Le projet sur la Provence Verte est né de la rencontre entre l'association Mémoire à Lire, Territoire à l'Ecoute (MALTAE), qui a pour objet la culture du territoire partagé(e), avec le photographe Jean Belvisi. Alors que, du paysage au territoire, MALTAE s'attelle laborieusement depuis des années à sortir le paysage du champs du visuel et du discours du beau, il s'agissait dans ce projet, non sans risques, de laisser dominer l'image, et de mettre ces images au service d'une immersion sensible dans un territoire vivant au quotidien. L'auteur nous montre des paysages habités en permanente évolution, qui parlent de l'histoire et du temps présent, en dépassant le clivage nature-culture. Là où, habituellement, l'imagerie des territoires se construit dans le registre de l'exceptionnel, Jean Belvisi renouvelle l'approche pour donner à voir des gestes volés au quotidien de gens ordinaires. Musiciens, bergers, danseurs, vignerons ou prêtres forment un panel loin de représenter une sociologie exhaustive des habitants du pays, certes, mais pourtant, ce sont des hommes et femmes ordinaires au travail; leur contemporanéité se double d'un caractère intemporel: ils sont là depuis toujours et leur manière d'habiter l'espace ouvre l'horizon sur cette épaisseur de l'histoire. Cette mise en image du vécu d'un territoire a aussi valeur de témoignage. Comme un guide attentionné qui règlerait les jumelles pour vous installer devant et vous faire partager son oeil exercé, les cadrages, les thèmes choisis et les constructions par associations sont autant de politesse pour le spectateur, qui peut prendre place, là où le photographe s'efface. Ce qui frappe d'abord dans le travail présenté est la manière dont l'auteur parle de l'homme. Cet enregistrement des gestes renvoie à un humanisme universel qui transcende les vies traversées. En cela, le projet photographique ajoute à ses qualités celle d'aller aussi du local au global.

Le paysage révélé, La Provence verte - Territoire naturel - Nature de l'homme

Alors que la politique des musées tend plutôt à aplanir les tensions des sociétés d'aujourd'hui, la session 2007 des Entretiens de Peyresq avait ouvert une réflexion pionnière sur la dimension conflictuelle du patrimoine, générant des débats de fond qui imposaient d'approfondir la thématique. Sous forme d'une journée d'études "sur le terrain" (Marseille, 3 avril 2008), les deux conservateurs du patrimoine à l'initiative de ce séminaire, Christine Breton (programme européen du patrimoine intégré de la Ville de Marseille) et Mireille Jacotin (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, Marseille) ont donc proposé un chapitre 2 visant à mettre plus particulièrement au jour la valeur (économique et symbolique) conflictuelle du patrimoine. Sur le site choisi pour cette application concrète - le "vallon des Carmes" aux Aygalades -, les conflits culturels, mémoriels et patrimoniaux furent inventoriés au cours d'une marche avec les habitants avant de faire l'objet de débats plus complexes conduits par Altan Gokalp (anthropologue, directeur de recherche au CNRS) et Gabi Dolff-Bonekämper (historienne de l'art, professeur à l'Institut de planification urbaine et régionale de l'université technique de Berlin et experte auprès du Conseil de l'Europe). Autour des notions d'altérité et de mémoire partagée, de ville interculturelle, de durabilité et de valeur conflictuelle du patrimoine, le 3 avril 2008 expérimentait ainsi un processus qui devrait poser un jalon dans le nouveau musée démocratique européen dont il reste à inventer les formes.

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