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Poésies de la collection authenticité

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    Patrice Cosnuau

    @patriceCosnuau

    Merci, mais sans moi Pour que la nostalgie ne soit plus douloureuse, Mon désir erratique en désaxe les cibles ; Je vous garde en mémoire, ô voeux inaccessibles Qui font briller les yeux d’aveugles tubéreuses. Mon royaume est criblé de dettes fabuleuses, Ma couronne est futile et mon sceau peu crédible. Mon coeur, sois libertaire et demeure infrangible Quand la vie te délie des joies ensorceleuses ! Concurrence tueuse, ourlée de stratagèmes, Cesseras-tu un jour tes pénibles baptêmes ? Comme Orphée qui d’or fin surligna son regard, Orphelin de lumière, exilé d’innocence, Je vais en l’avenir, chercher réminiscence De ce puissant sillon où, faible, je m’égare…

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    À la minute L’instrument Comme tu le vois. Espérons Et Espérons Adieu Ne t’avise pas Que les yeux Comme tu le vois Le jour et la nuit ont bien réussi. Je le regarde je le vois.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    La vie Sourire aux visiteurs Qui sortent de leur cachette Quand elle sort elle dort. Chaque jour plus matinale Chaque saison plus nue Plus fraîche Pour suivre ses regards Elle se balance.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    L’ami La photographie: un groupe. Si le soleil passait, Si tu bouges. Fards. À l’intérieur, blanche et vernie, Dans le tunnel. «Au temps des étincelles On débouchait la lumière.» Postérité, mentalité des gens. La bien belle peinture. L’épreuve, s’entendre. L’espoir des cantharides Est un bien bel espoir.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    L’habitude Toutes mes petites amies sont bossues: Elles aiment leur mère. Tous mes animaux sont obligatoires, Ils ont des pieds de meuble Et des mains de fenêtre. Le vent se déforme, Il lui faut un habit sur mesure, Démesuré. Voilà pourquoi Je dis la vérité sans la dire.

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Bon pauvre, ton vêtement est léger Bon pauvre, ton vêtement est léger Comme une brume, Oui, mais aussi ton cœur, il est léger Comme une plume, Ton libre cœur qui n’a qu’à plaire à Dieu, Ton cœur bien quitte De toute dette humaine, en quelque lieu Que l’homme habite, Ta part de plaisir et d’aise paraît Peu suffisante. Ta conscience, en revanche, apparaît Satisfaisante. Ta conscience que, précisément, Tes malheurs mêmes Ont dégagée, en ce juste moment, Des soins suprêmes. Ton boire et ton manger sont, je le crains, Tristes et mornes ; Seulement ton corps faible a, dans ses reins Sans fin ni bornes, Des forces d’abstinence et de refus Très glorieuses, Et des ailes vers les cieux entrevus Impérieuses. Ta tête, franche de mets et de vin, Toute pensée, Tout intellect, conforme au plan divin, Haut redressée, Ta tête est prête à tout enseignement De la parole Et, de l’exemple de Jésus clément Et bénévole. Et de Jésus terrible, prêt au pleur Qu’il faut qu’on verse, A l’affront vil qui poigne, à la douleur Lente qui perce. Le monde pour toi seul, le monde affreux Devient possible, T’environnant, toi qu’il croit malheureux, D’oubli paisible. Même t’ayant d’étonnantes douceurs Et ces caresses ! Les femmes qui sont parfois d’âpres sœurs, D’aigres maîtresses, Et de douloureux compagnons toujours Ou toujours presque, Te jaugeant malfringant, aux gestes lourds, Un peu grotesque, Tout à fait incapable de n’aimer Qu’à les voir belles. Qu’à les trouver bonnes et de n’aimer Qu’elles en elles, Et le pesant si léger que ce n’es Rien de le dire, Te dispenseront, tous comptes au net, De leur sourire. Et te voilà libre, à dîner, en roi. Seul à ta table, Sans nul flatteur, quel fléau pour un roi, Plus détestable ? L’assassin, l’escroc et l’humble voleur Qui n’y voient guère De nuance, t’épargnent comme leur Plus jeune frère. Des vertus surérogatoires, la Prudence humaine, (L’autre, la cardinale, ah ! celle-là Que Dieu t’y mène !) L’amabilité, l’affabilité Quasi célestes, Sans rien d’affecté, sans rien d’apprêté, Franches modestes, Nimbent le destin, que Dieu te voulut Tendre et sévère. Dans l’intérêt surtout de ton salut, À bien parfaire Et pour ange contre le lourd méchant Toujours stupide La clairvoyance te guide en marchant, Fine et rapide, La clairvoyance, qui n’est pas du tout, La Méfiance Et qui plutôt serait pour sommer tout, La Prévoyance, Élicitant les gens de prime-saut Sous les grimaces Faisant sortir la sottise du sot, Trouvant des traces. Et médusant la curiosité De l’hypocrite Par un regard entre les yeux planté Qui brûle vite… Et s’il ose rester des ennemis A ta misère, Pardonne-leur, ainsi que l’a promis Ton Notre-Père… Afin que Dieu te pardonne aussi, Lui, Prends cette avance. Car, dans le mal fait au prochain, c’est Lui Seul qu’on offense.

