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Francis Ponge

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Francis Ponge est un écrivain et poète français, né le 27 mars 1899 à Montpellier et mort le 6 août 1988 au Bar-sur-Loup (Alpes-Maritimes). Il fréquentait le groupe surréaliste, sans adhérer pleinement à ce mouvement.

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Poésies

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    Francis Ponge

    @francisPonge

    A chat perché Je ne peux m'expliquer rien au monde que d'une seule façon : par le désespoir- Dans ce monde que je ne comprends pas, dont je ne peux rien admettre, où je ne peux rien désirer (nous sommes trop loin de compte), je suis obligé par surcroît à une certaine tenue, à peu près n'importe laquelle, mais une tenue. Mais alors si je suppose à tout le monde le même handicap, la tenue incompréhensible de tout ce monde s'explique : par le hasard des poses où vous force le désespoir. Exactement comme au jeu du chat perché. Sur un seul pied, sur n'importe quoi, mais pas à terre : il faut être perché, même en équilibre instable, lorsque le chasseur passe. Faute de quoi il vous touche : c'est alors la mort ou la folie. Ou comme quelqu'un surpris fait n'importe quel geste : voilà à tout moment votre sort.'Il faut à tout moment répondre quelque chose alors qu'on ne comprend rien à rien; décider n'importe quoi, alors qu'on ne compte sur rien; agir, sans aucune confiance. Point de répit. Il faut « n'avoir l'air de rien », être perché. Et cela dure! Quand on n'a plus envie de jouer, ce n'est pas drôle. Mais alors tout s'explique : le caractère idiot, saugrenu, de tout au monde : même les tramways, l'école de Samt-Cyr, et plusieurs autres institutions. Quelque chose s'est changé, s'est figé en cela, subitement, au hasard, pourchassé par le désespoir. Oh! s'il suffisait de s'allonger par terre, pour dormir, pour mourir. Si l'on pouvait se refuser à toute contenance ! Mais le passage du chasseur est irrésistible : il faut, quoiqu'on ne sache pas à quelle force l'on obéit, il faut se lever, sauter dans une niche, prendre des postures idiotes. ... Mais il est peut-être une pose possible qui consiste à dénoncer à chaque instant cette tyrannie : je ne rebondirai jamais que dans la pose du révolutionnaire ou du poète.

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    Francis Ponge

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    Bords de Mer La mer jusqu'à l'approche de ses limites est une chose simple qui se répète flot par flot. Mais les choses les plus simples dans la nature ne s'abordent pas sans y mettre beaucoup de formes, faire beaucoup de façons, les choses les plus épaisses sans subir quelque amenuisement. C'est pourquoi l'homme, et par rancune aussi contre leur immensité qui l'assomme, se précipite aux bords ou à l'intersection des grandes choses pour les définir. Car la raison au sein de l'uniforme dangereusement ballotte et se raréfie : un esprit en mal de notions doit d'abord s'approvisionner d'apparences. Tandis que l'air même tracassé soit par les variations de sa température ou par un tragique besoin d'influence et d'informations par lui-même sur chaque chose ne feuillette pourtant et corne que superficiellement le volumineux tome marin, l'autre élément plus stable qui nous supporte y plonge obliquement jusqu'à leur garde rocheuse de larges couteaux terreux qui séjournent dans l'épaisseur. Parfois à la rencontre d'un muscle énergique une lame ressort peu à peu : c'est ce qu'on appelle une plage. Dépaysée à l'air libre, mais repoussée par les profondeurs quoique jusqu'à un certain point familiarisée avec elles, cette portion de l'étendue s'allonge entre les deux plus ou moins fauve et stérile, et ne supporte ordinairement qu'un trésor de débris inlassablement polis et ramassés par le destructeur. Un concert élémentaire, par sa discrétion plus délicieux et sujet à réflexion, est accordé là depuis l'éternité pour personne : depuis sa formation par l'opération sur une platitude sans bornes de l'esprit d'insistance qui souffle parfois des cieux, le flot venu de loin sans heurts et sans reproche enfin pour la première fois trouve à qui parler. Mais une seule et brève parole est confiée aux cailloux et aux coquillages, qui s'en montrent assez remués, et il expire en la proférant; et tous ceux qui le suivent expireront aussi en proférant la pareille, parfois par temps à peine un peu plus fort clamée. Chacun par-dessus l'autre parvenu à l'orchestre se hausse un peu le col, se découvre, et se nomme à qui il fut adressé. Mille homonymes seigneurs ainsi sont admis le même jour à la présentation par la mer prolixe et prolifique en offres labiales à chacun de ses bords. Aussi bien sur votre forum, 6 galets, n'est-ce pas, pour une harangue grossière, quelque paysan du Danube qui vient se faire entendre : mais le Danube lui-même, mêlé à tous les autres fleuves du monde après avoir perdu leur sens et leur prétention, et profondément réservés dans une désillusion amère seulement au goût de qui aurait à conscience d'en apprécier par absorption la qualité la plus secrète, la saveur. C'est en effet, après l'anarchie des fleuves, à leur relâchement dans le profond et copieusement habité lieu commun de la matière liquide, que l'on a donné le nom de mer. Voilà pourquoi à ses propres bords celle-ci semblera toujours absente : profitant de l'éloi-gnement réciproque qui leur interdit de communiquer entre eux sinon à travers elle ou par de grands détours, elle laisse sans doute croire à chacun d'eux qu'elle se dirige spécialement vers lui. En réalité, polie avec tout le monde, et plus que polie : capable pour chacun d'eux de tous les emportements, de toutes les convictions successives, elle garde au fond de sa cuvette à demeure son infinie possession de courants. Elle ne sort jamais de ses bornes qu'un peu, met elle-même un frein à la fureur de ses flots, et comme la méduse qu'elle abandonne aux pêcheurs pour image réduite ou échantillon d'elle-même, fuit seulement une révérence extatique par tous ses bords. Ainsi en est-il de l'antique robe de Neptune, cet iiinonccllcnient pseudo-organique de voiles sur les trois quarts du monde uniment répandus. Ni par l'aveugle poignard des roches, ni par la plus creusante tempête tournant des paquets de feuilles à la fois, ni par l'œil attentif de l'homme employé avec peine et d'ailleurs sans contrôle dans un milieu interdit aux orifices débouchés des autres sens et qu'un bras plongé pour saisir trouble plus encore, ce livre au fond n'a été lu.

