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Passé

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Passé

Poésies de la collection passé

    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Le passé Arrêtons-nous sur la colline A l'heure où, partageant les jours, L'astre du matin qui décline Semble précipiter son cours ! En avançant dans sa carrière, Plus faible il rejette en arrière L'ombre terrestre qui le suit, Et de l'horizon qu'il colore Une moitié le voit encore, C'est l'heure où, sous l'ombre inclinée, Le laboureur dans le vallon Suspend un moment sa journée, Et s'assied au bord du sillon ! C'est l'heure où, près de la fontaine, Le voyageur reprend haleine Après sa course du matin Et c'est l'heure où l'âme qui pense Qui l'abandonne en son chemin ! Ainsi notre étoile pâlie, Jetant de mourantes lueurs Sur le midi de notre vie, De notre rapide existence L'ombre de la mort qui s'avance Obscurcit déjà la moitié ! Et, près de ce terme funeste, Comme à l'aurore, il ne nous reste Que l'espérance et l'amitié ! Ami qu'un même jour vit naître, Compagnon depuis le berceau, Et qu'un même jour doit peut-être Endormir au même tombeau ! Voici la borne qui partage Qu'un même sort nous a tracé ! De ce sommet qui nous rassemble, Viens, jetons un regard ensemble Sur l'avenir et le passé ! Repassons nos jours, si tu l'oses ! Jamais l'espoir des matelots Le navire qu'on lance aux flots ? Jamais d'une teinte plus belle L'aube en riant colora-t-elle Le front rayonnant du matin ? Jamais, d'un oeil perçant d'audace, L'aigle embrassa-t-il plus d'espace Que nous en ouvrait le destin ? En vain sur la route fatale, Dont les cyprès tracent le bord, Quelques tombeaux par intervalle Nous avertissaient de la mort ! Ces monuments mélancoliques Nous semblaient, comme aux jours antiques, Un vain ornement du chemin ! Nous nous asseyions sous leur ombre, Et nous rêvions des jours sans nombre, Hélas ! entre hier et demain ! Combien de fois, près du rivage Où Nisida dort sur les mers, La beauté crédule ou volage Accourut à nos doux concerts ! Combien de fois la barque errante Berça sur l'onde transparente Deux couples par l'Amour conduits ! Tandis qu'une déesse amie Jetait sur la vague endormie Le voile parfumé des nuits ! Combien de fois, dans le délire Qui succédait à nos festins, Aux sons antiques de la lyre, J'évoquai des songes divins ! Aux parfums des roses mourantes, Aux vapeurs des coupes fumantes, Ils volaient à nous tour à tour ! Et sur leurs ailes nuancées, Dans les dédales de l'Amour ! Mais dans leur insensible pente, Les jours qui succédaient aux jours Entraînaient comme une eau courante Et nos songes et nos amours ; Pareil à la fleur fugitive Qui du front joyeux d'un convive Tombe avant l'heure du festin, Ce bonheur que l'ivresse cueille, De nos fronts tombant feuille à feuille, Et maintenant, sur cet espace Que nos pas ont déjà quitté, Retourne-toi ! cherchons la trace De l'amour, de la volupté ! En foulant leurs rives fanées, Remontons le cours des années, Tandis qu'un souvenir glacé, Comme l'astre adouci des ombres, Eclaire encor de teintes sombres La scène vide du passé ! Ici, sur la scène du monde, Se leva ton premier soleil ! Regarde ! quelle nuit profonde A remplacé ce jour vermeil ! Tout sous les cieux semblait sourire, La feuille, l'onde, le zéphire Murmuraient des accords charmants ! Ecoute ! la feuille est flétrie ! Et les vents sur l'onde tarie Rendent de sourds