
Toute vie est sur terre un flot qui roule et meurt.
N'es-tu plus qu'une chose au vague aspect de femme,
N'es-tu plus rien ? Je cherche à croire sans effroi
Que, ta vie et ta chair ayant rompu leur trame,
Aujourd'hui, morte aimée, il n'est plus rien de toi.
Je ne puis, je subis des preuves que j'ignore.
S'il ne restait plus rien pour m'entendre en ce lieu,
Même après mainte année y reviendrais-je encore,
Répéter au néant un inutile adieu ?
Serais-je épouvanté de te laisser sous terre ?
Et navré de partir, sans pouvoir t'assister
Dans la nuit formidable où tu gis solitaire,
Penserais-je à fleurir l'ombre où tu dois rester ?
III.
Pourtant je ne sais rien, rien, pas même ton âge :
Mes jours font suite au jour de ton dernier soupir,
Les tiens n'ont-ils pas fait quelque immense passage
Du temps qui court au temps qui n'a plus à courir ?
Ont-ils joint leur durée à l'ancienne durée ?
Pour toi s'enchaînent-ils aux ans chez nous vécus ?
Ou dois-tu quelque part, immuable et sacrée,
Dans l'absolu survivre à ta chair qui n'est plus ?
Certes, dans ma pensée, aux autres invisible,
Ton image demeure impossible à ternir,
Où t'évoque mon cœur tu luis incorruptible,
Mais serais-tu sans moi, hors de mon souvenir ?
Servant de sanctuaire à l'ombre de ta vie,
Je la préserve encor de périr en entier.
Mais que suis-je ? Et demain quand je t'aurai suivie,
Quel ami me promet de ne pas t'oublier ?
Depuis longtemps ta forme est en proie à la terre,
Et jusque dans les cœurs elle meurt par lambeaux,
J'en voudrais découvrir le vrai dépositaire,
Plus sûr que tous les cœurs et que tous les tombeaux.
IV.
Les mains, dans l'agonie, écartent quelque chose.
Est-ce aux mots d'ici-bas l'impatient adieu
Du mourant qui pressent sa lente apothéose ?
Ou l'horreur d'un calice imposé par un dieu ?
Est-ce l'élan qu'imprime au corps l'âme envolée ?
Ou contre le néant un héroïque effort ?
Ou le jeu machinal de l'aiguille affolée,
Quand le balancier tombe, oublié du ressort ?
Naguère ce problème où mon doute s'enfonce,
Ne semblait pas m'atteindre assez pour m'offenser ;
J'interrogeais de loin, sans craindre la réponse,
Maintenant je tiens plus à savoir qu'à penser.
Ah ! Doctrines sans nombre où l'été de mon âge
Au vent froid du discours s'est flétri sans mûrir,
De mes veilles sans fruit réparez le dommage,
Prouvez-moi que la morte ailleurs doit refleurir,
Ou bien qu'anéantie, à l'abri de l'épreuve,
Elle n'a plus jamais de calvaire à gravir,
Ou que, la même encor sous une forme neuve,
Vers la plus haute étoile elle se sent ravir !
Faites-moi croire enfin dans le néant ou l'être,
Pour elle et tous les morts que d'autres ont aimés,
Ayez pitié de moi, car j'ai faim de connaître,
Mais vous n'enseignez rien, verbes inanimés !
Ni vous, dogmes cruels, insensés que vous êtes,
Qui du juif magnanime avez couvert la voix ;
Ni toi, qui n'es qu'un bruit pour les cerveaux honnêtes,
Vaine philosophie où tout sombre à la fois ;
Toi non plus, qui sur Dieu résignée à te taire
Changes la vision pour le tâtonnement,
Science, qui partout te heurtant au mystère
Et n'osant l'affronter, l'ajournes seulement.
Des mots ! Des mots ! Pour l'un la vie est un prodige,
Pour l'autre un phénomène. Eh ! Que m'importe à moi !
Nécessaire ou créé je réclame, vous dis-je,
Et vous les ignorez, ma cause et mon pourquoi.
V.
