splash screen icon Lenndi
splash screen name leendi

Poète

35 poésies en cours de vérification
Poète

Poésies de la collection poète

    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    La nuit de Mai Poète, prends ton luth et me donne un baiser ; La fleur de l’églantier sent ses bourgeons éclore, Le printemps naît ce soir ; les vents vont s’embraser ; Et la bergeronnette, en attendant l’aurore, Aux premiers buissons verts commence à se poser. Poète, prends ton luth, et me donne un baiser. LE POÈTE Comme il fait noir dans la vallée ! J’ai cru qu’une forme voilée Flottait là-bas sur la forêt. Elle sortait de la prairie ; Son pied rasait l’herbe fleurie ; C’est une étrange rêverie ; Elle s’efface et disparaît. LA MUSE Poète, prends ton luth ; la nuit, sur la pelouse, Balance le zéphyr dans son voile odorant. La rose, vierge encor, se referme jalouse Sur le frelon nacré qu’elle enivre en mourant. Écoute ! tout se tait ; songe à ta bien-aimée. Ce soir, sous les tilleuls, à la sombre ramée Le rayon du couchant laisse un adieu plus doux. Ce soir, tout va fleurir : l’immortelle nature Se remplit de parfums, d’amour et de murmure, Comme le lit joyeux de deux jeunes époux. LE POÈTE Pourquoi mon coeur bat-il si vite ? Qu’ai-je donc en moi qui s’agite Dont je me sens épouvanté ? Ne frappe-t-on pas à ma porte ? Pourquoi ma lampe à demi morte M’éblouit-elle de clarté ? Dieu puissant ! tout mon corps frissonne. Qui vient ? qui m’appelle ? – Personne. Je suis seul ; c’est l’heure qui sonne ; Ô solitude ! ô pauvreté ! LA MUSE Poète, prends ton luth ; le vin de la jeunesse Fermente cette nuit dans les veines de Dieu. Mon sein est inquiet ; la volupté l’oppresse, Et les vents altérés m’ont mis la lèvre en feu. Ô paresseux enfant ! regarde, je suis belle. Notre premier baiser, ne t’en souviens-tu pas, Quand je te vis si pâle au toucher de mon aile, Et que, les yeux en pleurs, tu tombas dans mes bras ? Ah ! je t’ai consolé d’une amère souffrance ! Hélas ! bien jeune encor, tu te mourais d’amour. Console-moi ce soir, je me meurs d’espérance ; J’ai besoin de prier pour vivre jusqu’au jour. LE POÈTE Est-ce toi dont la voix m’appelle, Ô ma pauvre Muse ! est-ce toi ? Ô ma fleur ! ô mon immortelle ! Seul être pudique et fidèle Où vive encor l’amour de moi ! Oui, te voilà, c’est toi, ma blonde, C’est toi, ma maîtresse et ma soeur ! Et je sens, dans la nuit profonde, De ta robe d’or qui m’inonde Les rayons glisser dans mon coeur. LA MUSE Poète, prends ton luth ; c’est moi, ton immortelle, Qui t’ai vu cette nuit triste et silencieux, Et qui, comme un oiseau que sa couvée appelle, Pour pleurer avec toi descends du haut des cieux. Viens, tu souffres, ami. Quelque ennui solitaire Te ronge, quelque chose a gémi dans ton coeur ; Quelque amour t’est venu, comme on en voit sur terre, Une ombre de plaisir, un semblant de bonheur. Viens, chantons devant Dieu ; chantons dans tes pensées, Dans tes plaisirs perdus, dans tes peines passées ; Partons, dans un baiser, pour un monde inconnu, Éveillons au hasard les échos de ta vie, Parlons-nous de bonheur, de gloire et de folie, Et que ce soit un rêve, et le premier venu. Inventons quelque part des lieux où l’on oublie ; Partons, nous sommes seuls, l’univers est à nous. Voici la verte Écosse et la brune Italie, Et la Grèce, ma mère, où le miel est si doux, Argos, et Ptéléon, ville des hécatombes, Et Messa la divine, agréable aux colombes, Et le front chevelu du Pélion changeant ; Et le bleu Titarèse, et le golfe d’argent Qui montre dans ses eaux, où le cygne se mire, La blanche Oloossone à la blanche Camyre. Dis-moi, quel songe d’or nos chants vont-ils bercer ? D’où vont venir les pleurs que nous allons verser ? Ce matin, quand le jour a frappé ta paupière, Quel séraphin pensif, courbé sur ton chevet, Secouait des lilas dans sa robe légère, Et te contait tout bas les amours qu’il rêvait ? Chanterons-nous l’espoir, la tristesse ou la joie ? Tremperons-nous de sang les bataillons d’acier ? Suspendrons-nous l’amant sur l’échelle de soie ? Jetterons-nous au vent l’écume du coursier ? Dirons-nous quelle main, dans les lampes sans nombre De la maison céleste, allume nuit et jour L’huile sainte de vie et d’éternel amour ? Crierons-nous à Tarquin :  » Il est temps, voici l’ombre ! «  Descendrons-nous cueillir la perle au fond des mers ? Mènerons-nous la chèvre aux ébéniers amers ? Montrerons-nous le ciel à la Mélancolie ? Suivrons-nous le chasseur sur les monts escarpés ? La biche le regarde ; elle pleure et supplie ; Sa bruyère l’attend ; ses faons sont nouveau-nés ; Il se baisse, il l’égorge, il jette à la curée Sur les chiens en sueur son coeur encor vivant. Peindrons-nous une vierge à la joue empourprée, S’en allant à la messe, un page la suivant, Et d’un regard distrait, à côté de sa mère, Sur sa lèvre entr’ouverte oubliant sa prière ? Elle écoute en tremblant, dans l’écho du pilier, Résonner l’éperon d’un hardi cavalier. Dirons-nous aux héros des vieux temps de la France De monter tout armés aux créneaux de leurs tours, Et de ressusciter la naïve romance Que leur gloire oubliée apprit aux troubadours ? Vêtirons-nous de blanc une molle élégie ? L’homme de Waterloo nous dira-t-il sa vie, Et ce qu’il a fauché du troupeau des humains Avant que l’envoyé de la nuit éternelle Vînt sur son tertre vert l’abattre d’un coup d’aile, Et sur son coeur de fer lui croiser les deux mains ? Clouerons-nous au poteau d’une satire altière Le nom sept fois vendu d’un pâle pamphlétaire, Qui, poussé par la faim, du fond de son oubli, S’en vient, tout grelottant d’envie et d’impuissance, Sur le front du génie insulter l’espérance, Et mordre le laurier que son souffle a sali ? Prends ton luth ! prends ton luth ! je ne peux plus me taire ; Mon aile me soulève au souffle du printemps. Le vent va m’emporter ; je vais quitter la terre. Une larme de toi ! Dieu m’écoute ; il est temps. LE POÈTE S’il ne te faut, ma soeur chérie, Qu’un baiser d’une lèvre amie Et qu’une larme de mes yeux, Je te les donnerai sans peine ; De nos amours qu’il te souvienne, Si tu remontes dans les cieux. Je ne chante ni l’espérance, Ni la gloire, ni le bonheur, Hélas ! pas même la souffrance. La bouche garde le silence Pour écouter parler le coeur. LA MUSE Crois-tu donc que je sois comme le vent d’automne, Qui se nourrit de pleurs jusque sur un tombeau, Et pour qui la douleur n’est qu’une goutte d’eau ? Ô poète ! un baiser, c’est moi qui te le donne. L’herbe que je voulais arracher de ce lieu, C’est ton oisiveté ; ta douleur est à Dieu. Quel que soit le souci que ta jeunesse endure, Laisse-la s’élargir, cette sainte blessure Que les noirs séraphins t’ont faite au fond du coeur : Rien ne nous rend si grands qu’une grande douleur. Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète, Que ta voix ici-bas doive rester muette. Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots. Lorsque le pélican, lassé d’un long voyage, Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux, Ses petits affamés courent sur le rivage En le voyant au loin s’abattre sur les eaux. Déjà, croyant saisir et partager leur proie, Ils courent à leur père avec des cris de joie En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux. Lui, gagnant à pas lents une roche élevée, De son aile pendante abritant sa couvée, Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux. Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ; En vain il a des mers fouillé la profondeur ; L’Océan était vide et la plage déserte ; Pour toute nourriture il apporte son coeur. Sombre et silencieux, étendu sur la pierre Partageant à ses fils ses entrailles de père, Dans son amour sublime il berce sa douleur, Et, regardant couler sa sanglante mamelle, Sur son festin de mort il s’affaisse et chancelle, Ivre de volupté, de tendresse et d’horreur. Mais parfois, au milieu du divin sacrifice, Fatigué de mourir dans un trop long supplice, Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ; Alors il se soulève, ouvre son aile au vent, Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage, Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu, Que les oiseaux des mers désertent le rivage, Et que le voyageur attardé sur la plage, Sentant passer la mort, se recommande à Dieu. Poète, c’est ainsi que font les grands poètes. Ils laissent s’égayer ceux qui vivent un temps ; Mais les festins humains qu’ils servent à leurs fêtes Ressemblent la plupart à ceux des pélicans. Quand ils parlent ainsi d’espérances trompées, De tristesse et d’oubli, d’amour et de malheur, Ce n’est pas un concert à dilater le coeur. Leurs déclamations sont comme des épées : Elles tracent dans l’air un cercle éblouissant, Mais il y pend toujours quelque goutte de sang. LE POÈTE Ô Muse ! spectre insatiable, Ne m’en demande pas si long. L’homme n’écrit rien sur le sable À l’heure où passe l’aquilon. J’ai vu le temps où ma jeunesse Sur mes lèvres était sans cesse Prête à chanter comme un oiseau ; Mais j’ai souffert un dur martyre, Et le moins que j’en pourrais dire, Si je l’essayais sur ma lyre, La briserait comme un roseau.

