En 1935, les troupes de Benito Mussolini envahissent l'Ethiopie avec le soutien des ascari, ces combattants érythréens enrôlés dans l'armée coloniale italienne. Vaincu, l'empereur Hailé Sélassié s'exile en Angleterre. En son absence, la résistance s'organise. Telle est la trame historique de ce roman qui a pour héros Kidane - un chef de guerre glorieux -, sa femme Aster et Hirut, une orpheline récemment devenue leur servante. Lorsque Kidane lève une armée et part au combat, les femmes refusent de se cantonner à un rôle secondaire et prennent les armes à leur tour. Peu à peu, l'espoir renaît dans le camp des rebelles, en dépit des atrocités commises par l'armée d'occupation et ses supplétifs indigènes sous les ordres du colonel Carlo Fucelli. A travers le récit croisé de personnages confrontés à une violence extrême, Le Roi fantôme met en lumière un pan méconnu de l'histoire de l'Ethiopie et souligne le rôle éminent qu'y ont joué les femmes. Porté par une écriture lyrique et un puissant souffle épique, ce roman inspiré par les archives familiales de Maaza Mengiste est une véritable Iliade africaine.

Le Roi fantôme

Au début des années 1970, lors de la révolution éthiopienne qui met fin au règne de l'empereur Hailé Sélassié, Hailu et ses proches s'efforcent de maintenir un quotidien viable dans une atmosphère délétère, chacun réagissant différemment au nouveau régime politique, aux idéologies brandies, aux limites et interdictions toujours plus nombreuses qui ne cessent de restreindre l'espace privé, tandis que la méfiance vient rompre ou pervertir les liens familiaux, affectifs et sociaux. Malgré son dégoût du pouvoir en place, Hailu continue d'exercer normalement sa profession de médecin jusqu'à ce qu'on lui confie une jeune fille brisée par la torture. Epouvanté par ses blessures, par l'idée de la soigner pour la remettre aux mains de ses bourreaux, Hailu décide d'abréger les souffrances de cette inconnue. Cet acte de désobéissance lui vaut d'être convoqué à la prison, où il est longuement retenu et torturé à son tour. Son fils aîné, Yonas, tente de préserver son foyer et de vivre normalement, mais il ramasse un jour dans la rue le corps d'un petit garçon torturé et assassiné : c'est le fils de leur domestique, le compagnon de jeux de leur fille. Quant à Dawit, le cadet, il participe activement à la résistance clandestine, prenant de plus en plus de risques, tandis que Lili, sa petite amie qui partageait ses idées, se laisse peu à peu séduire par la propagande du pouvoir. Mickey, enfin, ami d'enfance de Dawit, soldat issu d'un milieu pauvre, ne cesse de monter en grade, incapable de désobéir aux ordres monstrueux qui lui sont donnés. Dans une langue fluide et sobre, Maaza Mengiste propose un portrait vivant de la société éthiopienne à un tournant de son histoire, à travers quelques personnages particulièrement convaincants. Son regard empathique, intelligent, nuancé, lui permet d'évoquer le pire avec pudeur et retenue. Restant dans la complexité des choses, sans imposer de point de vue ni donner de leçon, elle déroule simplement, avec un grand talent, un ample roman dans lequel les notions d'idéologie et de résistance viennent s'inscrire, se nourrir et s'approfondir.

Sous le regard du lion

Un gouvernement de combattants ne saura pas diriger, ne fera que créer plus de guerre. Vous pensez que la bravoure se mesure en résistance.

Lorsque vous êtes convaincu que tout ce qui se passe est la volonté de Dieu, que faire mais attendre que Dieu ait pitié?

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