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Emile Nelligan

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Poésies

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Ma mère Quelquefois sur ma tête elle met ses mains pures, Blanches, ainsi que des frissons blancs de guipures. Elle me baise au front, me parle tendrement, D’une voix au son d’or mélancoliquement. Elle a les yeux couleur de ma vague chimère, O toute poésie, ô toute extase, ô Mère ! A l’autel de ses pieds je l’honore en pleurant, Je suis toujours petit pour elle, quoique grand.

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Beauté cruelle Certe, il ne faut avoir qu’un amour en ce monde, Un amour, rien qu’un seul, tout fantasque soit-il ; Et moi qui le recherche ainsi, noble et subtil, Voilà qu’il m’est à l’âme une entaille profonde. Elle est hautaine et belle, et moi timide et laid : Je ne puis l’approcher qu’en des vapeurs de rêve. Malheureux ! Plus je vais, et plus elle s’élève Et dédaigne mon cœur pour un œil qui lui plaît. Voyez comme, pourtant, notre sort est étrange ! Si nous eussions tous deux fait de figure échange, Comme elle m’eût aimé d’un amour sans pareil ! Et je l’eusse suivie, en vrai fou de Tolède, Aux pays de la brume, aux landes du soleil, Si le Ciel m’eût fait beau, et qu’il l’eût faite laide !

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Béatrice D’abord j’ai contemplé dans le berceau de chêne Un bébé tapageur qui ne pouvait dormir ; Puis vint la grande fille aux yeux couleur d’ébène, Une brune enfant pâle insensible au plaisir. Son beau front est rêveur; et, quelque peu hautaine Dans son costume blanc qui lui sied à ravir, Elle est bonne et charmante, et sa douce âme est pleine D’innocente candeur que rien ne peut tarir. Chère enfant, laisse ainsi couler ton existence, Espère, prie et crois, console la souffrance. Que ces courts refrains soient tes plus belles chansons ! J’élève mon regard vers la voûte azurée Où nagent les astres dans la nuit éthérée, Plus pure te trouvant que leurs plus purs rayons.

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Châteaux en Espagne Je rêve de marcher comme en conquistador, Haussant mon labarum triomphal de victoire, Plein de fierté farouche et de valeur notoire, Vers des assauts de ville aux tours de bronze et d’or. Comme un royal oiseau, vautour, aigle ou condor, Je rêve de planer au divin territoire, De brûler au soleil mes deux ailes de gloire À vouloir dérober le céleste Trésor. Je ne suis hospodar, ni grand oiseau de proie; À peine si je puis dans mon cœur qui guerroie Soutenir le combat des vieux Anges impurs ; Et mes rêves altiers fondent comme des cierges Devant cette Ilion éternelle aux cent murs, La ville de l’Amour imprenable des Vierges !

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    La fuite de l’enfance Par les jardins anciens foulant la paix des cistes, Nous revenons errer, comme deux spectres tristes, Au seuil immaculé de la Villa d’antan. Gagnons les bords fanés du Passé. Dans les râles De sa joie il expire. Et vois comme pourtant Il se dresse sublime en ses robes spectrales. Ici sondons nos coeurs pavés de désespoirs. Sous les arbres cambrant leurs massifs torses noirs Nous avons les Regrets pour mystérieux hôtes. Et bien loin, par les soirs révolus et latents, Suivons là-bas, devers les idéales côtes, La fuite de l’Enfance au vaisseau des Vingt ans.

