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José Maria de Heredia

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Poésies

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    José Maria de Heredia

    @joseMariaDeHeredia

    L'esclave Tel, nu, sordide, affreux, nourri des plus vils mets, Esclave - vois, mon corps en a gardé les signes - Je suis né libre au fond du golfe aux belles lignes Où l'Hybla plein de miel mire ses bleus sommets. J'ai quitté l'île heureuse, hélas !... Ah ! si jamais Vers Syracuse et les abeilles et les vignes Tu retournes, suivant le vol vernal des cygnes, Cher hôte, informe-toi de celle que j'aimais. Reverrai-je ses yeux de sombre violette, Si purs, sourire au ciel natal qui s'y reflète Sous l'arc victorieux que tend un sourcil noir ? Sois pitoyable ! Pars, va, cherche Cléariste Et dis-lui que je vis encor pour la revoir. Tu la reconnaîtras, car elle est toujours triste.

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    La trebbia L'aube d'un jour sinistre a blanchi les hauteurs. Le camp s'éveille. En bas roule et gronde le fleuve Où l'escadron léger des Numides s'abreuve. Partout sonne l'appel clair des buccinateurs. Car malgré Scipion, les augures menteurs, La Trebbia débordée, et qu'il vente et qu'il pleuve, Sempronius Consul, fier de sa gloire neuve, A fait lever la hache et marcher les licteurs. Rougissant le ciel noir de flamboîments lugubres, A l'horizon, brûlaient les villages Insubres ; On entendait au loin barrir un éléphant. Et là-bas, sous le pont, adossé contre une arche, Hannibal écoutait, pensif et triomphant, Le piétinement sourd des légions en marche.

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    José Maria de Heredia

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    Le récif de corail Le soleil sous la mer, mystérieuse aurore, Éclaire la forêt des coraux abyssins Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins, La bête épanouie et la vivante flore. Et tout ce que le sel ou l'iode colore, Mousse, algue chevelue, anémones, oursins, Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins, Le fond vermiculé du pâle madrépore. De sa splendide écaille éteignant les émaux, Un grand poisson navigue à travers les rameaux ; Dans l'ombre transparente indolemment il rôde ; Et, brusquement, d'un coup de sa nageoire en feu, Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu, Courir un frisson d'or, de nacre et d'émeraude.

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    Les conquérants Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal, Fatigués de porter leurs misères hautaines, De Palos de Moguer, routiers et capitaines Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal. Ils allaient conquérir le fabuleux métal Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines, Et les vents alizés inclinaient leurs antennes Aux bords mystérieux du monde Occidental. Chaque soir, espérant des lendemains épiques, L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ; Ou penchés à l’avant des blanches caravelles, Ils regardaient monter en un ciel ignoré Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.

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    Bacchanale Une brusque clameur épouvante le Gange. Les tigres ont rompu leurs jougs et, miaulants, Ils bondissent, et sous leurs bonds et leurs élans Les Bacchantes en fuite écrasent la vendange. Et le pampre que l’ongle ou la morsure effrange Rougit d’un noir raisin les gorges et les flancs Où près des reins rayés luisent des ventres blancs De léopards roulés dans la pourpre et la fange. Sur les corps convulsifs les fauves éblouis, Avec des grondements que prolonge un long râle, Flairent un sang plus rouge à travers l’or du hâle ; Mais le Dieu, s’enivrant à ces jeux inouïs, Par le thyrse et les cris les exaspère et mêle Au mâle rugissant la hurlante femelle.

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    Bretagne Pour que le sang joyeux dompte l’esprit morose, Il faut, tout parfumé du sel des goëmons, Que le souffle atlantique emplisse tes poumons ; Arvor t’offre ses caps que la mer blanche arrose. L’ajonc fleurit et la bruyère est déjà rose. La terre des vieux clans, des nains et des démons, Ami, te garde encor, sur le granit des monts, L’homme immobile auprès de l’immuable chose. Viens. Partout tu verras, par les landes d’Arèz, Monter vers le ciel morne, infrangible cyprès, Le menhir sous lequel gît la cendre du Brave ; Et l’Océan, qui roule en un lit d’algues d’or Is la voluptueuse et la grande Occismor, Bercera ton cour triste à son murmure grave.

