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André Lemoyne

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Poésies

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    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    Printemps À Adolphe Magu. Les amoureux ne vont pas loin : On perd du temps aux longs voyages. Les bords de l'Yvette ou du Loing Pour eux ont de frais paysages. Ils marchent à pas cadencés Dont le cœur règle l'harmonie, Et vont l'un à l'autre enlacés En suivant leur route bénie. Ils savent de petits sentiers Où les fleurs de mai sont écloses ; Quand ils passent, les églantiers, S'effeuillant, font pleuvoir des roses. Ormes, frênes et châtaigniers, Taillis et grands fûts, tout verdoie, Berçant les amours printaniers Des nids où les cœurs sont en joie : Ramiers au fond des bois perdus, Bouvreuils des aubépines blanches, Loriots jaunes suspendus À la fourche des hautes branches. Le trille ému, les sons flûtés, Croisent les soupirs d'amoureuses : Tous les arbres sont enchantés Par les heureux et les heureuses.

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    André Lemoyne

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    Paix aux morts Vous qui dormiez en paix dans le sein de la terre, Au vaste champ des morts, heureux d'être oubliés, On fouille vos cercueils dans leur profond mystère : Les secrets de vos cœurs vont être publiés. Aux siècles finissants grouille une race impie D'ignorants vaniteux, de plats écrivailleurs Dont le cerveau débile est à court de copie Et formant un concert de funèbres railleurs. Il ne leur suffit pas, même à bris de clôtures, En pénétrant chez eux, d'insulter aux vivants ; Ils opèrent de nuit le viol des sépultures, Pour en jeter la cendre éparse à tous les vents. Un commerce honteux, c'est de battre monnaie En remuant au jour de poudreux ossements, Pauvres débris humains qu'on traîne sur la claie, Suivis par de hideux et froids ricanements. Laissons les morts en paix dans la terre profonde : Ils ont eu comme nous de bons et mauvais jours ; Et ne réveillons pas tous les échos du monde Au navrant souvenir de leurs tristes amours.

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    André Lemoyne

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    À Saint-Georges-sur-Mer À Gabriel Audiat. Pourquoi donc m'en irais-je aux pays transalpins, Quand tout charme les yeux dans ma forêt de pins ? Pourquoi fuir en ingrat cet heureux coin du monde Où le vieil Océan épouse la Gironde ; Où sur des sables fins le flot vert s'effrangeant Jusqu'à mes pieds déroule un grand ourlet d'argent ? Là j'aime à respirer le parfum de résine Se mêlant aux sels purs de la brise marine ; Sous le tranquille abri des hauts pins murmurants J'aime à voir s'effacer les navires errants. La marjolaine en fleur et les oeillets sauvages Aux marins qui s'en vont parlent de nos rivages. Le soir, quand à son nid d'amour l'oiseau revient, J'écoute un cœur qui bat à l'unisson du mien.

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    À Sully Prudhomme Combien connaissez-vous d'hommes vraiment heureux Sur le globe terrestre ? — A part moi, quand je songe Aux élus qui du ciel ont tout reçu pour eux, Je n'en trouve qu'un seul... Il vivait en Saintonge ; Le fils d'un paysan, paysan comme lui, Né près d'une rivière, aux bords de la Charente, Dans la saison d'avril, vers mil huit cent quarante... L'horizon n'était pas troublé comme aujourd'hui. Aux scintillements d'or d'une magique étoile, À neuf mois délivrée, un beau soir de printemps, Sa mère, dans un lit profond de grosse toile, Jetait son cri de joie aux rossignols chantants. Le berçant dans ses bras, vive, heureuse, légère, Avant l'éclosion de sa première dent, Elle abreuvait son fils d'un bon lait débordant, Sans qu'il eût pris le sein d'une femme étrangère. Le robuste garçon, joyeux comme un oiseau En respirant l'air pur de ses vastes prairies, Droit comme un peuplier, souple comme un roseau, Grandissait, ne foulant que des herbes fleuries. Imitant ses aïeux, il prit femme à son tour, Vers le commencement de la vingtième année, Et de cette union paisible et fortunée Il eut deux beaux enfants, de vrais joyaux d'amour. Comme aux temps primitifs d'Horace et de Virgile, Il accouplait les bœufs qui lui creusaient son champ, Et, buvant l'eau de source à des buires d'argile, Il chantait les refrains du pays en marchant. La grive, le matin, le trouvait dans ses vignes, L'alouette gauloise aux terres de labour, Et les beaux merles noirs qui reluquaient ses guignes, L'apercevaient encore aux derniers feux du jour. Il n'eut pas la douleur de clore la paupière Des êtres qu'il avait éperdument aimés Et de les voir un jour froidement inhumés, Cousus dans un linceul, cloués dans une bière. Ce fut un homme heureux jusqu'au dernier moment. Un soir de fête, étant presque sexagénaire, Comme il s'était couché plus tard qu'à l'ordinaire, Il trépassa de nuit, comme en songe, en dormant.

