Blotti comme un Oiseau Blotti comme un oiseau frileux au fond du nid,
Les yeux sur ton profil, je songe à l'infini...
Immobile sur les coussins brodés, j'évoque
L'enchantement ancien, la radieuse époque,
Et les rêves au ciel de tes yeux verts baignés !
Et je revis, parmi les objets imprégnés
De ton parfum intime et cher, l'ancienne année
Celle qui flotte encor dans ta robe fanée...
Je t'aime ingénument. Je t'aime pour te voir.
Ta voix me sonne au cœur comme un chant dans le soir.
Et penché sur ton cou, doux comme les calices,
J'épuise goutte à goutte, en amères délices,
Pendant que mon soleil décroît à l'horizon
Le charme douloureux de l'arrière-saison.
il y a 9 mois
M
Maurice Rollinat
@mauriceRollinat
Les infinis Vertigineux géant du désert qu'il écrase,
La tête dans l'azur et le pied dans la mer,
Le mont découpe, ardent, sous le dôme de l'air,
Son farouche horizon de chaos en extase.
Le vide où, par instants, des vents de feu circulent,
Tend son gouffre comblé par son rutilement ;
L'onde et la nue, ayant même bleuissement,
Face à face vibrants, s'éblouissent et brûlent.
Là, ce que la Nature a de plus éternel :
L'Espace, l'Océan, la Montagne, le Ciel,
Souffre pompeusement la lumière embrasée :
Puis, la Nuit vient, gazant sous ses voiles bénis
La Lune, spectre errant de ces quatre infinis
Qui boivent les soupirs de son âme glacée.
il y a 9 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
De loin Du bonheur qu'ils rêvaient toujours pur et nouveau
Les couples exaucés ne jouissent qu'une heure.
Moins ému, leur baiser ne sourit ni ne pleure ;
Le nid de leur tendresse en devient le tombeau.
Puisque l'œil assouvi se fatigue du beau,
Que la lèvre en jurant un long culte se leurre,
Que des printemps d'amour le lis, dès qu'on l'effleure,
Où vont les autres lis va lambeau par lambeau,
J'accepte le tourment de vivre éloigné d'elle.
Mon hommage muet, mais aussi plus fidèle,
D'aucune lassitude en mon cœur n'est puni ;
Posant sur sa beauté mon respect comme un voile,
Je l'aime sans désir, comme on aime une étoile,
Avec le sentiment qu'elle est à l'infini.
il y a 9 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Le monde des âmes À R. Albaret.
Newton, voyant tomber la pomme,
Conçut la matière et ses lois :
Oh ! surgira-t-il une fois
Un Newton pour l'âme de l'homme ?
Comme il est dans l'infini bleu
Un centre où les poids se suspendent,
Ainsi toutes les âmes tendent
À leur centre unique, à leur Dieu.
Et comme les sphères de flammes
Tournent en s'appelant toujours,
Ainsi d'harmonieux amours
Font graviter toutes les âmes.
Mais le baiser n'est pas permis
Aux sphères à jamais lancées ;
Les lèvres, les regards amis
Joignent les âmes fiancées !
Qui sondera cet univers
Et l'attrait puissant qui le mène ?
Viens, ô Newton de l'âme humaine,
Et tous les cieux seront ouverts !
il y a 9 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Éther Quand on est sur la terre étendu sans bouger,
Le ciel paraît plus haut, sa splendeur plus sereine ;
On aime à voir, au gré d'une insensible haleine,
Dans l'air sublime fuir un nuage léger ;
Il est tout ce qu'on veut : la neige d'un verger,
Un archange qui plane, une écharpe qui traîne,
Ou le lait bouillonnant d'une coupe trop pleine ;
On le voit différent sans l'avoir vu changer.
Puis un vague lambeau lentement s'en détache,
S'efface, puis un autre, et l'azur luit sans tache,
Plus vif, comme l'acier qu'un souffle avait terni.
Tel change incessamment mon être avec mon âge ;
Je ne suis qu'un soupir animant un nuage,
Et je vais disparaître, épars dans l'infini.