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Nicolas Boileau

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Nicolas Boileau sieur Despréaux, également nommé Nicolas Boileau Despréaux, né le 1er novembre 1636 à Paris et mort le 13 mars 1711 dans la même ville, est un homme de lettres français du Grand Siècle. Poète, traducteur, polémiste et théoricien de la littérature, il fut considéré de son temps et pendant les deux siècles suivants comme le législateur ou le « Régent du Parnasse » pour son « intransigeance passionnée ». Admirateur et ami de Molière pendant dix ans, familier d'Antoine Furetière, de Claude-Emmanuel Luillier dit Chapelle, d'Olivier Patru et de Guillaume de Lamoignon, premier président du parlement de Paris. Dans le dernier quart du siècle, il est l'ami, le confrère et l'interlocuteur privilégié de Racine.

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Poésies

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    L’amateur d’horloges Sans cesse autour de six pendules, De deux montres, de trois cadrans, Lutin, depuis trente et quatre ans, Occupe ses soins ridicules. Mais à ce métier, s’il vous plaît, A-t-il acquis quelque science? Sans doute; et c’est l’homme de France Qui sait le mieux l’heure qu’il est!

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    Amitié fidèle (Sur la mort d’Iris en 1654.) Parmi les doux transports d’une amitié fidèle, Je voyais près d’Iris couler mes heureux jours: Iris que j’aime encore, et que j’aimerai toujours, Brûlait des mêmes feux dont je brûlais pour elle: Quand, par l’ordre du ciel, une fièvre cruelle M’enleva cet objet de mes tendres amours; Et, de tous mes plaisirs interrompant le cours, Me laissa de regrets une suite éternelle. Ah! qu’un si rude coup étonna mes esprits! Que je versais de pleurs! que je poussais de cris! De combien de douleurs ma douleur fut suivie! Iris, tu fus alors moins à plaindre que moi: Et, bien qu’un triste sort t’ait fait perdre la vie, Hélas! en te perdant j’ai perdu plus que toi.