    en cours de vérification

    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Les vœux stériles Puisque c'est ton métier, misérable poète, Même en ces temps d'orage, où la bouche est muette, Tandis que le bras parle, et que la fiction Disparaît comme un songe au bruit de l'action ; Puisque c'est ton métier de faire de ton âme Une prostituée, et que, joie ou douleur, Tout demande sans cesse à sortir de ton coeur ; Que du moins l'histrion, couvert d'un masque infâme, N'aille pas, dégradant ta pensée avec lui, Sur d'ignobles tréteaux la mettre au pilori ; Que nul plan, nul détour, nul voile ne l'ombrage. Abandonne aux vieillards sans force et sans courage Ce travail d'araignée, et tous ces fils honteux Dont s'entoure en tremblant l'orgueil qui craint les yeux. Point d'autel, de trépied, point d'arrière aux profanes ! Que ta muse, brisant le luth des courtisanes, Fasse vibrer sans peur l'air de la liberté ; Qu'elle marche pieds nus, comme la vérité. O Machiavel ! tes pas retentissent encore Dans les sentiers déserts de San Casciano. Là, sous des cieux ardents dont l'air sèche et dévore, Tu cultivais en vain un sol maigre et sans eau. Ta main, lasse le soir d'avoir creusé la terre, Frappait ton pâle front dans le calme des nuits. Là, tu fus sans espoir, sans proches, sans amis ; La vile oisiveté, fille de la misère, A ton ombre en tous lieux se traînait lentement, Et buvait dans ton coeur les flots purs de ton sang : "Qui suis-je ? écrivais-tu; qu'on me donne une pierre, "Une roche à rouler ; c'est la paix des tombeaux "Que je fuis, et je tends des bras las du repos." C'est ainsi, Machiavel, qu'avec toi je m'écrie : O médiocre, celui qui pour tout bien T'apporte à ce tripot dégoûtant de la vie, Est bien poltron au jeu, s'il ne dit : Tout ou rien. Je suis jeune; j'arrive. A moitié de ma route, Déjà las de marcher, je me suis retourné. La science de l'homme est le mépris sans doute ; C'est un droit de vieillard qui ne m'est pas donné. Mais qu'en dois-je penser ? Il n'existe qu'un être Que je puisse en entier et constamment connaître Sur qui mon jugement puisse au moins faire foi, Un seul !... Je le méprise. - Et cet être, c'est moi. Qu'ai-je fait ? qu'ai-je appris ? Le temps est si rapide ! L'enfant marche joyeux, sans songer au chemin ; Il le croit infini, n'en voyant pas la fin. Tout à coup il rencontre une source limpide, Il s'arrête, il se penche, il y voit un vieillard. Que me dirai-je alors ? Quand j'aurai fait mes peines, Quand on m'entendra dire : Hélas ! il est trop tard ; Quand ce sang, qui bouillonne aujourd'hui dans mes veines Et s'irrite en criant contre un lâche repos, S'arrêtera, glacé jusqu'au fond de mes os... O vieillesse ! à quoi donc sert ton expérience ? Que te sert, spectre vain, de te courber d'avance Vers le commun tombeau des hommes, si la mort Se tait en y rentrant, lorsque la vie en sort ? N'existait-il donc pas à cette loterie Un joueur par le sort assez bien abattu Pour que, me rencontrant sur le seuil de la vie, Il me dît en sortant : N'entrez pas, j'ai perdu ! Grèce, ô mère des arts, terre d'idolâtrie, De mes voeux insensés éternelle patrie, J'étais né pour ces temps où les fleurs de ton front Couronnaient dans les mers l'azur de l'Hellespont. Je suis un citoyen de tes siècles antiques ; Mon âme avec l'abeille erre sous tes portiques. La langue de ton peuple, ô Grèce, peut mourir ; Nous pouvons oublier le nom de tes montagnes ; Mais qu'en fouillant le sein de tes blondes campagnes Nos regards tout à coup viennent à découvrir Quelque dieu de tes bois, quelque Vénus perdue... La langue que parlait le coeur de Phidias Sera toujours vivante et toujours entendue ; Les marbres l'ont apprise, et ne l'oublieront pas. Et toi, vieille Italie, où sont ces jours tranquilles Où sous le toit des cours Rome avait abrité Les arts, ces dieux amis, fils de l'oisiveté ? Quand tes peintres alors s'en allaient par les villes, Elevant des palais, des tombeaux, des autels, Triomphants, honorés, dieux parmi les mortels ; Quand tout, à leur parole, enfantait des merveilles, Quand Rome combattait Venise et les Lombards, Alors c'étaient des temps bienheureux pour les arts ! Là, c'était Michel-Ange, affaibli par les veilles, Pâle au milieu des morts, un scalpel à la main, Cherchant la vie au fond de ce néant humain, Levant de temps en temps sa tête appesantie, Pour jeter un regard de colère et d'envie Sur les palais de Rome, où, du pied de l'autel, A ses rivaux de loin souriait Raphaël. Là, c'était le Corrège, homme pauvre et modeste, Travaillant pour son coeur, laissant à Dieu le reste ; Le Giorgione, superbe, au jeune Titien Montrant du sein des mers son beau ciel vénitien ; Bartholomé, pensif, le front dans la poussière, Brisant son jeune coeur sur un autel de pierre, Interrogé tout bas sur l'art par Raphaël, Et bornant sa réponse à lui montrer le ciel... Temps heureux, temps aimés ! Mes mains alors peut-être, Mes lâches mains, pour vous auraient pu s'occuper ; Mais aujourd'hui pour qui ? dans quel but ? sous quel maître ? L'artiste est un marchand, et l'art est un métier. Un pâle simulacre, une vile copie, Naissent sous le soleil ardent de l'Italie... Nos oeuvres ont un an, nos gloires ont un jour ; Tout est mort en Europe, - oui, tout, - jusqu'à l'amour. Ah ! qui que vous soyez, vous qu'un fatal génie Pousse à ce malheureux métier de poésie Rejetez loin de vous, chassez-moi hardiment Toute sincérité; gardez que l'on ne voie Tomber de votre coeur quelques gouttes de sang ; Sinon, vous apprendrez que la plus courte joie Coûte cher, que le sage est ami du repos, Que les indifférents sont d'excellents bourreaux. Heureux, trois fois heureux, l'homme dont la pensée Peut s'écrire au tranchant du sabre ou de l'épée ! Ah ! qu'il doit mépriser ces rêveurs insensés Qui, lorsqu'ils ont pétri d'une fange sans vie Un vil fantôme, un songe, une froide effigie, S'arrêtent pleins d'orgueil, et disent : C'est assez ! Qu'est la pensée, hélas ! quand l'action commence ? L'une recule où l'autre intrépide s'avance. Au redoutable aspect de la réalité, Celle-ci prend le fer, et s'apprête à combattre ; Celle-là, frêle idole, et qu'un rien peut abattre, Se détourne, en voilant son front inanimé. Meurs, Weber ! meurs courbé sur ta harpe muette ; Mozart t'attend. - Et toi, misérable poète, Qui que tu sois, enfant, homme, si ton coeur bat, Agis ! jette ta lyre; au combat, au combat ! Ombre des temps passés, tu n'es pas de cet âge. Entend-on le nocher chanter pendant l'orage ? A l'action ! au mal ! Le bien reste ignoré. Allons ! cherche un égal à des maux sans remède. Malheur à qui nous fit ce sens dénaturé ! Le mal cherche le mal, et qui souffre nous aide. L'homme peut haïr l'homme, et fuir; mais malgré lui, Sa douleur tend la main à la douleur d'autrui. C'est tout. Pour la pitié, ce mot dont on nous leurre, Et pour tous ces discours prostitués sans fin, Que l'homme au coeur joyeux jette à celui qui pleure, Comme le riche jette au mendiant son pain, Qui pourrait en vouloir ? et comment le vulgaire, Quand c'est vous qui souffrez, pourrait-il le sentir, Lui que Dieu n'a pas fait capable de souffrir ? Allez sur une place, étalez sur la terre Un corps plus mutilé que celui d'un martyr, Informe, dégoûtant, traîné sur une claie, Et soulevant déjà l'âme prête à partir ; La foule vous suivra. Quand la douleur est vraie, Elle l'aime. Vos maux, dont on vous saura gré, Feront horreur à tous, à quelques-uns pitié. Mais changez de façon : découvrez-leur une âme Par le chagrin brisée, une douleur sans fard, Et dans un jeune coeur des regrets de vieillard ; Dites-leur que sans mère, et sans soeur, et sans femme, Sans savoir où verser, avant que de mourir, Les pleurs que votre sein peut encor contenir, Jusqu'au soleil couchant vous n'irez point peut-être... Qui trouvera le temps d'écouter vos malheurs ? On croit au sang qui coule, et l'on doute des pleurs. Votre ami passera, mais sans vous reconnaître. Tu te gonfles, mon coeur?... Des pleurs, le croirais-tu, Tandis que j'écrivais ont baigné mon visage. Le fer me manque-t-il, ou ma main sans courage A-t-elle lâchement glissé sur mon sein nu ? Non, rien de tout cela. Mais si loin que la haine De cette destinée aveugle et sans pudeur Ira, j'y veux aller. - J'aurai du moins le coeur De la mener si bas que la honte l'en prenne.