gémissements ! Cette mer aux flots argentés, Qui ne fait que bercer l'image Des bords dans son sein répétés ? Un nom chéri vole sur l'onde !... Mais pas une voix qui réponde, Que le flot grondant sur l'écueil ! Malheureux ! quel nom tu prononces ! Ne vois-tu pas parmi ces ronces Ce nom gravé sur un cercueil ?... Plus loin sur la rive où s'épanche Vois-tu ce palais qui se penche Et jette une ombre au sein des eaux ? Là, sous une forme étrangère, Un ange exilé de sa sphère D'un céleste amour t'enflamma ! Pourquoi trembler ? quel bruit t'étonne ? Ce n'est qu'une ombre qui frissonne Aux pas du mortel qu'elle aima ! Hélas ! partout où tu repasses, C'est le deuil, le vide ou la mort, Et rien n'a germé sur nos traces Que la douleur ou le remord ! Voilà ce coeur où ta tendresse Sema des fruits que ta vieillesse, Hélas ! ne recueillera pas : Là, l'oubli perdit ta mémoire ! Là, l'envie étouffa ta gloire ! Là, ta vertu fit des ingrats ! Là, l'illusion éclipsée S'enfuit sous un nuage obscur ! Ici, l'espérance lassée Replia ses ailes d'azur ! Là, sous la douleur qui le glace, Ton sourire perdit sa grâce, Ta voix oublia ses concerts ! Tes sens épuisés se plaignirent, Et tes blonds cheveux se teignirent Au souffle argenté des hivers ! Ainsi des rives étrangères, Quand l'homme, à l'insu des tyrans, Vers la demeure de ses pères Porte en secret ses pas errants, L'ivraie a couvert ses collines, Son toit sacré pend en ruines, Dans ses jardins l'onde a tari ; Et sur le seuil qui fut sa joie, Dans l'ombre un chien féroce aboie Contre les mains qui l'ont nourri ! Mais ces sens qui s'appesantissent Et du temps subissent la loi, Ces yeux, ce coeur qui se ternissent, Cette ombre enfin, ce n'est pas toi ! Sans regret, au flot des années, Livre ces dépouilles fanées Qu'enlève le souffle des jours, La feuille aride et vagabonde Que l'onde entraîne dans son cours ! Ce n'est plus le temps de sourire A ces roses de peu de jours ! De mêler aux sons de la lyre Les tendres soupirs des amours ! De semer sur des fonds stériles Ces voeux, ces projets inutiles, Par les vents du ciel emportés, A qui le temps qui nous dévore Ne donne pas l'heure d'éclore Pendant nos rapides étés ! Levons les yeux vers la colline Où luit l'étoile du matin ! Saluons la splendeur divine Qui se lève dans le lointain ! Cette clarté pure et féconde Aux yeux de l'âme éclaire un monde Où la foi monte sans effort ! D'un saint espoir ton coeur palpite ; Ami ! pour y voler plus vite, Prenons les ailes de la mort ! En vain, dans ce désert aride, Sous nos pas tout s'est effacé ! Viens ! où l'éternité réside, On retrouve jusqu'au passé ! Là, sont nos rêves pleins de charmes, Et nos adieux trempés de larmes, Nos voeux et nos espoirs perdus ! Là, refleuriront nos jeunesses ; Et les objets de nos tristesses A nos regrets seront rendus ! Ainsi, quand les vents de l'automne Ont balayé l'ombre des bois, L'hirondelle agile abandonne Le faîte du palais des rois ! Suivant le soleil dans sa course, Elle remonte vers la source D'où l'astre nous répand les jours ; Et sur ses pas retrouve encore Un autre ciel, une autre aurore, Un autre nid pour ses amours ! Ce roi, dont la sainte tristesse Immortalisa les douleurs, Vit ainsi sa verte jeunesse Se renouveler sous ses pleurs ! Sa harpe, à l'ombre de la tombe, Soupirait comme la colombe Sous les verts cyprès du Carmel ! Et son coeur, qu'une lampe éclaire, Résonnait comme un sanctuaire Où retentit l'hymne éternel !