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    Au roy Grand roy, c’est vainement qu’abjurant la satire, Pour toy seul desormais j’avois fait voeu d’écrire. Dès que je prens la plume, Apollon éperdu Semble me dire: arreste, insensé, que fais-tu? Sçais-tu dans quels perils aujourd’ huy tu t’ engages? Cette mer où tu cours est celebre en naufrages. Ce n’ est pas qu’ aisément, comme un autre, à ton char Je ne pûsse attacher Alexandre et César; Qu’aisément je ne pûsse en quelque ode insipide, T’exalter aux dépens et de Mars et d’ Alcide: Te livrer le bosphore, et d’ un vers incivil Proposer au sultan de te ceder le Nil. Mais pour te bien loüer, une raison severe Me dit, qu’ il faut sortir de la route vulgaire: Qu’ après avoir joüé tant d’ auteurs differens, Phébus mesme auroit peur, s’ il entroit sur les rangs; Que par des vers tout neufs, avoüez du Parnasse, Il faut de mes dégousts justifier l’ audace; Et, si ma muse enfin n’ est égale à mon roi, Que je preste aux cotins des armes contre moi. Est-ce là cet auteur, l’effroy de la pucelle; Qui devoit des bons vers nous tracer le modèle; Ce censeur, diront-ils, qui nous reformoit tous? Quoi? Ce critique affreux n’en sçait pas plus que nous. N’ avons-nous pas cent fois, en faveur de la France, Comme lui, dans nos vers, pris Memphis et Byzance; Sur les bords de l’Euphrate abbattu le turban, Et coupé, pour rimer, les cedres du Liban? De quel front aujourd’ hui vient-il sur nos brisées, Se revestir encor de nos phrases usées? Que repondrois-je alors? Honteux et rebuté, J’ aurois beau me complaire en ma propre beauté, Et de mes tristes vers admirateur unique, Plaindre en les relisant l’ignorance publique. Quelque orgeuil en secret dont s’aveugle un auteur, Il est fâcheux, grand roi, de se voir sans lecteur; Et d’aller du recit de ta gloire immortelle, Habiller chez Francoeur le sucre et la canelle. Ainsi, craignant toûjours un funeste accident, J’imite de Conrart le silence prudent: Je laisse aux plus hardis l honneur de la carriere, Et regarde le champ, assis sur la barriere. Malgré moy toutefois, un mouvement secret Vient flatter mon esprit qui se tait à regret. Quoi? Dis-je, tout chagrin, dans ma verve infertile, Des vertus de mon roy spectateur inutile, Faudra-t-il sur sa gloire attendre à m’exercer, Que ma tremblante voix commence à se glacer? Dans un si beau projet, si ma muse rebelle N’ose le suivre aux champs de l’ Isle et de Bruxelle, Sans le chercher aux bords de l’ Escaut et du Rhein, La paix l’offre à mes yeux plus calme et plus serein. Oui, grand roi, laissons là les sieges, les batailles. Qu’un autre aille en rimant renverser des murailles, Et souvent sur tes pas marchant sans ton aveu, S’aille couvrir de sang, de poussiere et de feu. À quoy bon d’ une muse au carnage animée, Échauffer ta valeur, déja trop allumée? Joüissons à loisir du fruit de tes bien-faits, Et ne nous lassons point des douceurs de la paix. Pourquoi ces elephans, ces armes, ce bagage, Et ces vaisseaux tout prests à quitter le rivage? Disoit au roi Phyrrus un sage confident, Conseiller tres sensé d’ un roi tres imprudent. Je vais, lui dit ce prince, à Rome où l’ on m’ ppelle. Quoi faire? -l’ assieger, -l’ entreprise est fort belle, Et digne seulement d’ Alexandre ou de vous; Mais, Rome prise enfin, seigneur, où courons-nous? Du reste des latins la conqueste est facile. Sans doute on les peut vaincre: est-ce tout? -la Sicile De là nous tend les bras, et bien-tost sans effort Syracuse reçoit nos vaisseaux dans son port. Bornés-vous là vos pas? -dès que nous l’ aurons prise, Il ne faut qu’ un bon vent et Carthage est conquise. Les chemins sont ouverts: qui peut nous arrester? -Je vous entens, seigneur, nous allons tout domter. Nous allons traverser les sables de Libye, Asservir en passant l’ égypte, l’ Arabie, Courir delà le Gange en de nouveaux païs, Faire trembler le scythe aux bords du Tanaïs; Et ranger sous nos lois tout ce vaste hemisphere. Mais de retour enfin, que pretendez-vous faire? -Alors, cher Cineas, victorieux, contens, Nous pourons rire à l’ aise, et prendre du bon temps. -Hé, seigneur, dés ce jour, sans sortir de l’ Epire, Du matin jusqu’ au soir qui vous défend de rire? Le conseil estoit sage et facile à gouster. Pyrrhus vivoit heureux, s’ il eust pû l’ écouter: Mais à l’ ambition d’ opposer la prudence, C’ est aux prelats de cour prescher la residence. Ce n’ est pas que mon coeur, du travail ennemi, Approuve un faineant sur le thrône endormi. Mais quelques vains lauriers que promette la guerre, On peut estre heros sans ravager la terre. Il est plus d’ une gloire. Envain aux conquerans L’ erreur parmi les rois donne les premiers rangs. Entre les grands heros ce sont les plus vulgaires. Chaque siecle est fecond en heureux temeraires. Chaque climat produit des favoris de Mars. La Seine a des Bourbons, le Tibre a des Césars. On a veu mille fois des fanges moestides Sortir des conquerans, goths, vandales, gepides. Mais un roi vraiment roi, qui sage en ses projets, Sçache en un calme heureux maintenir ses sujets; Qui du bonheur public ayt cimenté sa gloire, Il faut, pour le trouver, courir toute l’ histoire. La terre conte peu de ces rois bien-faisans. Le ciel à les former se prépare long-temps. Tel fut cet empereur, sous qui Rome adorée Vit renaistre les jours de Saturne et de Rhée: Qui rendit de son joug l’ univers amoureux: Qu’ on n’ alla jamais voir sans revenir heureux: Qui soûpirait le soir, si sa main fortunée N’ avoit par ses bienfaits signalé la journée. Le cours ne fut pas long d’ un empire si doux. Mais, où cherchay-je ailleurs ce qu’ on trouve chez nous? Grand roi, sans recourir aux histoires antiques, Ne t’ avons-nous pas vû dans les plaines belgiques, Quand l’ ennemi vaincu desertant ses remparts, Au-devant de ton joug couroit de toutes parts, Toi-mesme te borner au fort de ta victoire, Et chercher dans la paix une plus juste gloire? Ce sont là les exploits que tu dois avoüer; Et c’ est par là, grand roi, que je te veux loüer. Assez d’ autres, sans moy, d’ un stile moins timide, Suivront aux champs de Mars ton courage rapide; Iront de ta valeur effrayer l’ univers, Et camper devant Dôle au milieu des hyvers. Pour moy, loin des combats, sur un ton moins terrible, Je diray les exploits de ton regne paisible. Je peindray les plaisirs en foule renaissans: Les oppresseurs du peuple à leur tour gemissans. On verra par quels soins ta sage prévoyance Au fort de la famine entretint l’ abondance. On verra les abus par ta main reformez, La licence et l’ orgueil en tous lieux reprimez, Du débris des traitans ton épargne grossie; Des subsides affreux la rigueur adoucie, Le soldat dans la paix sage et laborieux, Nos artisans grossiers rendus industrieux; Et nos voisins frustrez de ces tributs serviles, Que payoit à leur art le luxe de nos villes. Tantost je traceray tes pompeux bâtimens, Du loisir d’ un heros nobles amusemens. J’ entens déjà frémir les deux mers étonnées De voir leurs flots unis au pié des Pyrenées. Déja de tous costez la chicane aux abois S’ enfuit au seul aspect de tes nouvelles lois. Ô que ta main par là va sauver de pupilles! Que de sçavans plaideurs desormais inutiles! Qui ne sent point l’ effet de tes soins genereux? L’ univers sous ton regne a-t-il des malheureux? Est-il quelque vertu dans les glaces de l’ ourse, Ni dans ces lieux brûlez où le jour prend sa source, Dont la triste indigence ose encore approcher, Et qu’ en foule tes dons d’ abord n’ aillent chercher? C’ est par toy qu’ on va voir les muses enrichies, De leur longue disette à jamais affranchies. Grand roi, poursuy toûjours, asseure leur repos. Sans elles un heros n’ est pas long-temps heros. Bien-tost, quoy qu’ il ayt fait, la mort d’ une ombre noire, Enveloppe avec lui son nom et son histoire. Envain pour s’ exemter de l’ oubli du cercueil, Achille mit vingt fois tout Ilion en deuil. Envain malgré les vents aux bords de l’ Hesperie Enée enfin porta ses dieux et sa patrie. Sans le secours des vers, leurs noms tant publiez Seroient depuis mille ans avec eux oubliez. Non à quelques hauts faits que ton destin t’ appelle, Sans le secours soigneux d’ une muse fidelle, Pour t’ immortaliser tu fais de vains efforts. Apollon te la doit: ouvre luy tes tresors. En poëtes fameux rens nos climats fertiles. Un auguste aisément peut faire des virgiles. Que d’ illustres témoins de ta vaste bonté Vont pour toy déposer à la posterité! Pour moy, qui sur ton nom déja brûlant d’ écrire Sens au bout de ma plume expirer la satire, Je n’ ose de mes vers vanter ici le prix. Toutefois, si quelqu’ un de mes foibles écrits Des ans injurieux peut éviter l’ outrage, Peut-estre pour ta gloire aura-t-il son usage: Et comme tes exploits étonnant les lecteurs, Seront à peine creus sur la foy des auteurs; Si quelque esprit malin les veut traiter de fables, On dira quelque jour, pour les rendre croyables Boileau qui dans ses vers pleins de sincerité Jadis à tout son siecle a dit la verité; Qui mit à tout blâmer son étude et sa gloire, A pourtant de ce roy parlé comme l’ histoire. (Epître I)