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    L'exilée Dans ce vallon sauvage où César t'exila, Sur la roche moussue, au chemin d'Ardiège, Penchant ton front qu'argenté une précoce neige, Chaque soir, à pas lents, tu viens t'accouder là. Tu revois ta jeunesse et ta chère villa Et le Flamine rouge avec son blanc cortège ; Et pour que le regret du sol Latin s'allège, Tu regardes le ciel, triste Sabinula. Vers le Gar éclatant aux sept pointes calcaires, Les aigles attardés qui regagnent leurs aires Emportent en leur vol tes rêves familiers ; Et seule, sans désirs, n'espérant rien de l'homme, Tu dresses des autels aux Monts hospitaliers Dont les Dieux plus prochains te consolent de Rome.

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    La sieste Pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude ; Tout dort sous les grands bois accablés de soleil Où le feuillage épais tamise un jour pareil Au velours sombre et doux des mousses d'émeraude. Criblant le dôme obscur, Midi splendide y rôde Et, sur mes cils mi-clos alanguis de sommeil, De mille éclairs furtifs forme un réseau vermeil Qui s'allonge et se croise à travers l'ombre chaude. Vers la gaze de feu que trament les rayons, Vole le frêle essaim des riches papillons Qu'enivrent la lumière et le parfum des sèves; Alors mes doigts tremblants saisissent chaque fil Et dans les mailles d'or de ce filet subtil, Chasseur harmonieux, j'emprisonne mes rêves.

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    Le lit Qu’il soit encourtiné de brocart ou de serge, Triste comme une tombe ou joyeux comme un nid, C’est là que l’homme naît, se repose et s’unit, Enfant, époux, vieillard, aïeule, femme ou vierge. Funèbre ou nuptial, que l’eau sainte l’asperge Sous le noir crucifix ou le rameau bénit, C’est là que tout commence et là que tout finit, De la première aurore au feu du dernier cierge. Humble, rustique et clos, ou fier du pavillon Triomphalement peint d’or et de vermillon, Qu’il soit de chêne brut, de cyprès ou d’érable ; Heureux qui peut dormir sans peur et sans remords Dans le lit paternel, massif et vénérable, Où tous les siens sont nés aussi bien qu’ils sont morts.

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    Le tombeau du conquérant A l'ombre de la voûte en fleur des catalpas Et des tulipiers noirs qu'étoile un blanc pétale, Il ne repose point dans la terre fatale ; La Floride conquise a manqué sous ses pas. Un vil tombeau messied à de pareils trépas. Linceul du Conquérant de l'Inde Occidentale, Tout le Meschacébé par-dessus lui s'étale. Le Peau-Rouge et l'ours gris ne le troubleront pas. Il dort au lit profond creusé par les eaux vierges. Qu'importe un monument funéraire, des cierges, Le psaume et la chapelle ardente et l'ex-voto ? Puisque le vent du Nord, parmi les cyprières, Pleure et chante à jamais d'éternelles prières Sur le Grand Fleuve où gît Hernando de Soto.

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    Le vase L’ivoire est ciselé d’une main fine et telle Que l’on voit les forêts de Colchide et Jason Et Médée aux grands yeux magiques. La Toison Repose, étincelante, au sommet d’une stèle. Auprès d’eux est couché le Nil, source immortelle Des fleuves, et, plus loin, ivres du doux poison, Les Bacchantes, d’un pampre à l’ample frondaison, Enguirlandent le joug des taureaux qu’on dételle. Au-dessous, c’est un choc hurlant de cavaliers ; Puis les héros rentrant morts sur leurs boucliers Et les vieillards plaintifs et les larmes des mères. Enfin, en forme d’anse arrondissant leurs flancs Et posant aux deux bords leurs seins fermes et blancs, Dans le vase sans fond s’abreuvent des Chimères.