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Les femmes sont fleurs Il y a des moments où les femmes sont fleurs ; On n'a pas de respect pour ces fraîches corolles... Je suis un papillon qui fuit des choses folles, Et c'est dans un baiser suprême que je meurs. Mais il y a parfois de mauvaises rumeurs ; Je t'ai baisé le bec, oiseau bleu qui t'envoles, J'ai bouché mon oreille aux funèbres paroles ; Mais, Muse, j'ai fléchi sous tes regards charmeurs. Je paie avec mon sang véritable, je paie Et ne recevrai pas, je le sais, de monnaie, Et l'on me laissera mourir au pied du mur. Ayant traversé tout, inondation, flamme, Je ne me plaindrai pas, délicieuse femme, Ni du passé, ni du présent, ni du futur !

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    C

    Charles d'Orléans

    @charlesDorleans

    Je fu en fleur ou temps passé d'enfance Je fu en fleur ou temps passé d'enfance Et puis après devins fruit en jeunesse ; Lors m'abaty de l'arbre de plaisance, Vert et non meur (1), Folie ma maistresse. Et pour cela Raison, qui tout redresse A son plaisir, sans tort ou mesprison (2), M'a a bon droit, par sa tresgrant sagesse. Mis pour meurir ou feurre de prison (3). En ce j'ay fait longue continuance, Sans estre mis a l'essor de largesse ; J'en suy contant et tiens que, sans doubtance, C'est pour le mieulx, combien que par peresse Deviens fletry et tire vers vieillesse. Assez estaint est en moy le tison De sot desir, puis qu'ay esté en presse (4) Mis pour meurir ou feurre de prison. Dieu nous doint paix, car c'est ma desirance ! Adonc seray en l'eaue de liesse Tost refreschi et, au souleil de France, Bien nettié du moisy de tristesse. J'attens bon temps, endurant en humblesse, Car j'ay espoir que Dieu ma guerison Ordonnera ; pource m'a sa haultesse Mis pour meurir ou feurre de prison. ENVOI Fruit suis d'yver qui a meins de tendresse Que fruit d'esté ; si suis en garnison Pour amolir ma trop verde duresse, Mis pour meurir ou feurre de prison. 1. Meur : Mûr. 2. Mesprison : Injustice. 3. Feurre de prison : Pour mûrir sur la paille de la prison. 4. En presse : Enfermé.

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Si pour avoir passé sans crime sa jeunesse Si pour avoir passé sans crime sa jeunesse, Si pour n'avoir d'usure enrichi sa maison, Si pour n'avoir commis homicide ou trahison, Si pour n'avoir usé de mauvaise finesse, Si pour n'avoir jamais violé sa promesse, On se doit réjouir en l'arrière-saison, Je dois à l'avenir, si j'ai quelque raison, D'un grand contentement consoler ma vieillesse. Je me console donc en mon adversité, Ne requérant aux dieux plus grand félicité Que de pouvoir durer en cette patience. O dieux, si vous avez quelque souci de nous, Octroyez-moi ce don, que j'espère de vous, Et pour votre pitié et pour mon innocence.

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    L

    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    Le fantôme D’un souffle printanier l’air tout à coup s’embaume. Dans notre obscur lointain un spectre s’est dressé, Et nous reconnaissons notre propre fantôme Dans cette ombre qui sort des brumes du passé. Nous le suivons de loin, entraînés par un charme A travers les débris, à travers les détours, Retrouvant un sourire et souvent une larme Sur ce chemin semé de rêves et d’amours. Par quels champs oubliés et déjà voilés d’ombre Cette poursuite vaine un moment nous conduit Vers plus d’un mont désert, dans plus d’un vallon sombre, Le fantôme léger nous égare après lui. Les souvenirs dormants de la jeunesse éteinte S’éveillent sous ses pas d’un sommeil calme et doux ; Ils murmurent ensemble ou leur chant ou leur plainte. Dont les échos mourants arrivent jusqu’à nous. Et ces accents connus nous émeuvent encore. Mais à nos yeux bientôt la vision décroît ; Comme l’ombre d’Hamlet qui fuit et s’évapore, Le spectre disparaît en criant : Souviens-toi !

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Je ne suis pas jaloux Je ne suis pas jaloux de ton passé, chérie, Et même je t'en aime et t'en admire mieux. Il montre ton grand cœur et la gloire inflétrie D'un amour tendre et fort autant qu'impétueux. Car tu n'eus peur ni de la mort ni de la vie, Et, jusqu'à cet automne fier répercuté Vers les jours orageux de ta prime beauté, Ton beau sanglot, honneur sublime, t'a suivie. Ton beau sanglot que ton beau rire condolait Comme un frère plus mâle, et ces deux bons génies T'ont sacrée à mes yeux de vertus infinies Dont mon amour à moi, tout fier, se prévalait Et se targue pour t'adorer au sens mystique : Consolations, vœux, respects, en même temps Qu'humbles caresses et qu'hommages ex-votants De ma chair à ce corps vaillant, temple héroïque Où tant de passions comme en un Panthéon, Rancœurs, pardons, fureurs et la sainte luxure Tinrent leur culte, respectant la forme pure Et le galbe puissant profanés par Phaon. Pense à Phaon pour l'oublier dans mon étreinte Plus douce et plus fidèle, amant d'après-midi, D'extrême après-midi, mais non pas attiédi Que me voici, tout plein d'extases et de crainte. Va, je t'aime... mieux que l'autre : il faut l'oublier, Toi, souris-moi du moins entre deux confidences, Amazone blessée ès belles imprudences Qui se réveille au sein d'un vieux brave écuyer.