Puisque je n'ai pas pu, disciple de tant d'autres,
Apprendre ton vrai sort, ô morte que j'aimais,
Arrière les savants, les docteurs, les apôtres.
Je n'interroge plus, je subis désormais.
Quand la nature en nous mit ce qu'on nomme l'âme,
Elle a contre elle-même armé son propre enfant ;
L'esprit qu'elle a fait juste au nom du droit la blâme,
Le cœur qu'elle a fait haut la méprise en rêvant.
Avec elle longtemps, de toute ma pensée
Et de tout mon cœur, j'ai lutté corps à corps,
Mais sur son œuvre inique, et pour l'homme insensée,
Mon front et ma poitrine ont brisé leurs efforts.
Sa loi qui par le meurtre a fait le choix des races,
Abominable excuse au carnage que font
Des peuples malheureux les nations voraces,
De tout aveugle espoir m'a vidé l'âme à fond ;
Je succombe épuisé, comme en pleine bataille
Un soldat, par la veille et la marche affaibli,
Sans vaincre, ni mourir d'une héroïque entaille,
Laisse en lui les clairons s'éteindre dans l'oubli ;
Pourtant sa cause est belle, et si doux est d'y croire
Qu'il cherche en sommeillant la vigueur qui l'a fui ;
Mais trop las pour frapper, il lègue la victoire
Aux fermes compagnons qu'il sent passer sur lui.
Ah ! Qui que vous soyez, vous qui m'avez fait naître,
Qu'on vous nomme hasard, force, matière ou dieux,
Accomplissez en moi, qui n'en suis pas le maître,
Les destins sans refuge, aussi vains qu'odieux.
Faites, faites de moi tout ce que bon vous semble,
Ouvriers inconnus de l'infini malheur,
Je viens de vous maudire, et voyez si je tremble,
Prenez ou me laissez mon souffle et ma chaleur !
Et si je dois fournir aux avides racines
De quoi changer mon être en mille êtres divers,
Dans l'éternel retour des fins aux origines,
Je m'abandonne en proie aux lois de l'univers.
il y a 8 mois
R
Renee Vivien
@reneeVivien
Amazone L’amazone sourit au-dessus des ruines,
Tandis que le soleil, las de luttes, s’endort.
La volupté du meurtre a gonflé ses narines :
Elle exulte, amoureuse étrange de la mort.
Elle aime les amants qui lui donnent l’ivresse
De leur fauve agonie et de leur fier trépas,
Et, méprisant le miel de la mièvre caresse,
Les coupes sans horreur ne la contentent pas.
Son désir, défaillant sur quelque bouche blême
Dont il sait arracher le baiser sans retour,
Se penche avec ardeur sur le spasme suprême,
Plus terrible et plus beau que le spasme d’amour.
il y a 8 mois
R
RRenee Vivien
@rreneeVivien
Devant la mort Ils me disent, tandis que je sanglote encore :
« Dans l’ombre du sépulcre où sa grâce pâlit,
Elle aspire la paix passagère du lit.
Les ténèbres au front, et dans les yeux l’aurore.
« Elle aura la splendeur de l’Esprit délivré,
Rêve, haleine, musique, essor, parfum, lumière.
Le cercueil ne la peut contenir tout entière,
Ni le sol, de chair morte et de pleurs enivré.
« Le cierge aux larmes d’or, le râle du cantique
Les lys fanés, ne sont qu’un symbole menteur :
Dans une aube d’avril qui vient avec lenteur,
Elle refleurira, violette mystique. »
— Et j’écoute parmi les temples de la mort.
Je sens monter vers moi la chaleur de la terre,
Dont l’accablante odeur recèle le mystère
Du sanglot qui se tait et du rayon qui dort.
J’écoute, mais le vent des espaces emporte
L’audacieux espoir des infinis sereins…
Elle ne sera plus dans l’heure que j’étreins,
L’heure unique et certaine, et moi, je la crois morte.
La nuit, dont la langueur ne craint plus le soleil,
L’enveloppant du bleu féerique de ses voiles,
Éteint jusqu’aux lueurs lointaines des étoiles,
Et le vin des pavots lui verse le sommeil.
