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Jean Richepin

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Auguste-Jules Richepin, dit Jean Richepin, né le 4 février 1849 à Médéa, et mort le 12 décembre 1926 dans le 16e arrondissement de Paris, est un poète, romancier et dramaturge français.

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Poésies

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    Les petiots Ouvrez la porte Aux petiots qui ont bien froid. Les petiots claquent des dents. Ohé ! ils vous écoutent! S’il fait chaud là-dedans, Bonnes gens, Il fait froid sur la route. Ouvrez la porte Aux petiots qui ont bien faim. Les petiots claquent des dents. Ohé ! il faut qu’ils entrent! Vous mangez là-dedans, Bonnes gens, Eux n’ont rien dans le ventre. Ouvrez la porte Aux petiots qui ont sommeil. Les petiots claquent des dents. Ohé ! leur faut la grange Vous dormez là-dedans, Bonnes gens, Eux, les yeux leur démangent. Ouvrez la porte Aux petiots qu’ont un briquet. Les petiots grincent des dents. Ohé ! les durs d’oreille ! Nous verrons là-dedans, Bonnes gens, Si le feu vous réveille !

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    Oiseaux de passage C’est une cour carrée et qui n’a rien d’étrange : Sur les flancs, l’écurie et l’étable au toit bas ; Ici près, la maison ; là-bas, au fond, la grange Sous son chapeau de chaume et sa jupe en plâtras. Le bac, où les chevaux au retour viendront boire, Dans sa berge de bois est immobile et dort. Tout plaqué de soleil, le purin à l’eau noire Luit le long du fumier gras et pailleté d’or. Loin de l’endroit humide où gît la couche grasse, Au milieu de la cour, où le crottin plus sec Riche de grains d’avoine en poussière s’entasse, La poule l’éparpille à coups d’ongle et de bec. Plus haut, entre les deux brancards d’une charrette, Un gros coq satisfait, gavé d’aise, assoupi, Hérissé, l’œil mi-clos recouvert par la crête, Ainsi qu’une couveuse en boule est accroupi. Des canards hébétés voguent, l’œil en extase. On dirait des rêveurs, quand, soudain s’arrêtant, Pour chercher leur pâture au plus vert de la vase Ils crèvent d’un plongeon les moires de l’étang. Sur le faîte du toit, dont les grises ardoises Montrent dans le soleil leurs écailles d’argent, Des pigeons violets aux reflets de turquoises De roucoulements sourds gonflent leur col changeant. Leur ventre bien lustré, dont la plume est plus sombre, Fait tantôt de l’ébène et tantôt de l’émail, Et leurs pattes, qui sont rouges parmi cette ombre, Semblent sur du velours des branches de corail. Au bout du clos, bien loin, on voit paître les oies, Et vaguer les dindons noirs comme des huissiers. Oh ! qui pourra chanter vos bonheurs et vos joies, Rentiers, faiseurs de lards, philistins, épiciers ? Ô vie heureuse des bourgeois ! Qu’avril bourgeonne Ou que décembre gèle, ils sont fiers et contents. Ce pigeon est aimé trois jours par sa pigeonne, Ça lui suffit : il sait que l’amour n’a qu’un temps. Ce dindon a toujours béni sa destinée. Et quand vient le moment de mourir, il faut voir Cette jeune oie en pleurs : « C’est là que je suis née ; Je meurs près de ma mère et j’ai fait mon devoir. » Son devoir ! C’est-à-dire elle blâmait les choses Inutiles, car elle était d’esprit zélé ; Et, quand des papillons s’attardaient sur des roses, Elle cassait la fleur et mangeait l’être ailé. Elle a fait son devoir ! C’est-à-dire que oncque Elle n’eut de souhait impossible, elle n’eut Aucun rêve de lune, aucun désir de jonque L’emportant sans rameurs sur un fleuve inconnu. Elle ne sentit pas lui courir sous la plume De ces grands souffles fous qu’on a dans le sommeil, Pour aller voir la nuit comment le ciel s’allume Et mourir au matin sur le cœur du soleil. Et tous sont ainsi faits ! Vivre la même vie Toujours, pour ces gens-là cela n’est point hideux. Ce canard n’a qu’un bec, et n’eut jamais envie Ou de n’en plus avoir ou bien d’en avoir deux. Aussi, comme leur vie est douce, bonne et grasse ! Qu’ils sont patriarcaux, béats, vermillonnés, Cinq pour cent ! Quel bonheur de dormir dans sa crasse, De ne pas voir plus loin que le bout de son nez ! N’avoir aucun besoin de baiser sur les lèvres, Et, loin des songes vains, loin des soucis cuisants, Posséder pour tout cœur un viscère sans fièvres, Un coucou régulier et garanti dix ans ! Oh ! les gens bienheureux !