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Le foyer, la lueur étroite de la lampe Le foyer, la lueur étroite de la lampe ; La rêverie avec le doigt contre la tempe Et les yeux se perdant parmi les yeux aimés ; L’heure du thé fumant et des livres fermés ; La douceur de sentir la fin de la soirée ; La fatigue charmante et l’attente adorée ; De l’ombre nuptiale et de la douce nuit, Oh ! tout cela, mon rêve attendri le poursuit Sans relâche, à travers toutes remises vaines, Impatient mes mois, furieux des semaines !

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Mandoline Les donneurs de sérénades Et les belles écouteuses Echangent des propos fades Sous les ramures chanteuses. C’est Tircis et c’est Aminte, Et c’est l’éternel Clitandre, Et c’est Damis qui pour mainte Cruelle fait maint vers tendre. Leurs courtes vestes de soie, Leurs longues robes à queues, Leur élégance, leur joie Et leurs molles ombres bleues Tourbillonnent dans l’extase D’une lune rose et grise, Et la mandoline jase Parmi les frissons de brise.

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    Pierre Corneille

    Pierre Corneille

    @pierreCorneille

    Eve et Marie Homme, qui que tu sois, regarde Eve et Marie, Et comparant ta mère à celle du Sauveur, Vois laquelle des deux en est le plus chérie, Et du Père Eternel gagne mieux la faveur. L’une a toute sa race au démon asservie, L’autre rompt l’esclavage où furent ses aïeux Par l’une vient la mort et par l’autre la vie, L’une ouvre les enfers et l’autre ouvre les cieux. Cette Ève cependant qui nous engage aux flammes Au point qu’elle est bornée est sans corruption Et la Vierge  » bénie entre toutes les femmes «  Serait-elle moins pure en sa conception ? Non, non, n’en croyez rien, et tous tant que nous sommes Publions le contraire à toute heure, en tout lieu : Ce que Dieu donne bien à la mère des hommes, Ne le refusons pas à la Mère de Dieu.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Un rendez-vous Dans ce nid furtif où nous sommes, Ô ma chère âme, seuls tous deux, Qu'il est bon d'oublier les hommes, Si près d'eux ! Pour ralentir l'heure fuyante, Pour la goûter, il ne faut pas Une félicité bruyante ; Parlons bas. Craignons de la hâter d'un geste, D'un mot, d'un souffle seulement, D'en perdre, tant elle est céleste, Un moment. Afin de la sentir bien nôtre, Afin de la bien ménager, Serrons-nous tout près l'un de l'autre Sans bouger ; Sans même lever la paupière : Imitons le chaste repos De ces vieux châtelains de pierre Aux yeux clos, Dont les corps sur les mausolées, Immobiles et tout vêtus, Loin de leurs âmes envolées Se sont tus ; Dans une alliance plus haute Que les terrestres unions, Gravement comme eux côte à côte, Sommeillons. Car nous n'en sommes plus aux fièvres D'un jeune amour qui peut finir ; Nos cœurs n'ont plus besoin des lèvres Pour s'unir, Ni des paroles solennelles Pour changer leur culte en devoir, Ni du mirage des prunelles Pour se voir. Ne me fais plus jurer que j'aime, Ne me fais plus dire comment ; Goûtons la félicité même Sans serment. Savourons, dans ce que nous disent Silencieusement nos pleurs, Les tendresses qui divinisent Les douleurs ! Chère, en cette ineffable trêve Le désir enchanté s'endort ; On rêve à l'amour comme on rêve À la mort. On croit sentir la fin du monde ; L'univers semble chavirer D'une chute douce et profonde, Et sombrer... L'âme de ses fardeaux s'allège Par la fuite immense de tout ; La mémoire comme une neige Se dissout. Toute la vie ardente et triste Semble anéantie à l'entour, Plus rien pour nous, plus rien n'existe Que l'amour. Aimons en paix : il fait nuit noire, La lueur blême du flambeau Expire... nous pouvons nous croire Au tombeau. Laissons-nous dans les mers funèbres, Comme après le dernier soupir, Abîmer, et par leurs ténèbres Assoupir... Nous sommes sous la terre ensemble Depuis très longtemps, n'est-ce pas ? Écoute en haut le sol qui tremble Sous les pas. Regarde au loin comme un vol sombre De corbeaux, vers le nord chassé, Disparaître les nuits sans nombre Du passé, Et comme une immense nuée De cigognes (mais sans retours !) Fuir la blancheur diminuée Des vieux jours... Hors de la sphère ensoleillée Dont nous subîmes les rigueurs, Quelle étrange et douce veillée Font nos cœurs ? Je ne sais plus quelle aventure Nous a jadis éteint les yeux, Depuis quand notre extase dure, En quels cieux. Les choses de la vie ancienne Ont fui ma mémoire à jamais, Mais du plus loin qu'il me souvienne Je t'aimais... Par quel bienfaiteur fut dressée Cette couche ? Et par quel hymen Fut pour toujours ta main laissée Dans ma main ? Mais qu'importe ! ô mon amoureuse, Dormons dans nos légers linceuls, Pour l'éternité bienheureuse Enfin seuls !