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    À un chanteur Italien Bonne étoile et bon vent, fortuné voyageur, Qui t'en vas sous le ciel des îles Borromées, Où de grands orangers, aux bords du lac Majeur, Se mirent dans le bleu profond des eaux charmées. Tu reviendras joyeux dans ta fraîche villa, Qui, de rosiers grimpants coquettement parée, N'attend que ton retour. — Ta jeune femme est là, La chanteuse au coeur pur, des pauvres adorée ; La chanteuse à voix d'or, svelte prima donna, Attaquant Cimarose à belles dents rieuses, Et gravement émue avec Palestrina, Écho divin pleurant aux larmes des prieuses. Adieu. Puisse ta vie être calme, au retour, Comme le bleu miroir de ces eaux fortunées Baisant le pied des fleurs dans votre île d'amour, Et puisse ton bonheur prolonger tes années !

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    À une chanteuse des rues Petite zingarelle à voix d'or, tu nous charmes, Et nous ouvrons l'oreille à tes enchantements. Ton accent pur va droit à la source des larmes Et réveille en nos cœurs de longs échos dormants. Sous tes grands cheveux noirs, mince, pâle, amaigrie, Errante par le monde en fille d'Israël, Si tu nous vins à pied des steppes de Hongrie, Nous voyons dans tes yeux resplendir tout un ciel. Comme les rossignols, ignorant ton génie, Tu chantes... les heureux s'enivrent de ta voix, Et les infortunés te disent : « Sois bénie, » En évoquant pour nous les bonheurs d'autrefois !

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    Amours d'oiseaux À Philippe Gille. I. Deux ramiers voyageurs, emperlés de rosée, Ont abattu leur vol au bord de ma croisée Ouverte à l'orient... Je les ai reconnus, Car chez moi, l'an passé, tous deux étaient venus. Ces deux beaux pèlerins m'arrivent de Bohême, À l'époque où fleurit le petit maïanthème, Et dans les bras noueux de mon grand châtaignier Bercent leur nid d'amour comme au printemps dernier. Dans leur farouche instinct de liberté sauvage, Trop fiers pour jamais vivre en honteux esclavage, Ils reviennent pourtant sous mon toit familier, La queue en éventail et gonflant leur collier. S'ils ont pris le chemin de ma haute fenêtre, C'est qu'un coup d'œil d'oiseau suffit pour me connaître, C'est qu'ils sont là chez eux, que tout leur est permis ; C'est qu'ils n'ont trouvé là que des regards amis. L'amoureux au col blanc profondément salue L'heureuse bien-aimée, avec grâce évolue Et, roucoulant près d'elle, en fait dix fois le tour, Comme la croyant sourde à ses phrases d'amour. Riche de souvenirs, le cœur chaud d'espérances, Multipliant très bas ses graves révérences, S'il la voit, comme en rêve, ouvrant des yeux troublés, Dans un rapide éclair tous ses vœux sont comblés. II. Ne s'inquiétant pas de moi, qui les regarde, Ils m'ont dit sans parler : « Ami, que Dieu te garde, Après ton âge mûr, de vivre trop longtemps. Nous restons dans nos bois au plus quinze ou vingt ans ; « Quand nous cessons d'aimer, à quoi bon nous survivre ? N'attends pas la saison des vents froids et du givre Pour t'en aller dormir sous les hauts gazons verts, Car plus tard, sans amour, tristes sont les hivers.

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    Aquarelle D'éventail À madame Hector Calot. I. À mi-juin, quand les fruits rougissent dans nos bois, Pour le bec des oiseaux quand la cerise est mûre, Le beau loriot chante — on reconnaît sa voix — Comme un ruisseau jaseur qui rit de son murmure. Vers la Saint-Jean d'été, le bleu martin-pêcheur, Secouant de son aile émeraude et turquoise, Eblouit en passant le robuste faucheur Abattant ses andains sur les berges de l'Oise ; Et, par un chaud soleil, de riches papillons Nouvellement éclos dans nos grandes prairies, Se croisent follement en légers tourbillons Sur les bouquets mouvants des luzernes fleuries. II. Mais un bruit cadencé, cliquetis de battoir, Fait écho sur la rive... une fillette blonde, Aux cheveux dénoués, belle sans le savoir, Bat son linge en riant sur l'eau claire et profonde. Quel âge ?... Elle a compté peut-être dix printemps, Vu dix fois revenir à son toit l'hirondelle... J'oublie oiseaux chanteurs, papillons éclatants, Et les prés et les bois, en me rapprochant d'elle. Rouge comme le fruit sauvage des sorbiers, Sa bouche en souriant jette un éclair d'ivoire. Elle est née au grand air entre les hauts gerbiers. L'œil pur est un bleuet céleste dans sa gloire. Et de sa main, plus tard (quand éclora l'amour), L'étreinte sera vive et franche et résolue. Belle petite enfant, qui serez femme un jour, D'un cœur profondément ravi je vous salue.