… Tout à coup, dans l’espace, Si haut qu’il semble aller lentement, un grand vol En forme de triangle arrive, plane et passe. Où vont-ils ? Qui sont-ils ? Comme ils sont loin du sol ! Les pigeons, le bec droit, poussent un cri de flûte Qui brise les soupirs de leur col redressé, Et sautent dans le vide avec une culbute. Les dindons d’une voix tremblotante ont gloussé. Les poules picorant ont relevé la tête. Le coq, droit sur l’ergot, les deux ailes pendant, Clignant de l’œil en l’air et secouant la crête, Vers les hauts pèlerins pousse un appel strident. Qu’est-ce que vous avez, bourgeois ? Soyez donc calmes. Pourquoi les appeler, sot ? Ils n’entendront pas. Et d’ailleurs, eux qui vont vers le pays des palmes, Crois-tu que ton fumier ait pour eux des appas ? Regardez-les passer ! Eux, ce sont les sauvages. Ils vont où leur désir le veut, par-dessus monts, Et bois, et mers, et vents, et loin des esclavages. L’air qu’ils boivent ferait éclater vos poumons. Regardez-les ! Avant d’atteindre sa chimère, Plus d’un, l’aile rompue et du sang plein les yeux, Mourra. Ces pauvres gens ont aussi femme et mère, Et savent les aimer aussi bien que vous, mieux. Pour choyer cette femme et nourrir cette mère, Ils pouvaient devenir volaille comme vous. Mais ils sont avant tout les fils de la chimère, Des assoiffés d’azur, des poètes, des fous. Ils sont maigres, meurtris, las, harassés. Qu’importe ! Là-haut chante pour eux un mystère profond. À l’haleine du vent inconnu qui les porte Ils ont ouvert sans peur leurs deux ailes. Ils vont. La bise contre leur poitrail siffle avec rage. L’averse les inonde et pèse sur leur dos. Eux, dévorent l’abîme et chevauchent l’orage. Ils vont, loin de la terre, au dessus des badauds. Ils vont, par l’étendue ample, rois de l’espace. Là-bas ils trouveront de l’amour, du nouveau. Là-bas un bon soleil chauffera leur carcasse Et fera se gonfler leur cœur et leur cerveau. Là-bas, c’est le pays de l’étrange et du rêve, C’est l’horizon perdu par delà les sommets, C’est le bleu paradis, c’est la lointaine grève Où votre espoir banal n’abordera jamais. Regardez-les, vieux coq, jeune oie édifiante ! Rien de vous ne pourra monter aussi haut qu’eux, Et le peu qui viendra d’eux à vous, c’est leur fiente. Les bourgeois sont troublés de voir passer les gueux.

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    Poivrot Eh ben ! oui, j’ suis bu. Et puis, quoi ? Que qu’ vous m’voulez, messieurs d’la rousse ? Est-ç’ que vous n’aimez pas comm’ moi Àvous rincer la gargarousse ? Voyez-vous, frangins, eh ! sergots, Faut êt’ bon pour l’espèce humaine. D’vant l’ pivois les homm’s sont égaux. D’ailleurs j’ai massé tout’ la s’maine. (Tu sais, j’ dis ça à ton copain, Pa’ç’que j’vois qu’ c’est un gonç’ qui boude. Mais entre nous, mon vieux lapin, J’ai jamais massé qu’à l’ver l’coude.) Après six jours entiers d’turbin, J’ me sentais la gueule un peu sale. Vrai, j’avais besoin d’ prend’ un bain ; Seul’ment j’l’ai pris par l’amygdale. J’ sais ben c’ que vous m’ dit’s : qu’il est tard, Que j’ baloche et que j’ vagabonde. Mais j’ suis tranquill’ j’ fais pas d’pétard. Et j’ crois qu’ la rue est à tout l’ monde. Les pant’s sont couchés dans leurs pieux, Par conséquent je n’ gên’ personne.–164 – Laissez-moi donc ! j’ suis un pauv’ vieux. Où qu’ vous m’emm’nez, messieurs d’la sonne ? Quoi ? vrai! vous allez m’ ramasser ? Ah ! c’est muf! Mais quoi qu’on y gagne ! J’m’en vas vous empêcher d’pioncer. J’ ronfle comme un’ toupi’ d’All’magne.

