Le laboureur Mars préside aux travaux de la jeune saison ;
À peine l'aube errante au bord de l'horizon
Teinte de pâle argent la mare solitaire,
Le laboureur, fidèle ouvrier de la terre,
Penché sur la charrue, ouvre d'un soc profond
Le sein toujours blessé, le sein toujours fécond.
Sous l'inflexible joug qu'un cuir noue à leurs cornes,
Les bœufs à l'œil sanglant vont, stupides et mornes,
Balançant leurs fronts lourds sur un rythme pareil.
Le soc coupe la glèbe et reluit au soleil,
Et dans le sol antique ouvert jusqu'aux entrailles
Creuse le lit profond des futures semailles...
Le champ finit ici près du fossé bourbeux ;
Le laboureur s'arrête, et dételant ses bœufs,
Un instant immobile et reprenant haleine,
Respire le vent fort qui souffle sur la plaine ;
Puis, sans hâte, touchant ses bœufs de l'aiguillon,
Il repart, jusqu'au soir, pour un autre sillon.
il y a 9 mois
Antoine-Vincent Arnault
@antoineVincentArnault
Au maître d'un jardin De ce chaume heureux possesseur,
De bon cœur, hélas ! que j'envie
Tes travaux, ta philosophie,
Ta solitude et ton bonheur !
Pour prix des soins que tu leur donnes,
Tes arbustes reconnaissants
Et des printemps et des automnes
Te prodiguent les doux présents.
Ô trop heureux qui peut connaître
La jouissance de cueillir
Le fruit que ses soins font mûrir,
La fleur que ses soins ont fait naître !
Toujours la terre envers nos bras
S'est acquittée avec usure.
Qui veut s'éloigner des ingrats
Se rapproche de la nature.
Ne craindre et ne désirer rien,
Etre aimé de l'objet qu'on aime,
C'est bien là le bonheur suprême ;
C'est le sort des dieux, c'est le tien.
Écrit en 1792.
il y a 9 mois
Arsène Houssaye
@arseneHoussaye
De la terre au ciel Un rayon de soleil se brise
Sur la branche et sur les buissons.
Je m'assieds à l'ombre, où la brise
M'apporte parfums et chansons :
Parfum de la fraise rougie
Qui tremble sur le vert sentier ;
Chanson — palpitante élégie —
De l'oiseau sur le chêne altier ;
Parfum de la rose sauvage,
Doux trésor du pâtre amoureux ;
Chanson égayant le rivage,
Qui parle à tous les cœurs heureux :
Parfum de la source qui coule
Dans un lit de fleurs ombragé ;
Chanson du ramier qui roucoule,
Et me chante l'amour que j'ai ;
Parfum de l'herbe qui s'emperle
À la brume des soirs d'été ;
Chanson éclatante du merle,
Qui bat de l'aile en sa gaieté ;
Parfum de toute la nature,
Fleur, arôme, ambroisie et miel,
Chanson de toute créature,
Qui parle de la terre au ciel.
il y a 9 mois
Langston Hughes
@langstonHughes
Notre terre Il nous faudrait une terre de soleil
De soleil resplendissant,
Et une terre d’eaux parfumées
Où le crépuscule
Est un léger foulard
D’indienne rose et or,
Et non cette terre où la vie est toute froide.
Il nous faudrait une terre pleine d’arbres,
De grands arbres touffus
Aux branches lourdes de perroquets jacassants
Et vifs comme le jour,
Et non cette terre où les oiseaux sont gris.
Ah, il nous faudrait une terre de joie,
D’amour et de joie, de chansons et de vins
Et non cette terre où la joie est péché.
O ma douce amie, fuyons!
Fuyons, ma bien-aimée!
il y a 9 mois
Paul Éluard
@paulEluard
La terre est bleue La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s’entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d’alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d’indulgence
À la croire toute nue.
Les guêpes fleurissent vert
L’aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.
il y a 9 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
L'idéal La lune est grande, le ciel clair
Et plein d'astres, la terre est blême,
Et l'âme du monde est dans l'air.
Je rêve à l'étoile suprême,
À celle qu'on n'aperçoit pas,
Mais dont la lumière voyage
Et doit venir jusqu'ici-bas
Enchanter les yeux d'un autre âge.
Quand luira cette étoile, un jour,
La plus belle et la plus lointaine,
Dites-lui qu'elle eut mon amour,
Ô derniers de la race humaine !
il y a 9 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
La terre et l'enfant Enfant sur la terre on se traîne,
Les yeux et l'âme émerveillés,
Mais, plus tard, on regarde à peine
Cette terre qu'on foule aux pieds.
Je sens déjà que je l'oublie,
Et, parfois, songeur au front las,
Je m'en repens et me rallie
Aux enfants qui vivent plus bas.
