S. Batchelor nous offre un livre empli de sagesse perspicace et de joyeuse humilité. Sa tâche est pourtant ardue : réexaminer à la lumière de son long cheminement dans le bouddhisme, la pensée du Bouddha pour l'Occident. À 18 ans, il quitte l'Angleterre pour se lancer à la recherche de la sagesse dans l'Himalaya. Un long parcours initiatique le conduit à son ordination comme moine. Déjà, le lourd rituel empreint de traditions païennes du bouddhisme tibétain le rend insatisfait. Surtout, il répugne à accepter qu'il lui faille rejeter l'héritage occidental. Il se tourne alors vers la tradition Zen. Après quelques années, se sentant trop en porte-à-faux, il décide de quitter la vie monacale pour redevenir un simple bouddhiste laïc.Sa nouvelle vie est consacrée à une quête exigeante : savoir qui était réellement Bouddha, et quelle était réellement son attitude au monde, avant qu'elle ne soit institutionnalisée et élevée au rang de religion. Tissant une trame subtile entre sa propre recherche spirituelle et celle qui motivait le Bouddha, il tâche d'extraire de sa gangue religieuse le contenu de son message. Il n'hésitant pas à mettre de côté certaines notions pourtant centrales dans le bouddhisme comme le karma ou les cycles de réincarnation, pour se concentrer sur ce qui selon lui constitue le joyau du bouddhisme : son rapport au monde, et la recherche permanente d'une vie pleine dans une attitude à la fois humble et ouverte à toutes les expériences.

Itinéraire d'un bouddhiste athée

Versets jaillis du centre

La première étape de ce processus de pleine conscience est l'acceptation de soi radicale.

Une approche laïque n'est pas un abrutissement, elle n'identifie pas de manière réductrice le bouddhisme à une ou deux techniques particulières de méditation, mais c'est en fait une vision complète du monde et un mode de vie dans ce monde.

L'origine du conflit, de la frustration et de l'anxiété que nous expérimentons ne réside pas dans la nature du monde lui-même mais dans nos conceptions déformées du monde.

En prenant la vie pour acquise, nous ne le remarquons pas.

Noms exotiques, robes, insignes de l'office, titres - les signes extérieurs de la religion - confondent autant qu'ils aident. Ils approuvent l'hypothèse de l'existence d'une élite dont l'engagement explicite leur accorde une extraordinaire implicite.

À des degrés divers, l'autorité du Dharma a été remplacée par l'autorité du gourou, qui est venu, dans certaines traditions, pour assumer le rôle du Bouddha lui-même.

Ainsi, le Bouddha présente un réveil non comme une seule expérience mystique qui peut venir sur nous à une méditation, un moment privé de transcendance, mais plutôt comme un nouvel engagement avec la vie. Il nous offre une relation avec le monde qui est plus sensibilisé à la souffrance et aux causes de la souffrance, et il donne naissance à la possibilité d'un autre type de culture, un autre type de civilisation.

Un cœur compatissant ressent toujours de la colère, de l'avidité, de la jalousie et d'autres émotions de ce type. Mais il les accepte pour ce qu'elles sont avec équanimité et cultive la force d'esprit nécessaire pour les laisser naître et disparaître sans s'identifier à elles ni agir en conséquence.

L'évasion de l'immédiateté sans fioritures de la vie est aussi profonde qu'elle est implacable. Même avec le désir ardent d'être conscient et alerte dans le moment présent, l'esprit nous jette dans des élaborations tawdry et ennuyeuses du passé et de l'avenir. Cette envie d'être autrement, pour être ailleurs, imprègne le corps, le sentiment, les perceptions, la conscience elle-même. C'est comme le rayonnement de fond du Big Bang of Birth, la réplique d'avoir éclaté dans l'existence.