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    Ballade du rôdeur des champs Nul ne peut dire où je juche : Je n’ai ni lit ni hamac. Je ne connais d’autre huche Si ce n’est mon estomac. Mais j’ai planté mon bivac Dans le pays de maraude, Où sans lois, sans droits, sans trac, Je suis le bon gueux qui rôde. Le loup poursuivi débuche. Quand la faim me poursuit, crac ! Aux œufs je tends une embûche : Les poules font cotcodac Et pondent dans mon bissac. Puis dans une cave en fraude Je bois vin, cidre ou cognac. Je suis le bon gueux qui rôde. Quand j’ai sifflé litre ou cruche, Ma cervelle est en mic-mac ; Bourdonnant comme une ruche, Mon sang fait tic-tac tic-tac. Alors je descends au bac Où chante quelque faraude Qui me prend pour son verrac. Je suis le bon gueux qui rôde. Envoi Prince au cul bleu comme un lac, Cogne dont l’œil me taraude, Pique des deux, va ! Clic, clac ! Je suis le bon gueux qui rôde.

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    Cimetière intime J’ai déjà vu plus d’une année, Belle fille aux fraîches couleurs, Mourir vieille, jaune, fanée, Et perdre son chapeau de fleurs. Adieu, adieu, rose qui tombes ! Adieu, adieu, beau mois de mai! Mon cœur est le pays des tombes Où mon bonheur est enfermé. Espoirs, illusions vermeilles, Vœux de gloire, pensées d’amour, Ainsi qu’un jeune essaim d’abeilles S’envolèrent au point du jour. Mais, comme ils montaient vers la nue, Un tourbillon les emporta, Et le vent à l’haleine aiguë Brutalement les souffleta. Tombez ! tombez ! et sur la terre Je les ramassais, étouffant. Je les mis dans mon cimetière Couchés dans des cercueils d’enfant. Et tous les soirs, lorsque vient l’heure Où loin du monde je suis seul, J’ouvre chaque bière, et je pleure En déployant chaque linceul. Quand j’ai fini, d’une main lente Je clos mon cœur, morne cité, Cimetière, cité dolente, Où pas un n’est ressuscité. J’ai déjà vu plus d’une année, Belle fille aux fraîches couleurs, Mourir vieille, jaune, fanée, Et perdre son chapeau de fleurs. Adieu, adieu, rose qui tombes ! Adieu, adieu, beau mois de mai! Mon cœur est le pays des tombes Où mon bonheur est enfermé.

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    Epitaphe pour n’importe qui On ne sait pourquoi cet homme prit naissance. Et pourquoi mourut-il ? On ne l’a pas connu. Il vint nu dans ce monde, et, pour comble de chance, Partit comme il était venu. La gaîté, le chagrin, l’espérance, la crainte, Ensemble ou tour à tour ont fait battre son coeur. Ses lèvres n’ignoraient le rire ni la plainte. Son oeil fut sincère et moqueur. Il mangeait, il buvait, il dormait ; puis, morose, Recommençait encor dormir, boire et manger ; Et chaque jour c’était toujours la même chose, La même chose pour changer. Il fit le bien, et vit que c’était des chimères. Il fit le mal ; le mal le laissa sans remords. Il avait des amis ; amitiés éphémères ! Des ennemis ; mais ils sont morts. Il aima. Son amour d’une autre fut suivie, Et de plusieurs. Sur tout le dégoût vint s’asseoir. Et cet homme a passé comme passe la vie Entrez, sortez, et puis bonsoir !