    en cours de vérification

    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    La poésie sacrée Son front est couronné de palmes et d’étoiles; Son regard immortel, que rien ne peut ternir, Traversant tous les temps, soulevant tous les voiles, Réveille le passé, plonge dans l’avenir! Du monde sous ses yeux ses fastes se déroulent, Les siècles à ses pieds comme un torrent s’écoulent; A son gré descendant ou remontant leurs cours, Elle sonne aux tombeaux l’heure, l’heure fatale, Ou sur sa lyre virginale Chante au monde vieilli ce jour, père des jours! —— Ecoutez! – Jéhova s’élance Du sein de son éternité. Le chaos endormi s’éveille en sa présence, Sa vertu le féconde, et sa toute-puissance Repose sur l’immensité! Dieu dit, et le jour fut; Dieu dit, et les étoiles De la nuit éternelle éclaircirent les voiles; Tous les éléments divers A sa voix se séparèrent; Les eaux soudain s’écoulèrent Dans le lit creusé des mers; Les montagnes s’élevèrent, Et les aquilons volèrent Dans les libres champs des airs! Sept fois de Jéhova la parole féconde Se fit entendre au monde, Et sept fois le néant à sa voix répondit; Et Dieu dit : Faisons l’homme à ma vivante image. Il dit, l’homme naquit; à ce dernier ouvrage Le Verbe créateur s’arrête et s’applaudit! —— Mais ce n’est plus un Dieu! – C’est l’homme qui soupire Eden a fui!… voilà le travail et la mort! Dans les larmes sa voix expire; La corde du bonheur se brise sur sa lyre, Et Job en tire un son triste comme le sort. —— Ah! périsse à jamais le jour qui m’a vu naître! Ah! périsse à jamais la nuit qui m’a conçu! Et le sein qui m’a donné l’être, Et les genoux qui m’ont reçu! Que du nombre des jours Dieu pour jamais l’efface; Que, toujours obscurci des ombres du trépas, Ce jour parmi les jours ne trouve plus sa place, Qu’il soit comme s’il n’était pas! Maintenant dans l’oubli je dormirais encore, Et j’achèverais mon sommeil Dans cette longue nuit qui n’aura point d’aurore, Avec ces conquérants que la terre dévore, Avec le fruit conçu qui meurt avant d’éclore Et qui n’a pas vu le soleil. Mes jours déclinent comme l’ombre; Je voudrais les précipiter. O mon Dieu! retranchez le nombre Des soleils que je dois compter! L’aspect de ma longue infortune Eloigne, repousse, importune Mes frères lassés de mes maux; En vain je m’adresse à leur foule, Leur pitié m’échappe et s’écoule Comme l’onde au flanc des coteaux. Ainsi qu’un nuage qui passe, Mon printemps s’est évanoui; Mes yeux ne verront plus la trace De tous ces biens dont j’ai joui. Par le souffle de la colère, Hélas! arraché à la terre, Je vais d’où l’on ne revient pas! Mes vallons, ma propre demeure, Et cet oeil même qui me pleure, Ne reverront jamais mes pas! L’homme vit un jour sur la terre Entre la mort et la douleur; Rassasié de sa misère, Il tombe enfin comme la fleur; Il tombe! Au moins par la rosée Des fleurs la racine arrosée Peut-elle un moment refleurir! Mais l’homme, hélas!, après la vie, C’est un lac dont l’eau s’est enfuie : On le cherche, il vient de tarir. Mes jours fondent comme la neige Au souffle du courroux divin; Mon espérance, qu’il abrège, S’enfuit comme l’eau de ma main; Ouvrez-moi mon dernier asile; Là, j’ai dans l’ombre un lit tranquille, Lit préparé pour mes douleurs! O tombeau! vous êtes mon père! Et je dis aux vers de la terre : Vous êtes ma mère et mes sœurs! Mais les jours heureux de l’impie Ne s’éclipsent pas au matin; Tranquille, il prolonge sa vie Avec le sang de l’orphelin! Il étend au loin ses racines; Comme un troupeau sur les collines, Sa famille couvre Ségor; Puis dans un riche mausolée Il est couché dans la vallée, Et l’on dirait qu’il vit encor. C’est le secret de Dieu, je me tais et l’adore! C’est sa main qui traça les sentiers de l’aurore, Qui pesa l’Océan, qui suspendit les cieux! Pour lui, l’abîme est nu, l’enfer même est sans voiles! Il a fondé la terre et semé les étoiles! Et qui suis-je à ses yeux? —— Mais la harpe a frémi sous les doigts d’Isaïe; De son sein bouillonnant la menace à longs flots S’échappe; un Dieu l’appelle, il s’élance, il s’écrie : Cieux et terre, écoutez! silence au fils d’Amos! —— Osias n’était plus : Dieu m’apparut; je vis Adonaï vêtu de gloire et d’épouvante! Les bords éblouissants de sa robe flottante Remplissaient le sacré parvis! Des séraphins debout sur des marches d’ivoire Se voilaient devant lui de six ailes de feux; Volant de l’un à l’autre, ils se disaient entre eux : Saint, saint, saint, le Seigneur, le Dieu, le roi des dieux! Toute la terre est pleine de sa gloire! Du temple à ces accents la voûte s’ébranla, Adonaï s’enfuit sous la nue enflammée : Le saint lieu fut rempli de torrents de fumée. La terre sous mes pieds trembla! Et moi! je resterais dans un lâche silence! Moi qui t’ai vu, Seigneur, je n’oserais parler! A ce peuple impur qui t’offense Je craindrais de te révéler! Qui marchera pour nous? dit le Dieu des armées. Qui parlera pour moi? dit Dieu : Qui? moi, Seigneur! Touche mes lèvres enflammées! Me voilà! je suis prêt!… malheur! Malheur à vous qui dès l’aurore Respirez les parfums du vin! Et que le soir retrouve encore Chancelants aux bords du festin! Malheur à vous qui par l’usure Etendez sans fin ni mesure La borne immense de vos champs! Voulez-vous donc, mortels avides, Habiter dans vos champs arides, Seuls, sur la terre des vivants? Malheur à vous, race insensée! Enfants d’un siècle audacieux, Qui dites dans votre pensée : Nous sommes sages à nos yeux : Vous changez ma nuit en lumière, Et le jour en ombre grossière Où se cachent vos voluptés! Mais, comme un taureau dans la plaine, Vous traînez après vous la chaîne Des vos longues iniquités! Malheur à vous, filles de l’onde! Iles de Sydon et de Tyr! Tyrans! qui trafiquez du monde Avec la pourpre et l’or d’Ophyr! Malheur à vous! votre heure sonne! En vain l’Océan vous couronne, Malheur à toi, reine des eaux, A toi qui, sur des mers nouvelles, Fais retentir comme des ailes Les voiles de mille vaisseaux! Ils sont enfin venus les jours de ma justice; Ma colère, dit Dieu, se déborde sur vous! Plus d’encens, plus de sacrifice Qui puisse éteindre mon courroux! Je livrerai ce peuple à la mort, au carnage; Le fer moissonnera comme l’herbe sauvage Ses bataillons entiers! – Seigneur! épargnez-nous! Seigneur! – Non, point de trêve, Et je ferai sur lui ruisseler de mon glaive Le sang de ses guerriers! Ses torrents sécheront sous ma brûlante haleine; Ma main nivellera, comme une vaste plaine, Ses murs et ses palais; Le feu les brûlera comme il brûle le chaume. Là, plus de nation, de ville, de royaume; Le silence à jamais! Ses murs se couvriront de ronces et d’épines; L’hyène et le serpent peupleront ses ruines; Les hiboux, les vautours, L’un l’autre s’appelant durant la nuit obscure, Viendront à leurs petits porter la nourriture Au sommet de ses tours! —— Mais Dieu ferme à ces mots les lèvres d’Isaïe; Le sombre Ezéchiel Sur le tronc desséché de l’ingrat Israël Fait descendre à son tour la parole de vie. —— L’Eternel emporta mon esprit au désert : D’ossements desséchés le sol était couvert; J’approche en frissonnant; mais Jéhova me crie : Si je parle à ces os, reprendront-ils la vie? – Eternel, tu le sais! – Eh bien! dit le Seigneur, Ecoute mes accents! retiens-les et dis-leur : Ossements desséchés! insensible poussière! Levez-vous! recevez l’esprit et la lumière! Que vos membres épars s’assemblent à ma voix! Que l’esprit vous anime une seconde fois! Qu’entre vos os flétris vos muscles se replacent! Que votre sang circule et vos nerfs s’entrelacent! Levez-vous et vivez, et voyez qui je suis! J’écoutai le Seigneur, j’obéis et je dis : Esprits, soufflez sur eux du couchant, de l’aurore; Soufflez de l’aquilon, soufflez!… Pressés d’éclore, Ces restes du tombeau, réveillés par mes cris, Entrechoquent soudain leurs ossements flétris; Aux clartés du soleil leur paupière se rouvre, Leurs os sont rassemblés, et la chair les recouvre! Et ce champ de la mort tout entier se leva, Redevint un grand peuple, et connut Jéhova! —— Mais Dieu de ses enfants a perdu la mémoire; La fille de Sion, méditant ses malheurs, S’assied en soupirant, et, veuve de sa gloire, Ecoute Jérémie, et retrouve des pleurs. —— Le seigneur, m’accablant du poids de sa colère, Retire tour à tour et ramène sa main; Vous qui passez par le chemin, Est-il une misère égale à ma misère? En vain ma voix s’élève, il n’entend plus ma voix; Il m’a choisi pour but de ses flèches de flamme, Et tout le jour contre mon âme Sa fureur a lancé les fils de son carquois! Sur mes os consumés ma peau s’est desséchée; Les enfants m’ont chanté dans leurs dérisions; Seul, au milieu des nations, Le Seigneur m’a jeté comme une herbe arrachée. Il s’est enveloppé de son divin courroux; Il a fermé ma route, il a troublé ma voie; Mon sein n’a plus connu la joie, Et j’ai dit au Seigneur : Seigneur, souvenez-vous, Souvenez-vous, Seigneur, de ces jours de colère; Souvenez-vous du fiel dont vous m’avez nourri; Non, votre amour n’est point tari : Vous me frappez, Seigneur, et c’est pourquoi j’espère. Je repasse en pleurant ces misérables jours; J’ai connu le Seigneur dès ma plus tendre aurore : Quand il punit, il aime encore; Il ne s’est pas, mon âme, éloigné pour toujours. Heureux qui le connaît! heureux qui dès l’enfance Porta le joug d’un Dieu, clément dans sa rigueur! Il croit au salut du Seigneur, S’assied au bord du fleuve et l’attend en silence. Il sent peser sur lui ce joug de votre amour; Il répand dans la nuit ses pleurs et sa prière, Et la bouche dans la poussière, Il invoque, il espère, il attend votre jour. —— Silence, ô lyre! et vous silence, Prophètes, voix de l’avenir! Tout l’univers se tait d’avance Devant celui qui doit venir! Fermez-vous, lèvres inspirées; Reposez-vous, harpes sacrées, Jusqu’au jour où sur les hauts lieux Une voix au monde inconnue, Fera retentir dans la nue : PAIX A LA TERRE, ET GLOIRE AUX CIEUX!

    en cours de vérification

    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Le poète mourant La coupe de mes jours s'est brisée encor pleine ; Ma vie hors de mon sein s'enfuit à chaque haleine ; Ni baisers ni soupirs ne peuvent l'arrêter ; Et l'aile de la mort, sur l'airain qui me pleure, En sons entrecoupés frappe ma dernière heure ; Faut-il gémir ? faut-il chanter ?... Chantons, puisque mes doigts sont encor sur la lyre ; Chantons, puisque la mort, comme au cygne, m'inspire Aux bords d'un autre monde un cri mélodieux. C'est un présage heureux donné par mon génie, Si notre âme n'est rien qu'amour et qu'harmonie, Qu'un chant divin soit ses adieux ! La lyre en se brisant jette un son plus sublime ; La lampe qui s'éteint tout à coup se ranime, Et d'un éclat plus pur brille avant d'expirer ; Le cygne voit le ciel à son heure dernière, L'homme seul, reportant ses regards en arrière, Compte ses jours pour les pleurer. Qu'est-ce donc que des jours pour valoir qu'on les pleure ? Un soleil, un soleil ; une heure, et puis une heure ; Celle qui vient ressemble à celle qui s'enfuit ; Ce qu'une nous apporte, une autre nous l'enlève : Travail, repos, douleur, et quelquefois un rêve, Voilà le jour, puis vient la nuit. Ah ! qu'il pleure, celui dont les mains acharnées S'attachant comme un lierre aux débris des années, Voit avec l'avenir s'écrouler son espoir ! Pour moi, qui n'ai point pris racine sur la terre, Je m'en vais sans effort, comme l'herbe légère Qu'enlève le souffle du soir. Le poète est semblable aux oiseaux de passage Qui ne bâtissent point leurs nids sur le rivage, Qui ne se posent point sur les rameaux des bois ; Nonchalamment bercés sur le courant de l'onde, Ils passent en chantant loin des bords ; et le monde Ne connaît rien d'eux, que leur voix. Jamais aucune main sur la corde sonore Ne guida dans ses jeux ma main novice encore. L'homme n'enseigne pas ce qu'inspire le ciel ; Le ruisseau n'apprend pas à couler dans sa pente, L'aigle à fendre les airs d'une aile indépendante, L'abeille à composer son miel. L'airain retentissant dans sa haute demeure, Sous le marteau sacré tour à tour chante et pleure, Pour célébrer l'hymen, la naissance ou la mort ; J'étais comme ce bronze épuré par la flamme, Et chaque passion, en frappant sur mon âme, En tirait un sublime accord. Telle durant la nuit la harpe éolienne, Mêlant aux bruits des eaux sa plainte aérienne, Résonne d'elle-même au souffle des zéphyrs. Le voyageur s'arrête, étonné de l'entendre, Il écoute, il admire et ne saurait comprendre D'où partent ces divins soupirs. Ma harpe fut souvent de larmes arrosée, Mais les pleurs sont pour nous la céleste rosée ; Sous un ciel toujours pur le cœur ne mûrit pas : Dans la coupe écrasé le jus du pampre coule, Et le baume flétri sous le pied qui le foule Répand ses parfums sur nos pas. Dieu d'un souffle brûlant avait formé mon âme ; Tout ce qu'elle approchait s'embrasait de sa flamme : Don fatal ! et je meurs pour avoir trop aimé ! Tout ce que j'ai touché s'est réduit en poussière : Ainsi le feu du ciel tombé sur la bruyère S'éteint quand tout est consumé. Mais le temps ? - Il n'est plus. - Mais la gloire ? - Eh ! qu'importe Cet écho d'un vain son, qu'un siècle à l'autre apporte ? Ce nom, brillant jouet de la postérité ? Vous qui de l'avenir lui promettez l'empire, Écoutez cet accord que va rendre ma lyre !... ............................................... Les vents déjà l'ont emporté ! Ah ! donnez à la mort un espoir moins frivole. Eh quoi ! le souvenir de ce son qui s'envole Autour d'un vain tombeau retentirait toujours ? Ce souffle d'un mourant, quoi! c'est là de la gloire ? Mais vous qui promettez les temps à sa mémoire, Mortels, possédez-vous deux jours ? J'en atteste les dieux ! depuis que je respire, Mes lèvres n'ont jamais prononcé sans sourire Ce grand nom inventé par le délire humain ; Plus j'ai pressé ce mot, plus je l'ai trouvé vide, Et je l'ai rejeté, comme une écorce aride Que nos lèvres pressent en vain. Dans le stérile espoir d'une gloire incertaine, L'homme livre, en passant, au courant qui l'entraîne Un nom de jour en jour dans sa course affaibli ; De ce brillant débris le flot du temps se joue ; De siècle en siècle, il flotte, il avance, il échoue Dans les abîmes de l'oubli. Je jette un nom de plus à ces flots sans rivage ; Au gré des vents, du ciel, qu'il s'abîme ou surnage, En serai-je plus grand ? Pourquoi ? ce n'est qu'un nom. Le cygne qui s'envole aux voûtes éternelles, Amis ! s'informe-t-il si l'ombre de ses ailes Flotte encor sur un vil gazon ? Mais pourquoi chantais-tu ? - Demande à Philomèle Pourquoi, durant les nuits, sa douce voix se mêle Au doux bruit des ruisseaux sous l'ombrage roulant ! Je chantais, mes amis, comme l'homme respire, Comme l'oiseau gémit, comme le vent soupire, Comme l'eau murmure en coulant. Aimer, prier, chanter, voilà toute ma vie. Mortels ! de tous ces biens qu'ici-bas l'homme envie, À l'heure des adieux je ne regrette rien ; Rien que l'ardent soupir qui vers le ciel s'élance, L'extase de la lyre, ou l'amoureux silence D'un cœur pressé contre le mien. Aux pieds de la beauté sentir frémir sa lyre, Voir d'accord en accord l'harmonieux délire Couler avec le son et passer dans son sein, Faire pleuvoir les pleurs de ces yeux qu'on adore, Comme au souffle des vents les larmes de l'aurore Tombent d'un calice trop plein ; Voir le regard plaintif de la vierge modeste Se tourner tristement vers la voûte céleste, Comme pour s'envoler avec le son qui fuit, Puis retombant sur vous plein d'une chaste flamme, Sous ses cils abaissés laisser briller son âme, Comme un feu tremblant dans la nuit ; Voir passer sur son front l'ombre de sa pensée, La parole manquer à sa bouche oppressée, Et de ce long silence entendre enfin sortir Ce mot qui retentit jusque dans le ciel même, Ce mot, le mot des dieux, et des hommes : ... Je t'aime ! Voilà ce qui vaut un soupir. Un soupir ! un regret ! inutile parole ! Sur l'aile de la mort, mon âme au ciel s'envole ; Je vais où leur instinct emporte nos désirs ; Je vais où le regard voit briller l'espérance ; Je vais où va le son qui de mon luth s'élance ; Où sont allés tous mes soupirs ! Comme l'oiseau qui voit dans les ombres funèbres, La foi, cet oeil de l'âme, a percé mes ténèbres ; Son prophétique instinct m'a révélé mon sort. Aux champs de l'avenir combien de fois mon âme, S'élançant jusqu'au ciel sur des ailes de flamme, A-t-elle devancé la mort ? N'inscrivez point de nom sur ma demeure sombre. Du poids d'un monument ne chargez pas mon ombre : D'un peu de sable, hélas ! je ne suis point jaloux. Laissez-moi seulement à peine assez d'espace Pour que le malheureux qui sur ma tombe passe Puisse y poser ses deux genoux. Souvent dans le secret de l'ombre et du silence, Du gazon d'un cercueil la prière s'élance Et trouve l'espérance à côté de la mort. Le pied sur une tombe on tient moins à la terre ; L'horizon est plus vaste, et l'âme, plus légère, Monte au ciel avec moins d'effort. Brisez, livrez aux vents, aux ondes, à la flamme, Ce luth qui n'a qu'un son pour répondre à mon âme ! Le luth des Séraphins va frémir sous mes doigts. Bientôt, vivant comme eux d'un immortel délire, Je vais guider, peut-être, aux accords de ma lyre, Des cieux suspendus à ma voix. Bientôt ! ... Mais de la mort la main lourde et muette Vient de toucher la corde : elle se brise, et jette Un son plaintif et sourd dans le vague des airs. Mon luth glacé se tait ... Amis, prenez le vôtre ; Et que mon âme encor passe d'un monde à l'autre Au bruit de vos sacrés concerts !

