Pour la première fois, deux membres de la haute administration, dont l'autorité morale est considérable, entreprennent de réfléchir sur l'attitude du corps auquel ils appartiennent - l'Inspection des finances -, dont ils sont solidaires, mais dont ils analysent avec probité le comportement sous l'Occupation. Se fondant sur ce qu'ils ont fait, vu et entendu, ils livrent ici un témoignage de premier ordre sur une période trouble de notre histoire, mais aussi le fruit de leur méditation sur la déontologie des grands serviteurs de l'Etat, avec le souci constant d'interpeller les élites politiques d'aujourd'hui : " Ont-elles suffisamment de culture politique, civique, critique, ont-elles assez d'attachement efficace à la démocratie et à la République pour ne pas tenter, lorsque le ciel est gris, de dissimuler sous les apparences de l'intelligence et le discours habile la caricature de la lâcheté humaine ? Si demain, par malheur, tout devait à nouveau se détraquer au sommet de l'Etat, des fonctionnaires se lèveraient-ils dans les coursives du pouvoir, qui choisiraient l'honneur de ne pas servir n'importe quoi et n'importe qui ? "

Hauts fonctionnaires sous l'Occupation

Les textes que Claude Gruson a publiés dans la Revue Politique et parlementaire, entre la fin de 1992 et l'automne 1998, sont des leçons de lucidité à méditer. Durant cette période où la France doutait de son économie dans un monde secoué par des crises, à l'avenir particulièrement incertain. Claude Gruson était la sentinelle obstinée du Désert des Tartares scrutant l'horizon, profondément angoissé par la folie ou, du moins, par la légèreté des hommes qui faisaient une confiance aveugle à la fatalité d'un libéralisme semant sur son passage le chômage et l'inégalité.
Ces textes, Claude Gruson les a sélectionnés lui-même pour qu'ils soient utiles au-delà de sa propre existence. Ils constituent le testament intellectuel et moral du laboureur de la fable. "
Christian SAUTTER, Ancien ministre des Finances

Propos D'Un Opposant Obstine Au Liberalisme Mondial (1990-2000)

Tendues vers la croissance économique, les sociétés occidentales ont-elles chance de maîtriser les risques de désorganisation qui les menacent et de développer encore leur prospérité matérielle ? C'est possible. Le principal danger est autre. Il est de les voir évoluer, en s'organisant, vers un avenir d'injustice et de violence croissantes. Un avenir dans lequel les grandes orientations de l'activité seront définies par les minorités dominantes de l'économie ; dans lequel les modes de vie, soumis à d'inacceptables contraintes technologiques, ne seront pas librement choisis ; dans lequel subsisteront et s'aggraveront les diverses formes d'injustice. Une telle évolution n'est cependant pas fatale. Des institutions ordonnatrices d'un développement social maîtrisé et choisi pourraient en écarter la menace. De ces institutions, les embryons existent déjà et l'étude critique du VIe Plan français montre par quels progrès elles pourraient faire face aux risques de désordre que courent toutes les économies en évolution rapide. Mais réaliser de tels progrès, c'est modifier profondément la structure du pouvoir, c'est inclure des objectifs politiques explicites dans le champ de la planification, c'est ouvrir la voie à une réforme profonde de la société. Plus profondément, pareils progrès supposent un accord profond entre un projet social et une idée de l'homme. D'où la méditation par laquelle s'achève ce livre : de quelle espérance l'homme a-t-il été capable, au fil de sa longue histoire ?

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