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Midi au village Nul troupeau n’erre ni ne broute ; Le berger s’allonge à l’écart ; La poussière dort sur la route, Le charretier sur le brancard. Le forgeron dort dans la forge ; Le maçon s’étend sur un banc ; Le boucher ronfle à pleine gorge, Les bras rouges encor de sang. La guêpe rôde au bord des jattes ; Les ramiers couvrent les pignons ; Et, la gueule entre les deux pattes, Le dogue a des rêves grognons. Les lavandières babillardes Se taisent. Non loin du lavoir, En plein azur, sèchent les hardes D’une blancheur blessante à voir. La férule à peine surveille Les écoliers inattentifs ; Le murmure épars d’une abeille Se mêle aux alphabets plaintifs… Un vent chaud traîne ses écharpes Sur les grands blés lourds de sommeil, Et les mouches se font des harpes Avec des rayons de soleil. Immobiles devant les portes Sur la pierre des seuils étroits, Les aïeules semblent des mortes Avec leurs quenouilles aux doigts. C’est alors que de la fenêtre S’entendent, tout en parlant bas, Plus libres qu’à minuit peut-être, Les amants, qui ne dorment pas.

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    Renee Vivien

    @reneeVivien

    Les chardons Tu ne seras jamais la fiévreuse captive Qu’enchaîne, qu’emprisonne le lit, Tu ne seras jamais la compagne lascive Dont la chair se consume et dont le front pâlit. Garde ton blanc parfum qui dédaigne le faste. Tu ne connaîtras point les lâches abandons, Les sanglots partagés qui font l’âme plus vaste, Le doute et la faiblesse ardente des pardons Et, puisque c’est ainsi que je t’aime, ô très chaste ! Nous cueillerons ce soir les mystiques chardons.

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    Robert Tirvaudey

    @robertTirvaudey

    Sibérie La première neige accrochée à une branche Illumine l’arbre et l’ancien gazon Elle dit une contrée où tout se range Selon une même ligne d’horizon D’une Sibérie où tous les hommes sont blancs À la lumière polaire jonglant avec d’autres couleurs Tout se fond sur une glace en transparent Une antique oasis aux rayons de lueur L’homme à la peau de bêtes sauvages Ne regrette en rien la belle cathédrale Il ne connaît pas la rage, mais l’audace D’exister d’une manière magistrale