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le cercueil Au jour ou mon aïeul fut pris de léthargie, Par mégarde on avait apporté son cercueil; Déjà l’étui des morts s’ouvrait pour son accueil, Quand son âme soudain ralluma sa bougie. Et nos âmes, depuis cet horrible moment, Gardaient de ce cercueil de grandes terreurs sourdes; Nous croyions voir l’aïeul au fond des fosses lourdes, Hagard, et se mangeant dans l’ombre éperdument. Aussi quand l’un mourait, père ou frère atterré Refusait sa dépouille à la boîte interdite, Et ce cercueil, au fond d’une chambre maudite, Solitaire et muet, plein d’ombre, est demeuré. Il me fut défendu pendant longtemps de voir Ou de porter les mains à l’objet qui me hante. . . Mais depuis, sombre errant de la forêt méchante Où chaque homme est un tronc marquant mon souci noir. J’ai grandi dans le goût bizarre du tombeau, Plein du dédain de l’homme et des bruits de la terre, Tel un grand cygne noir qui s’éprend de mystère, Et vit à la clarté du lunaire flambeau. Et j’ai voulu revoir, cette nuit, le cercueil Qui me troubla jusqu’en ma plus ancienne année; Assaillant d’une clé sa porte surannée J’ai pénétré sans peur en la chambre de deuil. Et là, longtemps je suis resté, le regard fou, Longtemps, devant l’horreur macabre de la boîte; Et j’ai senti glisser sur ma figure moite Le frisson familier d’une bête à son trou. Et je me suis penché pour l’ouvrir, sans remord Baisant son front de chêne ainsi qu’un front de frère; Et, mordu d’un désir joyeux et funéraire, Espérant que le ciel m’y ferait tomber mort.

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le corbillard Par des temps de brouillard, de vent froid et de pluie, Quand l’azur a vêtu comme un manteau de suie, Fête des anges noirs! dans l’après-midi, tard, Comme il est douloureux de voir un corbillard, Traîné par des chevaux funèbres, en automne, S’en aller cahotant au chemin monotone, Là-bas vers quelque gris cimetière perdu, Qui lui-même, comme un grand mort gît étendu! L’on salue, et l’on est pensif au son des cloches Élégiaquement dénonçant les approches D’un après-midi tel aux rêves du trépas. Alors nous croyons voir, ralentissant nos pas, À travers des jardins rouillés de feuilles mortes, Pendant que le vent tord des crêpes à nos portes, Sortir de nos maisons, comme des cœurs en deuil, Notre propre cadavre enclos dans le cercueil.

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le perroquet Aux jours de sa vieille détresse Elle avait, la pauvre négresse, Gardé cet oiseau d’allégresse. Ils habitaient, au coin hideux, Un de ces réduits hasardeux, Un faubourg lointain, tous les deux. Lui, comme jadis à la foire, Il jacassait les jours de gloire Perché sur son épaule noire. La vieille écoutait follement, Croyant que par l’oiseau charmant Causait l’âme de son amant. Car le poète chimérique, Avec une verve ironique A la crédule enfant d’Afrique Avait conté qu’il s’en irait, A son trépas, vivre en secret Chez l’âme de son perroquet. C’est pourquoi la vieille au front chauve, A l’heure où la clarté se sauve, Interrogeait l’oiseau, l’oeil fauve. Mais lui riait, criant toujours, Du matin au soir tous les jours :  » Ha ! Ha ! Ha ! Gula, mes amours ! «  Elle en mourut dans un cri rauque, Croyant que sous le soliloque Inconscient du bavard glauque, L’amant défunt voulait, moqueur, Railler l’amour de son vieux coeur. Elle en mourut dans la rancoeur. L’oiseau pleura ses funérailles, Puis se fit un nid de pierrailles En des ruines de murailles. Mais il devint comme hanté ; Et quand la nuit avait chanté Au clair du ciel diamanté, On eût dit, à voir sa détresse, Qu’en lui pleurait, dans sa tendresse, L’âme de la pauvre négresse.

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    Emile Nelligan

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    Le salon La poussière s’étend sur tout le mobilier, Les miroirs de Venise ont défleuri leur charme; Il y rôde comme un très vieux parfum de Parme, La funèbre douceur d’un sachet familier. Plus jamais ne résonne à travers le silence Le chant du piano dans les rythmes berceurs, Mendelssohn et Mozart, mariant leurs douceurs, Ne s’entendent qu’en rêve aux soirs de somnolence. Mais le poète, errant sous son massif ennui, Ouvrant chaque fenêtre aux clartés de la nuit, Et se crispant les mains, hagard et solitaire, Imagine soudain, hanté par des remords, Un grand bal solennel tournant dans le mystère, Où ses yeux ont cru voir danser les parents morts.