O Morte que j’aimais, ô Pâleur étendue
Dans l’immobilité des néants noirs et froids,
Je n’ose t’apporter que les fleurs d’autrefois
Et mes sanglots païens sur ta beauté perdue.
il y a 8 mois
R
Renee Vivien
@reneeVivien
Désir Elle est lasse, après tant d’épuisantes luxures.
Le parfum émané de ses membres meurtris
Est plein du souvenir des lentes meurtrissures.
La débauche a creusé ses yeux bleus assombris.
Et la fièvre des nuits avidement rêvées
Rend plus pâles encor ses pâles cheveux blonds.
Ses attitudes ont des langueurs énervées.
Mais voici que l’Amante aux cruels ongles longs
Soudain la ressaisit, et l’étreint, et l’embrasse
D’une ardeur si sauvage et si douce à la fois,
Que le beau corps brisé s’offre, en demandant grâce,
Dans un râle d’amour, de désirs et d’effrois.
Et le sanglot qui monte avec monotonie,
S’exaspérant enfin de trop de volupté,
Hurle comme l’on hurle aux moments d’agonie,
Sans espoir d’attendrir l’immense surdité.
Puis, l’atroce silence, et l’horreur qu’il apporte,
Le brusque étouffement de la plaintive voix,
Et sur le cou, pareil à quelque tige morte,
Blêmit la marque verte et sinistre des doigts.
il y a 8 mois
R
Renee Vivien
@reneeVivien
Let the dead bury their dead Voici la nuit : je vais ensevelir mes morts,
Mes songes, mes désirs, mes douleurs, mes remords,
Tout le passé… je vais ensevelir mes morts.
J’ensevelis, parmi les sombres violettes,
Tes yeux, tes mains, ton front et tes lèvres muettes,
Ô toi qui dors parmi les sombres violettes !
J’emporte cet éclair dernier de ton regard…
Dans le choc de la vie et le heurt du hasard,
J’emporte ainsi la paix de ton dernier regard.
Je couvrirai d’encens, de roses et de roses,
La pâle chevelure et les paupières closes
D’un amour dont l’ardeur mourut parmi les roses.
Que s’élève vers moi l’âme froide des morts,
Abolissant en moi les craintes, les remords,
Et m’apportant la paix souriante des morts !
Que j’obtienne, dans un grand lit de violettes,
Cette immuable paix d’éternités muettes
Où meurt jusqu’à l’odeur des douces violettes !
Que se reflète, au fond de mon calme regard,
Un vaste crépuscule immobile et blafard !
Que diminue enfin l’ardeur de mon regard !
Mais que j’emporte aussi le souvenir des roses,
Lorsqu’on viendra poser sur mes paupières closes
Les lotus et les lys, les roses et les roses !
il y a 8 mois
R
Renee Vivien
@reneeVivien
Sonnet à une enfant Tes yeux verts comme l’aube et bleus comme la brume
Ne rencontreront pas mes yeux noirs de tourment,
Puisque ma douleur t’aime harmonieusement,
O lys vierge, ô blancheur de nuage et d’écume !
Tu ne connaîtras point l’effroi qui me consume,
Car je sais épargner au corps frêle et dormant
La curiosité de mes lèvres d’amant,
Mes lèvres que l’Hier imprégna d’amertume.
Seule, lorsque l’azur de l’heure coule et fuit,
Je te respirerai dans l’odeur de la nuit
Et je te reverrai sous mes paupières closes.
Portant, comme un remords, mon orgueil étouffant,
J’irai vers le Martyre ensanglanté de roses,
Car mon cœur est trop lourd pour une main d’enfant.
il y a 8 mois
R
Renee Vivien
@reneeVivien
Vieillesse commençante C’est en vain aujourd’hui que le songe me leurre.
Me voici face à face inexorablement
Avec l’inévitable et terrible moment :
Affrontant le miroir trop vrai, mon âme pleure.
Tous les remèdes vains exaspèrent mon mal,
Car nul ne me rendra la jeunesse ravie…
J’ai trop porté le poids accablant de la vie
Et sanglote aujourd’hui mon désespoir final.