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    Au bord de la forêt À Madame Sureau-Bellet. I. L'hirondelle frileuse au loin s'était enfuie. Sous les dernières fleurs, les papillons mouraient. Près des étangs voilés où crépitait la pluie, Sur des eaux sans miroir les grands saules pleuraient. Dans la nature en deuil plus d'oiseau, plus d'abeille. Son fagot sur l'épaule et les deux mains en croix, Au bord de la forêt une petite vieille Marchait avec lenteur en emportant son bois. C'était Marthe la veuve, au pays bien connue, Fille et femme autrefois de simples bûcherons, Depuis longtemps couchés en terre froide et nue, Où tous, jeunes et vieux, tôt ou tard nous irons. Son homme, un gars robuste, allant à la hêtraie, Ne revint pas un soir qu'on l'avait attendu. L'arbre qu'il abattait sous la haute futaie Tombait en étouffant son dernier cri perdu. Et plus tard ses deux fils (elle n'y croyait guère) Partaient l'un après l'autre, et quittant leurs sabots, Pour de lointains pays où la France est en guerre, S'embarquaient, emportés sur de longs paquebots. Partout où le drapeau fièrement se déploie, Et les premiers au feu des plus rudes combats, Lisant un nom sacré sur un lambeau de soie, Tous deux, morts côte à côte, étaient restés là-bas. Mais ils reposaient loin de leur forêt bénie, Sous les ardents soleils où sont les tamarins, Oubliés vite, après la bataille finie, Dans les roseaux d'un fleuve ou les sables marins. II. « Pensez-vous quelquefois aux mères de famille, » Me dit la femme en deuil... Mes larmes pour eux trois Tombaient sur le berceau d"une petite fille, Vive et joyeuse alors comme un oiseau des bois. « Elle est trop jeune encore... Il faudra que j'attende... (La mort jusqu'à présent n'a pas voulu de moi). Je m'en irai plus tard, quand elle sera grande. Dieu m'a permis de vivre, il a bien su pourquoi. »

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    Berceuse Sein maternel au pur contour, Veiné d'azur, gonflé d'amour, Ton lait s'échappe d'une fraise Où la soif de vivre s'apaise, Où l'enfant boit, souriant d'aise. Sein maternel, doux oreiller, Où, bienheureux de sommeiller, Bouche ouverte, paupière close, Le fortuné chérubin rose Dans un calme divin repose. Rêve-t-il de ciels inconnus, L'enfant merveilleux qui vient d'elle ? Sa voix a des cris d'hirondelle, Et ses joyeux petits bras nus Ont comme des battements d'aile.

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    Chanson À Francis Magnard. Le présent, le passé, l'avenir d'une femme, Des gens fort sérieux prétendent tout avoir. Ils prendraient volontiers son image au miroir, Au papillon son aile, au diamant sa flamme. Dans l'abîme insondable ils aimeraient à voir, Avec leurs gros yeux ronds, ces bourgeois de vieux drame, La perle blanche éclose aux profondeurs de l'âme, Ils seraient assez fous pour oser la vouloir. Moi je sais une femme aux cheveux d'un blond fauve, Que retient sur l'oreille un petit ruban mauve, Et d'elle, pour ma part, je ne voudrais pas tant : Errant dans son sillage, un soir, je l'ai suivie, Et je donnerais bien tous les jours de ma vie Pour avoir de sa lèvre un baiser d'un instant.

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    Crépuscule d'hiver À Madame François Wells. En se couchant au fond de la grande avenue, Le soleil disparaît dans un ciel pourpre et noir ; Et, de la tête aux pieds, la haute forêt nue Profondément tressaille au premier vent du soir. Déjà tout est bien mort : plus une feuille aux branches, Plus un chant dans les bois, plus un vol dans les airs ; Seul, le gui parasite avec ses perles blanches Jette un peu de verdure autour des nids déserts. Le bûcheron se dit que l'hiver sera rude. Il regagne à pas lents son gîte pour la nuit. Le silence envahit la froide solitude... Mais un dernier écho parfois répand son bruit. Un bruit vague, un bruit sourd, montant des marécages... Quelle est donc cette grave et lointaine rumeur ? Ce sont de grands troupeaux qui rentrent des pacages, Saluant d'un adieu triste le jour qui meurt.