[La pleine conscience] ne concerne rien de transcendant ou de divin. Elle sert d'antidote au théisme, de remède à la piété sentimentale, de scalpel pour exciser la tumeur de la croyance métaphysique. (130)

Comme c'est extraordinaire d'être ici. La conscience de la mort peut nous éveiller à la sensualité de l'existence. La respiration n'est plus une inhalation de routine d'air mais un apport tremblant de la vie. L'œil est accéléré au jeu de la lumière et de l'ombre et de la couleur, l'oreille au mélange complexe de son. C'est là que la méditation mène. Restez avec lui; reposez-vous avec. Remarquez à quel point la distraction est un vol à partir de cela, une évasion de la crainte de s'inquiéter et des plans.

Le fait de ne pas convoquer le courage de risquer une position non odogmatique et non vasive sur de telles questions existentielles cruciales peut également brouiller notre vision éthique. Si nos actions dans le monde proviennent d'une rencontre avec ce qui est central dans la vie, ils doivent être non broyés par le dogme ou la prévariation. L'agnosticisme n'est pas une excuse pour l'indécision. Si quoi que ce soit, c'est un catalyseur d'action; car en éloignant la préoccupation d'une vie future et du retour au présent, elle exige une éthique d'empathie plutôt qu'une métaphysique de la peur et de l'espoir.

Noms érotiques, robes, insignes de l'Office, titres - Les signes extérieurs de la religion - confondent autant qu'ils aident.

Pourtant, le Dhamma de Gotama est plus qu'une simple série d'axiomes. Il doit être vécu plutôt que simplement adopté et croire en. Il implique que l'on embrasse ce monde dans toute sa contingence et sa spécificité, avec toute son ambiguïté et ses défauts.

En prenant les détails de la vie quotidiens pour acquis, nous n'apprécions pas le fait extraordinaire que nous sommes conscients du tout.

La plus grande menace à la compassion est la tentation de succomber à des fantasmes de supériorité morale.

L'éveil est le but qui enlève toutes les fins.

Je rejette le karma et la renaissance non seulement parce que je les trouve inintelligibles, mais parce que je crois qu'ils obscurcissent et déforment ce que le Bouddha essayait de dire. Plutôt que d'offrir le baume de la consolation, le Bouddha nous a encouragés à regarder profondément et sans faille dans le cœur de l'expérience déroutante et douloureuse que la vie peut être si souvent.

Quant à la loi de causalité morale (« karma ») : c'est la justice humaine déguisée en justice cosmique et ensuite imputée au fonctionnement impersonnel du monde naturel.

... la transformation spirituelle intérieure dépend tout autant de l'effet de notre vie économique sur le monde que les transformations dans le monde dépendent de la réorientation spirituelle.

Nous pourrions décider simplement de rester absorbé par le mystérieux, non formé, le jeu libre de réalité. Ce serait le choix du mystique qui cherche à s'éteindre en Dieu ou en nirvana - peut-être peut-être à la tendance des artistes à se effacer d'alcool ou d'opiacés. Mais si nous apprécions notre participation à une réalité partagée dans laquelle il est logique de avoir un sens, alors une telle auto-abnégation nierait un élément central de notre humanité: la nécessité de parler et d'agir, de partager notre expérience avec les autres.

Chaque fois que le Dharma se déplaçait dans une civilisation ou une période historique différente, il faisait face à un double défi: maintenir son intégrité en tant que tradition cohérente en interne et exprimer sa vision d'une manière qui a répondu aux besoins de la nouvelle situation.

Nos conceptions du monde affectent nos perceptions du monde qui, à leur tour, conditionnent la façon dont nous concevons par la suite le monde.

L'éveil n'est pas un État mais un processus: un mode de vie éthique et un engagement qui permet de florer l'homme. En tant que tel, ce n'est plus la réserve exclusive des enseignants éclairés ou des yogis accomplis. De même, Nirvana - l'arrêt de la soif - n'est pas le but du chemin mais sa source même. Pour l'épanouissement humain, d'abord, cet espace clair, brillant et vide où l'égocentrisme névrotique se rend compte qu'il n'a pas de sol du tout sur lequel se tenir debout. L'un est alors libéré pour affluer comme la lumière du soleil.

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