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    Chanson a boire (I) Philosophes rêveurs, qui pensez tout savoir, Ennemis de Bacchus, rentrez dans le devoir: Vos esprits s’en font trop accroire. Allez, vieux fous, allez apprendre à boire. On est savant quand on boit bien: Qui ne sait boire ne sait rien. S’il faut rire ou chanter au milieu d’un festin, Un docteur est alors au bout de son latin: Un goinfre en a toute la gloire. Allez, vieux fous, allez apprendre à boire. On est savant quand on boit bien: Qui ne sait boire ne sait rien.

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    Chanson a boire (II) Soupirez jour et nuit sans manger et sans boire; Ne songez qu’à souffrir; Aimez, aimez vos maux, et mettez votre gloire À n’en jamais guérir. Cependant nous rirons Avecque la bouteille, Et dessous la treille Nous la chérirons. Si sans vous soulager une aimable cruelle Vous retient en prison, Allez aux durs rochers, aussi sensibles qu’elle? En demander raison. Cependant nous rirons Avecque la bouteille, Et dessous la treille Nous la chérirons.

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    Chanson a boire (III) Que Bâville me semble aimable, Quand des magistrats le plus grand Permet que Bacchus à sa table Soit notre premier président! Trois muses, en habit de ville, Y président à ses côtés: Et ses arrêts par Arbouville Sont à plein verre exécutés. Si Bourdaloue un peu sévère Nous dit, Craignez la volupté; Escobar, lui dit-on, mon Père, Nous la permet pour la santé. Contre ce docteur authentique Si du jeûne il prend l’intérêt, Bacchus le déclare hérétique, Et janséniste, qui pis est.