    en cours de vérification

    A

    Antoine de Latour

    @antoineDeLatour

    Les autographes On dit que le poète en son œuvre chantante N'épuise pas toujours le souffle inspirateur, Qu'en se laissant courir sa main insouciante Revêt les moindres mots de force ou de douceur. De ces mots au hasard échappés de son cœur, Moi, je poursuis sans bruit la conquête charmante, Comme un enfant de loin suit un vieil oiseleur, Et relève joyeux quelque plume traînante ; Et, joyeux comme lui, le soir, à mon retour, Sous l'érable embaumé j'enferme avec amour D'un poème vivant ces pages envolées, Et quand, pour m'endormir, je relis quelques vers, Je crois entendre alors toutes ces voix ailées Murmurer près de moi les noms qui me sont chers.

    en cours de vérification

    Arsène Houssaye

    Arsène Houssaye

    @arseneHoussaye

    Aux poètes Dédié à Jean de La Fontaine. Quand la faux va crier dans les foins et les seigles, Fuyez, poètes ennuyés ; Libres de tout souci, prenez le vol des aigles ; Fuyez l'autre Babel, fuyez ! Allez vous retremper dans quelque solitude, Au bord du bois silencieux, Où vous retrouverez la Muse de l'Etude Cherchant l'infini dans les Cieux. Théocrite et Virgile ont soulevé la gerbe ; S'ils chantaient la belle saison, C'était cheveux au vent, les pieds cachés dans l'herbe, L'âme perdue à l'horizon. La Fontaine suivait la Fable, sa compagne, Les pieds dans les pleurs du matin, Dans quelque coin touffu de l'agreste Champagne, Par les bois où fleurit le thym. Jean-Jacque étudiait, allant à l'aventure, À travers vallons et forêts ; Si toujours dans son livre on sent bien la nature, C'est qu'il en chercha les secrets. Voltaire s'exilait pour vivre en solitaire ; Chez lui le soc fut en honneur, Et Buffon à Ferney surprit le vieux Voltaire Portant la faux du moissonneur. Diderot travaillait pour la grande famille, À l'ombre fraîche des halliers ; Boileau, Boileau lui-même, avait une charmille, Des arbres et des espaliers. Poètes essoufflés, si vous voulez renaître, Si la ruche manque de miel, Allez donc voir ailleurs que par votre fenêtre Ce qui se passe sous le ciel. Que faites-vous là-bas, insensés que vous êtes ? Enfumés comme des Lapons, Vous contemplez le monde en lisant les gazettes, Les astres en passant les ponts. Vous cherchez, dites-vous, l'Amour et la Science ; Vous ne trouvez que tourbillons. L'Amour ! le cherchez-vous dans son insouciance ? Courez les prés et les sillons. La Science ? pour vous la Science est amère, C'est un fruit que Dieu nous défend ; C'est la mort, ou plutôt c'est la mauvaise mère Qui n'allaite pas son enfant ! Vous vendez les faveurs de la fille d'Homère, La blanche Muse aux tresses d'or ; Vous avez profané cette sainte chimère, Qui, malgré vous, nous aime encor. Vous vous faites marchands et vous ouvrez boutique : Pour vous l'art n'est plus qu'un état ; Si Dieu vous demandait pour lui-même un cantique, Il faudrait qu'il vous l'achetât ! Vous voulez des palais où l'esprit s'abandonne À tout ce qui brille ici-bas ; Mais le luxe du cœur, ce que le ciel vous donne, Aveugles, vous n'en voulez pas ! Corneille, le grand maître aux scènes immortelles, Aimait le toit humble et béni, La fenêtre où l'hiver seul suspend des dentelles, Où le printemps apporte un nid. L'art succombe ; l'artiste est à peine un manœuvre Qui sans haleine va toujours ; La petite monnaie est l'âme de toute œuvre Qui se fait en ces tristes jours. Que deviennent les fleurs de ce terroir si riche Qui se déroulait sous nos pas ? Hélas ! depuis vingt ans c'est en vain qu'on défriche, Les épis ne mûriront pas. Fuyez ce vain renom qui se paye à la ligne, Allez reposer votre esprit Au bord de quelque bois, au pied de quelque vigne, Où Zeus, le grand poète, écrit. Créateurs effrénés, du Créateur suprême Que ne suivez-vous les leçons ? Ce n'est pas en un jour qu'il finit le poème Des vendanges et des moissons. Cybèle aux blonds cheveux, notre mère féconde, Sème ses trésors à pas lents ; Elle aime à s'appuyer, pour traverser le monde, Sur le cou des bœufs indolents.

    en cours de vérification

    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs À Monsieur Théodore de Banville Ainsi, toujours, vers l'azur noir Où tremble la mer des topazes, Fonctionneront dans ton soir Les Lys, ces clystères d'extases ! À notre époque de sagous, Quand les Plantes sont travailleuses, Le Lys boira les bleus dégoûts Dans tes Proses religieuses ! - Le lys de monsieur de Kerdrel, Le Sonnet de mil huit cent trente, Le Lys qu'on donne au Ménestrel Avec l'oeillet et l'amarante ! Des lys ! Des lys ! On n'en voit pas ! Et dans ton Vers, tel que les manches Des Pécheresses aux doux pas, Toujours frissonnent ces fleurs blanches ! Toujours, Cher, quand tu prends un bain, Ta chemise aux aisselles blondes Se gonfle aux brises du matin Sur les myosotis immondes ! L'amour ne passe à tes octrois Que les Lilas, - ô balançoires ! Et les Violettes du Bois, Crachats sucrés des Nymphes noires !... II Ô Poètes, quand vous auriez Les Roses, les Roses soufflées, Rouges sur tiges de lauriers, Et de mille octaves enflées ! Quand Banville en ferait neiger, Sanguinolentes, tournoyantes, Pochant l'oeil fou de l'étranger Aux lectures mal bienveillantes ! De vos forêts et de vos prés, Ô très paisibles photographes ! La Flore est diverse à peu près Comme des bouchons de carafes ! Toujours les végétaux Français, Hargneux, phtisiques, ridicules, Où le ventre des chiens bassets Navigue en paix, aux crépuscules ; Toujours, après d'affreux dessins De Lotos bleus ou d'Hélianthes, Estampes roses, sujets saints Pour de jeunes communiantes ! L'Ode Açoka cadre avec la Strophe en fenêtre de lorette ; Et de lourds papillons d'éclat Fientent sur la Pâquerette. Vieilles verdures, vieux galons ! Ô croquignoles végétales ! Fleurs fantasques des vieux Salons ! - Aux hannetons, pas aux crotales, Ces poupards végétaux en pleurs Que Grandville eût mis aux lisières, Et qu'allaitèrent de couleurs De méchants astres à visières ! Oui, vos bavures de pipeaux Font de précieuses glucoses ! - Tas d'oeufs frits dans de vieux chapeaux, Lys, Açokas, Lilas et Roses !... III Ô blanc Chasseur, qui cours sans bas À travers le Pâtis panique, Ne peux-tu pas, ne dois-tu pas Connaître un peu ta botanique ? Tu ferais succéder, je crains, Aux Grillons roux les Cantharides, L'or des Rios au bleu des Rhins, - Bref, aux Norwèges les Florides : Mais, Cher, l'Art n'est plus, maintenant, - C'est la vérité, - de permettre À l'Eucalyptus étonnant Des constrictors d'un hexamètre ; Là !... Comme si les Acajous Ne servaient, même en nos Guyanes, Qu'aux cascades des sapajous, Au lourd délire des lianes ! - En somme, une Fleur, Romarin Ou Lys, vive ou morte, vaut-elle Un excrément d'oiseau marin ? Vaut-elle un seul pleur de chandelle ? - Et j'ai dit ce que je voulais ! Toi, même assis là-bas, dans une Cabane de bambous, - volets Clos, tentures de perse brune, - Tu torcherais des floraisons Dignes d'Oises extravagantes !... - Poète ! ce sont des raisons Non moins risibles qu'arrogantes !... IV Dis, non les pampas printaniers Noirs d'épouvantables révoltes, Mais les tabacs, les cotonniers ! Dis les exotiques récoltes ! Dis, front blanc que Phébus tanna, De combien de dollars se rente Pedro Velasquez, Habana ; Incague la mer de Sorrente Où vont les Cygnes par milliers ; Que tes strophes soient des réclames Pour l'abatis des mangliers Fouillés des Hydres et des lames ! Ton quatrain plonge aux bois sanglants Et revient proposer aux Hommes Divers sujets de sucres blancs, De pectoraires et de gommes ! Sachons parToi si les blondeurs Des Pics neigeux, vers les Tropiques, Sont ou des insectes pondeurs Ou des lichens microscopiques ! Trouve, ô Chasseur, nous le voulons, Quelques garances parfumées Que la Nature en pantalons Fasse éclore ! - pour nos Armées ! Trouve, aux abords du Bois qui dort, Les fleurs, pareilles à des mufles, D'où bavent des pommades d'or Sur les cheveux sombres des Buffles ! Trouve, aux prés fous, où sur le Bleu Tremble l'argent des pubescences, Des calices pleins d'Oeufs de feu Qui cuisent parmi les essences ! Trouve des Chardons cotonneux Dont dix ânes aux yeux de braises Travaillent à filer les noeuds ! Trouve des Fleurs qui soient des chaises ! Oui, trouve au coeur des noirs filons Des fleurs presque pierres, - fameuses ! - Qui vers leurs durs ovaires blonds Aient des amygdales gemmeuses ! Sers-nous, ô Farceur, tu le peux, Sur un plat de vermeil splendide Des ragoûts de Lys sirupeux Mordant nos cuillers Alfénide ! V Quelqu'un dira le grand Amour, Voleur des sombres Indulgences : Mais ni Renan, ni le chat Murr N'ont vu les Bleus Thyrses immenses ! Toi, fais jouer dans nos torpeurs, Par les parfums les hystéries ; Exalte-nous vers les candeurs Plus candides que les Maries... Commerçant ! colon ! médium ! Ta Rime sourdra, rose ou blanche, Comme un rayon de sodium, Comme un caoutchouc qui s'épanche ! De tes noirs Poèmes, - Jongleur ! Blancs, verts, et rouges dioptriques, Que s'évadent d'étranges fleurs Et des papillons électriques ! Voilà ! c'est le Siècle d'enfer ! Et les poteaux télégraphiques Vont orner, - lyre aux chants de fer, Tes omoplates magnifiques ! Surtout, rime une version Sur le mal des pommes de terre ! - Et, pour la composition De poèmes pleins de mystère Qu'on doive lire de Tréguier À Paramaribo, rachète Des Tomes de Monsieur Figuier, - Illustrés ! - chez Monsieur Hachette !

