Comment peut-on être transhumant en ce début de XXIe siècle ? Comment peut-on l'être dans un pays comme le Tchad, réputé depuis de longues décennies pour son insécurité ? Pourquoi des familles entières préfèrent-elles passer leur vie à accompagner leurs troupeaux sur des centaines de kilomètres plutôt que de rester tranquilles à la même place ? Plus encore, comment sur de telles distances, avec principalement des dromadaires dont le comportement est si peu grégaire, parviennent-elles à cohabiter avec les autres communautés d'agriculteurs ou d'éleveurs ? Autant d'interrogations et de défis que le présent ouvrage s'efforce d'éclairer. Et cela de manière originale, non pas en se les posant de façon générale mais en les vivant de l'intérieur. En effet, deux étudiants, l'un tchadien, l'autre expatrié, tous deux arabisants, ont vécu six mois durant dans un campement de chameliers et ont pu observer, au quotidien, les activités de ces familles tout au long de leur transhumance du nord au sud, depuis la fin des pluies jusqu'à la saison froide. Pour les lecteurs peu familiers des espaces sahéliens, ce sont trois grandes idées préconçues qui se trouvent ici directement mises en question. D'abord, ébranlant l'image habituellement médiatisée du contexte tchadien, nous voyons des pasteurs qui, malgré l'insécurité, grâce à leur ingéniosité et à une organisation sociale exceptionnelle, savent développer de réelles capacités à poursuivre leur élevage. Ensuite, nous sommes en présence d'un groupe humain qui, à la faveur de sa mobilité et de sa flexibilité, réussit remarquablement à tirer parti de la grande variabilité des pâturages et des points d'eau. Enfin, le relevé des faits bat en brèche l'opinion qui voudrait que les transhumants se comportent tous comme des envahisseurs auprès des agriculteurs, alors qu'au contraire nous les voyons ici développer des alliances avec ces derniers et entretenir des relations de réelle complémentarité.

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