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    L'art poétique (Chant I) C'est en vain qu'au Parnasse un téméraire auteur Pense de l'art des vers atteindre la hauteur. S'il ne sent point du Ciel l'influence secrète, Si son astre en naissant ne l'a formé poète, Dans son génie étroit il est toujours captif ; Pour lui Phébus est sourd, et Pégase est rétif. Ô vous donc qui, brûlant d'une ardeur périlleuse, Courez du bel esprit la carrière épineuse, N'allez pas sur des vers sans fruit vous consumer, Ni prendre pour génie un amour de rimer ; Craignez d'un vain plaisir les trompeuses amorces, Et consultez longtemps votre esprit et vos forces. La nature, fertile en Esprits excellents, Sait entre les Auteurs partager les talents L'un peut tracer en vers une amoureuse flamme ; L'autre d'un trait plaisant aiguiser l'épigramme. Malherbe d'un héros peut vanter les exploits ; Racan, chanter Philis, les bergers et les bois Mais souvent un esprit qui se flatte et qui s'aime Méconnaît son génie et s'ignore soi-même : Ainsi tel autrefois qu'on vit avec Faret Charbonner de ses vers les murs d'un cabaret S'en va, mal à propos, d'une voix insolente, Chanter du peuple hébreu la fuite triomphante, Et, poursuivant Moïse au travers des déserts, Court avec Pharaon se noyer dans les mers. Quelque sujet qu'on traite, ou plaisant, ou sublime, Que toujours le bon sens s'accorde avec la rime ; L'un l'autre vainement ils semblent se haïr ; La rime est une esclave et ne doit qu'obéir. Lorsqu'à la bien chercher d'abord on s'évertue, L'esprit à la trouver aisément s'habitue ; Au joug de la raison sans peine elle fléchit Et, loin de la gêner, la sert et l'enrichit. Mais, lorsqu'on la néglige, elle devient rebelle, Et, pour la rattraper, le sens court après elle. Aimez donc la raison : que toujours vos écrits Empruntent d'elle seule et leur lustre et leur prix. La plupart, emportés d'une fougue insensée, Toujours loin du droit sens vont chercher leur pensée Ils croiraient s'abaisser, dans leurs vers monstrueux, S'ils pensaient ce qu'un autre a pu penser comme eux. Évitons ces excès : laissons à l'Italie, De tous ces faux brillants l'éclatante folie. Tout doit tendre au bon sens : mais, pour y parvenir, Le chemin est glissant et pénible à tenir ; Pour peu qu'on s'en écarte, aussitôt on se noie. La raison pour marcher n'a souvent qu'une voie. Un auteur quelquefois, trop plein de son objet, Jamais sans l'épuiser n'abandonne un sujet. S'il rencontre un palais, il m'en dépeint la face ; Il me promène après de terrasse en terrasse ; Ici s'offre un perron ; là règne un corridor ; Là ce balcon s'enferme en un balustre d'or. Il compte des plafonds les ronds et les ovales ; « Ce ne sont que festons, ce ne sont qu'astragales. » Je saute vingt feuillets pour en trouver la fin, Et je me sauve à peine au travers du jardin. Fuyez de ces auteurs l'abondance stérile, Et ne vous chargez point d'un détail inutile. Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant ; L'esprit rassasié le rejette à l'instant. Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire. Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire Un vers était trop faible, et vous le rendez dur ; J'évite d'être long, et je deviens obscur ; L'un n'est point trop fardé, mais sa Muse est trop nue ; L'autre a peur de ramper, il se perd dans la nue. Voulez-vous du public mériter les amours ? Sans cesse en écrivant variez vos discours. Un style trop égal et toujours uniforme En vain brille à nos yeux, il faut qu'il nous endorme. On lit peu ces auteurs, nés pour nous ennuyer, Qui toujours sur un ton semblent psalmodier. Heureux qui, dans ses vers, sait d'une voix légère Passer du grave au doux, du plaisant, au sévère ! Son livre, aimé du Ciel et chéri des lecteurs, Est souvent chez Barbin entouré d'acheteurs. Quoi que vous écriviez évitez la bassesse : Le style le moins noble a pourtant sa noblesse. Au mépris du bon sens, le Burlesque effronté, Trompa les yeux d'abord, plut par sa nouveauté. On ne vit plus en vers que pointes triviales ; Le Parnasse parla le langage des halles ; La licence à rimer alors n'eut plus de frein, Apollon travesti devint un Tabarin. Cette contagion infecta les provinces, Du clerc et du bourgeois passa jusques aux princes. Le plus mauvais plaisant eut ses approbateurs ; Et, jusqu'à d'Assouci, tout trouva des lecteurs. Mais de ce style enfin la cour désabusée Dédaigna de ces vers l'extravagance aisée, Distingua le naïf du plat et du bouffon, Et laissa la province admirer le Typhon. Que ce style jamais ne souille votre ouvrage. Imitons de Marot l'élégant badinage, Et laissons le Burlesque aux Plaisants du Pont-Neuf. Mais n'allez point aussi, sur les pas de Brébeuf, Même en une Pharsale, entasser sur les rives « De morts et de mourants cent montagnes plaintives ». Prenez mieux votre ton, soyez Simple avec art, Sublime sans orgueil, agréable sans fard. N'offrez rien au lecteur que ce qui peut lui plaire. Ayez pour la cadence une oreille sévère : Que toujours dans vos vers, le sens, coupant les mots, Suspende l'hémistiche, en marque le repos. Gardez qu'une voyelle, à courir trop hâtée, Ne soit d'une voyelle en son chemin heurtée, Il est un heureux choix de mots harmonieux. Fuyez des mauvais sons le concours odieux : Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée Ne peut plaire à l'esprit, quand l'oreille est blessée. Durant les premiers ans du Parnasse françois, Le caprice tout seul faisait toutes les lois. La rime, au bout des mots assemblés sans