    en cours de vérification

    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Quatorze vers à Victor Hugo Ayant tout dit ayant donné toutes les preuves, Ayant tout remué, mers, monts, plaines et fleuves, Dans ses rimes d'airain éternellement neuves Ayant, toutes, subi les mortelles épreuves, Le vieux Poète doit recevoir aujourd'hui, Sans laisser deviner son olympique ennui, Les lauriers, l'olivier qu'on a coupé pour lui Dans notre douce France où son génie a lui. Ne craignons pas, rameaux en mains, musique en tête, De troubler son repos par la bruyante fête, Puisque cet homme est bon, encor plus que poète. Et comme, en souriant, toi seul tendais les bras Aux vaincus poursuivis, traqués comme des rats, Je crois, Victor Hugo, que tu nous souriras.

    en cours de vérification

    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Époque perpétuelle Inscriptions cunéiformes, Vous conteniez la vérité ; On se promenait sous des ormes, En riant aux parfums d'été ; Sardanapale avait d'énormes Richesses, un peuple dompté, Des femmes aux plus belles formes, Et son empire est emporté ! Emporté par le vent vulgaire Qu'amenaient pourvoyeurs, marchands, Pour trouver de l'or à la guerre. La gloire en or ne dure guère ; Le poète sème des chants Qui renaîtront toujours sur terre.

    en cours de vérification

    Charles-Augustin Sainte-Beuve

    Charles-Augustin Sainte-Beuve

    @charlesAugustinSainteBeuve

    Quand le poète en pleurs Quand le Poète en pleurs, à la main une lyre, Poursuivant les beautés dont son cœur est épris, À travers les rochers, les monts, les prés fleuris Les nuages, les vents, mystérieux empire, S'élance, et plane seul, et qu'il chante et soupire, La foule en bas souvent, qui veut rire à tout prix, S'attroupe, et l'accueillant au retour par des cris, Le montre au doigt ; et tous, pauvre insensé, d'en rire ! Mais tous ces cris, Poète, et ces rires d'enfants, Et ces mépris si doux aux rivaux triomphants, Que t'importe, si rien n'obscurcit ta pensée, Pure, aussi pure en toi qu'un rayon du matin, Que la goutte de pleurs qu'une vierge a versée, Ou la pluie en avril sur la ronce et le thym ? Septembre 1829.

    en cours de vérification

    Charles-Augustin Sainte-Beuve

    Charles-Augustin Sainte-Beuve

    @charlesAugustinSainteBeuve

    À Alfred de Musset Il n'est pas mort, Ami, ce poète en mon âme ; Il n'est pas mort, Ami, tu le dis, je le crois. II ne dort pas, il veille, étincelle sans flamme ; La flamme, je l'étouffe, et je retiens ma voix. Que dire et que chanter quand la plage est déserte, Quand les flots des jours pleins sont déjà retirés, Quand l'écume flétrie, et partout l'algue verte, Couvrent au loin ces bords, au matin si sacrés ? Que dire des soupirs que la jeunesse enfuie Renfonce à tous instants à ce cœur non soumis ? Que dire des banquets où s'égaya la vie, Et des premiers plaisirs, et des premiers amis ? L'Amour vint, sérieux pour moi dans son ivresse. Sous les fleurs tu chantais, raillant ses dons jaloux. Enfin, un jour, tu crus ! moi, j'y croyais sans cesse ; Sept ans se sont passés !... Alfred, y croyons-nous ? L'une, ardente, vous prend dans sa soif, et vous jette Comme un fruit qu'on méprise après l'avoir séché. L'autre, tendre et croyante, un jour devient muette, Et pleure, et dit que l'astre, en son ciel, s'est couché. Le mal qu'on savait moins se révèle à toute heure, Inhérent à la terre, irréparable et lent. On croyait tout changer, il faut que tout demeure. Railler, maudire alors, amer et violent, À quoi bon ? — Trop sentir, c'est bien souvent se taire, C'est refuser du chant l'aimable guérison, C'est vouloir dans son cœur tout son deuil volontaire, C'est enchaîner sa lampe aux murs de sa prison ! Mais cependant, Ami, si ton luth qui me tente, Si ta voix d'autrefois se remet à briller, Si ton frais souvenir dans ta course bruyante, Ton cor de gai chasseur me revient appeler, Si de toi quelque accent léger, pourtant sensible, Comme aujourd'hui, m'apporte un écho du passé, S'il revient éveiller à ce cœur accessible Ce qu'il cache dans l'ombre et qu'il n'a pas laissé, Soudain ma voix renaît, mon soupir chante encore, Mon pleur, comme au matin, s'échappe harmonieux, Et, tout parlant d'ennuis qu'il vaut mieux qu'on dévore, Le désir me reprend de les conter aux cieux.

    en cours de vérification

    J

    Jean Aicard

    @jeanAicard

    À Victor Hugo Je ne vous connais pas, ô bien-aimé poète ; Je n'ai pu contempler la fière et noble tête Où les rayons brûlants et doux du divin feu Font germer sans effort la semence de Dieu. Je ne vous connais pas ! cependant j'imagine Si bien votre grand front qu'un éclair illumine ; En votre œuvre, poète, on peut voir si souvent Votre visage auguste, éclatant et vivant, Que si, par un beau jour, perdu dans une foule, Car nous ne savons pas où le hasard nous roule, Par un jour envié vous passiez devant moi, J'irais droit jusqu'à vous pour vous dire : « C'est toi ! »

    en cours de vérification

    Louis Aragon

    Louis Aragon

    @louisAragon

    Les poètes Shakespeare À lui la baguette magique Le pouvoir de tout enchaîner ; Il riva la Nature aux plis de sa tunique, Et la Création a su le couronner. MILTON. Son esprit était un pactole Dont les flots roulaient de l'or pur, Un temple à la vertu dont la vaste coupole Se perdait dans les cieux au milieu de l'azur. THOMPSON. Après le jour la nuit obscure, Après les saisons les saisons, Ses chants qui sont gravés au sein de la nature Iront de l'avenir dorer les horizons. GRAY. D'un vol grandiose il s'élève, La foudre il la brave de l'œil, Le nuage orageux il le passe, puis s'enlève Lumineuse trainée au sein de son orgueil. BURNS. De la lyre de sa patrie Il fit vibrer les plus doux sons, Et son âme de feu, céleste rêverie Se fondit dans des flots d'admirables chansons. SOUTHEY. Où règne la nécromancie Dans les pays orientaux, Il aimait promener sa riche fantaisie, Son esprit à cheval sur les vieux fabliaux. COLERIDGE. Par le charme de sa magie Au clair de la lune le soir Il évoquait le preux, et du preux la vigie, La superstition, hôte du vieux manoir. WORDSWORTH. Au livre de philosophie Il suspendit sa harpe un jour, Là, placé près des lacs, il chante, il magnifie Dans ses paisibles vers la nature et l'amour. CAMPBELL. Enfant gâté de la nature L'art polit son vers enchanteur, Il sut pincer sa lyre et gracieuse et pure, Pour amuser l'esprit, et réchauffer le cœur. SCOTT. Il chante, et voyez ! là s'élance Le Roman que l'on croyait mort, Et la Chevalerie et la Dague et la Lance, Sortent de l'Arsenal poussés par son ressort ! WILSON. Son chant comme une hymne sacrée S'infiltre de l'oreille au cœur ; On croirait qu'il vous vient de la voûte éthérée La voix d'un chérubin, d'un saint enfant de chœur. HEMANS. Elle ouvre la source des larmes Et les fait doucement couler, La pitié dans ses vers elle a les plus doux charmes Et le lecteur ému s'y laisse affrioler. SHELLEY. Un rocher nu, bien solitaire Au loin par de là l'océan, Crévassé par le choc des volcans, du tonnerre, Voilà quel fut Shelley, l'audacieux Titan ! HOGG. Vêtu d'un rayon de lumière Qu'il sut voler à l'arc-en-ciel, Il voit fée et lutin danser dans la clairière, Et faire le sabbat loin de tout œil mortel. BYRON. La tête ceinte de nuages, Ses pieds étaient jonchés de fleurs, L'ivresse et la gaité, le calme et les orages Trouvent en ses beaux vers un écho dans les cœurs. MOORE. Couronné de vertes louanges Et pour chaque œuvre tour à tour, Moore dans les bosquets se plait avec les anges À chanter les plaisirs de son Dieu... de l'Amour !

