Quand j'ai rencontré Jacques Muron, ce que j'ai découvert c'est un autre rapport au temps. Les mois devant la plaque de cuivre qu'on grave au burin. La lenteur et la précision des tirages sous la grasse presse à roue de fonte. Dix ans plus tard, le graveur, juste en contrebas des Pyrénées, continue sa même route solitaire et obstinée. C'est ce contre-temps du monde qui m'impressionne. En même temps qu'il fait le fond même du travail de Muron : inventaire des architectures rurales de son canton, un séchoir, une usine à chaux. Et, dans cette même précision, comme une cartographie de l'imaginaire, un travail sur le blanc, les mystérieux rapports des surfaces qu'on juxtapose. Une gravure m'a semblé, dans ces dix ans de compagnonnage, incarner cela plus qu'une autre. Elle s'appelle Le Solitaire. Un vieil homme vit seul, tournant le dos au monde qu'on partage. De ces solitaires, nous en avons tous un près de nous, dans notre enfance ou dans la rue d'à-côté. C'est aussi le chemin même du graveur. Il s'agissait de savoir si on pouvait entrer dans l'épaisseur même de la plaque, et y marcher.

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