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    Emile Nelligan

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    Le vaisseau d’or Ce fut un grand Vaisseau taillé dans l’or massif: Ses mâts touchaient l’azur, sur des mers inconnues; La Cyprine d’amour, cheveux épars, chairs nues S’étalait à sa proue, au soleil excessif. Mais il vint une nuit frapper le grand écueil Dans l’Océan trompeur où chantait la Sirène, Et le naufrage horrible inclina sa carène Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil. Ce fut un Vaisseau d’Or, dont les flancs diaphanes Révélaient des trésors que les marins profanes, Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputés. Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ? Qu’est devenu mon coeur, navire déserté ? Hélas! Il a sombré dans l’abîme du Rêve !

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    @emileNelligan

    Le violon brisé Aux soupirs de l’archet béni, Il s’est brisé, plein de tristesse, Le soir que vous jouiez, comtesse, Un thème de Paganini. Comme tout choit avec prestesse ! J’avais un amour infini, Ce soir que vous jouiez, comtesse, Un thème de Paganini. L’instrument dort sous l’étroitesse De son étui de bois verni, Depuis le soir où, blonde hôtesse, Vous jouâtes Paganini. Mon cœur repose avec tristesse Au trou de notre amour fini. Il s’est brisé le soir, comtesse, Que vous jouiez Paganini.

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le voyageur À mon père Las d’avoir visité mondes, continents, villes, Et vu de tout pays, ciel, palais, monuments, Le voyageur enfin revient vers les charmilles Et les vallons rieurs qu’aimaient ses premiers ans. Alors sur les vieux bancs au sein des soirs tranquilles, Sous les chênes vieillis, quelques bons paysans, Graves, fumant la pipe, auprès de leurs familles Ecoutaient les récits du docte aux cheveux blancs. Le printemps refleurit. Le rossignol volage Dans son palais rustique a de nouveau chanté, Mais les bancs sont déserts car l’homme est en voyage. On ne le revoit plus dans ses plaines natales. Fantôme, il disparut dans la nuit, emporté Par le souffle mortel des brises hivernales.

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    @emileNelligan

    Nuit d’été Le violon, d’un chant très profond de tristesse, Remplit la douce nuit, se mêle aux sons des cors, Les sylphes vont pleurant comme une âme en détresse, Et les coeurs des arbres ont des plaintes de morts. Le souffle du Veillant anime chaque feuille ; Aux amers souvenirs les bois ouvrent leur sein ; Les oiseaux sont rêveurs ; et sous l’oeil opalin De la lune d’été ma Douleur se recueille… Lentement, au concert que font sous la ramure Les lutins endiablés comme ce Faust ancien, Le luth dans tout mon coeur éveille en parnassien La grande majesté de la nuit qui murmure Dans les cieux alanguis un ramage lointain, Prolongé jusqu’à l’aube, et mourant au Matin.

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    Rondel à ma pipe Devant un bock, ma bonne pipe, Selon notre amical principe Rêvons à deux, ce soir d’hiver. Puisque le ciel me prend en grippe (N’ai-je pourtant assez souffert ?) les pieds sur les chenets, ma pipe. Preste, la mort que j’anticipe Va me tirer de cet enfer Pour celui du vieux Lucifer; Soit ! nous fumerons chez ce type, Les pieds sur des chenets de fer.

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    Emile Nelligan

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    Rêve d’une nuit d’hôpital Cécile était en blanc, comme aux tableaux illustres Où la Sainte se voit, un nimbe autour du chef. Ils étaient au fauteuil Dieu, Marie et Joseph ; Et j’entendis cela debout près des balustres. Soudain au flamboiement mystique des grands lustres, Eclata l’harmonie étrange, au rythme bref, Que la harpe brodait de sons en relief… Musiques de la terre, ah ! taisez vos voix rustres !… Je ne veux plus pécher, je ne veux plus jouir, Car la sainte m’a dit que pour encor l’ouïr, Il me fallait vaquer à mon salut sur terre. Et je veux retourner au prochain récital Qu’elle me doit donner au pays planétaire, Quand les anges m’auront sorti de l’hôpital.