    en cours de vérification

    L

    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    À Alfred de Musset Un poète est parti ; sur sa tombe fermée Pas un chant, pas un mot dans cette langue aimée Dont la douceur divine ici-bas l’enivrait. Seul, un pauvre arbre triste à la pâle verdure, Le saule qu’il rêvait, au vent du soir, murmure Sur son ombre éplorée un tendre et long regret. Ce n’est pas de l’oubli ; nous répétons encore, Poëte de l’amour, ces chants que fit éclore Dans ton âme éperdue un éternel tourment, Et le Temps sans pitié qui brise de son aile Bien des lauriers, le Temps d’une grâce nouvelle Couronne en s’éloignant ton souvenir charmant. Tu fus l’enfant choyé du siècle. Tes caprices Nous trouvaient indulgents. Nous étions les complices De tes jeunes écarts; tu pouvais tout oser. De la Muse pour toi nous savions les tendresses, Et nos regards charmés ont compté ses caresses. De son premier sourire à son dernier baiser. Parmi nous maint poète à la bouche inspirée Avait déjà rouvert une source sacrée; Oui, d’autres nous avaient de leurs chants abreuvés. Mais le cri qui saisit le cœur et le remue, Mais ces accents profonds qui d’une lèvre émue Vont à l’âme de tous, toi seul les as trouvés. Au concert de nos pleurs ta voix s’était mêlée. Entre nous, fils souffrants d’une époque troublée, Le doute et la douleur formaient comme un lien. Ta lyre en nous touchant nous était douce et chère ; Dans le chantre divin nous sentions tous un frère ; C’est le sang de nos cœurs qui courait dans le tien. Rien n’arrêtait ta plainte, et ton âme blessée La laissait échapper navrante et cadencée. Tandis que vers le ciel qui se voile et se clôt De la foule montait une rumeur confuse, Fier et beau, tu jetais, jeune amant de la Muse, A travers tous ces bruits ton immortel sanglot. Lorsque le rossignol, dans la saison brûlante De l’amour et des fleurs, sur la branche tremblante Se pose pour chanter son mal cher et secret. Rien n’arrête l’essor de sa plainte infinie, Et de son gosier frêle un long jet d’harmonie S’élance et se répand au sein de la forêt. La voix mélodieuse enchante au loin l’espace…. Mais soudain tout se tait ; le voyageur qui passe Sous la feuille des bois sent un frisson courir. De l’oiseau qu’entraînait une ivresse imprudente L’âme s’est envolée avec la note ardente ; Hélas ! chanter ainsi c’était vouloir mourir !

    en cours de vérification

    Paul-Jean Toulet

    Paul-Jean Toulet

    @paulJeanToulet

    Ô poète, à quoi bon chercher Ô poète, à quoi bon chercher Des mots pour son délire ? Il n'y a qu'au bois de ta lyre Que tu l'as su toucher. Plus haut que toi, dans sa morphine, Chante un noir séraphin. Ma nourrice disait qu'Enfin Est le mari d'Enfine.

    en cours de vérification

    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Aux poètes futurs Poètes à venir, qui saurez tant de choses, Et les direz sans doute en un verbe plus beau, Portant plus loin que nous un plus large flambeau Sur les suprêmes fins et les premières causes ; Quand vos vers sacreront des pensers grandioses, Depuis longtemps déjà nous serons au tombeau ; Rien ne vivra de nous qu'un terne et froid lambeau De notre oeuvre enfouie avec nos lèvres closes. Songez que nous chantions les fleurs et les amours Dans un âge plein d'ombre, au mortel bruit des armes, Pour des coeurs anxieux que ce bruit rendait sourds ; Lors plaignez nos chansons, où tremblaient tant d'alarmes, Vous qui, mieux écoutés, ferez en d'heureux jours Sur de plus hauts objets des poèmes sans larmes.

    en cours de vérification

    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Le peuple s'amuse Le poète naïf, qui pense avant d'écrire, S'étonne, en ce temps-ci, des choses qui font rire. Au théâtre parfois il se tourne, et, voyant La gaîté des badauds qui va se déployant, Pour un plat calembour, des loges au parterre, Il se sent tout à coup tellement solitaire Parmi ces gros rieurs au ventre épanoui, Que, le front lourd et l'œil tristement ébloui, Il s'esquive, s'il peut, sans attendre la toile. Enfin libre il respire, et, d'étoile en étoile, Dans l'azur sombre et vaste il laisse errer ses yeux. Ah ! Quand on sort de là, comme la nuit plaît mieux ! Qu'il fait bon regarder la Seine lente et noire En silence rouler sous les vieux ponts sa moire, Et les reflets tremblants des feux traîner sur l'eau Comme les pleurs d'argent sur le drap d'un tombeau ! Ce deuil fait oublier ces rires qu'on abhorre. Hélas ! Où donc la joie est-elle saine encore ? Quel vice a donc en nous gâté le sang gaulois ? Quand rirons-nous le rire honnête d'autrefois ? Ce ne sont aujourd'hui qu'absurdes bacchanales ; Farces au masque impur sur des planches banales ; Vil patois qui se fraye impudemment accès Parmi le peuple illustre et cher des mots français ; Couplets dont les refrains changent la bouche en gueule ; Romans hideux, miroir de l'abjection seule, Commérage où le fiel assaisonne des riens : Feuilletons à voleurs, drames à galériens, Funestes aux cœurs droits qui battent sous les blouses ; Vaudevilles qui font, corrupteurs des épouses, Un ridicule impie à l'affront des maris ; Spectacles où la chair des femmes, mise à prix, Comme aux crocs de l'étal exhibée en guirlande, Allèche savamment la luxure gourmande ; Parades à décors dont les fables sans art N'esquivent le sifflet qu'en soûlant le regard ; Coups d'archets polissons sur la lyre d'Homère, Et tous les jeux maudits d'un amour éphémère Qui va se dégradant du caprice au métier : Voilà ce qui ravit un peuple tout entier ! Bêtise, éternel veau d'or des multitudes, Toi dont le culte aisé les plie aux servitudes Et complice du joug les y soumet sans bruit, Monstre cher à la force et par la ruse instruit À bafouer la libre et sévère pensée, Règne ! Mais à ton tour, brute, qu'à la risée, Au comique mépris tu serves de jouet ! Que sur toi le bon sens fasse claquer son fouet, Qu'il se lève, implacable à son tour, et qu'il rie, Et qu'il raille à son tour l'inepte raillerie, Et qu'il fasse au soleil luire en leur nudité Ta grotesque laideur et ta stupidité ! Molière, dresse-toi ! Debout, Aristophane ! Allons ! Faites entendre au vulgaire profane L'hymne de l'idéal au fond du rire amer, Du grand rire où, pareil au cliquetis du fer, Sonne le choc rapide et franc des pensers justes, Du beau rire qui sied aux poitrines robustes, Vengeur de la sagesse, héroïque moqueur, Où vibre la jeunesse immortelle du cœur !

    en cours de vérification

    S

    Sophie d'Arbouville

    @sophieDarbouville

    L'ange de poésie et la jeune femme Éveille-toi, ma sœur, je passe près de toi ! De mon sceptre divin tu vas subir la loi ; Sur toi, du feu sacré tombent les étincelles, Je caresse ton front de l'azur de mes ailes. À tes doigts incertains, j'offre ma lyre d'or, Que ton âme s'éveille et prenne son essor !... Le printemps n'a qu'un jour, tout passe ou tout s'altère ; Hâte-toi de cueillir les roses de la terre, Et chantant les parfums dont s'enivrent tes sens, Offre tes vers au ciel comme on offre l'encens ! Chante, ma jeune sœur, chante ta belle aurore, Et révèle ton nom au monde qui l'ignore. LA JEUNE FEMME. Grâce !.. éloigne de moi ton souffle inspirateur ! Ne presse pas ainsi ta lyre sur mon cœur ! Dans mon humble foyer, laisse-moi le silence ; La femme qui rougit a besoin d'ignorance. Le laurier du poète exige trop d'effort... J'aime le voile épais dont s'obscurcit mon sort. Mes jours doivent glisser sur l'océan du monde, Sans que leur cours léger laisse un sillon sur l'onde ; Ma voix ne doit chanter que dans le sein des bois, Sans que l'écho répète un seul son de ma voix. L'ANGE DE POÉSIE. Je t'appelle, ma sœur, la résistance est vaine. Des fleurs de ma couronne, avec art je t'enchaîne : Tu te débats en vain sous leurs flexibles nœuds. D'un souffle dévorant j'agite tes cheveux, Je caresse ton front de ma brûlante haleine ! Mon cœur bat sur ton cœur, ma main saisit la tienne ; Je t'ouvre le saint temple où chantent les élus... Le pacte est consommé, je ne te quitte plus ! Dans les vallons lointains suivant ta rêverie, Je prêterai ma voix aux fleurs de la prairie ; Elles murmureront : « Chante, chante la fleur Qui ne vit qu'un seul jour pour vivre sans douleur. » Tu m'entendras encor dans la brise incertaine Qui dirige la barque en sa course lointaine ; Son souffle redira : « Chante le ciel serein ; Qu'il garde son azur, le salut du marin ! » J'animerai l'oiseau caché sous le feuillage, Et le flot écumant qui se brise au rivage ; L'encens remplira l'air que tu respireras... Et soumise à mes lois, ma sœur, tu chanteras ! LA JEUNE FEMME. J'écouterai ta voix, ta divine harmonie, Et tes rêves d'amour, de gloire et de génie ; Mon âme frémira comme à l'aspect des cieux... Des larmes de bonheur brilleront dans mes yeux. Mais de ce saint délire, ignoré de la terre, Laisse-moi dans mon cœur conserver le mystère ; Sous tes longs voiles blancs, cache mon jeune front ; C'est à toi seul, ami, que mon âme répond ! Et si, dans mon transport, m'échappe une parole, Ne la redis qu'au Dieu qui comprend et console. Le talent se soumet au monde, à ses décrets, Mais un cœur attristé lui cache ses secrets ; Qu'aurait-il à donner à la foule légère, Qui veut qu'avec esprit on souffre pour lui plaire ? Ma faible lyre a peur de l'éclat et du bruit, Et comme Philomèle, elle chante la nuit. Adieu donc ! laisse-moi ma douce rêverie, Reprends ton vol léger vers ta belle patrie ! L'ange reste près d'elle, il sourit à ses pleurs, Et resserre les nœuds de ses chaînes de fleurs ; Arrachant une plume à son aile azurée, Il la met dans la main qui s'était retirée. En vain elle résiste, il triomphe... il sourit... Laissant couler ses pleurs, la jeune femme écrit.