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Carte postale Quand l’anémone rouge et les jacinthes bleues Fleurissent les parcs d’Angleterre, Une petite fille en robe rouge ou bleue Descend les escaliers de pierre. De green, les parterres, le lierre, Les beaux arbres jamais taillés Et les sous-bois pleins de jacinthes… En robe rouge ou bleue – anémone ou jacinthe – Une petite fille est peinte Dans le printemps vert et mouillé De la vieille Angleterre.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Chemins de l’Est Quand j’étais Russe, il m’arrivait de m’appeler Katia, Masha, Tania. J’avais une niania, une baba, tout ce qui chante en « a » dans les noms russes. Dans notre isba Notre-Dame de Portchaïef luisait comme une étoile et dehors les étoiles luisaient comme la mosaïque de notre église à Pâques. Et sur la terre pâle de sa pâleur de neige ou rouge de ses coquelicots, courait comme le vent mon beau petit cheval de Sibérie. Traîneaux, bateaux, troupeaux, blanche et rouge Russie, danses, musique de chez moi, quand j’étais Russe… Pouvoir de tant souffrir, d’être si vieux, si jeune, de faire un geste de la main sans pleur ni cri. J’avais de longues tresses blondes comme aujourd’hui.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Dans le royaume où les images vivent… Je vous ai tant aimé, Silence… Cher vieux Silence, reposant comme une eau plane. Vous ne me paraissiez jamais immense, Jamais inquiétant — mais diaphane Et doux autour de moi, rempart secret, Tour invisible et sûre… Bon Silence, Où l’on respire à l’aise et qu’on dirait Peuplé des mille choses que l’on pense Quand on est seul, un jour très beau… Silence d’une rose au bord de l’eau, D’un lézard au soleil, d’un fauteuil près du feu, Du cadre sertissant un paysage bleu, Je vous ai tant aimé… Au vain bruit des paroles, Comment s’accoutumer ? Comment suivre l’étourdissante farandole De mots parfois trompeurs et discordants À travers tant de voix, tant d’accents, tant de cris, Quand on vous a chéri, Silence ?… Ah ! laissez-moi vous retrouver, gardant Ce bienfaisant pouvoir des demi-rêves Dans le royaume où les Images vivent ! Qu’une musique, en écho, nous arrive Quand le rideau se lève, Si vous voulez… Mais laissez-moi, comme avec un ami, Voir avec vous l’histoire merveilleuse Que devient à mon gré chaque film déroulé. Nous referons, s’il faut, des fins heureuses… Nous irons jusqu’au bout de ce qu’auront promis La fée ou l’enchanteur aux baguettes de lune. Ici, tous les jardins aux fruits d’or sont permis ! Nous nous évaderons des phrases importunes… L’écran tourne pour nous ses pages, une à une — Pour nous, Silence aux yeux songeurs, Silence ami…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Et que m’importe la coque de ton âme Et que m’importe la coque de ton âme, qu’elle soit jeune ou vieille, épaisse ou fine ; que l’on t’appelle un homme ou une femme, que tu sois une cloche, un gong ou le grelot d’une source invisible, j’entendrai bien le son.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Le chemin des arbres I. Le chemin du cèdre J’ai rencontré le cèdre Nous nous sommes tous deux reconnus. Il m’a dit : « C’est toi, toi que je sais, dont les bras sont enduits de ma résine blanche et dont les cheveux brillent de mes fines aiguilles et dont les poches craquent de mes pommes de cèdre… » Je n’ai rien dit. Mais son odeur à lui, d’encens, d’ambre et de cèdre, est bien ce que je sais comme il sait tout le reste. II. Le chemin du chêne J’ai rencontré le chêne, le vieux chêne aux abeilles, Il a toujours le cœur ouvert, mais moins d’abeilles, moins de miel semble-t-il au fond de son cœur noir. Des essaims l’ont quitté peut-être – ou j’ai passé trop tard ce soir. Le chêne secouait sa vieille tête comme un homme bien seul… III. Le chemin de l’ormeau J’ai rencontré l’ormeau. Pas un ormeau célèbre, mais un ormeau sans ex-voto, tournant le dos à la route des hommes. Sa colonne de bois, rugueuse, nue, énorme, quelqu’un l’a-t-il jamais serrée entre ses bras ? Nous l’avions mesurée avec un fil de soie la colonne de bois qui ne s’arrête pas de grossir en silence. Mais grossir – qui jamais voit grossir un ormeau ? Tant de jours et de nuits, tant de soleil et d’eau, de paix, d’oubli, de chance…tant et tant ! Entre les émondeurs, les chenilles, l’autan, J’ai rencontré la Patience. IV. Le chemin des genévriers J’ai retrouvé mes petits genévriers, tordus, piquants roussis, cramponnés aux rochers comme des acrobates. Ah! le bleu d’outremer de leurs petites baies le long des couchants écarlates ! Ils se hérissent, ronds ou si déchiquetés que tout le ciel traverse leurs petits corps fantasques. Le gazon ras joue au tapis de Perse mais le vent s’y jette en bourrasque. Ici, les lièvres et les chèvres Échappent aux hommes d’en bas Ici bleuissent les genièvres pour l’oiseau que l’on ne voit pas. Petit grain bleu, sauvage, amer, semé parmi les toisons rousses d’arbres nains que l’hiver rebrousse comme les oursins dans la mer. V. Le chemin du roseau Puis j’ai rencontré le roseau, le roseau vert qui dit : « Je plie et ne romps pas ». Les pieds dans l’eau, il se courbait si bas que ses rubans encombraient le ruisseau. Il avait oublié son âme de pipeau. Son front vert saluait, saluait sans relâche, son dos se balançait comme un dos de serpent et jamais le soleil ne le voyait en face. Il disait aux pipas : « Je plie et ne romps pas, je plie et ne romps pas… » enfin, ce qu’il disait au chêne de Monsieur Jean de La Fontaine. Et l’âne qui broutait l’a brouté tout de même. Je n’ai pas rencontré le baobab.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Le chemin des chansons C’est la chanson du pauvre noir, sa chanson de route. Dans l’île, de sa case où la nuit chaude écoute, cette chanson est née. D’une voix basse et résignée, elle berce les pauvres noirs dans toutes les îles. C’est la chanson de l’Homme jaune au fond des rizières. Elle descend, remonte, monotone, en jonque, le long des rivières. Elle bourdonne au cœur des maisons de papier, mais dit : dans mes bateaux de guerre, on m’entendra jusqu’au bout de la terre. Pour la chanson des hommes blancs, il faut plus d’instruments et des voix plus savantes. Plus de ciel où monter, plus de ciel d’où tomber, dit l’Homme blanc qui chante. Mais le chant du Peau-Rouge, du guerrier, du chasseur, du cavalier Peau-Rouge, du pirate Peau-Rouge et du sorcier Peau-Rouge, sur la route perdue entre toutes les routes qui le retrouvera ?