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    Côtes de Saintonge Comme un orgue lointain sur une immense grève, Bruit du flot qui recouvre un lit de sable fin, Et toujours recommence et jamais ne s'achève, La mer, la vaste mer se déroulait sans fin. Sur les dunes épars, de grands pins maritimes Dans le rythme des flots murmurants s'accordaient Aux souffles du matin, en secouant leurs cimes, Et comme à l'unisson gravement répondaient. Sur l'Océan d'azur, où passait un navire, Sans crainte aventurés, des papillons volaient Comme un vrai tourbillon de neige. Ils semblaient dire Aux marins du pays, qui sous bon vent filaient : « Lorsque s'achèvera votre course lointaine, Nous ne saluerons pas votre joyeux retour, Car, livrant aux hasards notre vie incertaine, Nous durons peu d'instants, comme les fleurs d'un jour. À l'horizon des flots, noyant ses voiles hautes, Quand le vaisseau parti lentement s'effaçait, Le croisant dans sa route en approchant des côtes, Un autre grand navire au large apparaissait. Après un long voyage aux mers orientales, Les hommes revenaient, las d'avoir navigué, Mais la fièvre d'amour pour les grèves natales Verse un baume divin dans le corps fatigué. Ils avaient aperçu le clocher de Marennes, Dont la flèche en plein ciel des eaux semblait jaillir, Et dans le chaud parfum des plantes riveraines Les plus robustes cœurs se sentaient défaillir.

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    Dormeuse Le soleil du matin tombe en bruine d'or À travers les rideaux de blanche mousseline : C'est comme un fin brouillard de lumière en sourdine Éclairant l'oreiller d'une blonde qui dort. Les cheveux, déroulés comme un torrent de soie Riche de tous ses flots trop longtemps contenus, Débordent sur l'épaule et baisent les seins nus De la femme qui rêve... et sourit dans sa joie. Elle s'épanouit sous des regards aimés ; L'amoureux ébloui contemple sa dormeuse, Écoutant respirer la paisible charmeuse Qui, dans un songe bleu, sourit les yeux fermés. À travers les grands cils de ses paupières closes, Il voudrait voir un seul de ses rêves charmants ! Quelle image apparaît à ses beaux yeux dormants ? Cueille-t-elle des lis, des bluets ou des roses ? Le sein veiné d'azur s'agite... Elle a parlé (La parole n'est pas un murmure d'abeille) ; Un mot s'est échappé de sa bouche vermeille, Un nom d'homme inconnu, très-bien articulé ! Nom sonore et vibrant dont toutes les syllabes Comme un timbre d'or pur ont clairement tinté. — Ce n'est pas lui qui rêve... Il a trop écouté.— Il n'est pas endormi dans les contes arabes. Muet, anéanti, devant ce frais sommeil Qui laisse voir le fond d'une pensée intime, Sur la femme penché comme sur un abîme, Il retient son haleine, épiant le réveil. Mais toute à son bonheur la dormeuse paisible, Comme souriant d'aise à l'écho de sa voix, Répète le nom d'homme une seconde fois, Et voici l'amoureux qui jette un cri terrible. La blonde ouvre ses yeux divins : « Si tu savais... (Lui dit-elle tout bas en lui baisant l'oreille) — Dieu voit d'en haut la femme heureuse qui sommeille Par les sentiers fleuris du printemps je rêvais. — « Tu n'as pas vu de fleurs si richement écloses... Avril, mai, juin, juillet... N'as-tu pas deviné ? J'ai trouvé le beau nom de notre premier-né, Tout en cueillant des lis, des bluets et des roses ! »

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    Fin d’avril Le rossignol n’est pas un froid et vain artiste Qui s’écoute chanter d’une oreille égoïste, Émerveillé du timbre et de l’ampleur des sons : Virtuose d’amour, pour charmer sa couveuse, Sur le nid restant seule, immobile et rêveuse, Il jette à plein gosier la fleur de ses chansons. Ainsi fait le poëte inspiré. — Dieu l’envoie Pour qu’aux humbles de cœur il verse un peu de joie. C’est un consolateur ému. — De temps en temps, La pauvre humanité, patiente et robuste, Dans son rude labeur aime qu’une voix juste Lui chante la chanson divine du printemps.

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    Fleur Solitaire À Madame de Bertha. Par un soir ténébreux de l'arrière-saison. Dans un coup de rafale une graine emportée, Tombant contre les murs d'une haute prison, Entre de vieux pavés mal joints s'est arrêtée. Dans ce lit de hasard elle dort tout l'hiver, Sous des blocs de granit froidement inhumée ; Mais quand au tiède avril le ciel bleu s'est ouvert, Elle tressaille et germe où le vent l'a semée. Alors, comme sortant d'un funèbre sommeil, Elle émerge à grand'peine et s'exhausse de terre, Et d'un suprême effort aspirant au soleil Elle frémit d'espoir, la pauvre solitaire. Puis, grâce à de longs jets flexibles et rampants, S'attachant par saut brusque ou par lente caresse, Comme la vigne vierge et les rosiers grimpants, Elle escalade enfin la haute forteresse. Quand elle arrive au bout de son rude chemin, Montant jusqu'au rebord d'une étroite fenêtre, Elle étale sa fleur près d'un visage humain Qu'elle a vu triste et pâle à la grille apparaître. À plein cœur exhalant son parfum printanier, La fleur s'épanouit... et meurt dans la soirée ; Mais elle s'est ouverte aux yeux du prisonnier, Qui seul a pu la voir, qui seul l'a respirée.