mesure, Tenait lieu d'ornements, de nombre et de césure. Villon sut le premier, dans ces siècles grossiers, Débrouiller l'art confus de nos vieux romanciers. Marot, bientôt après, fit fleurir les ballades, Tourna des triolets, rima des mascarades, À des refrains réglés asservit les rondeaux Et montra pour rimer des chemins tout nouveaux. Ronsard, qui le suivit, par une autre méthode, Réglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode, Et toutefois longtemps eut un heureux destin. Mais sa Muse, en français parlant grec et latin, Vit, dans l'âge suivant, par un retour grotesque, Tomber de ses grands mots le faste pédantesque. Ce poète orgueilleux, trébuché de si haut, Rendit plus retenus Desportes et Bertaut. Enfin Malherbe vint, et, le premier en France, Fit sentir dans les vers une juste cadence, D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir, Et réduisit la Muse aux règles du devoir. Par ce sage écrivain la langue réparée N'offrit plus rien de rude à l'oreille épurée. Les stances avec grâce apprirent à tomber, Et le vers sur le vers n'osa plus enjamber. Tout reconnut ses lois ; et ce guide fidèle Aux auteurs de ce temps sert encor de modèle. Marchez donc sur ses pas; aimez sa pureté ; Et de son tour heureux imitez la clarté. Si le sens de vos vers tarde à se faire entendre, Mon esprit aussitôt commence à se détendre ; Et, de vos vains discours prompt à se détacher, Ne suit point un auteur qu'il faut toujours chercher. Il est certains esprits dont les sombres pensées Sont d'un nuage épais toujours embarrassées ; Le jour de la raison ne le saurait percer. Avant donc que d'écrire, apprenez à penser. Selon que notre idée est plus ou moins obscure, L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure. Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. Surtout qu'en vos écrits la langue révérée Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée. En vain, vous me frappez d'un son mélodieux, Si le terme est impropre ou le tour vicieux : Mon esprit n'admet point un pompeux barbarisme, Ni d'un vers ampoulé l'orgueilleux solécisme. Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant écrivain. Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse, Et ne vous piquez point d'une folle vitesse Un style si rapide, et qui court en rimant, Marque moins trop d'esprit que peu de jugement. J'aime mieux un ruisseau qui, sur la molle arène, Dans un pré plein de fleurs lentement se promène, Qu'un torrent débordé qui, d'un cours orageux, Roule, plein de gravier, sur un terrain fangeux. Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage Polissez-le sans cesse et le repolissez ; Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. C'est peu qu'en un ouvrage où les fautes fourmillent, Des traits d'esprit, semés de temps en temps, pétillent. Il faut que chaque chose y soit mise en son lieu ; Que le début, la fin, répondent au milieu ; Que d'un art délicat les pièces assorties N'y forment qu'un seul tout de diverses parties, Que jamais du sujet le discours s'écartant N'aille chercher trop loin quelque mot éclatant. Craignez-vous pour vos vers la censure publique ? Soyez-vous à vous-même un sévère critique. L'ignorance toujours est prête à s'admirer. Faites-vous des amis prompts à vous censurer ; Qu'ils soient de vos écrits les confidents sincères, Et de tous vos défauts les zélés adversaires. Dépouillez devant eux l'arrogance d'auteur, Mais sachez de l'ami discerner le flatteur : Tel vous semble applaudir, qui vous raille et vous joue. Aimez qu'on vous conseille, et non pas qu'on vous loue. Un flatteur aussitôt cherche à se récrier Chaque vers qu'il entend le fait extasier. Tout est charmant, divin, aucun mot ne le blesse ; Il trépigne de joie, il pleure de tendresse ; Il vous comble partout d'éloges fastueux... La vérité n'a point cet air impétueux. Un sage ami, toujours rigoureux, inflexible, Sur vos fautes jamais ne vous laisse paisible : Il ne pardonne point les endroits négligés, Il renvoie en leur lieu les vers mal arrangés, Il réprime des mots l'ambitieuse emphase ; Ici le sens le choque, et plus loin c'est la phrase. Votre construction semble un peu s'obscurcir, Ce terme est équivoque : il le faut éclaircir... C'est ainsi que vous parle un ami véritable. Mais souvent sur ses vers un auteur intraitable, À les protéger tous se croit intéressé, Et d'abord prend en main le droit de l'offensé. « De ce vers, direz-vous, l'expression est basse. » « — Ah ! Monsieur, pour ce vers je vous demande grâce, Répondra-t-il d'abord. — Ce mot me semble froid, Je le retrancherais. — C'est le plus bel endroit ! — Ce tour ne me plaît pas. — Tout le monde l'admire. » Ainsi toujours constant à ne se point dédire, Qu'un mot dans son ouvrage ait paru vous blesser, C'est un titre chez lui pour ne point l'effacer. Cependant, à l'entendre, il chérit la critique ; Vous avez sur ses vers un pouvoir despotique... Mais tout ce beau discours dont il vient vous flatter N'est rien qu'un piège adroit pour vous les réciter. Aussitôt, il vous quitte ; et, content de sa Muse, S'en va chercher ailleurs quelque fat qu'il abuse ; Car souvent il en trouve : ainsi qu'en sots auteurs, Notre siècle est fertile en sots admirateurs ; Et, sans ceux que fournit la ville et la province, Il en est chez le duc, il en est chez le prince. L'ouvrage le plus plat a, chez les courtisans, De tout temps rencontré de zélés partisans ; Et, pour finir enfin par un trait de satire, Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire.