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    Paul-Jean Toulet

    Paul-Jean Toulet

    @paulJeanToulet

    Aimez-vous le passé Aimez-vous le passé Et rêver d’histoires Évocatoires Aux contours effacés ? Les vieilles chambres Veuves de pas Qui sentent tout bas L’iris et l’ambre ; La pâleur des portraits, Les reliques usées Que des morts ont baisées, Chère, je voudrais Qu’elles vous soient chères, Et vous parlent un peu D’un coeur poussiéreux Et plein de mystère.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Ce qui dure Le présent se fait vide et triste, Ô mon amie, autour de nous ; Combien peu de passé subsiste ! Et ceux qui restent changent tous. Nous ne voyons plus sans envie Les yeux de vingt ans resplendir, Et combien sont déjà sans vie Des yeux qui nous ont vus grandir ! Que de jeunesse emporte l'heure, Qui n'en rapporte jamais rien ! Pourtant quelque chose demeure : Je t'aime avec mon cœur ancien, Mon vrai cœur, celui qui s'attache Et souffre depuis qu'il est né, Mon cœur d'enfant, le cœur sans tache Que ma mère m'avait donné ; Ce cœur où plus rien ne pénètre, D'où plus rien désormais ne sort ; Je t'aime avec ce que mon être A de plus fort contre la mort ; Et, s'il peut braver la mort même, Si le meilleur de l'homme est tel Que rien n'en périsse, je t'aime Avec ce que j'ai d'immortel.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Pèlerinages En souvenir je m'aventure Vers les jours passés où j'aimais, Pour visiter la sépulture Des rêves que mon cœur a faits. Cependant qu'on vieillit sans cesse, Les amours ont toujours vingt ans, Jeunes de la fixe jeunesse Des enfants qu'on pleure longtemps. Je soulève un peu les paupières De ces chers et douloureux morts ; Leurs yeux sont froids comme des pierres Avec des regards toujours forts. Leur grâce m'attire et m'oppresse ; En dépit des ans révolus Je leur ai gardé ma tendresse ; Ils ne me reconnaîtraient plus : J'ai changé d'âme et de visage ; Ils redoutent l'adieu moqueur Que font les hommes de mon âge Aux premiers rêves de leur cœur, Et moi, plein de pitié, j'hésite, J'ai peur qu'en se posant sur eux Mon baiser ne les ressuscite : Ils ont été trop malheureux.