    en cours de vérification

    S

    Sophie d'Arbouville

    @sophieDarbouville

    Le poète Des longs ennuis du jour quand le soir me délivre, Poète aux chants divins, j'ouvre en rêvant ton livre, Je me recueille en toi, dans l'ombre et loin du bruit ; De ton monde idéal, j'ose aborder la rive : Tes chants que je répète, à mon âme attentive Semblent plus purs la nuit ! Mais qu'il reste caché, ce trouble de mon âme, De moi rien ne t'émeut, ni louange, ni blâme. Quelques hivers à peine ont passé sur mon front... Et qu'importe à ta muse, en tous lieux adorée, Qu'au sein de ses foyers une femme ignorée S'attendrisse à ton nom ! Qui te dira qu'aux sons de ta lyre sublime, À ses accords divins, ma jeune âme s'anime, Laissant couler ensemble et ses vers et ses pleurs ? Quand près de moi ta muse un instant s'est posée, Je chante.... ainsi le ciel, en versant sa rosée, Entr'ouvre quelques fleurs. Poètes ! votre sort est bien digne d'envie. Le Dieu qui nous créa vous fit une autre vie, L'horizon ne sert point de limite à vos yeux, D'un univers plus grand vous sondez le mystère, Et quand, pauvres mortels, nous vivons sur la terre, Vous vivez dans les cieux ! Et si, vous éloignant des voûtes éternelles, Vous descendez vers nous pour reposer vos ailes, Notre monde à vos yeux se dévoile plus pur ; L'hiver garde des fleurs, les bois un vert feuillage, La rose son parfum, les oiseaux leur ramage, Et le ciel son azur. Si Dieu, vous révélant les maux de l'existence, Au milieu de vos chants fait naître la souffrance, Votre âme, en sa douleur poursuivant son essor, Comme au temps des beaux jours vibre dans ses alarmes ; Le monde s'aperçoit, quand vous montrez vos larmes, Que vous chantez encor ! Le malheur se soumet aux formes du génie, En passant par votre âme, il devient harmonie. Votre plainte s'exhale en sons mélodieux. L'ouragan qui, la nuit, rugit et se déchaîne, S'il rencontre en son cours la harpe éolienne, Devient harmonieux. Moi, sur mes jeunes ans j'ai vu gronder l'orage, Le printemps fut sans fleurs, et l'été, sans ombrage ; Aucun ange du ciel n'a regardé mes pleurs. Que ne puis-je, changeant l'absinthe en ambroisie, Comme vous, aux accords d'un chant de poésie Endormir mes douleurs ! À notre âme, ici-bas , il n'est rien qui réponde ; Poètes inspirés, montrez-nous votre monde ! À ce vaste désert, venez nous arracher. Pour le divin banquet votre table se dresse... Oh ! laissez, de la coupe où vous puisez l'ivresse, Mes lèvres s'approcher ! Oui, penchez jusqu'à moi voire main que j'implore ; Votre coupe est trop loin, baissez, baissez encore !... Répandez dans mes vers l'encens inspirateur. Pour monter jusqu'à vous, mon pied tremble et chancelle... Poètes ! descendez, et portez sur votre aile Une timide sœur !

    en cours de vérification

    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Contre un poète parisien À Emmanuel des Essarts. Souvent la vision du Poète me frappe : Ange à cuirasse fauve, il a pour volupté L'éclair du glaive, ou, blanc songeur, il a la chape, La mitre byzantine et le bâton sculpté. Dante, au laurier amer, dans un linceul se drape, Un linceul fait de nuit et de sérénité : Anacréon, tout nu, rit et baise une grappe Sans songer que la vigne a des feuilles, l'été. Pailletés d'astres, fous d'azur, les grands bohèmes, Dans les éclairs vermeils de leur gai tambourin, Passent, fantasquement coiffés de romarin. Mais j'aime peu voir, Muse, ô reine des poèmes, Dont la toison nimbée a l'air d'un ostensoir, Un poète qui polke avec un habit noir.

    en cours de vérification

    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Le poète et la foule La plaine un jour disait à la montagne oisive : " Rien ne vient sur ton front des vents toujours battu ! " Au poète, courbé sur sa lyre pensive, La foule aussi disait : " Rêveur, à quoi sers-tu ? " La montagne en courroux répondit à la plaine : " C'est moi qui fais germer les moissons sur ton sol ; Du midi dévorant je tempère l'haleine ; J'arrête dans les cieux les nuages au vol ! Je pétris de mes doigts la neige en avalanches ; Dans mon creuset je fonds les cristaux des glaciers, Et je verse, du bout de mes mamelles blanches, En longs filets d'argent, les fleuves nourriciers. Le poète, à son tour, répondit à la foule : " Laissez mon pâle front s'appuyer sur ma main. N'ai-je pas de mon flanc, d'où mon âme s'écoule, Fait jaillir une source où boit le genre humain ? "

    en cours de vérification

    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Odelette anacréontique Pour que je t'aime, ô mon poète, Ne fais pas fuir par trop d'ardeur Mon amour, colombe inquiète, Au ciel rose de la pudeur. L'oiseau qui marche dans l'allée S'effraye et part au moindre bruit ; Ma passion est chose ailée Et s'envole quand on la suit. Muet comme l'Hermès de marbre, Sous la charmille pose-toi ; Tu verras bientôt de son arbre L'oiseau descendre sans effroi. Tes tempes sentiront près d'elles, Avec des souffles de fraîcheur, Une palpitation d'ailes Dans un tourbillon de blancheur, Et la colombe apprivoisée Sur ton épaule s'abattra, Et son bec à pointe rosée De ton baiser s'enivrera.

    en cours de vérification

    Tristan Corbière

    Tristan Corbière

    @tristanCorbiere

    La pipe au poète Je suis la Pipe d'un poète, Sa nourrice, et : j'endors sa Bête. Quand ses chimères éborgnées Viennent se heurter à son front, Je fume... Et lui, dans son plafond, Ne peut plus voir les araignées. ... Je lui fais un ciel, des nuages, La mer, le désert, des mirages ; – Il laisse errer là son œil mort... Et, quand lourde devient la nue, Il croit voir une ombre connue, – Et je sens mon tuyau qu'il mord... – Un autre tourbillon délie Son âme, son carcan, sa vie ! ... Et je me sens m'éteindre. – Il dort – . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . – Dors encor : la Bête est calmée, File ton rêve jusqu'au bout... Mon Pauvre !... la fumée est tout. – S'il est vrai que tout est fumée... Paris. – Janvier.

    en cours de vérification

    Tristan Corbière

    Tristan Corbière

    @tristanCorbiere

    Le poète contumace Sur la côte d'armor. – Un ancien vieux couvent, Les vents se croyaient là dans un moulin-à-vent, Et les ânes de la contrée, Au lierre râpé, venaient râper leurs dents Contre un mur si troué que, pour entrer dedans, On n'aurait pu trouver l'entrée. – Seul – mais toujours debout avec un rare aplomb, Crénelé comme la mâchoire d'une vieille, Son toit à coups-de-poing sur le coin de l'oreille, Aux corneilles bayant, se tenait le donjon, Fier toujours d'avoir eu, dans le temps, sa légende... Ce n'était plus qu'un nid à gens de contrebande, Vagabonds de nuit, amoureux buissonniers, Chiens errants, vieux rats, fraudeurs et douaniers. – Aujourd'hui l'hôte était de la borgne tourelle, Un Poète sauvage, avec un plomb dans l'aile, Et tombé là parmi les antiques hiboux Qui l'estimaient d'en haut. – Il respectait leurs trous, – Lui, seul hibou payant, comme son bail le porte : Pour vingt-cinq écus l'an, dont : remettre une porte. – Pour les gens du pays, il ne les voyait pas : Seulement, en passant, eux regardaient d'en bas, Se montrant du nez sa fenêtre ; Le curé se doutait que c'était un lépreux ; Et le maire disait : – Moi, qu'est-ce que j'y peux, C'est plutôt un Anglais... un Être. Les femmes avaient su – sans doute par les buses – Qu'il vivait en concubinage avec des Muses !... Un hérétique enfin... Quelque Parisien De Paris ou d'ailleurs. – Hélas ! on n'en sait rien. – Il était invisible ; et, comme ses Donzelles Ne s'affichaient pas trop, on ne parla plus d'elles. – Lui, c'était simplement un long flâneur, sec, pâle ; Un ermite-amateur, chassé par la rafale... Il avait trop aimé les beaux pays malsains. Condamné des huissiers, comme des médecins, Il avait posé là, soûl et cherchant sa place Pour mourir seul ou pour vivre par contumace... Faisant, d'un à-peu-près d'artiste, Un philosophe d'à peu près, Râleur de soleil ou de frais, En dehors de l'humaine piste. Il lui restait encore un hamac, une vielle, Un barbet qui dormait sous le nom de Fidèle ; Non moins fidèle était, triste et doux comme lui, Un autre compagnon qui s'appelait l'Ennui. Se mourant en sommeil, il se vivait en rêve. Son rêve était le flot qui montait sur la grève, Le flot qui descendait ; Quelquefois, vaguement, il se prenait attendre... Attendre quoi... le flot monter – le flot descendre – Ou l'Absente... Qui sait ? Le sait-il bien lui-même ?... Au vent de sa guérite, A-t-il donc oublié comme les morts vont vite, Lui, ce viveur vécu, revenant égaré, Cherche-t-il son follet, à lui, mal enterré ? – Certe, Elle n'est pas loin, celle après qui tu brâmes, Ô Cerf de Saint Hubert ! Mais ton front est sans flammes... N'apparais pas, mon vieux, triste et faux déterré... Fais le mort si tu peux... Car Elle t'a pleuré ! – Est-ce qu'il pouvait, Lui !... n'était-il pas poète... Immortel comme un autre ?... Et dans sa pauvre tête Déménagée, encor il sentait que les vers Hexamètres faisaient les cent pas de travers. – Manque de savoir-vivre extrême – il survivait – Et – manque de savoir-mourir – il écrivait : « C'est un être passé de cent lunes, ma Chère, En ton cœur poétique, à l'état légendaire. Je rime, donc je vis... ne crains pas, c'est à blanc. – Une coquille d'huître en rupture de banc ! – Oui, j'ai beau me palper : c'est moi ! – Dernière faute – En route pour les cieux – car ma niche est si haute ! – Je me suis demandé, prêt à prendre l'essor : Tête ou pile... – Et voilà – je me demande encor... » « C'est à toi que je fis mes adieux à la vie, À toi qui me pleuras, jusqu'à me faire envie De rester me pleurer avec toi. Maintenant C'est joué, je ne suis qu'un gâteux revenant, En os et... (j'allais dire en chair). – La chose est sûre C'est bien moi, je suis là – mais comme une rature. » « Nous étions amateurs de curiosité : Viens voir le Bibelot. – Moi j'en suis dégoûté. – Dans mes dégoûts surtout, j'ai des goûts élégants ; Tu sais : j'avais lâché la Vie avec des gants ; L'Autre n'est pas même à prendre avec des pincettes... Je cherche au mannequin de nouvelles toilettes. » « Reviens m'aider : Tes yeux dans ces yeux-là ! Ta lèvre Sur cette lèvre !... Et, là, ne sens-tu pas ma fièvre – Ma fièvre de Toi ?... – Sous l'orbe est-il passé L'arc-en-ciel au charbon par nos nuits laissé ? Et cette étoile ?... – Oh ! va, ne cherche plus l'étoile Que tu voulais voir à mon front ; Une araignée a fait sa toile, Au même endroit – dans le plafond. » « Je suis un étranger. – Cela vaut mieux peut-être... – Eh bien ! non, viens encor un peu me reconnaître ; Comme au bon saint Thomas, je veux te voir la foi, Je veux te voir toucher la plaie et dire : – Toi ! – « Viens encor me finir – c'est très gai : De ta chambre, Tu verras mes moissons – Nous sommes en décembre – Mes grands bois de sapin, les fleurs d'or des genêts, Mes bruyères d'Armor... – en tas sur les chenets. Viens te gorger d'air pur – Ici j'ai de la brise Si franche !... que le bout de ma toiture en frise. Le soleil est si doux... – qu'il gèle tout le temps. Le printemps... – Le printemps n'est-ce pas tes vingt ans. On n'attend plus que toi, vois : déjà l'hirondelle Se pose... en fer rouillé, clouée à ma tourelle. – Et bientôt nous pourrons cueillir le champignon... Dans mon escalier que dore... un lumignon. Dans le mur qui verdoie existe une pervenche Sèche. – ... Et puis nous irons à l'eau faire la planche – Planches d'épave au sec – comme moi – sur ces plages. La Mer roucoule sa Berceuse pour naufrages ; Barcarolle du soir... pour les canards sauvages. » « En Paul et Virginie, et virginaux – veux-tu – Nous nous mettrons au vert du paradis perdu... Ou Robinson avec Vendredi – c'est facile – La pluie a déjà fait, de mon royaume, une île. » « Si pourtant, près de moi, tu crains la solitude, Nous avons des amis, sans fard – Un braconnier ; Sans compter un caban bleu qui, par habitude, Fait toujours les cent-pas et contient un douanier... Plus de clercs d'huissier ! J'ai le clair de la lune, Et des amis pierrots amoureux sans fortune. » – « Et nos nuits !... Belles nuits pour l'orgie à la tour !... Nuits à la Roméo ! – Jamais il ne fait jour. – La Nature au réveil – réveil de déchaînée – Secouant son drap blanc... éteint ma cheminée. Voici mes rossignols... rossignols d'ouragans – Gais comme des poinçons – sanglots de chats-huants ! Ma girouette dérouille en haut sa tyrolienne Et l'on entend gémir ma porte éolienne, Comme chez saint Antoine en sa tentation... Oh viens ! joli Suppôt de la séduction ! » – « Hop ! les rats du grenier dansent des farandoles ! Les ardoises du toit roulent en castagnoles ! Les Folles-du-logis... Non, je n'ai plus de Folles ! » ... « Comme je revendrais ma dépouille à Satan S'il me tentait avec un petit Revenant... – Toi – Je te vois partout, mais comme un voyant blême, Je t'adore... Et c'est pauvre : adorer ce qu'on aime ! Apparais, un poignard dans le cœur ! – Ce sera, Tu sais bien, comme dans Iñès de La Sierra... – On frappe... oh ! c'est quelqu'un... Hélas ! oui, c'est un rat. » – « Je rêvasse... et toujours c'est Toi. Sur toute chose, Comme un esprit follet, ton souvenir se pose : Ma solitude – Toi ! – Mes hiboux à l'œil d'or : – Toi ! – Ma girouette folle : Oh Toi !... – Que sais-je encor... – Toi : mes volets ouvrant les bras dans la tempête... Une lointaine voix : c'est Ta chanson ! – c'est fête !... Les rafales fouaillant Ton nom perdu – c'est bête – C'est bête, mais c'est Toi ! Mon cœur au grand ouvert Comme mes volets en pantenne, Bat, tout affolé sous l'haleine Des plus bizarres courants d'air. » « Tiens... une ombre portée, un instant, est venue Dessiner ton profil sur la muraille nue, Et j'ai tourné la tête... – Espoir ou souvenir – Ma sœur Anne, à la tour, voyez-vous pas venir ?... » – Rien ! – je vois... je vois, dans ma froide chambrette, Mon lit capitonné de satin de brouette ; Et mon chien qui dort dessus – Pauvre animal – ... Et je ris... parce que ça me fait un peu mal. » « J'ai pris, pour t'appeler, ma vielle et ma lyre. Mon cœur fait de l'esprit – le sot – pour se leurrer... Viens pleurer, si mes vers ont pu te faire rire ; Viens rire, s'ils t'ont fait pleurer.... » « Ce sera drôle... Viens jouer à la misère, D'après nature : – Un cœur avec une chaumière. – ... Il pleut dans mon foyer, il pleut dans mon cœur feu. Viens ! Ma chandelle est morte et je n'ai plus de feu... » * Sa lampe se mourait. Il ouvrit la fenêtre. Le soleil se levait. Il regarda sa lettre, Rit et la déchira... Les petits morceaux blancs, Dans la brume, semblaient un vol de goëlands. Penmarc'h – jour de Noël.

