Ton souvenir est comme un livre Ton Souvenir est comme un livre bien aimé,
Qu'on lit sans cesse, et qui jamais n'est refermé,
Un livre où l'on vit mieux sa vie, et qui vous hante
D'un rêve nostalgique, où l'âme se tourmente.
Je voudrais, convoitant l'impossible en mes vœux,
Enfermer dans un vers l'odeur de tes cheveux ;
Ciseler avec l'art patient des orfèvres
Une phrase infléchie au contour de tes lèvres ;
Emprisonner ce trouble et ces ondes d'émoi
Qu'en tombant de ton âme, un mot propage en moi ;
Dire quelle mer chante en vagues d'élégie
Au golfe de tes seins où je me réfugie ;
Dire, oh surtout ! tes yeux doux et tièdes parfois
Comme une après-midi d'automne dans les bois ;
De l'heure la plus chère enchâsser la relique,
Et, sur le piano, tel soir mélancolique,
Ressusciter l'écho presque religieux
D'un ancien baiser attardé sur tes yeux.
il y a 9 mois
Jean de La Fontaine
@jeanDeLaFontaine
À Climène Me voici rembarqué sur la mer amoureuse,
Moi pour qui tant de fois elle fut malheureuse,
Qui ne suis pas encor du naufrage essuyé,
Quitte à peine d'un voeu nouvellement payé.
Que faire ? mon destin est tel qu'il faut que j'aime
On m'a pourvu d'un coeur peu content de lui-même,
Inquiet, et fécond en nouvelles amours :
Il aime à s'engager, mais non pas pour toujours.
Si faut-il une fois brûler d'un feu durable ;
Que le succès en soit funeste ou favorable,
Qu'on me donne sujet de craindre ou d'espérer,
Perte ou gain, je me veux encore aventurer.
Si l'on ne suit l'Amour, il n'est douceur aucune :
Ce n'est point près des rois que l'on fait sa fortune ;
Quelque ingrate beauté qui nous donne des lois,
Encore en tire-t-on un souris quelquefois ;
Et, pour me rendre heureux, un souris peut suffire.
Clymène, vous pouvez me donner un empire,
Sans que vous m'accordiez qu'un regard d'un instant :
Tiendra-t-il à vos yeux que je ne sois content ?
Hélas ! qu'il est aisé de se flatter soi-même !
Je me propose un bien dont le prix est extrême,
Et ne sais seulement s'il m'est permis d'aimer.
Pourquoi non, s'il vous est permis de me charmer ?
Je verrai les Plaisirs suivre en foule vos traces,
Votre bouche sera la demeure des Grâces,
Mille dons près de vous me viendront partager ;
Et mille feux chez moi ne viendront pas loger !
Et je ne mourrai pas ! Non, Clymène, vos charmes
Ne paraîtront jamais sans me donner d'alarmes ;
Rien ne peut empêcher que je n'aime aussitôt.
Je veux brûler, languir, et mourir s'il le faut :
Votre aveu là-dessus ne m'est pas nécessaire.
Si pourtant vous aimer, Clymène, était vous plaire,
Que je serais heureux ! quelle gloire, quel bien !
Hors l'honneur d'être à vous je ne demande rien.
Consentez seulement de vous voir adorée :
Il n'est condition des mortels révérée
Qui ne me soit alors un objet de mépris.
Jupiter, s'il quittait le céleste pourpris,
Ne m'obligerait pas à lui céder ma peine.
Je suis plus satisfait de ma nouvelle chaîne
Qu'il ne l'est de sa foudre. Il peut régner là-haut :
Vous servir ici-bas c'est tout ce qu'il me faut.
Pour me récompenser, avouez-moi pour vôtre ;
Et, si le Sort voulait me donner à quelque autre,
Dites : < Je le réclame ; il vit dessous ma loi
Je vous en avertis, cet esclave est à moi ;
Du pouvoir de mes traits son coeur porte la marque,
N'y touchez point. " Alors je me croirai monarque.
J'en sais de bien traités, d'autres il en est peu :
Je serai plus roi qu'eux après un tel aveu.
Daignez donc approuver les transports de mon zèle ;
Il vous sera permis après d'être cruelle.
De ma part, le respect et les soumissions,
Les soins, toujours enfants des fortes passions,
Les craintes, les soucis, les fréquentes alarmes,
L'ordinaire tribut des soupirs et des larmes,
Et, si vous le voulez, mes langueurs, mon trépas,
Clymène, tous ces biens ne vous manqueront pas.
il y a 9 mois
M
Maurice Rollinat
@mauriceRollinat
Le goût des larmes L'Énigme désormais n'a plus rien à me taire,
J'étreins le vent qui passe et le reflet qui fuit,
Et j'entends chuchoter aux lèvres de la Nuit
La révélation du gouffre et du mystère.
Je promène partout où le sort me conduit
Le savoureux tourment de mon art volontaire ;
Mon âme d'autrefois qui rampait sur la terre
Convoite l'outre-tombe et s'envole aujourd'hui.
Mais en vain je suis mort à la tourbe des êtres :
Mon oreille et mes yeux sont encor des fenêtres
Ouvertes sur leur plainte et leur convulsion ;
Et dans l'affreux ravin des deuils et des alarmes,
Mon esprit résigné, plein de compassion,
Flotte au gré du malheur sur des ruisseaux de larmes.
il y a 9 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
De loin Du bonheur qu'ils rêvaient toujours pur et nouveau
Les couples exaucés ne jouissent qu'une heure.
Moins ému, leur baiser ne sourit ni ne pleure ;
Le nid de leur tendresse en devient le tombeau.
Puisque l'œil assouvi se fatigue du beau,
Que la lèvre en jurant un long culte se leurre,
Que des printemps d'amour le lis, dès qu'on l'effleure,
Où vont les autres lis va lambeau par lambeau,
J'accepte le tourment de vivre éloigné d'elle.
Mon hommage muet, mais aussi plus fidèle,
D'aucune lassitude en mon cœur n'est puni ;
Posant sur sa beauté mon respect comme un voile,
Je l'aime sans désir, comme on aime une étoile,
Avec le sentiment qu'elle est à l'infini.