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    Nicolas Boileau

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    Le bûcheron et la mort Le dos chargé de bois, et le corps tout en eau, Un pauvre bûcheron, dans l’extrême vieillesse, Marchait en haletant de peine et de détresse. Enfin, las de souffrir, jetant là son fardeau, Plutôt que de s’en voir accablé de nouveau, II souhaite la Mort, et cent fois il l’appelle. La Mort vint à la fin: Que veux-tu? cria-t-elle. Qui? moi! dit-il alors prompt à se corriger: Que tu m’aides à me charger.

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    Nicolas Boileau

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    Les embarras de Paris Qui frappe l'air, bon Dieu ! de ces lugubres cris ? Est-ce donc pour veiller qu'on se couche à Paris ? Et quel fâcheux démon, durant les nuits entières, Rassemble ici les chats de toutes les gouttières ? J'ai beau sauter du lit, plein de trouble et d'effroi, Je pense qu'avec eux tout l'enfer est chez moi : L'un miaule en grondant comme un tigre en furie ; L'autre roule sa voix comme un enfant qui crie. Ce n'est pas tout encor : les souris et les rats Semblent, pour m'éveiller, s'entendre avec les chats, Plus importuns pour moi, durant la nuit obscure, Que jamais, en plein jour, ne fut l'abbé de Pure.

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    Nicolas Boileau

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    Odesur un bruit qui courut en 1656 Ode Sur Un Bruit Qui Courut, En 1656, Que Cromwell Et Les Anglais Allaient Faire La Guerre A La France. Quoi! ce peuple aveugle en son crime, Qui, prenant son roi pour victime, Fit du trône un théâtre affreux, Pense-t-il que le ciel, complice D’un si funeste sacrifice, N’a pour lui ni foudres ni feux? Déjà sa flotte à pleines voiles, Malgré les vents et les étoiles, Veut maîtriser tout l’univers, Et croit que l’Europe étonnée A son audace forcenée Va céder l’empire des mers. Arme-toi, France; prends la foudre. C’est à toi de réduire en poudre Ces sanglants ennemis des lois. Suis la victoire qui t’appelle, Et va sur ce peuple rebelle Venger la querelle des rois. Jadis on vit ces parricides, Aidés de nos soldats perfides, Chez nous, au comble de l’orgueil, (1) Briser tes plus fortes murailles; Et par le gain de vingt batailles, Mettre tous tes peuples en deuil. Mais bientôt le ciel en colère, Par la main d’une humble bergère, (2) Renversant tous leurs bataillons, Borna leurs succès et nos peines: Et leurs corps pourris, dans nos plaines, N’ont fait qu’engraisser nos sillons. (3) (1) Pendant le règne de l’infortuné Charles VI. (2) Jeanne d’Arc. (3) Je n’avais que dix-huit ans quand je fit cette ode; mais je l’ai raccommodée. Boileau.

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    Plaintes contre les tuileries Agréables jardins où les Zéphyrs et Flore Se trouvent tous les jours au lever de l’Aurore; Lieux charmants qui pouvez dans vos sombres réduits, Des plus tristes amants adoucir les ennuis, Cessez de rappeler, dans mon âme insensée, De mon premier bonheur la gloire enfin passée. Ce fut, je m’en souviens, dans cet antique bois Que Philis m’apparut pour la première fois. C’est ici que souvent, dissipant mes alarmes, Elle arrêtait d’un mot mes soupirs et mes larmes. Et que me regardant d’un oeil si gracieux, Elle m’offrait le ciel, ouvert dans ses beaux yeux. Aujourd’hui cependant, injustes que vous êtes, Je sais qu’à mes rivaux vous prêtez vos retraites, Et qu’avec elle assis sur vos tapis de fleurs, Ils triomphent contents de mes vaines douleurs. Allez, jardins dressés par une main fatale, Tristes enfants de l’art du malheureux Dédale, Vos bois, jadis pour moi si charmants et si beaux; Ne sont plus qu’un désert, refuge des corbeaux; Qu’un séjour infernal où cent mille vipères, Tous les jours, en naissant, assassinent leurs mères.

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    Tout doit tendre au bon sens... Tout doit tendre au bon sens : mais, pour y parvenir, Le chemin est glissant et pénible à tenir ; Pour peu qu'on s'en écarte, aussitôt l'on se noie. La raison pour marcher n'a souvent qu'une voie. Un auteur quelquefois trop plein de son objet Jamais sans l'épuiser n'abandonne un sujet. S'il rencontre un palais, il m'en dépeint la face ; Il me promène après de terrasse en terrasse ; Ici s'offre un perron ; là règne un corridor,

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    Vers à mettre en chant Voici les lieux charmants où mon âme ravie Passait à contempler Silvie Les tranquilles moments si doucement perdus. Que je l’aimais alors, que je la trouvais belle! Mon coeur, vous soupirez au nom de l’infidèle: Avez-vous oublié que vous ne l’aimez plus? C’est ici que souvent, errant dans les prairies, Ma main des fleurs les plus chéries Lui faisait des présents si tendrement reçus. Que je l’aimais alors, que je la trouvais belle! Mon coeur, vous soupirez au nom de l’infidèle: Avez-vous oublié que vous ne l’aimez plus?