Hier, que m’importaient la lutte et l’effort rude !
Mais aujourd’hui l’angoisse a fait taire ma voix.
Je sens mourir en moi mon âme d’autrefois,
Et c’est la sombre horreur de la décrépitude !
il y a 8 mois
R
Renee Vivien
@reneeVivien
Épitaphe Doucement tu passas du sommeil à la mort,
De la nuit à la tombe et du rêve au silence,
Comme s’évanouit le sanglot d’un accord
Dans l’air d’un soir d’été qui meurt de somnolence.
Au fond du Crépuscule où sombrent les couleurs,
Où le monde pâli s’estompe au fond du rêve,
Tu sembles écouter le reflux de la sève
Murmurer, musical, dans les veines des fleurs.
Le velours de la terre aux caresses muettes
T’enserre, et sur ton front pleurent les violettes.
il y a 8 mois
R
Rhita Benjelloun
@rhitaBenjelloun
Fleur du paradis Colombe blanche qui plane dans les cieux
Réside avec les anges et le bon Dieu
Ton âme est une note de musique qui nous éblouit
Si rayonnante telle une fleur qui s’épanouit
Juvénile, d’une blancheur pure et angélique
Et ce sourire qui m’emporte vers un monde féerique
Jadis, on marchait en chantant
Main dans la main souvent en galopant
Ainsi on vivait avant le 25 mai
Ce jour damné qui a ton existence a mis un trait
Houda …Ta mémoire est gravée dans mon cœur d’enfant
Elle sera intacte,
je veillerai à ce qu’elle le soit longtemps…
Car ton authentique amitié est inestimable
Je n’oublierai jamais nos rires, et même nos larmes
Ton esprit court sans aucun doute
Dans les jardins du paradis
Je prierai chaque jour le bon Dieu pour ton répit
Hommage à mon amie d’enfance Houda CHAHIDI, une pensée à tous ceux qui ont perdus leurs proches dans la guerre de la route…
il y a 8 mois
S
Sabine Sicaud
@sabineSicaud
Aux médecins qui viennent me voir Je ne peux plus, je ne peux plus, vous voyez bien…
C’est tout ce que je puis.
Et vous me regardez et vous ne faites rien.
Vous dites que je peux, vous dites – aujourd’hui
Comme il y a des jours et des jours – que l’on doit
Lutter quand même et vous ne savez pas
Que j’ai donné toute ma pauvre force, moi,
Tout mon pauvre courage et que j’ai dans mes bras
Tous mes efforts cassés, tous mes efforts trompés
Qui pèsent tant – si vous saviez !
Pourquoi ne pas comprendre ? Au bois des Oliviers
Jésus de Nazareth pleurait, enveloppé
D’une moins lourde nuit que celle où je descends.
Il fait noir. Tout est laid, misérable, écœurant,
sinistre…Vainement, vous tentez en passant
un absurde sourire auquel nul ne se prend.
C’est d’un geste raté, d’une voix sonnant faux
que vous me promettez un secours pour demain.
Demain ! C’est à présent, tout de suite, qu’il faut
une main secourable dans ma main.
Je suis à bout…
C’est tout ce que je peux souffrir, c’est tout.
Je ne peux plus, je ne crois plus, n’espère plus.
Vous n’avez pas voulu,
pas su comprendre, sans pitié
Vous me laissez mourir de ma souffrance… Au moins,
Faites-moi donc mourir comme on est foudroyé
D’un seul coup de couteau, d’un coup de poing –
ou d’un de ces poisons de fakir, vert et or,
Qui vous endorment pour toujours, comme on s’endort
Quand on a tant souffert, tant souffert jour et nuit,
Que rien ne compte plus que l’oubli, rien que lui…
il y a 8 mois
S
Sandrine Davin
@sandrineDavin
A l’ombre du cerisier La terre pleure
Le souvenir de tes pas
Que tes semelles ont
Trop souvent foulé.
Le cerisier
Ne fleurit pas,
Il n’est plus là
Depuis tant d’années.