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    La solitude Solitude … Pour vous cela veut dire seul, Pour moi – qui saura me comprendre ? Cela veut dire : vert, vert dru, vivace tendre, Vert platane, vert calycanthe, vert tilleul. Mot vert. Silence vert. Mains vertes De grands arbres penchés, d’arbustes fous ; Doigts mêlés de rosiers, de lauriers, de bambous, Pieds de cèdres âgés où se concertent Les bêtes à Bon Dieu ; rondes alertes De libellules sur l’eau verte… Dans l’eau, reflets de marronniers, D’ifs bruns, de vimes blonds, de longues menthes Et de jeune cresson ; flaques dormantes Et courants vifs où rament les « meuniers » ; Rainettes à ressort et carpes vénérables ; Martin-pêcheur… En mars, étoiles de pruniers, De poiriers, de pommiers ; grappes d’érables. En mai, la fête des ciguës, Celle des boutons d’or : splendeur des prés. Clochers blancs des yuccas, lances aiguës Et tiges douces, chèvrefeuille aux brins serrés, Vigne-vierge aux bras lourds chargés de palmes, Et toujours, et partout, fraîche, luisante, calme, L’invasion du lierre à petits flots lustrés Gagnant le mur des cours, les carreaux des fenêtres, Les toits des pavillons vainement retondus… Lierre nouant au front du chêne, au cou du hêtre, Ses bouquets de grains noirs comme un piège tendu À la grive hésitante ; vert royaume Des merles en habit – royaume qui s’étend Ainsi que dans un parc de Florence ou de Rome En nappes d’émeraude et cordages flottants… Lierre de cette allée au porche de lumière Dont les platanes séculaires, chaque été, Font une longue cathédrale verte – lierre De la grotte en rocaille où dorment abrités Chaque hiver, les callas et les cactus fragiles ; Housse, que la poussière blanche de la ville Givre à peine les soirs de très grand vent – pour moi, Vert obligé des vieilles pierres, Des arbres vieux, des toits qui penchent, des vieux toits – Un château ? Non, Madame, une gentilhommière, Un ermitage vert qui sent les bois, le foin, Où les bruits de la route arrivent d’assez loin Pour n’être plus qu’une musique en demi-teintes. Un train sur le talus se hâte avec des plaintes, Mais l’horizon tout rose et mauve qu’il rejoint Transpose le voyage en couleurs de légende. On regarde un instant vers ces trains qui s’en vont Traînant leur barbe grise – et c’est vrai qu’ils répandent Un peu de nostalgie au fil de l’été blond… Mais le jazz des moineaux fait rage dans les feuilles, Les pigeons blancs s’exaltent, le cyprès Est la tour enchantée où des notes s’effeuillent Autour du rossignol. Du pré, Monte la fièvre des grillons, des sauterelles, Toutes les herbes ont des pattes, ont des ailes – Et l’Âne et le Cheval 2 de la Fable sont là Et Chantecler3 se joue en grand gala Jour et nuit dans la cour où des plumes voltigent. Au clair de l’eau, c’est l’éternel prodige Du têtard de velours devenu crapaud d’or, De la voix de cristal parmi les râpes neuves D’innombrables grenouilles. Le chat dort. Dickette – chien s’affaire – et sur leur tête pleuvent Des pastilles de lune ou de soleil brûlant. S’il pleut vraiment, la pluie à pleins seaux ruisselants S’éparpille de même aux doigts verts qui l’arrêtent. Un tilleul, des bambous. L’abri vert du poète, Du vert, comprenez-vous ? Pour qu’aux vieilles maisons Rien ne blesse les yeux sous leurs paupières lasses. Douceur de l’arbre, de la mousse, du gazon… Vous dites : Solitude ? Ah ! dans l’heure qui passe, Est-il rien de vivant plus vivant qu’un jardin, De plus mystérieux, parfumé, dru, tenace, Et peuplé – si peuplé qu’il arrive soudain Qu’on y discourt avec mille petits génies Sortis l’on ne sait d’où, comme chez Aladin. Un mot vert… Qui dira la fraîcheur infinie D’un mot couleur de sève et de source et de l’air Qui baigne une maison depuis toujours la vôtre, Un mot désert peut-être et desséché pour d’autres, Mais pour soi, familier, si proche, tendre, vert Comme un îlot, un cher îlot dans l’univers ?…

