Interrompue par la disparition brutale d'Alain Prévost le 19 décembre 1971, sa bibliographie s'est enrichie d'un recueil de nouvelles publié six mois plus tard. Ces textes révèlent la géographie intime de l'auteur et forment un résumé de ses univers. Le lecteur voyage en région parisienne, dans une ferme beauceronne de grande culture, dans un village du pays de Caux ou bien encore dans un Vercors plus vrai que nature. Voilà pour le décor. Des personnages attachants, aux caractères trempés ou bien fragiles, essaient tout simplement de l'habiter et d'y vivre. C'est Champhol, mutilé de guerre, apprenti chasseur, incapable de tuer ; c'est une femme qui bovaryse entre son mari et ses enfants, distraite par un représentant en voyages organisés ; c'est l'instituteur anticlérical Michard bataillant contre sa bigote d'épouse ; c'est Micarême, braconnier lancé à la poursuite d'un sanglier avec sa meute de chiens... Côté documents, les articles d'Alain Prévost reflètent ses rencontres : le sculpteur Calder, des marins sur un chalutier en mer du Nord, sa vision de Saint-Exupéry ou un dialogue avec des lecteurs. Enfin, divers aspects inédits de "Grenadou, paysan français" sont dévoilés par un entretien pour un manuel de conversation franco-américain, sa conception du livre "magnétophone" , un reportage sur les femmes de la famille Grenadou ou une critique de l'ouvrage par Jean-Louis Bory. Cet écrivain aimant les animaux, la chasse, le billard et les chevaux a aussi passé sa vie à rencontrer les hommes, loin de sa tour d'ivoire.

Adieu, bois de boulogne - Une vie de rencontres

Oh, quelles heures de gloire pour l'équipage du chalutier Minium ! Quelle gloire que de courir ainsi avec la tempête. Qui donc appelle ça fuir devant le temps ? Non ! Ils ne fuyaient pas. Ils faisaient la course aux lames, ils se mêlaient à la tempête au point d'en devenir eux-mêmes une vague d'acier, mais dirigée par l'homme. Marins, ils iraient écraser leur tempête, non sur les côtes rocheuses, mais dans le port de Boulogne, face aux inquiets, aux étonnés, aux marchands qui couvriraient d'or leur courage. Oh non, ils ne fuient pas ! Ils se ruent avec le vent et la mer vers les grandes récompenses : honneur et fortune. C'est leur bataille, celle dont ils raconteront l'histoire, une bataille où l'ennemi est votre allié : il vous harcèle, il vous porte avec lui vers sa défaite, votre victoire. Une bataille ? Non ! Ils ne se battent plus. Ils se laissent porter par ce monde bouleversé qui chaque seconde les bouleverse. Le vent est venu de mille kilomètres pour les abattre, la mer entière contre eux ; ils s'en jouent, ils s'en servent pour leur victoire.

Le chalutier minium

Quand Grégoire quitte pour les États-Unis la maison normande où il a grandi, à l'abri de la guerre, il croit s'élancer pour l'aventure. Ce sera bien sûr une découverte ; à travers les autres, par curiosité, par amitié, par amour, il fait la découverte de lui-même, par le difficile chemin des certitudes abandonnées. Sensibilité affinée par le dépaysement, s'il se laisse aller au rythme des blues, il y retrouve soudain l'écho de cette vie d'élans et de séparations qui est, à l'Université, devenue la sienne. Dans cette Amérique, ce Princeton discrètement évoqué et toujours présent, n'aura-t-il vécu qu'un interlude, ou ajouté à l'étude de Chaucer une leçon de morale ?

Le port des absents

Grenadou paysan françaisIntroduit et annoté par Claude Mesliand. Un des premiers livres-interviews qui restera un modèle du genre, insurpassable par la générosité de l'intervieweur qui s'efface intégralement derrière son sujet, par l'authenticité de l'interviewé qui livre le récit de sa traversée du siècle au travers des deux guerres mondiales, des crises, des choix de société comme il a vécu sa vie, sans conformisme ni héroïsme, sans égoïsme ni forfanterie. Un récit riche et compact, plein d'humour, pittorresque sans folklorisme. Une vie banale et exemplaire, comme en ont vécu des milliers de paysans, comme en vivent des milliers de cultivateurs.Paru en 1966, Grenadou, paysan français, est aujourd'hui introduit et annoté par Claude Mesliand, un spécialiste du monde rural, à l'occasion de sa reprise en Points Histoire.

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