…
Le chapeau de paille
Accroché dans la grange
Se repose à jamais.
il y a 8 mois
S
Sandrine Davin
@sandrineDavin
Un ailleurs A l’heure où la nuit se tord
Une page se tourne
Dans un éphémère silence –
Le visage fané
Refleurira sous un autre jour,
Dans un autre temps.
Un ailleurs se dessine
Mais nul ne le sait.
…
Vieillir sans oublier
Vieillir et effacer ses rides
Ou bien les garder
Pour laisser poindre un nouveau jour.
il y a 8 mois
S
Sophie d'Arbouville
@sophieDarbouville
La sérénade Mère, quel doux chant me réveille ?
Minuit ! c'est l'heure où l'on sommeille.
Qui peut, pour moi, venir si tard
Veiller et chanter à l'écart ?
Dors, mon enfant, dors ! c'est un rêve.
En silence la nuit s'achève,
Mon front repose auprès du tien,
Je l'embrasse et je n'entends rien.
Nul ne donne de sérénade
À toi, ma pauvre enfant malade !
Ô mère ! ils descendent des cieux,
Ces sons, ces chants harmonieux ;
Nulle voix d'homme n'est si belle,
Et c'est un ange qui m'appelle !
Le soleil brille, il m'éblouit...
Adieu, ma mère, bonne nuit !
Le lendemain, quand vint l'aurore,
La blanche enfant dormait encore ;
Sa mère l'appelle en pleurant,
Nul baiser n'éveille l'enfant...
Son âme s'était envolée
Quand les chants l'avaient appelée.
il y a 8 mois
S
Sophie d'Arbouville
@sophieDarbouville
La grand-mère Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d'amour :
Trop vite, hélas ! un ciel d'orage
Vient obscurcir le plus beau jour.
En vous voyant, je me rappelle
Et mes plaisirs et mes succès ;
Comme vous, j'étais jeune et belle,
Et, comme vous, je le savais.
Soudain ma blonde chevelure
Me montra quelques cheveux blancs…
J'ai vu, comme dans la nature,
L'hiver succéder au printemps.
Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d'amour ;
Trop vite, hélas ! un ciel d'orage
Vient obscurcir le plus beau jour.
Naïve et sans expérience,
D'amour je crus les doux serments,
Et j'aimais avec confiance…
On croit au bonheur à quinze ans !
Une fleur, par Julien cueillie,
Était le gage de sa foi ;
Mais, avant qu'elle fût flétrie,
L'ingrat ne pensait plus à moi !
Dansez, fillettes du Village,
Chantez vos doux refrains d'amour ;
Trop vite, hélas ! un ciel d'orage
Vient obscurcir le plus beau jour.
À vingt ans, un ami fidèle
Adoucit mon premier chagrin ;
J'étais triste, mais j'étais belle,
Il m'offrit son cœur et sa main.
Trop tôt pour nous vint la vieillesse ;
Nous nous aimions, nous étions vieux…
La mort rompit notre tendresse…
Mon ami fut le plus heureux !
il y a 8 mois
Stéphane Mallarmé
@stephaneMallarme
Les fenêtres Las du triste hôpital et de l’encens fétide
Qui monte en la blancheur banale des rideaux
Vers le grand crucifix ennuyé du mur vide,
Le moribond, parfois, redresse son vieux dos,
Se traîne et va, moins pour chauffer sa pourriture
Que pour voir du soleil sur les pierres, coller
Les poils blancs et les os de sa maigre figure
Aux fenêtres qu’un beau rayon clair veut hâler,
Et sa bouche, fiévreuse et d’azur bleu vorace,
Telle, jeune, elle alla respirer son trésor,
Une peau virginale et de jadis ! encrasse
D’un long baiser amer les tièdes carreaux d’or.
Ivre, il vit, oubliant l’horreur des saintes huiles,
Les tisanes, l’horloge et le lit infligé,
La toux ; et quand le soir saigne parmi les tuiles,
Son œil, à l’horizon de lumière gorgé,
Voit des galères d’or, belles comme des cygnes,
Sur un fleuve de pourpre et de parfums dormir
En berçant l’éclair fauve et riche de leurs lignes
Dans un grand nonchaloir chargé de souvenir !
