Allen Ginsberg
@allenGinsberg
Europe ! Europe ! Monde monde monde assis dans ma chambre j’imagine le futur le soleil tombe sur Paris je suis seul personne ne possède l’amour parfait l’homme était fou l’amour de l’homme est imparfait je n’ai pas assez pleuré mon coeur sera lourd jusqu’à la mort les cités sont des spectres des manivelles de guerre les cités sont travail & briques & fer & fumée de la fournaise égoïste qui dessèche les yeux rouges de Londres mais aucun oeil ne rencontre le soleil Le soleil explose frappe l’immeuble de la presse blanc solide moderne de Lord Beaverbrook penché dans une rue de Londres pour porter les derniers rayons jaunes des vieilles dames regardant distraitement vers le ciel à travers le brouillard pauvres pots sur les appuis des fenêtres fleurs serpentant vers la rue les fontaines de Trafalgar Square jaillissent sur les pigeons midi-chauffés Moi-même en extase rayonnant de solitude sur le Dôme de St-Paul voyant la lumière sur Londres ou ici sur un lit à Paris lueurs du soleil à travers la haute fenêtre sur les murs de plâtre Humble foule féconde ensevelie les saints périssent caves femmes des rues rencontrant le manque d’amour sous les lampadaires et les rampes de néon aucune femme en carte n’aime le mari-unité-fleurie pas un garçon n’aime le môme mou feu dans les poitrines politiques effrois électriques dans la basse ville les cris de la radio les feux de police sur les écrans de TV se moquent des merveilles-veilleuses dans les pièces vides des tanks s’écrasent dans la déflagration le rêve joie d’homme n’est pas rêvé l’usine de la pensée-film pousse la came autorêves en fer-blanc d’Eros l’esprit dévore sa chair pendant une famine conne et le baisage d’aucun homme n’est sacro-saint car le travail de l’homme c’est la guerre Porcelaine d’os de Chine qui a faim lavage de cerveau dans l’écluse de la surpuissance l’Amérique cache la viande folle dans un réfrigérateur l’Angleterre cuit Jérusalem depuis trop longtemps la France bouffe de l’huile et de la salade morte bras & jambes de l’Afrique camelot dévorant l’Arabie nègres et blancs préparent la guerre contre les noces d’or Russes la manufacture en nourrit des millions mais aucun ivrogne ne peut rêver du suicide de Maïakovski arc-en-ciel sur les machines-outils et nargues-basanes au soleil Je suis au lit en Europe seul dans du vieux linge de corps rouge symbolisant le désir de s’unir à l’immortalité mais l’amour de l’homme est imparfait ici il pleut en février comme pour Baudelaire une fois il y a cent ans les avions hurlent dans le ciel les voitures foncent dans les rues je sais où ils vont ils vont à la mort mais ça c’est OK c’est que la mort vient avant la vie qu’aucun homme n’est aimé parfaitement personne n’obtiendra la félicité l’humanité nouvelle n’est pas née Que je pleure sur cette antiquité et je sonne le Millenium j’ai vu le Soleil Atlantique rayonnant d’un gros nuage à Douvres sur les falaises un pétrolier de la taille d’une fourmi se souleva sur l’océan sous le nuage brillant les mouettes volaient dans les échelles infinies du soleil plongeaient dans l’éternité aux fourmis dans les champs-myriades de l’Angleterre aux tournesols penchés pour manger la minute de l’Infini dauphins dorés sautant dans l’arc-en-ciel méditerranéen Fumées blanches vapeurs des Andes rivières d’Asie scintillantes poètes aveugles dans les profondeurs de la solitude rayonnement d’Apollon sur les collines parsemées de tombes vides.