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    Fleurs d'Avril Le bouvreuil a sifflé dans l'aubépine blanche ; Les ramiers, deux à deux, ont au loin roucoulé, Et les petits muguets, qui sous bois ont perlé, Embaument les ravins où bleuit la pervenche. Sous les vieux hêtres verts, dans un frais demi-jour, Les heureux de vingt ans, les mains entrelacées, Echangent, tout rêveurs, des trésors de pensées Dans un mystérieux et long baiser d'amour. Les beaux enfants naïfs, trop ingénus encore Pour comprendre la vie et ses enchantements, Sont émus en plein cœur de chauds pressentiments, Comme aux rayons d'avril les fleurs avant d'éclore. Et l'homme ancien qui songe aux printemps d'autrefois, Oubliant pour un jour le nombre des années, Ecoute la voix d'or des heures fortunées Et va silencieux en pleurant sous les bois.

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    André Lemoyne

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    L'avenir Si tu daignes m'entendre, écoute et réponds-moi Les poètes n'ont plus les accents prophétiques De leurs divins aïeux ; Maître, sais-tu pourquoi ? LE PHILOSOPHE. Un caprice du vent vous emporte et vous mène, La joie et la douleur restent votre élément, Aveuglés par vos pleurs sur la misère humaine, Vous êtes trop émus pour y voir clairement. Les mieux doués, Byron, Musset ou Henri Heine, Le cœur tout palpitant d'un radieux amour, Ou martyrs d'une froide et ténébreuse haine, N'ont jamais aperçu le monde à son vrai jour. LE POÈTE. Calme esprit de haut vol et de large envergure, Comme l'oiseau du ciel planant sur l'avenir, Quel signe à l'horizon, d'heureux ou triste augure, Après le siècle usé qui doit bientôt finir ? LE PHILOSOPHE. Si tu jettes les yeux sur la carte du monde, Que vois-tu sur les mers et sur les continents, Des quais de Liverpool aux îles de la Sonde ? LE POÈTE. Je vois de longs chemins, allants et revenants. La ligne des parcours est nettement tracée : L'araignée en croisant d'innombrables réseaux Ne saurait accomplir une œuvre mieux tissée Sur la terre solide et la houle des eaux. LE PHILOSOPHE. Chemins des paquebots et des locomotives, Qui vont par tous les temps, sous le ciel noir ou bleu, De New-York au Far-West, du cap Horn aux Maldives, Passant comme l'éclair dans un sillon de feu. LE POÈTE. Peuples du Nouveau-Monde et des anciens rivages Se réuniront-ils en groupes fraternels ? LE PHILOSOPHE. Le plus civilisé ressemble aux plus sauvages. Puissent-ils ne pas être ennemis éternels ! LE POÈTE. Puisque à mes yeux troublés l'avenir se dérobe Et s'évapore ainsi qu'un mirage trompeur, Que vois-tu donc surgir aux divers points du globe Dans notre âge de fer, de houille et de vapeur ? LE PHILOSOPHE. Je vois s'abâtardir au Nord les races blanches Et les noirs du Tropique expirer loin des leurs. Tôt ou tard ils prendront de terribles revanches. Leur sang vaut bien le nôtre... il n'a pas deux couleurs. Les hommes de nos jours ne se reposent guères : Tous les Européens, cuirassant leurs bateaux, Pour assurer la paix se préparent aux guerres Dans un tintement sourd d'enclume et de marteaux. Pour un lambeau de terre ou de minces presqu'îles On bataille toujours à l'extrême-Orient. Les Sud-Américains ne sont jamais tranquilles... Mais en Chine le peuple est calme et souriant. Et qui vivra verra... c'est peut-être la Chine Qui garde la clef d'or du prochain avenir, En filant dans sa tour de porcelaine fine... LE POÈTE. La vieille Humanité doit-elle y rajeunir ? LE PHILOSOPHE. Oui... les dignes enfants d'une mère féconde, Robustes, patients, sobres et travailleurs, Apparaîtront bientôt sur la scène du monde, Quand au ciel blanchira l'aube des jours meilleurs. Si le grand voyageur d'autrefois, Pythagore, Et le sage Socrate ou le divin Platon, Chez nos contemporains pouvaient revivre encore, Ils se dirigeraient sur Pékin ou Canton. Par les mille chemins d'une si large zone, Des plateaux du Pamir aux bords du fleuve Amour, On verra s'éveiller la fourmilière jaune, Qui dans le mouvement du siècle aura son tour. LE POÈTE. Quand j'écoute, songeur, tes graves aphorismes, Je prévois d'acharnés et désastreux combats, Rudes chocs d'émigrants... et dans ces cataclysmes Des flots de sang versé... tu ne m'en parles pas. LE PHILOSOPHE. Oui... des langues de feu courant sur les rizières Rougiront les deux mers de leurs embrasements, Et des bambous froissés les hautes roselières S'abattront sur les morts en longs frémissements ; Mais, l'orage passé, dans leur tranquille joie, En se multipliant les nobles fils du Ciel Pourront cueillir en paix le frileux ver à soie Et bénir dans les fleurs la grande ruche à miel.

