René Guy Cadou
@reneGuyCadou
Les fusilles de Chateaubriant Ils sont appuyés contre le ciel Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel Avec toute la vie derrière eux Ils sont pleins d'étonnement pour leur épaule Qui est un monument d'amour Ils n'ont pas de recommandations à se faire Parce qu'ils ne se quitteront jamais plus L'un d'eux pense à un petit village Où il allait à l'école Un autre est assis à sa table Et ses amis tiennent ses mains Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent Us sont bien au-dessus de ces hommes Qui les regardent mourir Il y a entre eux la différence du martyre Parce que le vent est passé là ils chantent Et leur seul regret est que ceux Qui vont les tuer n'entendent pas Le bruit énorme des paroles Ils sont exacts au rendez-vous Ils sont même en avance sur les autres Pourtant ils disent qu'ils ne sont pas des apôtres Et que tout est simple Et que la mort surtout est une chose simple Puisque toute liberté se survit. Paysage de mon amour Tout entier dans ce village Dont je défais journellement Les liens de chanvre et de fumée Tuiles baignées de tourterelles Qui chantez sous la main du soir Écailles des saisons nouvelles Plaques tournantes de l'espoir Prairies des peintres du dimanche Passerelles des bois dormants Ô bêtes qui remuez les hanches Dans un long rêve de froment Et toi rivière sous les saules Blanche fenêtre caressée Par une truite et mon épaule Et tous Jes jours qui sont passés Je crois en vous en toutes choses Qui par souci de vérité Parlent pour moi trouvent réponse Dans la raison de mon silence. Pourquoi n'allez-vous pas à Paris? — Mais l'odeur des lys ! Mais l'odeur des lys ! — Les rives de la Seine ont aussi leurs fleuristes — Mais pas assez tristes oh ! pas assez tristes ! Je suis malade du vert des feuilles et de chevaux De servantes bousculées dans les remises du château — Mais les rues de Paris ont aussi leurs servantes — Que le diable tente ! que le diable tente ! Mais moi seul dans la grande nuit mouillée L'odeur des lys et la campagne agenouillée Cette amère montée du sol qui m'environne Le désespoir et le bonheur de ne plaire à personne — Tu périras d'oubli et dévoré d'orgueil — Oui mais l'odeur des lys la liberté des feuilles !