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Théophile Gautier

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Jules Pierre Théophile Gautier, né à Tarbes le 30 août 1811 et mort à Neuilly-sur-Seine le 23 octobre 1872, est un poète, romancier et critique d'art français. Membre actif de l'école littéraire dite du Parnasse, il est notamment l'auteur d’Émaux et Camées, de Mademoiselle de Maupin, du Roman de la momie et du Capitaine Fracasse.

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Poésies

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Vieux de la vieille Par l’ennui chassé de ma chambre, J’errais le long du boulevard : IL faisait un temps de décembre, Vent froid, fine pluie et brouillard ; Et là je vis, spectacle étrange, Échappés du sombre séjour, Sous la bruine et dans la fange, Passer des spectres en plein jour. Pourtant c’est la nuit que les ombres, Par un clair de lune allemand, Dans les vieilles tours en décombres, Reviennent ordinairement ; C’est la nuit que les Elfes sortent Avec leur robe humide au bord, Et sous les nénuphars emportent Leur valseur de fatigue mort ; C’est la nuit qu’a lieu la revue Dans la ballade de Zedlitz, Où l’Empereur, ombre entrevue, Compte les ombres d’Austerlitz. Mais des spectres près du Gymnase, A deux pas des Variétés, Sans brume ou linceul qui les gaze, Des spectres mouillés et crottés ! Avec ses dents jaunes de tartre, Son crâne de mousse verdi, A Paris, boulevard Montmartre, Mob se montrant en plein midi ! La chose vaut qu’on la regarde : Trois fantômes de vieux grognards, En uniformes de l’ex-garde, Avec deux ombres de hussards ! On eût dit la lithographie Où, dessinés par un rayon, Les morts, que Raffet déifie, Passent, criant : Napoléon ! Ce n’était pas les morts qu’éveille Le son du nocturne tambour, Mais bien quelques vieux de la vieille Qui célébraient le grand retour. Depuis la suprême bataille, L’un a maigri, l’autre a grossi ; L’habit jadis fait à leur taille, Est trop grand ou trop rétréci. Nobles lambeaux, défroque épique, Saints haillons, qu’étoile une croix, Dans leur ridicule héroïque Plus beaux que des manteaux de rois ! Un plumet énervé palpite Sur leur kolbach fauve et pelé ; Près des trous de balle, la mite A rongé leur dolman criblé ; Leur culotte de peau trop large Fait mille plis sur leur fémur ; Leur sabre rouillé, lourde charge, Creuse le sol et bat le mur ; Ou bien un embonpoint grotesque, Avec grand’peine boutonné, Fait un poussah, dont on rit presque, Du vieux héros tout chevronné. Ne les raillez pas, camarade ; Saluez plutôt chapeau bas Ces Achilles d’une Iliade Qu’Homère n’inventerait pas. Respectez leur tête chenue ! Sur leur front par vingt cieux bronzé, La cicatrice continue Le sillon que l’âge a creusé. Leur peau, bizarrement noircie, Dit l’Égypte aux soleils brûlants ; Et les neiges de la Russie Poudrent encor leurs cheveux blancs. Si leurs mains tremblent, c’est sans doute Du froid de la Bérésina ; Et s’ils boitent, c’est que la route Est longue du Caire à Wilna ; S’ils sont perclus, c’est qu’à la guerre Les drapeaux étaient leurs seuls draps ; Et si leur manche ne va guère, C’est qu’un boulet a pris leur bras. Ne nous moquons pas de ces hommes Qu’en riant le gamin poursuit ; Ils furent le jour dont nous sommes Le soir et peut-être la nuit. Quand on oublie, ils se souviennent ! Lancier rouge et grenadier bleu, Au pied de la colonne, ils viennent Comme à l’autel de leur seul dieu. Là, fiers de leur longue souffrance, Reconnaissants des maux subis, Ils sentent le coeur de la France Battre sous leurs pauvres habits. Aussi les pleurs trempent le rire En voyant ce saint carnaval, Cette mascarade d’empire Passer comme un matin de bal ; Et l’aigle de la grande armée Dans le ciel qu’emplit son essor, Du fond d’une gloire enflammée, Étend sur eux ses ailes d’or !

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Ô nature chérie Ne me sois pas marâtre, ô nature chérie, Redonne un peu de sève à la plante flétrie Qui ne veut pas mourir ; Les torrents de mes yeux ont noyé sous leur pluie Son bouton tout rongé que nul soleil n'essuie Et qui ne peut s'ouvrir. Air vierge, air de cristal, eau, principe du monde, Terre qui nourris tout, et toi, flamme féconde, Rayon de l'oeil de Dieu, Ne laissez pas mourir, vous qui donnez la vie, La pauvre fleur qui penche et qui n'a d'autre envie Que de fleurir un peu ! Étoiles, qui d'en haut voyez valser les mondes, Faites pleuvoir sur moi, de vos paupières blondes, Vos pleurs de diamant ; Lune, lis de la nuit, fleur du divin parterre, Verse-moi tes rayons, ô blanche solitaire, Du fond du firmament ! Oeil ouvert sans repos au milieu de l'espace, Perce, soleil puissant, ce nuage qui passe ! Que je te voie encor, Aigles, vous qui fouettez le ciel à grands coups d'ailes, Griffons au vol de feu, rapides hirondelles, Prêtez-moi votre essor ! Vents, qui prenez aux fleurs leurs âmes parfumées Et les aveux d'amour aux bouches bien-aimées ; Air sauvage des monts, Encor tout imprégné des senteurs du mélèze, Brise de l'océan où l'on respire à l'aise, Emplissez mes poumons ! Avril, pour m'y coucher, m'a fait un tapis d'herbe ; Le lilas sur mon front s'épanouit en gerbe, Nous sommes au printemps. Prenez-moi dans vos bras, doux rêves du poète, Entre vos seins polis posez ma pauvre tête Et bercez-moi longtemps. Loin de moi, cauchemars, spectres des nuits ! Les roses, Les femmes, les chansons, toutes les belles choses Et tous les beaux amours, Voilà ce qu'il me faut. Salut, ô muse antique, Muse au frais laurier vert, à la blanche tunique, Plus jeune tous les jours ! Brune aux yeux de lotus, blonde à paupière noire, Ô grecque de Milet, sur l'escabeau d'ivoire Pose tes beaux pieds nus, Que d'un nectar vermeil la coupe se couronne ! Je bois à ta beauté d'abord, blanche Théone, Puis aux dieux inconnus. Ta gorge est plus lascive et plus souple que l'onde ; Le lait n'est pas si pur et la pomme est moins ronde, Allons, un beau baiser ! Hâtons-nous, hâtons-nous ! Notre vie, ô Théone, Est un cheval ailé que le temps éperonne ; Hâtons-nous d'en user. Chantons Io, péan ! ... mais quelle est cette femme Si pâle sous son voile ? Ah ! C'est toi, vieille infâme ! Je vois ton crâne ras, Je vois tes grands yeux creux, prostituée immonde, Courtisane éternelle environnant le monde Avec tes maigres bras !

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