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    Nicolas Boileau

    Nicolas Boileau

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    À M. Racine Que tu sais bien, Racine, à l'aide d'un acteur, Emouvoir, étonner, ravir un spectateur ! Jamais Iphigénie en Aulide immolée N'a coûté tant de pleurs à la Grèce assemblée, Que dans l'heureux spectacle à nos yeux étalé En a fait sous son nom verser la Champmeslé. Ne crois pas toutefois, par tes savants ouvrages, Entraînant tous les cœurs, gagner tous les suffrages. Sitôt que d'Apollon un génie inspiré Trouve loin du vulgaire un chemin ignoré, En cent lieux contre lui les cabales s'amassent ; Ses rivaux obscurcis autour de lui croassent ; Et son trop de lumière, importunant les yeux, De ses propres amis lui fait des envieux ; La mort seule ici-bas, en terminant sa vie, Peut calmer sur son nom l'injustice et l'envie ; Faire au poids du bon sens peser tous ses écrits, Et donner à ses vers leur légitime prix. Avant qu'un peu de terre, obtenu par prière, Pour jamais sous la tombe eût enfermé Molière, ille de ces beaux traits, aujourd'hui si vantés, Furent des sots esprits à nos yeux rebutés. L'ignorance et l'erreur, à ses naissantes pièces, En habits de marquis, en robes de comtesses, Venaient pour diffamer son chef-d'œuvre nouveau, Et secouaient la tête à l'endroit le plus beau. Le commandeur voulait la scène plus exacte ; Le vicomte, indigné, sortait au second acte. L'un, défenseur zélé des bigots mis en jeu, Pour prix de ses bons mots le condamnait au feu ; L'autre, fougueux marquis, lui déclarant la guerre, Voulait venger la cour immolée au parterre. ais, sitôt que d'un trait de ses fatales mains, La Parque l'eut rayé du nombre des humains, On reconnut le prix de sa Muse éclipsée. L'aimable Comédie, avec lui terrassée, En vain d'un coup si rude espéra revenir, Et sur ses brodequins ne put plus se tenir. Tel fut chez nous le sort du théâtre comique. Toi donc qui, t'élevant sur la scène tragique, Suis les pas de Sophocle, et, seul de tant d'esprits, De Corneille vieilli sais consoler Paris, Cesse de t'étonner, si l'envie animée, Attachant à ton nom sa rouille envenimée, La calomnie en main quelquefois te poursuit. En cela, comme en tout, le Ciel qui nous conduit, Racine, fait briller sa profonde sagesse. Le mérite en repos s'endort dans la paresse ; ais par les envieux un génie excité Au comble de son art est mille fois monté ; Plus on veut l'affaiblir, plus il croît et s'élance. Au Cid persécuté Cinna doit sa naissance, Et peut-être ta plume aux censeurs de Pyrrhus Doit les plus nobles traits dont tu peignis Burrhus...