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    La flûte Je n’étais qu’une plante inutile, un roseau. Aussi je végétais, si frêle, qu’un oiseau En se posant sur moi pouvait briser ma vie. Maintenant je suis flûte et l’on me porte envie. Car un vieux vagabond, voyant que je pleurais, Un matin en passant m’arracha du marais, De mon coeur, qu’il vida, fit un tuyau sonore, Le mit sécher un an, puis, le perçant encore, Il y fixa la gamme avec huit trous égaux ; Et depuis, quand sa lèvre aux souffles musicaux Éveille les chansons au creux de mon silence, Je tressaille, je vibre, et la note s’élance ; Le chapelet des sons va s’égrenant dans l’air ; On dirait le babil d’une source au flot clair ; Et dans ce flot chantant qu’un vague écho répète Je sais noyer le coeur de l’homme et de la bête.

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    La neige est triste La neige est triste. Sous la cruelle avalanche Les gueux, les va-nu-pieds, s'en vont tout grelottants. Oh ! le sinistre temps, oh ! l'implacable temps Pour qui n'a point de feu, ni de pain sur la planche ! Les carreaux sont cassés, la ports se déclenche, La neige par des trous entre avec les autans... Des enfants, mal langés dans de pauvres tartans, Voient au bout d'un sein bleu geler la goutte blanche. Et par ce temps de mort, le père est au travail, Dehors. Le givre perle aux poils de son poitrail. Ses poumons boivent l'air glacé qui les poignarde. Il sent son corps raidir, il râle, il tombe, las, Cependant que le ciel ironique lui carde, Comme pour l'inviter au somme, un matelas.

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    La noce féerique La noce sera belle et riche galamment, Sur la route, où l’or fin nous servira d’arène, Aux chevaux pomponnés je lâcherai la rêne, Et notre dais d’azur sera le firmament. Je serai cuirassé de velours, moi l’amant. Vous serez en dentelle et satin, vous la reine. Nous aurons pour parents notre vieille marraine Qui nous donne le grand soleil, son diamant. Et tous les amoureux viendront à la soirée Où chantera la Nuit dans sa robe moirée. Tous viendront, les oiseaux, les fleurs, les papillons. Ils seront deux à deux, et salueront par paire En me disant : — Seigneur, nous nous émerveillons De voir qu’un homme ait pris l’Idéal pour beau-père.

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    Le vin triste J’ai du sable à l’amygdale. Ohé ! ho ! buvons un coup, Un, deux, trois, longtemps, beaucoup ! Il faut s’arroser la dalle Du cou. J’ai le cœur en marmelade. Les membres froids, l’esprit lourd. Hé ! ho ! crions comme un sourd Pour étourdir ce malade D’amour. J’ai le nez blanc, l’œil qui rentre, Le teint couleur de citron, Le corps sec comme un mitron. Je veux trogne rouge, et ventre Tout rond. J’ai, pour guérir ma folie, Pris un remède, dix, vingt; Et puisque tout fut en vain, Je veux être une outre emplie De vin. Que les verres soient mes armes. Moi je serai leur fourreau. Nous tuerons l’amour bourreau Qui met dans mon vin mes larmes Pour eau. Je ne bois pas, je me panse. Au bruit du glouglou moqueur Je fais taire ma rancœur. Et j’enterre dans ma panse Mon cœur.