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Analogie identitaire Visages sculptés brodés les uns après les autres là en haut sous les toits à côté des chambres de bonnes Chaque profil est différent égal dans son essence inébranlable dans son destin Nos regards rêveurs se démultiplient quérissant en vain la similitude marque ancestrale cachée dans les cellules Nous cherchons cette statue qui nous ressemble ce sourire identique au même destin se reflétant dans la brume des souvenirs tel ce palais en pierre dans le miroir d’eau piétinée par la pureté de nos enfants Nous traversons à nouveau le pont au ralenti la pluie fouettant nos visages nous noie dans la tautologie de la réalité

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Rencontres Rituels embellissant notre vie bleue ardoise errance à travers la ville la foule nous berce le verbe nous allaite magie d’une histoire ordinaire un chapitre béni est gravé un musicien joue du piano le colombophile respecté écrit son roman de gestes simples l’ange éphémère annule l’hypocrisie de ses congénères son parchemin reflète son âme extraordinaire alchimie des mots, tu nous fais gagner la bataille à la croisée des différences

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    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Écriture Un livre une page des mots Un adulte l’enfant caché Tu parles à toi, de toi à moi au monde Maintenant, tout de suite Sans aucune règle Libre de t’affirmer sans respecter les conventions bourgeoises, castratrices, arbitraires la pensée globalisée se construit élixir alchimique enivrant réaffirme notre analogie le temps d’un instant recompose le puzzle fraternel le mot philosophale rayonne ainsi restauré

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Musique Dans un coin de la ville ancienne disparue, Depuis douze ans bientôt passés, j’habite, rue De l’Éperon, au rez-de-chaussée, un très vieil Hôtel, hanté par les oiseaux et le soleil. Du côté du jardin, les ailes familières Emplissent de frissons les feuillages des lierres; Mais, hélas! on entend, dès que revient le jour, De bien autres chanteurs du côté de la cour, Où force malheureux, affligés d’un catarrhe, Miaulent avec rage en pinçant la guitare, Bande qui fait la joie et l’ornement des cours. Là sont des béquillards, des aveugles, des sourds. Blêmes comme Pierrot, verts comme des pistaches Des gens à chapeaux mous, des masques à moustaches Chantent des airs, hélas! — car tels sont leurs talents, Qu’ils ne sauront jamais, quand ils vivraient mille ans. Tel, pareil à ces morts échoués à la Morgue, Tourne la manivelle indécente de l’orgue Ou, triste comme un vieil acteur de l’Odéon, Tourmente le soufflet du faible accordéon, Et tel, car c’est encore une façon plus nette, De sa bouche sans dents mord une clarinette. Celui-là fait pleurer l’âme du violon En jouant du Lecocq ou du Bach, c’est selon, Et tous chantent! — Déesse adorable, ô Musique! Ces types accomplis de la hideur physique Chantent d’un coeur tranquille. Oh! comme ils chantent faux Et de leurs pantalons soulignant les défauts Toutes les fanges, par les balais reculées, Baisent avec amour leurs bottes éculées. Cependant, tels qu’ils sont, déguenillés, maudits, Je les aime, ces noirs mendiants, ces bandits Que l’âpre faim déchire et sur qui les cieux pleuvent, Parce que sous la nue ils chantent comme ils peuvent, Oiseaux boiteux qu’en vain sollicite l’azur, Parce que je ne sais quel souvenir obscur De la Lyre frémit dans leur voix étouffée Et qu’ils sont, comme moi, de la race d’Orphée. Ces gueux, plus enroués qu’une meute aux abois, Ressemblent à des loups qui pleurent dans les bois Et, parmi ces faiseurs de trilles et de gammes, Du matin jusqu’au soir grouillent des tas de femmes. Des fillettes à l’oeil déjà noyé d’amour Sur un rhythme dansant font sonner leur tambour, Et des vieilles sans nombre aux allures fossiles Convulsent en chantant leurs faces imbéciles, Gémissent avec des sanglots et des hoquets Et portent leurs petits roulés en des paquets. C’est la procession de tous les monstres. L’une Montre sur son visage une pâleur de lune Et, comme un lac, s’argente, et l’autre, au nez camard, A sur sa joue en feu des rougeurs de homard. Rien n’est plus effrayant à voir que les structures Et les corps abolis de ces caricatures; Et pourtant, quand leurs voix font leur bruit énervant Comme les grincements de l’orage et du vent, Avec leurs fronts hideux que les bises meurtrissent, Dans leur misère ces chanteuses m’attendrissent Et sans être offensé de leurs chants criminels, Je les contemple avec des regards fraternels. Une surtout, pareille à quelque étrange fée, Pâle, jaune, recuite et d’un mouchoir coiffée. Au fond de ses yeux bleus tout petits, dont le tour Est bistré, se lamente un long passé d’amour, Et sur sa bouche en coup de sabre, le génie De la femme a gravé sa tranquille ironie. Sans nul doute elle fut, parmi l’or et les fleurs, Une Parisienne aux yeux ensorceleurs; Car le reflet des vieux souvenirs la décore Et le songeur ému voit trembloter encore Le triomphe et l’orgueil en son regard terni. Je la nomme souvent: la vieille Gavarni, Car je crois la revoir parmi ces aquarelles Que le maître peuplait d’âmes surnaturelles, Et sur le châle où court un frisson d’air subtil, Je vois distinctement les hachures dont il Avivait sa peinture avec de l’encre rouge. Et ce mince lambeau qui grelotte et qui bouge, Où parfois le soleil jette un fuyant éclair, Étoffe tristement décolorée, a l’air Des drapeaux devenus haillons, que la Victoire Avait jadis enflés dans la bataille noire, Alors que les clairons sonnaient dans l’air fumant, Et que les vieux soldats gardent pieusement. Jeudi, 6 janvier 1887.