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    Emile Nelligan

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    Tarentelle d’automne Vois-tu près des cohortes bovines Choir les feuilles dans les ravines, Dans les ravines ? Vois-tu sur le côteau des années Choir mes illusions fanées, Toutes fanées ? Avec quelles rageuses prestesses Court la bise de nos tristesses, De mes tristesses ! Vois-tu près des cohortes bovines, Choir les feuilles dans les ravines Dans les ravines ? Ma sérénade d’octobre enfle une Funéraire voix à la lune, Au clair de lune. Avec quelles rageuses prestesses Court la bise de nos tristesses, De mes tristesses ! Le doguet bondit dans la vallée. Allons-nous-en par cette allée, La morne allée ! Ma sérénade d’octobre enfle une Funéraire voix à la lune, Au clair de lune. On dirait que chaque arbre divorce Avec sa feuille et son écorce, Sa vieille écorce. Ah ! Vois sur la pente des années Choir mes illusions fanées, Toutes fanées !

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Automne Comme la lande est riche aux heures empourprées, Quand les cadrans du ciel ont sonné les vesprées ! Quels longs effeuillements d'angélus par les chênes ! Quels suaves appels des chapelles prochaines ! Là-bas, groupes meuglants de grands boeufs aux yeux glauques Vont menés par des gars aux bruyants soliloques. La poussière déferle en avalanches grises Pleines du chaud relent des vignes et des brises. Un silence a plu dans les solitudes proches : Des Sylphes ont cueilli le parfum mort des cloches. Quelle mélancolie ! Octobre, octobre en voie ! Watteau ! que je vous aime, Autran, ô Millevoye !

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    C'etait l'automne...et les feuilles tombaient toujours L'ANGÉLUS sonnait, et l'enfant sur sa couche de douleur souffrait d'atroces maux ; il avait à peine quinze ans, et les froids autans contribuaient beaucoup à empirer son mal. Mais pourtant sa mère qui se lamentait au pied du lit, l'attristait encore plus profondément et augmentait en quelque sorte sa douleur. Soudain, joignant ses mains pâles en une céleste supplication, et portant sur le crucifix noir de la chambre ses yeux presque éteints, il fit une humble et douce prière qui monta vers Dieu comme un parfum langoureux. Et dehors, dans la nuit froide, les faibles coups de la cloche de la petite église voisine montaient tristement, elle semblait tinter d'avance le glas funèbre du jeune malade. La chaumière, perdue au fond de la campagne, était ombragée par de hauts peupliers qui lui voilaient le lointain. De belles montagnes bleues une à une se déroulaient là-bas, mais elles paraissaient maintenant plutôt noires, car les horizons s'assombrissaient de plus en plus. Les oiseaux dans les bocages ne chantaient plus, et toutes ces jolies fauvettes qui avaient égayé le printemps et l'été s'étaient envolées vers des parages inconnus. Les feuilles tombent et la brise d'automne gémit dans la ramure ; il fait sombre dehors ; mais ces tristesses de la nature, ces gémissements prolongés du vent, ne sont que les faibles échos de cette immense douleur qui veille au chevet du malade que Dieu redemande à la mère... Onze heures sonnent à la vieille horloge de la chaumière ; l'enfant vient de faire un mouvement qui appelle encore plus près de lui celle qui lui a prodigué ses soins pendant tant de jours et pendant tant de nuits. Elle approche, défaillante, et écoute attentivement les paroles que le mourant lui murmure faiblement à l'oreille : "Mère,... dit-il, je m'en vais... mais je ne t'oublierai pas là... haut... où... j'espère... de te... retrouver un jour... ne pleure pas... approche encore une dernière fois le crucifix de mes lèvres... car je n'ai plus que quelques instants à vivre... adieu, mère chérie... tu sais la place où je m'asseyais l'été dernier... sous le grand chêne... eh bien ! c'est là... que je désire... qu'on... m'enterre... Mère adieu, prends courage... " La mère ne pleure pas ; comme Marie au pied du calvaire elle embrasse sa croix,... souffre... et fait généreusement son sacrifice... Cependant les feuilles tombent, tombent toujours ; le sol est jonché de ces présages à la fois tristes et lugubres ; dans la chaumière le silence est solennel, la lampe jette dans l'appartement mortuaire une lueur funèbre qui se projette sur la figure blanche du cadavre à peine froid, la vitre est toute mouillée des embruns de la nuit, et la brise plaintive continue à pleurer dans les clairières. La jeunesse hélas ! du jeune malade s'est évanouie comme la fleur des champs qui se meurt, faute de pluie, sous les ardents rayons d'un soleil lumineux. Que la nature, les bois, les arbres, la vallée paraissaient tristes ce jour-là, car c'était l'automne... et les feuilles tombaient toujours.