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    Médaille Seigneur de Rimini, Vicaire et Podestà. Son profil d’épervier vit, s’accuse ou recule A la lueur d’airain d’un fauve crépuscule, Dans l’orbe où Matteo de’ Pastis l’incrusta. Or, de tous les tyrans qu’un peuple détesta, Nul, comte, marquis, duc, prince ou principicule, Qu’il ait nom Ezzelin, Can, Galéas, Hercule, Ne fut maître si fier que le Malatesta. Celui-ci, le meilleur, ce Sigismond Pandolphe, Mit à sang la Romagne et la Marche et le Golfe, Bâtit un temple, fit l’amour et le chanta ; Et leurs femmes aussi sont rudes et sévères, Car sur le même bronze où sourit Isotta, L’Éléphant triomphal foule des primevères.

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    Vitrail Cette verrière a vu dames et hauts barons Étincelants d’azur, d’or, de flamme et de nacre, Incliner, sous la dextre auguste qui consacre, L’orgueil de leurs cimiers et de leurs chaperons ; Lorsqu’ils allaient, au bruit du cor ou des clairons, Ayant le glaive au poing, le gerfaut ou le sacre, Vers la plaine ou le bois, Byzance ou Saint-Jean d’Acre, Partir pour la croisade ou le vol des hérons. Aujourd’hui, les seigneurs auprès des châtelaines, Avec le lévrier à leurs longues poulaines, S’allongent aux carreaux de marbre blanc et noir ; Ils gisent là sans voix, sans geste et sans ouïe, Et de leurs yeux de pierre ils regardent sans voir La rose du vitrail toujours épanouie.

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    À un fondateur de ville Las de poursuivre en vain l'Ophir insaisissable, Tu fondas, en un pli de ce golfe enchanté Où l'étendard royal par tes mains fut planté, Une Carthage neuve au pays de la Fable. Tu voulais que ton nom ne fût point périssable, Et tu crus l'avoir bien pour toujours cimenté A ce mortier sanglant dont tu fis ta cité ; Mais ton espoir, Soldat, fut bâti sur le sable. Carthagène étouffant sous le torride azur, Avec ses noirs palais voit s'écrouler ton mur Dans l'Océan fiévreux qui dévore sa grève ; Et seule, à ton cimier brille, ô Conquistador, Héraldique témoin des splendeurs de ton rêve, Une Ville d'argent qu'ombrage un palmier d'or.

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    À une ville morte Morne Ville, jadis reine des Océans ! Aujourd'hui le requin poursuit en paix les scombres Et le nuage errant allonge seul des ombres Sur ta rade où roulaient les galions géants. Depuis Drake et l'assaut des Anglais mécréants, Tes murs désemparés croulent en noirs décombres Et, comme un glorieux collier de perles sombres, Des boulets de Pointis montrent les trous béants. Entre le ciel qui brûle et la mer qui moutonne, Au somnolent soleil d'un midi monotone, Tu songes, ô Guerrière, aux vieux Conquistadors ; Et dans l'énervement des nuits chaudes et calmes, Berçant ta gloire éteinte, ô Cité, tu t'endors Sous les palmiers, au long frémissement des palmes.

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    Émail Le four rougit ; la plaque est prête. Prends ta lampe. Modèle le paillon qui s’irise ardemment, Et fixe avec le feu dans le sombre pigment La poudre étincelante où ton pinceau se trempe. Dis, ceindras-tu de myrte ou de laurier la tempe Du penseur, du héros, du prince ou de l’amant ? Par quel Dieu feras-tu, sur un noir firmament, Cabrer l’hydre écaillée ou le glauque hippocampe ? Non. Plutôt, en un orbe éclatant de saphir Inscris un fier profil de guerrière d’Ophir, Thalestris, Bradamante, Aude ou Penthésilée. Et pour que sa beauté soit plus terrible encor, Casque ses blonds cheveux de quelque bête ailée Et fais bomber son sein sous la gorgone d’or.

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