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Le chasseur Je suis enfant de la montagne, Comme l’isard, comme l’aiglon ; Je ne descends dans la campagne Que pour ma poudre et pour mon plomb ; Puis je reviens, et de mon aire Je vois en bas l’homme ramper, Si haut placé que le tonnerre Remonterait pour me frapper. Je n’ai pour boire, après ma chasse, Que l’eau du ciel dans mes deux mains ; Mais le sentier par où je passe Est vierge encor de pas humains. Dans mes poumons nul souffle immonde En liberté je bois l’air bleu, Et nul vivant en ce bas monde Autant que moi n’approche Dieu. Pour mon berceau j’eus un nid d’aigle Comme un héros ou comme un roi, Et j’ai vécu sans frein ni règle, Plus haut que l’homme et que la loi. Après ma mort une avalanche De son linceul me couvrira, Et sur mon corps la neige blanche, Tombeau d’argent, s’élèvera.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Au peuple Il te ressemble ; il est terrible et pacifique. Il est sous l’infini le niveau magnifique ; Il a le mouvement, il a l’immensité. Apaisé d’un rayon et d’un souffle agité, Tantôt c’est l’harmonie et tantôt le cri rauque. Les monstres sont à l’aise en sa profondeur glauque ; La trombe y germe ; il a des gouffres inconnus D’où ceux qui l’ont bravé ne sont pas revenus ; Sur son énormité le colosse chavire ; Comme toi le despote il brise le navire ; Le fanal est sur lui comme l’esprit sur toi ; Il foudroie, il caresse, et Dieu seul sait pourquoi ; Sa vague, où l’on entend comme des chocs d’armures, Emplit la sombre nuit de monstrueux murmures, Et l’on sent que ce flot, comme toi, gouffre humain, Ayant rugi ce soir, dévorera demain. Son onde est une lame aussi bien que le glaive ; Il chante un hymne immense à Vénus qui se lève ; Sa rondeur formidable, azur universel, Accepte en son miroir tous les astres du ciel ; Il a la force rude et la grâce superbe ; Il déracine un roc, il épargne un brin d’herbe ; Il jette comme toi l’écume aux fiers sommets, Ô peuple ; seulement, lui, ne trompe jamais Quand, l’oeil fixe, et debout sur sa grève sacrée, Et pensif, on attend l’heure de sa marée. Victor Hugo

