Jean-Pierre Claris de Florian
@jeanPierreClarisDeFlorian
Les enfants et les perdreaux Deux enfants d'un fermier, gentils, espiègles, beaux, Mais un peu gâtés par leur père, Cherchant des nids dans leur enclos, Trouvèrent de petits perdreaux Qui voletaient après leur mère. Vous jugez de la joie, et comment mes bambins À la troupe qui s'éparpille Vont partout couper les chemins, Et n'ont pas assez de leurs mains Pour prendre la pauvre famille ! La perdrix, traînant l'aile, appelant ses petits, Tourne en vain, voltige, s'approche ; Déjà mes jeunes étourdis Ont toute sa couvée en poche. Ils veulent partager comme de bons amis ; Chacun en garde six, il en reste un treizième : L'aîné le veut, l'autre le veut aussi. - Tirons au doigt mouillé. - Parbleu non. - Parbleu si. - Cède, ou bien tu verras. - Mais tu verras toi-même. De propos en propos, l'aîné, peu patient, Jette à la tête de son frère Le perdreau disputé. Le cadet en colère D'un des siens riposte à l'instant. L'aîné recommence d'autant ; Et ce jeu qui leur plaît couvre autour d'eux la terre De pauvres perdreaux palpitants. Le fermier, qui passait en revenant des champs, Voit ce spectacle sanguinaire, Accourt, et dit à ses enfants : Comment donc ! Petits rois, vos discordes cruelles Font que tant d'innocents expirent par vos coups ! De quel droit, s'il vous plaît, dans vos tristes querelles, Faut-il que l'on meure pour vous ?