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    Nicolas Boileau

    Nicolas Boileau

    @nicolasBoileau

    À mon jardinier Laborieux valet du plus commode maître Qui pour te rendre heureux ici-bas pouvait naître, Antoine, gouverneur de mon jardin d’Auteuil, Qui diriges chez moi l’if et le chèvrefeuil, Et sur mes espaliers, industrieux génie, Sais si bien exercer l’art de La Quintinie ; Ô ! que de mon esprit triste et mal ordonné, Ainsi que de ce champ par toi si bien orné. Ne puis-je faire ôter les ronces, les épines, Et des défauts sans nombre arracher les racines ! Mais parle : raisonnons. Quand, du matin au soir, Chez moi poussant la bêche, ou portant l’arrosoir, Tu fais d’un sable aride une terre fertile, Et rends tout mon jardin à tes lois si docile ; Que dis-tu de m’y voir rêveur, capricieux, Tantôt baissant le front, tantôt levant les yeux, De paroles dans l’air par élans envolées, Effrayer les oiseaux perchés dans mes allées ? Ne soupçonnes-tu point qu’agité du démon, Ainsi que ce cousin des quatre fils Aimon, Dont tu lis quelquefois la merveilleuse histoire, Je rumine en marchant quelque endroit du grimoire ? Mais non : tu te souviens qu’au village on t’a dit Que ton maître est nommé pour coucher par écrit Les faits d’un roi plus grand en sagesse, en vaillance, Que Charlemagne aidé des douze pairs de France. Tu crois qu’il y travaille, et qu’au long de ce mur Peut-être en ce moment il prend Mons et Namur. Que penserais-tu donc, si l’on t’allait apprendre Que ce grand chroniqueur des gestes d’Alexandre, Aujourd’hui méditant un projet tout nouveau, S’agite, se démène, et s’use le cerveau, Pour te faire à toi-même en rimes insensées Un bizarre portrait de ses folles pensées ? Mon maître, dirais-tu, passe pour un docteur, Et parle quelquefois mieux qu’un prédicateur. Sous ces arbres pourtant, de si vaines sornettes Il n’irait point troubler la paix de ces fauvettes, S’il lui fallait toujours, comme moi, s’exercer, Labourer, couper, tondre, aplanir, palisser, Et, dans l’eau de ces puits sans relâche tirée, De ce sable étancher la soif démesurée. Antoine, de nous deux, tu crois donc, je le vois Que le plus occupé dans ce jardin, c’est toi ? O ! que tu changerais d’avis et de langage, Si deux jours seulement, libre du jardinage, Tout à coup devenu poète et bel esprit, Tu t’allais engager à polir un écrit Qui dît, sans s’avilir, les plus petites choses ; Fît des plus secs chardons des oeillets et des roses ; Et sût même au discours de la rusticité Donner de l’élégance et de la dignité ; Lin ouvrage, en un mot, qui, juste en tous ses termes, Sût plaire à d’Aguesseau, sût satisfaire Termes, Sût, dis-je, contenter, en paraissant au jour, Ce qu’ont d’esprits plus fins et la ville et la cour ! Bientôt de ce travail revenu sec et pâle, Et le teint plus jauni que de vingt ans de hâle, Tu dirais, reprenant ta pelle et ton râteau : J’aime mieux mettre encor cent arpents au niveau, Que d’aller follement, égaré dans les nues, Me lasser à chercher des visions cornues ; Et, pour lier des mots si mal s’entr’accordants, Prendre dans ce jardin la lune avec les dents. Approche donc, et viens : qu’un paresseux t’apprenne, Antoine, ce que c’est que fatigue et que peine. L’homme ici-bas, toujours inquiet et gêné, Est, dans le repos même, au travail condamné. La fatigue l’y suit. C’est en vain qu’aux poètes Les neuf trompeuses soeurs dans leurs douces retraites Promettent du repos sous leurs ombrages frais : Dans ces tranquilles bois pour eux plantés exprès, La cadence aussitôt, la rime, la césure, La riche expression, la nombreuse mesure, Sorcières dont l’amour sait d’abord les charmer, De fatigues sans fin viennent les consumer. Sans cesse poursuivant ces fugitives fées, On voit sous les lauriers haleter les Orphées. Leur esprit toutefois se plaît dans son tourment, Et se fait de sa peine un noble amusement. Mais je ne trouve point de fatigue si rude Que l’ennuyeux loisir d’un mortel sans étude, Qui, jamais ne sortant de sa stupidité, Soutient, dans les langueurs de son oisiveté, D’une lâche indolence esclave volontaire, Le pénible fardeau de n’avoir rien à faire. Vainement offusqué de ses pensers épais, Loin du trouble et du bruit il croit trouver la paix : Dans le calme odieux de sa sombre paresse, Tous les honteux plaisirs, enfants de la mollesse, Usurpant sur son âme un absolu pouvoir, De monstrueux désirs le viennent émouvoir, Irritent de ses sens la fureur endormie, Et le font le jouet de leur triste infamie. Puis sur leurs pas soudain arrivent les remords, Et bientôt avec eux tous les fléaux du corps, La pierre, la colique et les gouttes cruelles ; Guénaud, Rainssant, Brayer, presque aussi tristes qu’elles, Chez l’indigne mortel courent tous s’assembler, De travaux douloureux le viennent accabler ; Sur le duvet d’un lit, théâtre de ses gênes, Lui font scier des rocs, lui font fendre des chênes, Et le mettent au point d’envier ton emploi. Reconnais donc, Antoine, et conclus avec moi, Que la pauvreté mâle, active et vigilante, Est, parmi les travaux, moins lasse et plus contente Que la richesse oisive au sein des voluptés. Je te vais sur cela prouver deux vérités : L’une, que le travail, aux hommes nécessaire, Fait leur félicité plutôt que leur misère ; Et l’autre, qu’il n’est point de coupable en repos. C’est ce qu’il faut ici montrer en peu de mots. Suis-moi donc. Mais je vois, sur ce début de prône, Que ta bouche déjà s’ouvre large d’une aune, Et que, les yeux fermés, tu baisses le menton. Ma foi, le plus sûr est de finir ce sermon. Aussi bien j’aperçois ces melons qui t’attendent, Et ces fleurs qui là-bas entre elles se demandent, S’il est fête au village, et pour quel saint nouveau, On les laisse aujourd’hui si longtemps manquer d’eau. (Epître XI)

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    Nicolas Boileau

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    @nicolasBoileau

    Épitaphe d’Arnauld Au pied de cet autel de structure grossière Gît sans pompe, enfermé dans une vile bière, Le plus savant mortel qui jamais ait écrit; Arnauld, qui, sur la grâce instruit par Jésus-Christ, Combattant pour l’Église, a, dans l’Église même, Souffert plus d’un outrage et plus d’un anathème. Plein du feu qu’en son coeur souffla l’Esprit divin, Il terrassa Pélage, il foudroya Calvin; De tous les faux docteurs confondit la morale; Mais, pour fruit de son zèle, on l’a vu rebuté, En cent lieux opprimé par leur noire cabale; Errant, pauvre, banni, proscrit, persécuté; Et même par sa mort leur fureur mal éteinte N’aurait jamais laissé ses cendres en repos, Si Dieu lui-même ici de son ouaille sainte À ces loups dévorants n’avait caché les os.

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