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Aux champs Je me penche attendri sur les bois et les eaux, Rêveur, grand-père aussi des fleurs et des oiseaux ; J’ai la pitié sacrée et profonde des choses ; J’empêche les enfants de maltraiter les roses ; Je dis : N’effarez point la plante et l’animal ; Riez sans faire peur, jouez sans faire mal. Jeanne et Georges, fronts purs, prunelles éblouies, Rayonnent au milieu des fleurs épanouies ; J’erre, sans le troubler, dans tout ce paradis ; Je les entends chanter, je songe, et je me dis Qu’ils sont inattentifs, dans leurs charmants tapages, Au bruit sombre que font en se tournant les pages Du mystérieux livre où le sort est écrit, Et qu’ils sont loin du prêtre et près de Jésus-Christ.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Il lui disait : Vois-tu.. Il lui disait : « Vois-tu, si tous deux nous pouvions, L’âme pleine de foi, le coeur plein de rayons, Ivres de douce extase et de mélancolie, Rompre les mille noeuds dont la ville nous lie ; Si nous pouvions quitter ce Paris triste et fou, Nous fuirions ; nous irions quelque part, n’importe où, Chercher loin des vains bruits, loin des haines jalouses, Un coin où nous aurions des arbres, des pelouses ; Une maison petite avec des fleurs, un peu De solitude, un peu de silence, un ciel bleu, La chanson d’un oiseau qui sur le toit se pose, De l’ombre ; — et quel besoin avons-nous d’autre chose ? » Juillet 18…

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    Voltaire

    Voltaire

    @voltaire

    Le loup moraliste Un loup, à ce que dit l’histoire, Voulut donner un jour des leçons à son fils, Et lui graver dans la mémoire, Pour être honnête loup, de beaux et bons avis. « Mon fils, lui disait-il, dans ce désert sauvage, A l’ombre des forêts vous passez vos jours ; Vous pourrez cependant avec de petits ours Goûter les doux plaisirs qu’on permet à votre âge. Contentez-vous du peu que j’amasse pour vous, Point de larcin : menez une innocente vie ; Point de mauvaise compagnie ; Choisissez pour amis les plus honnêtes loups ; Ne vous démentez point, soyez toujours le même ; Ne satisfaites point vos appétits gloutons : Mon fils, jeûnez plutôt l’avent et le carême, Que de sucer le sang des malheureux moutons ; Car enfin, quelle barbarie, Quels crimes ont commis ces innocents agneaux ? Au reste, vous savez qu’il y va de la vie : D’énormes chiens défendent les troupeaux. Hélas ! Je m’en souviens, un jour votre grand-père Pour apaiser sa faim entra dans un hameau. Dès qu’on s’en aperçut : O bête carnassière ! Au loup ! s’écria-t-on ; l’un s’arme d’un hoyau, L’autre prend une fourche ; et mon père eût beau faire, Hélas ! Il y laissa sa peau : De sa témérité ce fut le salaire. Sois sage à ses dépens, ne suis que la vertu, Et ne sois point battant, de peur d’être battu. Si tu m’aimes, déteste un crime que j’abhorre. » Le petit vit alors dans la gueule du loup De la laine, et du sang qui dégouttait encore : Il se mit à rire à ce coup. « Comment, petit fripon, dit le loup en colère, Comment, vous riez des avis Que vous donne ici votre père ? Tu seras un vaurien, va, je te le prédis : Quoi ! Se moquer déjà d’un conseil salutaire ! » L’autre répondit en riant : « Votre exemple est un bon garant ; Mon père, je ferai ce que je vous vois faire. » Tel un prédicateur sortant d’un bon repas Monte dévotement en chaire, Et vient, bien fourré, gros et gras, Prêcher contre la bonne chère.

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    Voltaire

    Voltaire

    @voltaire

    À Samuel Bernard Au nom de Madame de Fontaine-Martel C’est mercredi que je soupais chez vous Et que, sortant des plaisirs de la table, Bientôt couchée, un sommeil prompt et doux Me fit présent d’un songe délectable. Je rêvais donc qu’au manoir ténébreux J’étais tombée, et que Pluton lui-même Me menait voir les héros bienheureux Dans un séjour d’une beauté suprême ; Par escadrons ils étaient séparés ; L’un après l’autre il me les fit connaître. Je vis d’abord modestement parés Les opulents qui méritaient de l’être : Voilà, dit-il, les généreux amis ; En petit nombre ils viennent me surprendre ; Entre leurs mains les biens ne semblaient mis Que pour avoir le soin de les répandre. Ici sont ceux dont les puissants ressorts, Crédit immense, et sagesse profonde, Ont soutenu l’état par des efforts Qui leur livraient tous les trésors du monde. Un peu plus loin, sur ces riants gazons, Sont les héros pleins d’un heureux délire, Qu’Amour lui-même en toutes les saisons Fit triompher dans son aimable empire. Ce beau réduit, par préférence, est fait Pour les vieillards dont l’humeur gaie et tendre Paraît encore avoir ses dents de lait, Dont l’enjouement ne saurait se comprendre. D’un seul regard tu peux voir tout d’un coup Le sort des bons, les vertus couronnées : Mais un mortel m’embarrasse beaucoup ; Ainsi je veux redoubler ses années : Chaque escadron le revendiquerait. La jalousie au repos est funeste : Venant ici quel trouble il causerait ! Il est là-haut très heureux ; qu’il y reste.

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