Ainsi, pris du dégoût de l’homme à l’âme dure
Vautré dans le bonheur, où ses seuls appétits
Mangent, et qui s’entête à chercher cette ordure
Pour l’offrir à la femme allaitant ses petits,
Je fuis et je m’accroche à toutes les croisées
D’où l’on tourne le dos à la vie, et, béni,
Dans leur verre, lavé d’éternelles rosées,
Que dore la main chaste de l’Infini
Je me mire et me vois ange ! et je meurs, et j’aime
— Que la vitre soit l’art, soit la mysticité —
À renaître, portant mon rêve en diadème,
Au ciel antérieur où fleurit la Beauté !
Mais, hélas ! Ici-bas est maître : sa hantise
Vient m’écœurer parfois jusqu’en cet abri sûr,
Et le vomissement impur de la Bêtise
Me force à me boucher le nez devant l’azur.
Est-il moyen, ô Moi qui connais l’amertume,
D’enfoncer le cristal par le monstre insulté,
Et de m’enfuir, avec mes deux ailes sans plume
— Au risque de tomber pendant l’éternité ?
il y a 8 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Amour binaire Tu es l’autre partition
solitaire et inséparable.
La vie sans toi sera néantisée.
Symbiose qui réjouit
ou véritable angoisse ?
Ta présence enflamme la dichotomie de notre amour,
fusionne nos étincelles.
Crois-tu pouvoir survivre ?
Moi, je sais !
Je marche à la dérive dans un désert en décomposition
avec cette seule pensée
un jour tu ne seras plus.
Et je serai
Dépariée.
il y a 8 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Angoisse de l’aube Angoisse à hue et à dia
Réveil martyrisé
Pensées ombragées d’une mort qui nous guette
Toujours
Je ne saurais espérer un demain
Immortalité du soleil
Araignée
Répétition d’une respiration éphémère
Torpeur
Ta présence maltraitée me soulage
Je te demande pardon
il y a 8 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Cancer Renaissance
De nouveau tu te présentes
Jardin juxtaposé, trouble de la sève
T’emparer du corps
Du cerveau au thorax tu veux scanner son esprit
Les larmes coulent sur le visage d’une femme
Elle sait
Elle connaît la vérité de la solitude
Elle respire la décadence
Imminente
Elle crie son amour
Tentacules méprisants s’entortillant autours des ganglions
Sans pitié tu convoites tout l’être
Il t’attend depuis toujours
Depuis le jour où tu es parti avec son odorat
Ne lui laissant plus absorber le parfum du monde
Rendant chaque jour immanquablement le dernier
il y a 8 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Châtiment d’un chat renversé Blanc cassé sur le goudron
Sang en éclat de haine
Rouge comme ultime rempart d’une vie
écourtée par une roue broyant l’évidence
Nous l’avons déplacé des yeux du monde
Au versant de cette aventure qu’il ne connaîtra plus
Un regard triste de tendresse
Parfumait notre repas de midi sans volupté
Une seconde a suffi
Interminable
Animal désavoué par la civilisation
Gravure de sève vermeille
Épitaphe
il y a 8 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Dernières volontés Partager mon âme
ma dépouille
ma beauté
Léguer mes entrailles
mes organes
mes pensées
Redonner le printemps
l’innocence
l’étincelle
Rallumer la perversité du destin
Mourir à ta place
peut-être
demain
il y a 8 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Deuil Presque cinq ans
La voile de ton âme a reçu le dernier souffle
Devant mes yeux
J’en ai mis du temps pour accepter
Tombe maudite
Seule
Photo de larmes
Nocturnes
Écrin de poussière
Sous les vignes naissantes
Tu es là
Présence enivrante
Géniteur de mes pensées
À jamais
il y a 8 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Epilogue éphémère Le générique de fin déroule son texte
Avec une lourdeur précise
impitoyable
Mon nom a déjà été effacé
Je n’avais pas prévu
Mon présent se vit dans le néant
Ma vie s’évapore, ma détresse aussi
Je respire les premiers brouillards de la nuit
Avec joie je ressens l’indéfini