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    Paysage de nuit À Jules Berge C'est un dimanche soir. — Un large clair de lune Étale son argent sur la grève et la dune. La mer baisse... On entend comme un orgue lointain Dans la rumeur du flot qui jamais ne s'éteint. Sous le rayonnement de cette nuit paisible L'œil perçoit jusqu'aux bords de l'horizon visible : Les vieux ormes tordus, les saules sur deux rangs, Qui des ruisseaux marins contemplent les courants. Ni barques, ni pêcheurs sur les eaux de la Manche, Car tous les gens de mer honorent le dimanche. Dans le marais voisin encor mal endormi, Un ruminant couché rouvre l'œil à demi. Il a cru voir le jour... La tête se relève, Puis tombe... il se rendort en poursuivant son rêve. Sur la grève apparaît nettement de profil Un personnage errant... tout seul... Où donc va-t-il ? On reconnaît de loin le brave petit homme Qu'entre les vieux pêcheurs de la côte on renomme. Où va-t-il à cette heure en vareuse et suroît, Par le plus court chemin de la grève, tout droit ? Sa femme au champ des morts tranquillement repose À l'ombre de l'église... il s'y rend à nuit close, Et c'est là qu'il s'arrête et vient s'agenouiller En espérant bientôt près d'elle sommeiller.

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    Marine À L. G. de Bellée. Au fond d'un lointain souvenir, Je revois, comme dans un rêve, Entre deux rocs, sur une grève, Une langue de mer bleuir. Ce pauvre coin de paysage Vu de très loin apparaît mieux, Et je n'ai qu'à fermer les yeux Pour éclairer la chère image. Dans mon cœur les rochers sont peints Tout verdis de criste marine, Et je m'imprègne de résine Sous le vent musical des pins. L'œillet sauvage, fleur du sable, Exhale son parfum poivré, Et je me sens comme enivré D'une ivresse indéfinissable. De longs groupes de saules verts, À l'éveil des brises salées, Mêlent aux dunes éboulées Leurs feuillages, blancs à l'envers. Je revois comme dans un rêve, Au fond d'un lointain souvenir, Une langue de mer bleuir Entre deux rocs, sur une grève.

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    Matin d'hiver À Mademoiselle Marguerite Coutanseau La neige tombe en paix sur Paris qui sommeille, De sa robe d'hiver à minuit s'affublant. Quand la ville surprise au grand jour se réveille, Fins clochers, dômes ronds, palais vieux, tout est blanc. Moins rudes sont les froids, et la Seine charrie : D'énormes blocs de glace aux longs reflets vitreux Éclaboussent d'argent l'arche du pont Marie, Poursuivent leur voyage et se choquent entre eux. Les cloches qui tintaient à si grandes volées, Pour fêter dignement les jours carillonnés, N'ont plus qu'un timbre mat et des notes voilées, Comme si leurs battants étaient capitonnés. Les barques des chalands au long des quais rangées, De leur unique voile ont fermé l'éventail, Et toutes dans la glace, en bon ordre figées, Sont prises dans leur coque et jusqu'au gouvernail. Enrobant le Soleil sous deux ailes de flamme, Un goéland du Havre ou de Pont-Audemer Vient comme un Saint-Esprit planer sur Notre-Dame : On reconnaît de loin le grand oiseau de mer. Ce fut par de joyeux et clairs matins de neige, Où l'aurore allumait ses premiers feux pourprés, Qu'autrefois les Normands, blonds fils de la Norvège, Dressaient la haute échelle à Saint-Germain-des-Prés.

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    Matin d'Octobre Le soleil s'est levé rouge comme une sorbe Sur un étang des bois : — il arrondit son orbe Dans le ciel embrumé, comme un astre qui dort ; Mais le voilà qui monte en éclairant la brume, Et le premier rayon qui brusquement s'allume À toute la forêt donne des feuilles d'or.

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    Nocturne À Madame Fernand Barthe Quand la lune apparaît, silencieuse amie, Dans le cœur embaumé d'une rose endormie Je me blottis sans crainte et jusqu'au lendemain. LE CRIOCÈRE. Moi, c'est dans un grand lys à corolle d'ivoire Que, le soir, je commence à perdre la mémoire En repliant mes deux élytres de carmin. Et toi, la coccinelle, où se trouve ton gîte ? LA COCCINELLE. Je tiens si peu de place !... une feuille m'abrite. Sous ma chape à sept points, je m'endors n'importe où. LE POÈTE. Petits joyaux d'amour, que le ciel vous préserve D'un sournois emplumé, vieil oiseau de Minerve, Qui voit clair dans la nuit en sortant de son trou.