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    Première gelée Voici venir l’Hiver, tueur des pauvres gens. Ainsi qu’un dur baron précédé de sergents, Il fait, pour l’annoncer, courir le long des rues La gelée aux doigts blancs et les bises bourrues. On entend haleter le souffle des gamins Qui se sauvent, collant leurs lèvres à leurs mains, Et tapent fortement du pied la terre sèche. Le chien, sans rien flairer, file ainsi qu’une flèche. Les messieurs en chapeau, raides et boutonnés, Font le dos rond, et dans leur col plongent leur nez. Les femmes, comme des coureurs dans la carrière, Ont la gorge en avant, les coudes en arrière, Les reins cambrés. Leur pas, d’un mouvement coquin, Fait onduler sur leur croupe leur troussequin. Oh ! comme c’est joli, la première gelée ! La vitre, par le froid du dehors flagellée, Étincelle, au dedans, de cristaux délicats, Et papillotte sous la nacre des micas Dont le dessin fleurit en volutes d’acanthe. Les arbres sont vêtus d’une faille craquante. Le ciel a la pâleur fine des vieux argents. Voici venir l’Hiver, tueur des pauvres gens. Voici venir l’Hiver dans son manteau de glace. Place au Roi qui s’avance en grondant, place, place ! Et la bise, à grands coups de fouet sur les mollets, Fait courir le gamin. Le vent dans les collets Des messieurs boutonnés fourre des cents d’épingles. Les chiens au bout du dos semblent traîner des tringles. Et les femmes, sentant des petits doigts fripons Grimper sournoisement sous leurs derniers jupons, Se cognent les genoux pour mieux serrer les cuisses. Les maisons dans le ciel fument comme des Suisses. Près des chenets joyeux les messieurs en chapeau Vont s’asseoir ; la chaleur leur détendra la peau. Les femmes, relevant leurs jupes à mi-jambe, Pour garantir leur teint de la bûche qui flambe Étendront leurs deux mains longues aux doigts rosés, Qu’un tendre amant fera mollir sous les baisers. Heureux ceux-là qu’attend la bonne chambre chaude ! Mais le gamin qui court, mais le vieux chien qui rôde, Mais les gueux, les petits, le tas des indigents… Voici venir l’Hiver, tueur des pauvres gens.

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    Sonnet grec C’était un grand sculpteur que le Grec Praxitèle. La légende pourtant nous raconte qu’un jour, Voulant faire une coupe et ne rien mettre autour, Il ne vit point de forme assez pure pour elle. Mais le soir, fatigué de son travail rebelle, Comme il baisait un sein façonné par l’amour, Tout à coup il trouva. Ce bouton ! ce contour Et la coupe naquit sur ce parfait modèle. La femme dont la gorge avait un tel dessin Qu’on moula l’idéal aux rondeurs de son sein, Cette déesse en chair, comment se nommait-elle ? Nul ne le sait. Mais grâce au sculpteur, à l’amant, La coupe a survécu dans sa forme immortelle, Et sa beauté demeure impérissablement.

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    Sonnet ivre Pourtant, quand on est las de se crever les yeux, De se creuser le front, de se fouiller le ventre, Sans trouver de raison à rien, lorsque l’on rentre Fourbu d’avoir plané dans le vide des deux, Il faut bien oublier les désirs anxieux, Les espoirs avortés, et dormir dans son antre Comme une bête, ou boire à plus soif comme un chantre, Sans penser. Soûlons-nous, buveurs silencieux ! Oh ! les doux opiums, l’abrutissante extase ! Bitter, grenat brûlé, vermouth, claire topaze. Absinthe, lait troublé d’émeraude. Versez ! Versez, ne cherchons plus les effets ni les causes ! Les gueules du couchant dans nos cœurs terrassés Vomissent de l’absinthe entre leurs lèvres roses.

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    Épitaphe pour un lièvre Au temps où les buissons flambent de fleurs vermeilles, Quand déjà le bout noir de mes longues oreilles Se voyait par-dessus les seigles encor verts Dont je broutais les brins en jouant au travers, Un jour que, fatigué, je dormais dans mon gîte, La petite Margot me surprit. Je m’agite, Je veux fuir. Mais j’étais si faible, si craintif! Elle me tint dans ses deux bras : je fus captif. Certes elle m’aimait bien, la gentille maîtresse. Quelle bonté pour moi, que de soins, de tendresse ! Comme elle me prenait sur ses petits genoux Et me baisait! Combien ses baisers m’étaient doux ! Je me rappelle encor la mignonne cachette Qu’elle m’avait bâtie auprès de sa couchette, Pleine d’herbes, de fleurs, de soleil, de printemps, Pour me faire oublier les champs, les libres champs. Mais quoi! l’herbe coupée, est-ce donc l’herbe fraîche ? Mieux vaut l’épine au bois que les fleurs dans la crèche. Mieux vaut l’indépendance et l’incessant péril Que l’esclavage avec un éternel avril. Le vague souvenir de ma première vie M’obsédant, je sentais je ne sais quelle envie ; J’étais triste ; et malgré Margot et sa bonté Je suis mort dans ses bras, faute de liberté.

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