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Devant deux portraits de ma Mère Ma mère, que je l'aime en ce portrait ancien, Peint aux jours glorieux qu'elle était jeune fille, Le front couleur de lys et le regard qui brille Comme un éblouissant miroir vénitien ! Ma mère que voici n'est plus du tout la même ; Les rides ont creusé le beau marbre frontal ; Elle a perdu l'éclat du temps sentimental Où son hymen chanta comme un rose poème. Aujourd'hui je compare, et j'en suis triste aussi, Ce front nimbé de joie et ce front de souci, Soleil d'or, brouillard dense au couchant des années. Mais, mystère du coeur qui ne peut s'éclairer ! Comment puis-je sourire à ces lèvres fanées ! Au portrait qui sourit, comment puis-je pleurer !

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    Emile Nelligan

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    Frisson d'hiver Les becs de gaz sont presque clos : Chauffe mon coeur dont les sanglots S'épanchent dans ton coeur par flots, Gretchen ! Comme il te dit de mornes choses, Ce clavecin de mes névroses, Rythmant le deuil hâtif des roses, Gretchen ! Prends-moi le front, prends-moi les mains, Toi, mon trésor de rêves maints Sur les juvéniles chemins, Gretchen ! Quand le givre qui s'éternise Hivernalement s'harmonise Aux vieilles glaces de Venise, Gretchen ! Et que nos deux gros chats persans Montrent des yeux reconnaissants Près de l'âtre aux feux bruissants, Gretchen ! Et qu'au frisson de la veillée, S'élance en tendresse affolée Vers toi mon âme inconsolée, Gretchen ! Chauffe mon coeur, dont les sanglots S'épanchent dans ton coeur par flots. Les becs de gaz sont presque clos... Gretchen !

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    Emile Nelligan

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    Hiver sentimental Loin des vitres ! clairs yeux dont je bois les liqueurs, Et ne vous souillez pas à contempler les plèbes. Des gels norvégiens métallisent les glèbes, Que le froid des hivers nous réchauffe les coeurs ! Tels des guerriers pleurant les ruines de Thèbes, Ma mie, ainsi toujours courtisons nos rancoeurs, Et, dédaignant la vie aux chants sophistiqueurs, Laissons le bon Trépas nous conduire aux Erèbes. Tu nous visiteras comme un spectre de givre ; Nous ne serons pas vieux, mais déjà las de vivre, Mort ! que ne nous prends-tu par telle après-midi, Languides au divan, bercés par sa guitare, Dont les motifs rêveurs, en un rythme assourdi, Scandent nos ennuis lourds sur la valse tartare !

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    Emile Nelligan

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    Je sais la-bas une vierge rose Je sais là-bas une vierge rose Fleur du Danube aux grands yeux doux O si belle qu'un bouton de rose Dans la contrée en est jaloux. Elle a fleuri par quelque soir pur, En une magique harmonie Avec son grand ciel de pâle azur : C'est l'orgueil de la Roumanie.

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    Le Mai d'amour Voici que verdit le printemps Où l'heure au cœur sonne vingt ans, Larivarite et la la ri.

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    Le récital des anges Plein de spleen nostalgique et de rêves étranges, Un soir, je m'en allai chez la Sainte adorée Où se donnait, dans la salle de l'empyrée, Pour la fête du ciel, le récital des anges. Et nul ne s'opposant à cette libre entrée, Je vins, le corps vêtu d'une tunique à franges, Le soir où je m'en fus chez la Sainte adorée, Plein de spleen nostalgique et de rêves étranges. Des dames défilaient sous des clartés oranges ; Les célestes laquais portaient haute livrée ; Et ma demande étant par Cécile agréée, J'écoutai le concert qu'aux divines phalanges Elle donnait, là-haut, dans des rythmes étranges...