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    André Lemoyne

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    Novembre LE FILS. Quand le froid des hivers chasse les hirondelles Loin de notre pays, ma mère, où s’en vont-elles ? LA MÈRE. Mon fils, d’un vol rapide elles passent les mers. Et retrouvent ensemble, après un long voyage, Un ciel bleu, du soleil et de grands arbres verts. LE FILS. Mère, il est donc là-bas un paisible rivage Où ne grondent jamais les tristes vents du nord ? LA MÈRE. Oui. — Là-bas le printemps sourit aux hirondelles ; Là-bas les jours sont beaux, là-bas les nuits sont belles ; Là-bas la rose blanche a des fleurs immortelles, Et la vigne toujours garde ses raisins d’or. LE FILS. O ma mère, si Dieu nous eût donné des ailes, Nous partirions tous deux comme les hirondelles ! — J’ai froid. — Pour nous bientôt le soleil s’éteindra. Ma mère, prions Dieu de nous donner des ailes. LA MÈRE. Enfant, console-toi. — Dieu nous en donnera.

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    Propos aériens À madame Ernest Courbet LE PAPILLON. Où t'endors-tu, le soir, pauvre petite abeille, Butineuse des fleurs, qui t'en vas picorant Dès la pointe du jour, quand l'aube se réveille, Jusqu'au dernier rayon du soleil expirant ? L'ABEILLE. Sans trop hâter mon vol, c'est à moins d'un quart d'heure Dans le creux d'un vieux chêne, à ma ruche des bois, Juste au pied du grand arbre où, tous les ans, demeure Un couple de ramiers dans son nid d'autrefois. LE PAPILLON. Pour tes gâteaux de miel rapidement tu voles... Je te vois disparaître au bord des grands lys blancs, Roulée à corps perdu dans le fond des corolles Qui doivent t'enivrer de leurs parfums troublants ; Mais j'admire toujours l'active travailleuse, Dont le travail est pur, dont le travail est saint, Faite pour accomplir sa tâche merveilleuse, Dont s'honore à bon droit la reine de l'essaim. L'ABEILLE. Toi qui pars en zigzag comme un éclat de foudre, Pourquoi donc ce caprice ? LE PAPILLON. Afin que dans son vol Un bec d'oiseau jaseur ne puisse nous découdre. Je ris d'un martinet passant au ras du sol. Que faites- vous l'hiver ? L'ABEILLE. En grappes léthargiques, Sans oreilles, sans yeux, sans entendre, sans voir, Longuement nous rêvons de belles fleurs magiques Dans la ruche bien close où dès lors tout est noir. LE PAPILLON. Nous, dans la saison froide et sombre de l'année, Nous n'aimons pas à voir nos grands lys se flétrir ; Notre vie est bien courte, hélas ! mais fortunée. Quand sont mortes les fleurs, nous préférons mourir.

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    Retour À Alex de Bertha L'absent qu'on n'osait plus attendre est revenu. Sans bruit il a poussé la porte. Son chien, aveugle et sourd, au flair l'a reconnu, Et par la grande cour l'escorte. L'enfant blond d'autrefois est un homme aujourd'hui. Par delà l'Equateur sa trentaine est sonnée, Et voilà bien dix ans qu'on n'a rien su de lui. Par les soleils de mer sa peau rude est tannée. Du vieux perron de pierre il monte l'escalier. Les fleurs d'un chèvrefeuille antique Versent, comme autrefois, leur baume hospitalier Au seuil de la maison rustique. Il hésite, il a peur, quand son pied touche au seuil. C'est un pressentiment funèbre qui l'arrête : Qui va-t-il retrouver ? les siens portant son deuil, Ou des êtres nouveaux dont le cœur est en fête ? On l'aperçoit d'abord : — « Quel est cet étranger Qui chez les autres se hasarde Sans éveiller la cloche, et semble interroger Si gravement ceux qu'il regarde ? » Servantes et valets ne le connaissent pas, Mais la maîtresse, assise et près du feu courbée, Se lève toute droite et lui tend ses deux bras. En étouffant un cri de mère elle est tombée.

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    Rêve d'oiseau À Mademoiselle Bertbe Wells. Sous les fleurs d'églantier nouvellement écloses, Près d'un nid embaumé dans le parfum des roses, Quand la forêt dormait immobile et sans bruit, Le rossignol avait chanté toute la nuit. Quand les bois s'éclairaient au réveil de l'aurore, Le fortuné chanteur vocalisait encore. Sous les grands hêtres verts qui lui filtraient le jour, La reine de son cœur veillait au nid d'amour. Dans le berceau de mousse il revint d'un coup d'aile, Impatient alors de se rapprocher d'elle. Puis le maître divin dormit profondément... Mais parfois il chantait dans son rêve en dormant. « Les yeux fermés, il pense encore à moi, » dit-elle, Heureuse d'être aimée, heureuse d'être belle.

