1989. La colère monte depuis des mois en Chine. Ce jour-là, le 4 juin, elle éclate. Des millions de citoyens se rassemblent dans les rues et sur la place Tian anmen, pour réclamer davantage de démocratie et de justice. Le pouvoir répond par des balles, des baïonnettes et des chars d'assaut, et, aussitôt après, propose au peuple défait un nouvel opium : l'argent, à tout prix. Ce livre qui évoque aussi la mémoire du meilleur ami de l'auteur, Liu Xiaobo, prix Nobel de la Paix 2010, mort en détention en 2017 , est un recueil de témoignages de quelques-uns des « émeutiers » du 4-juin. Leur crime ? Ils ont écrit, photographié, décrit la réalité de ce jour-là. L'un est poète, l'autre, banquier, un troisième, étudiant, un quatrième a pissé sur un char à l'arrêt. Les qualifications ubuesco-kafkaïennes de leurs actes ? « Tromperie économique », « récriminations réactionnaires furieuses », « incitation à la propagande contre-révolutionnaire ». Leurs peines ? Tortures, brimades, persécutions, douze ans de bagne, ou seize ans, ou vingt ans. Et ensuite, après la sortie, une condamnation à rester des « parasites de la société » à vie, des marginaux définitifs. Trente ans plus tard, leurs bourreaux sont toujours au pouvoir.

Des balles et de l'opium

L'auteur croque les portraits d'une vingtaine de personnages issus des basses couches de la société chinoise. Du condamné à mort au candidat à l'exil, de l'entraîneuse au petit instituteur de campagne, ils prennent la parole en une quinzaine de pages chacun. Ces portraits peignent la Chine d'aujourd'hui, avec audace, mordant, humour et humanité.

L'Empire des bas-fonds

Il y a deux ans, j'étais dans le train de Berlin à Francfort lorsque j'ai entendu que le prix Nobel de la paix avait été décerné à mon ami proche, l'écrivain Liu Xiaobo, emprisonné en Chine. Pour moi, c'était la confirmation que les valeurs universelles et un code moral existent, et que le but du prix Nobel est d'encourager les écrivains à défendre ce code moral. Jeudi dernier, j'étais de nouveau dans le train de Berlin à Francfort lorsque j'ai entendu que le prix Nobel de littérature était allé à Mo Yan. C'est un poète d'État. Je suis complètement déconcerté. Ces valeurs universelles n'existent-elles pas après tout?

C'est quelque chose de merveilleux quand on peut aimer un autre auteur. Cela se produit si rarement, sans aucune sorte de réticence que les auteurs ont souvent entre eux. C'est une bonne fortune, quand vous pouvez adorer, lorsque vous pouvez aimer, lorsque vous pouvez trouver quelque chose de si magnifique.

Je vis en Allemagne depuis un an et mon impression est que les gens ici sont en quête de la vérité, ils ont accepté les injustices du passé, il y a des centres commémoratifs et des projets de souvenir. L'Allemagne est ma maison spirituelle.

Si vous allez vous en tenir à la vérité, vous devez garder vos distances avec le gouvernement chinois et en effet à toute forme de politique, y compris la politique des pays démocratiques.

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