    en cours de vérification

    Tristan Corbière

    Tristan Corbière

    @tristanCorbiere

    Le poète et la cigale À Marcelle. Un poète ayant rimé, imprimé Vit sa Muse dépourvue De marraine, et presque nue : Pas le plus petit morceau De vers... ou de vermisseau. Il alla crier famine Chez une blonde voisine, La priant de lui prêter Son petit nom pour rimer. (C'était une rime en elle) – Oh ! je vous paîrai, Marcelle, Avant l'août, foi d'animal ! Intérêt et principal. – La voisine est très prêteuse, C'est son plus joli défaut : – Quoi : c'est tout ce qu'il vous faut ? Votre Muse est bien heureuse... Nuit et jour, à tout venant, Rimez mon nom.... Qu'il vous plaise ! Et moi j'en serai fort aise. Voyons : chantez maintenant.

    en cours de vérification

    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Ce que le poète se disait en 1848 Tu ne dois pas chercher le pouvoir, tu dois faire Ton œuvre ailleurs ; tu dois, esprit d'une autre sphère, Devant l'occasion reculer chastement. De la pensée en deuil doux et sévère amant, Compris ou dédaigné des hommes, tu dois être Pâtre pour les garder et pour les bénir prêtre. Lorsque les citoyens, par la misère aigris, Fils de la même France et du même Paris, S'égorgent ; quand, sinistre, et soudain apparue, La morne barricade au coin de chaque rue Monte et vomit la mort de partout à la fois, Tu dois y courir seul et désarmé ; tu dois Dans cette guerre impie, abominable, infâme, Présenter ta poitrine et répandre ton âme, Parler, prier, sauver les faibles et les forts, Sourire à la mitraille et pleurer sur les morts ; Puis remonter tranquille à ta place isolée, Et là, défendre, au sein de l'ardente assemblée, Et ceux qu'on veut proscrire et ceux qu'on croit juger, Renverser l'échafaud, servir et protéger L'ordre et la paix, qu'ébranle un parti téméraire, Nos soldats trop aisés à tromper, et ton frère, Le pauvre homme du peuple aux cabanons jeté, Et les lois, et la triste et fière liberté ; Consoler dans ces jours d'anxiété funeste, L'art divin qui frissonne et pleure, et pour le reste Attendre le moment suprême et décisif. Ton rôle est d'avertir et de rester pensif. Le 27 novembre 1848.

    en cours de vérification

    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Fonction du poète (I) Pourquoi t'exiler, ô poète, Dans la foule où nous te voyons ? Que sont pour ton âme inquiète Les partis, chaos sans rayons ? Dans leur atmosphère souillée Meurt ta poésie effeuillée : Leur souffle égare ton encens ; Ton cœur, dans leurs luttes serviles, Est comme ces gazons des villes Rongés par les pieds des passants. Dans les brumeuses capitales N'entends-tu pas avec effroi, Comme deux puissances fatales, Se heurter le peuple et le roi ? De ces haines que tout réveille À quoi bon remplir ton oreille, Ô poète, ô maître, ô semeur ? Tout entier au Dieu que tu nommes, Ne te mêle pas à ces hommes Qui vivent dans une rumeur ! Va résonner, âme épurée, Dans le pacifique concert ! Va t'épanouis, fleur sacrée, Sous les larges cieux du désert ! Ô rêveur, cherche les retraites, Les abris, les grottes discrètes, Et l'oubli pour trouver l'amour, Et le silence afin d'entendre La voix d'en haut, sévère et tendre, Et l'ombre afin de voir le jour ! Va dans les bois ! va sur les plages ! Compose tes chants inspirés Avec la chanson des feuillages Et l'hymne des flots azurés ! Dieu t'attend dans les solitudes ; Dieu n'est pas dans les multitudes ; L'homme est petit, ingrat et vain. Dans les champs tout vibre et soupire. La nature est la grande lyre, Le poète est l'archet divin ! Sors de nos tempêtes, ô sage ! Que pour toi l'empire en travail, Qui fait son périlleux passage Sans boussole et sans gouvernail, Soit comme un vaisseau qu'en décembre Le pêcheur, du fond de sa chambre Où pendent ses filets séchés, Entend la nuit passer dans l'ombre Avec un bruit sinistre et sombre De mâts frissonnants et penchés !

    en cours de vérification

    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Fonction du poète (II) Peuples ! écoutez le poète ! Écoutez le rêveur sacré ! Dans votre nuit, sans lui complète, Lui seul a le front éclairé. Des temps futurs perçant les ombres, Lui seul distingue en leurs flancs sombres Le germe qui n'est pas éclos. Homme, il est doux comme une femme. Dieu parle à voix basse à son âme Comme aux forêts et comme aux flots. C'est lui qui, malgré les épines, L'envie et la dérision, Marche, courbé dans vos ruines, Ramassant la tradition. De la tradition féconde Sort tout ce qui couvre le monde, Tout ce que le ciel peut bénir. Toute idée, humaine ou divine, Qui prend le passé pour racine A pour feuillage l'avenir. Il rayonne ! il jette sa flamme Sur l'éternelle vérité ! Il la fait resplendir pour l'âme D'une merveilleuse clarté. Il inonde de sa lumière Ville et désert, Louvre et chaumière, Et les plaines et les hauteurs ; À tous d'en haut il la dévoile ; Car la poésie est l'étoile Qui mène à Dieu rois et pasteurs !

    en cours de vérification

    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Il faut que le poète Il faut que le poète, épris d'ombre et d'azur, Esprit doux et splendide, au rayonnement pur, Qui marche devant tous, éclairant ceux qui doutent, Chanteur mystérieux qu'en tressaillant écoutent Les femmes, les songeurs, les sages, les amants, Devienne formidable à de certains moments. Parfois, lorsqu'on se met à rêver sur son livre, Où tout berce, éblouit, calme, caresse, enivre, Où l'âme à chaque pas trouve à faire son miel, Où les coins les plus noirs ont des lueurs du ciel, Au milieu de cette humble et haute poésie, Dans cette paix sacrée où croit la fleur choisie, Où l'on entend couler les sources et les pleurs, Où les strophes, oiseaux peints de mille couleurs, Volent chantant l'amour, l'espérance et la joie, Il faut que par instants on frissonne, et qu'on voie Tout à coup, sombre, grave et terrible au passant, Un vers fauve sortir de l'ombre en rugissant ! Il faut que le poète aux semences fécondes Soit comme ces forêts vertes, fraîches, profondes, Pleines de chants, amour du vent et du rayon, Charmantes, où soudain l'on rencontre un lion. Paris, mai 1842.

    en cours de vérification

    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Le poète au calife Ô sultan Noureddin, calife aimé de Dieu ! Tu gouvernes, seigneur, l'empire du milieu, De la mer rouge au fleuve jaune. Les rois des nations, vers ta face tournés, Pavent, silencieux, de leurs fronts prosternés Le chemin qui mène à ton trône. Ton sérail est très grand, tes jardins sont très beaux. Tes femmes ont des yeux vifs comme des flambeaux, Qui pour toi seul percent leurs voiles. Lorsque, astre impérial, aux peuples pleins d'effroi Tu luis, tes trois cents fils brillent autour de toi Comme ton cortège d'étoiles Ton front porte une aigrette et ceint le turban vert. Tu peux voir folâtrer dans leur bain, entr'ouvert Sous la fenêtre où tu te penches, Les femmes de Madras plus douces qu'un parfum, Et les filles d'Alep qui sur leur beau sein brun Ont des colliers de perles blanches. Ton sabre large et nu semble en ta main grandir. Toujours dans la bataille on le voit resplendir, Sans trouver turban qui le rompe, Au point où la mêlée a de plus noirs détours, Où les grands éléphants, entre-choquant leurs tours, Prennent des chevaux dans leur trompe. Une fée est cachée en tout ce que tu vois. Quand tu parles, calife, on dirait que ta voix Descend d'un autre monde au nôtre ; Dieu lui-même t'admire, et de félicités Emplit la coupe d'or que tes jours enchantés, Joyeux, se passent l'un à l'autre. Mais souvent dans ton cœur, radieux Noureddin, Une triste pensée apparaît, et soudain Glace ta grandeur taciturne ; Telle en plein jour parfois, sous un soleil de feu, La lune, astre des morts, blanche au fond d'un ciel bleu, Montre à demi son front nocturne. Le 14 octobre 1828.

    en cours de vérification