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    Vains regrets À Adolphe Brisson. Je mourrai sans avoir la petite maison Qui voit sa claire image aux bords d'une eau courante Sous l'abri de la haute et large feuillaison D'un vieux saule trempant son pied dans la Charente. Et voici que j'arrive à l'arrière-saison, Assez pauvre d'argent sans misère apparente ; Mettant parfois d'accord la rime et la raison, Sans jamais acquérir un seul titre de rente. Le soleil des heureux pour moi n'aura pas lui. Dans un ciel morne et froid l'automne s'est enfui. — Quand sur le drap funèbre on éteindra mon cierge, On dira : « L'homme errant qu'on enterre aujourd'hui, S'endormait chaque soir dans la maison d' autrui. — De notre monde il part comme on sort d'une auberge.

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    Vieux logis Dans un cher souvenir de vos jeunes années, Ne regrettez-vous pas ces hautes cheminées Où l'âtre, réjoui par un grand feu de bois, Réchauffait, en flambant, nos maisons d'autrefois ? Ne regrettez-vous pas ces vieilles cheminées Dans l'épaisseur des murs en granit maçonnées, Qui portaient sur trois rangs de nombreux andouillers Dont les fusils de chasse ornaient les râteliers. Près du feu sommeillait un grand chien débonnaire Qui poursuivait en rêve un lièvre imaginaire, Et sans rouvrir les yeux jappait à demi-voix, Comme s'il bondissait à travers champs et bois. Si, partis avant jour, tous les beaux chiens de race, Courant loin du logis, s'éparpillaient en chasse, Alors, très prudemment, de gros chats arrondis S'y prélassaient, heureux d'un si chaud paradis. Quand le sarment jetait ses gerbes d'étincelles Au dressoir miroitant des antiques vaisselles, Comme un riche éventail en ordre s'étageant, Plats de cuivre et d'étain semblaient d'or et d'argent. Aux murs le Juif-Errant d'une ancienne gravure, Sans pouvoir se coucher, pas même sur la dure, De son pas éternel marchait dans un brouillard ; Ailleurs, mais à cheval, Jeanne d'Arc et Bayard. Quand soufflait un vent noir roulant des feuilles mortes, Si quelque infortuné, le soir, frappait aux portes, Un pauvre, un voyageur perdu dans son chemin : « Entrez, lui disait-on. Restez jusqu'à demain. »

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    Vol d'oiseaux À David Sauvageot I. Les cygnes migrateurs qui passent dans les airs, Pèlerins de haut vol, fiers de leurs ailes grandes, Sont tout surpris de voir tant d'espaces déserts : Des steppes, des marais, des grèves et des landes. « C'est triste, pensent-ils... Ne croit-on pas rêver Quand, à perte de vue, on trouve abandonnées D'immenses régions qu'on devrait cultiver, Et qui dorment sans fruit depuis nombre d'années. « Ceux qui rampent en bas nous semblent bien petits, Quand nous apercevons la fourmilière humaine. Les blancs, comme les noirs, sont fort mal répartis, Eparpillés sans ordre où le hasard les mène. « Ils se croisent les bras au bord des océans. Infimes héritiers des races disparues, Tous voudraient vivre ainsi que des rois fainéants, En laissant aux sillons se rouiller les charrues ; « Boire les meilleurs vins et manger tous les fruits, S'enliser à plein corps dans les plaisirs terrestres, Et dans un frais sommeil passer toutes les nuits, Au murmure des flots et des grands pins sylvestres ; « Manger, boire et dormir sur un bon oreiller, Jouir de tous les biens en tranquilles apôtres, Trop indolents d'ailleurs pour jamais travailler ; Ceux qui n'ont rien chez eux prenant ce qu'ont les autres. « Devant eux, sans rien voir, en cheminant tout droit, Jusqu'aux pointes des caps où la mer les arrête, Comme troupeaux bloqués dans un bercail étroit, Ils vont... ne sachant plus où donner de la tète. II. « Nous, qui sommes contraints de changer de climats, Nous avons à subir de bien rudes épreuves. Nous saluons au vol de grands panoramas, Monts blancs, déserts de sable et rubans verts des fleuves. « Mais, quand nous dominons l'immensité des flots, En mer, sous l'équinoxe au temps des hivernages. Sans trouver pour abri quelques rares Ilots, Il nous faut accomplir de longs pèlerinages. « À l'exil, tous les ans, nous sommes condamnés. Par tempêtes de neige et tourbillons de givre, Souvent nos chers petits, les derniers qui sont nés, D'une aile fatiguée ont grand'peine à nous suivre. « Du froid et des brouillards, de la grêle et des vents, Par les chemins du ciel, nous avons tout à craindre. Paix à nos morts... l'espoir reste au cœur des vivants, Et nous ne perdons pas notre temps à nous plaindre. » III. Tout s'agite à l'envers, se mêle et se confond Chez l'homme... qui d'en bas laisse monter sa lie, Comme un lac dont l'orage a remué le fond... Sur le monde effaré souffle un vent de folie.

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