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    Francis Ponge

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    L'avenir des paroles Quand aux tentures du jour, aux noms communs drapés pour notre demeure en lecture on ne reconnaîtra plus grand-chose sinon de hors par ci nos initiales briller comme épingles ferrées sur un monument de toile, Une croupe aux cieux s'insurgera contre les couvertures, le vent soufflera par un échappement compensateur du fondement, les forêts du bas-ventre seront frottées contre la terre, jusqu'à ce qu'au genou de l'Ouest se dégrafe la dernière faveur diurne : Le corps du bel obscur hors du -drap des paroles alors tout découvert, bon pour un bol à boire au nichon de la mère d'Hercule!

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    Francis Ponge

    @francisPonge

    La jeune Mère Quelques jours après les couches la beauté de la femme se transforme. Le visage souvent penché sur la poitrine s'allonge un peu. Les yeux attentivement baissés sur un objet proche, s'ils se relèvent parfois paraissent un peu égarés. Ils montrent un regard empli de confiance, mais en sollicitant la continuité. Les bras et les mains s'incurvent et se renforcent. Les jambes qui ont beaucoup maigri et se sont affaiblies sont volontiers assises, les genoux très remontés. Le ventre ballonné, livide, encore très sensible; le bas-ventre s'accommode du repos, de la nuit des draps. ... Mais bientôt sur pieds, tout ce grand corps évolue à l'étroit parmi le pavois utile à toutes hauteurs des carrés blancs du linge, que parfois de sa main libre il saisit, froisse, tâte avec sagacité, pour les retendre ou les plier ensuite selon les résultats de cet examen.

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    Francis Ponge

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    La mort a vivre « Nous subissons la chose la plus insupportable qui soit. On cherche à nous couvrir de poux, de larves, de chenilles. On a peuplé l'air de microbes (Pasteur). Il y a maintenant dans l'eau pure à boire et à manger. L'imprimé se multiplie. Et il y a des gens qui trouvent que tout cela ne grouille pas assez, qui font des vers, de la poésie, de la surréalité, qui en rajoutent. Les rêves (il paraît que les rêves méritent d'entrer en danse, qu'il vaut mieux ne pas les oublier). Les réincarnations, les paradis, les enfers, enfin quoi : après la vie, la mort encore à vivre! »

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    Francis Ponge

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    Opinions politiques de Shakespeare Si incroyable que le fait, un jour (et déjà), doive paraître, l'on a pu constater une certaine corrélation entre la reprise de Coriolan au Théâtre-Français et l'émeute de 6 février. Alors qu'à propos de cette reprise l'on entend dire partout que cette pièce est une apologie du pouvoir personnel (et déjà il y a plusieurs années M. Léon Blum avait cru devoir chercher des excuses aux opinions anti-démocratiques de Shakespeare) il est sans doute bon de rappeler les phrases suivantes, mises dans la bouche de Cassius dans Jules César (acte I, scène n) : « De quels aliments se nourrit donc ce César, pour être devenu si grand? Quelle honte pour notre époque! Quelle est la génération depuis le déluge universel qui n'a eu qu'un seul homme dont elle pût s'enorgueillir? C'est pour le coup que nous pouvons appeler Rome un désert puisqu'un seul homme l'habite. » Et de Coriolan même celles-ci, qui éclairent toute l'œuvre dont le ton est, entre Trollus et Cressida et Jules César, celui de la tragi-comédie : « D'homme qu'il était il est devenu dragon; il a des ailes, il ne touche plus terre. L'aigreur empreinte sur son visage suffirait pour faire tourner une vendange... Sa voix ressemble au sor d'une cloche funèbre, et son murmure au bruit d'une batterie. » Pour nous séduire à la dictature il faudra trouver autre chose. L'on s'en doutait.

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