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    Le regret des joujoux Toujours je garde en moi la tristesse profonde Qu'y grava l'amitié d'une adorable enfant, Pour qui la mort sonna le fatal olifant, Parce qu'elle était belle et gracieuse et blonde. Or, depuis je me sens muré contre le monde, Tel un prince du Nord que son Kremlin défend, Et, navré du regret dont je suis étouffant, L'Amour comme à sept ans ne verse plus son onde. Où donc a fui le jour des joujoux enfantins, Lorsque Lucile et moi nous jouions aux pantins Et courions tous les deux dans nos robes fripées ? La petite est montée au fond des cieux latents, Et j'ai perdu l'orgueil d'habiller ses poupées... Ah ! de franchir si tôt le portail des vingt ans !

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    Le voyageur Las d'avoir visité mondes, continents, villes, Et vu de tout pays, ciel, palais, monuments, Le voyageur enfin revient vers les charmilles Et les vallons rieurs qu'aimaient ses premiers ans. Alors sur les vieux bancs au sein des soirs tranquilles, Sous les chênes vieillis, quelques bons paysans, Graves, fumant la pipe, auprès de leurs familles Ecoutaient les récits du docte aux cheveux blancs. Le printemps refleurit. Le rossignol volage Dans son palais rustique a de nouveau chanté, Mais les bancs sont déserts car l'homme est en voyage. On ne le revoit plus dans ses plaines natales. Fantôme, il disparut dans la nuit, emporté Par le souffle mortel des brises hivernales.

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    Mon sabot de Noël I Jésus descend, marmots, chez vous, Les mains pleines de gais joujoux. Mettez tous, en cette journée, Un bas neuf dans la cheminée. Et soyez bons, ne pleurez pas… Chut ! voici que viennent ses pas. Il a poussé la grande porte, Il entre avec ce qu'Il apporte… Soyez heureux, ô chérubins ! Chefs de Corrège ou de Rubens… Et dormez bien parmi vos langes, Ou vous ferez mourir les anges. Dormez, jusqu'aux gais carillons Sonnant l'heure des réveillons.

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    Mon âme Mon âme a la candeur d'une chose étiolée, D'une neige de février… Ah ! retournons au seuil de l'Enfance en allée, Viens-t-en prier… Ma chère, joins tes doigts et pleure et rêve et prie, Comme tu faisais autrefois Lorsqu'en ma chambre, aux soirs, vers la Vierge fleurie Montait ta voix. Ah ! la fatalité d'être une âme candide En ce monde menteur, flétri, blasé, pervers, D'avoir une âme ainsi qu'une neige aux hivers Que jamais ne souilla la volupté sordide ! D'avoir l'âme pareille à de la mousseline Que manie une sœur novice de couvent, Ou comme un luth empli des musiques du vent Qui chante et qui frémit le soir sur la colline ! D'avoir une âme douce et mystiquement tendre, Et cependant, toujours, de tous les maux souffrir, Dans le regret de vivre et l'effroi de mourir, Et d'espérer, de croire… et de toujours attendre !

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    Noel de vieil artiste La bise geint, la porte bat, Un Ange emporte sa capture. Noël, sur la pauvre toiture, Comme un De Profundis, s'abat. L'artiste est mort en plein combat, Les yeux rivés à sa sculpture. La bise geint, la porte bat, Un Ange emporte sa capture. Ô Paradis ! puisqu'il tomba, Tu pris pitié de sa torture. Qu'il dorme en bonne couverture, Il eut si froid sur son grabat ! La bise geint, la porte bat...

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    Emile Nelligan

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    Roses d'Octobre Pour ne pas voir choir les roses d'automne, Cloître ton cœur mort en mon cœur tué. Vers des soirs souffrants mon deuil s'est rué, Parallèlement au mois monotone. Le carmin tardif et joyeux détonne Sur le bois dolent de roux ponctué… Pour ne pas voir choir les roses d'automne, Cloître ton cœur mort en mon cœur tué.

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