Détachés du sein de la mère,
De leurs petits pieds incertains
Ils vont reconnaître la terre
Et pressent tout de leurs deux mains ;
Ils ont de graves tête-à-tête
Avec le chien de la maison ;
Ils voient courir la moindre bête
Dans les profondeurs du gazon ;
Ils écoutent l'herbe qui pousse,
Eux seuls respirent son parfum ;
Ils contemplent les brins de mousse
Et les grains de sable un par un ;
Par tous les calices baisée,
Leur bouche est au niveau des fleurs,
Et c'est souvent de la rosée
Qu'on essuie en séchant leurs pleurs.
J'ai vu la terre aussi me tendre
Ses bras, ses lèvres, autrefois !
Depuis que je la veux comprendre,
Plus jamais je ne l'aperçois.
Elle a pour moi plus de mystère,
Désormais, que de nouveauté ;
J'y sens mon cœur plus solitaire,
Quand j'y rencontre la beauté ;
Et, quand je daigne par caprice
Avec les enfants me baisser,
J'importune cette nourrice
Qui ne veut plus me caresser.
il y a 9 mois
R
Roger Dorsinville
@rogerDorsinville
Pour célébrer la terre Pour célébrer la terre hors de la nuit
Vaste et fraîche
Mille rayons clairs debout
Derrière des mornes
Jusqu’à d’autres rayons clairs
Derrière d’autres mornes.
Mille rayons clairs
Des mornes à mornes
Dentelés
Dans les rayons clairs
Pour une tente de clarté
Au-dessus des creux profonds
Arrachés à la nuit
Au-dessus des creux profonds
Hors de la nuit
Au-dessus des cieux
Entre les mornes
Crêtés de rayons clairs
Hors du creux profond de la nuit
Hors du creux noir et mouillé de la nuit.
Dans un creux profond de mornes
Dans un creux couvert de clarté
Couvert de clarté
Des tentes de la clarté
Un arbre seul
Pour célébrer la terre
Un arbre seul
Dur et droit
Que cachait la nuit
Solidité dressée
Dans la clarté tremblante à son sommet
Dans la clarté seul et droit
Couronné de clarté
Vivant dans la clarté
Vivant de clarté
Pour célébrer la terre
Éveillée réveillée
Et l’espérance muette des bêtes à l’abreuvoir
Et l’espérance engourdie dans les cases
Et l’espérance des premiers pas
Dans la vie des sentiers
Morts dans la nuit
Nus dans la nuit
Vides dans la nuit
Silencieux dans la nuit
Et sans but
Sentiers dans la nuit
Comme des sillages perdus
Pour célébrer la terre dans la clarté
Et la clarté des sentiers
Hors de la nuit.
il y a 9 mois
Théodore Agrippa d'Aubigné
@theodoreAgrippaDaubigne
Déjà la terre avait avorté la verdure Desja la terre avait avorté la verdure
Par les sillons courbez, lors qu'un fascheux hyver
Dissipe les beautez, et à son arriver
S'accorde en s'opposant au vouloir de nature,
Car le froid enuieux que le bled vert endure,
Et le neige qui veut en son sein le couver,
S'oppose à son plaisir affin de le sauver,
Et pour en le sauvant luy donner nourriture.
Les espoirs de l'amour sont les bleds verdissantz,
Le desdain, les courroux sont frimatz blanchissantz :
Comme du temps fascheux s'esclost un plus beau jour,
Soubz l'ombre du refus la grâce se réserve,
La beauté du printemps soubz le froid se conserve,
L'ire des amoureux est reprise d'amour.
il y a 9 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Une terre au flanc maigre Une terre au flanc maigre, âpre, avare, inclément,
Où les vivants pensifs travaillent tristement,
Et qui donne à regret à cette race humaine
Un peu de pain pour tant de labeur et de peine ;
Des hommes durs, éclos sur ces sillons ingrats ;
Des cités d'où s'en vont, en se tordant les bras,
La charité, la paix, la foi, sœurs vénérables ;
L'orgueil chez les puissants et chez les misérables ;
La haine au cœur de tous; la mort, spectre sans yeux,
Frappant sur les meilleurs des coups mystérieux ;
Sur tous les hauts sommets, des brumes répandues ;
Deux vierges, la justice et la pudeur, vendues ;
Toutes les passions engendrant tous les maux ;
Des forêts abritant des loups sous leurs rameaux ;
Là le désert torride, ici les froids polaires ;
Des océans émus de subites colères,
Pleins de mâts frissonnants qui sombrent dans la nuit ;
Des continents couverts de fumée et de bruit,
Où deux torches aux mains rugit la guerre infâme.
Où toujours quelque part fume une ville en flamme,
Où se heurtent sanglants les peuples furieux ; —
Et que tout cela fasse un astre dans les cieux !
Octobre 1840.
il y a 9 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Ô terre, dans ta course immense Ô terre, dans ta course immense et magnifique,
L'Amérique, et l'Europe, et l'Asie, et l'Afrique
Se présentent aux feux du Soleil tour à tour ;
Telles, l'une après l'autre, à l'heure où naît le jour,
Quatre filles, l'amour d'une maison prospère,
Viennent offrir leur front au baiser de leur père.