Confiance, complicité, partage ou "ménagement réciproque d'intérêts et échange de bons offices", l'amitié ne se laisse pas aisément circonscrire. Il est difficile d'en parler sans risquer de réduire sa complexité, d'aplanir ses ambiguïtés ou simplement de banaliser une relation qui, par sa singularité et son intensité, paraît à première vue se dérober à toute explication. Faire l'éloge ou la critique d'une valeur aussi reconnue ne projette aucune lumière sur la consistance d'un sentiment qui se manifeste aussi bien sur le plan privé des relations individuelles que sur celui, public, de la Cité. Il faut approcher l'amitié beaucoup plus simplement. En la posant comme un fait. En y voyant non seulement un sentiment, mais aussi une pratique du lien social, inscrite dans la quotidienneté de la vie, observable à travers toutes les modalités possibles d'échange - cadeaux, lettres, paroles, services - et dont la description, si elle ne permet pas de "définir" l'amitié d'une manière univoque, contribuera peut-être à en faire entendre la musique, dans son harmonie comme dans ses dissonances.

L'amitié - Dans son harmonie, dans ses dissonances

Né en 1858, mort en 1917, Durkheim aura vécu l'avènement de la IIIe République et l'un des épisodes les plus tumultueux de son histoire, l'affaire Dreyfus. Face à la fracture de l'opinion qui se révèle à cette occasion et aux maux dont souffre la société de son temps, Durkheim voit dans la discipline qu'il est alors en train de fonder, la sociologie, le moyen d'y remédier. Toutefois, derrière la confiance avec laquelle il donne à la science la mission de soigner le corps social, se dessine en pointillés l'idée qu'il n'y a pas de guérison possible. Mais la dimension éthique sous-jacente à la morale que l'institution scolaire, au-delà de ses finalités politiques, vise à transmettre, ouvre peut-être une autre voie : celle d'une sorte de consolation.

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