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    S

    Sophie d'Arbouville

    @sophieDarbouville

    Le passé Oh ! comment retenir cet ange qui s'enfuit ? Comme il est sombre et pâle ! il ressemble à la nuit. Comme il s'envole vite !... et de ma main tremblante S'échappe malgré moi son aile impatiente. « Reste encore ! il me semble, ange au triste regard, Qu'avec toi, de mes jours fuit la meilleure part ! Quel est ton nom ? réponds. — Tu dis vrai, je suis triste ; Et pourtant, à mes lois jamais rien ne résiste ; Je dépouille en passant les arbres de leur fleur, L'âme, de son espoir, le cœur, de son bonheur ; Je prends tous les trésors, jamais rien ne m'arrête ; Je ne vois pas les pleurs... je détourne la tête. Sur mon nom, interroge un cœur que j'ai blessé : « Hélas ! s'écrira-t-il, c'est l'ange du passé ! » — Le Passé !! devant toi mon âme est sans prière, Et je lâche ta main froide comme la pierre. Contre toi, tout effort demeure superflu... De mes biens les plus chers, ange, qu'emportes-tu ? J'emporte loin de toi l'heureuse insouciance Dont le calme est si doux qu'on dirait l'espérance ; J'emporte la gaîté, ce bonheur sans motif Qui répand à l'entour son parfum fugitif ; J'emporte ces doux chants, rêves de poésie, Enivrant en secret l'âme qu'ils ont choisie ; J'emporte ta jeunesse et ton joyeux espoir Se brisant le matin pour renaître le soir ; J'emporte ces pensers, qui, dans la solitude, Donnent un but qu'on aime aux efforts de l'étude ; J'emporte les bonheurs qui jadis te charmaient, Car j'emporte avec moi tous les cœurs qui t'aimaient. — Qu'ai-je fait pour les perdre ? — Hélas ! rien... mais j'appelle ; Nul à mes volontés ne peut être rebelle. Et ne savais-tu pas qu'incertain en son cours, Tout bonheur doit passer... peut-être en quelques jours ! Que tel est le pouvoir qui gouverne la terre : Une joie, un regret ; l'ombre après la lumière. Quand j'ai dit : C'est assez ! en vain on crie : « Encor ! » Je veux ceux qui l'aimaient... j'emporte mon trésor ! — Oh ! rends-moi quelque instant, ou d'espoir, ou de doute ! Et puis, me dépouillant, tu poursuivras ta route. — Je ne puis. — Mais alors, pour mes jours à venir, Que me laisses-tu donc, mon Dieu ! — Le souvenir.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Littérature Donc, vieux passé plaintif, toujours tu reviendras Nous criant : — Pourquoi donc est-on si loin ? Ingrats ! Qu'êtes-vous devenus ? Dites, avec l'abîme Quel pacte avez-vous fait ? Quel attentat ? Quel crime ? — Nous questionnant, sombre et de rage écumant, Furieux. Nous avons marché, tout bonnement. Qui marche t'assassine, ô bon vieux passé blême. Mais que veux-tu ? Je suis de mon siècle, et je l'aime ! Je te l'ai déjà dit. Non, ce n'est plus du tout L'époque où la nature était de mauvais goût, Où Bouhours, vieux jésuite, et le Batteux, vieux cancre, Lunette au nez et plume au poing, barbouillaient d'encre Le cygne au bec doré, le bois vert, le ciel bleu ; Où l'homme corrigeait le manuscrit de Dieu. Non, ce n'est plus le temps où Lenôtre à Versailles Raturait le buisson, la ronce, la broussaille ; Siècle où l'on ne voyait dans les champs éperdus Que des hommes poudrés sous des arbres tondus. Tout est en liberté maintenant. Sur sa nuque L'arbre a plus de cheveux, l'homme a moins de perruque. La vieille idée est morte avec le vieux cerveau. La révolution est un monde nouveau. Notre oreille en changeant a changé la musique. Lorsque Fernand Cortez arriva du Mexique, Il revint la main pleine, et, du jeune univers, Il rapporta de l'or ; nous rapportons des vers. Nous rapportons des chants mystérieux. Nous sommes D'autres yeux, d'autres fronts, d'autres cœurs, d'autres hommes. Braves pédants, calmez votre bon vieux courroux. Nous arrachons de l'âme humaine les verrous. Tous frères, et mêlés dans les monts, dans les plaines, Nous laissons librement s'en aller nos haleines À travers les grands bois et les bleus firmaments. Nous avons démoli les vieux compartiments. Non, nous ne sommes plus ni paysan, ni noble, Ni lourdaud dans son pré, ni rustre en son vignoble, Ni baron dans sa tour, ni reître à ses canons ; Nous brisons cette écorce, et nous redevenons L'homme ; l'homme enfin hors des temps crépusculaires ; L'homme égal à lui-même en tous ses exemplaires ; Ni tyran, ni forçat, ni maître, ni valet ; L'humanité se montre enfin telle qu'elle est, Chaque matin plus libre et chaque soir plus sage ; Et le vieux masque usé laisse voir le visage. Avec Ézéchiel nous mêlons Spinosa. La nature nous prend, la nature nous a ; Dans son antre profond, douce, elle nous attire ; Elle en chasse pour nous son antique satyre, Et nous y montre un sphinx nouveau qui dit : pensez. Pour nous les petits cris au fond des nids poussés, Sont augustes ; pour nous toutes les monarchies Que vous saluez, vous, de vos têtes blanchies, Tous les fauteuils royaux aux dossiers empourprés, Sont peu de chose auprès d'un liseron des prés. Régner ! Cela vaut-il rêver sous un vieux aulne ? Nous regardons passer Charles-Quint sur son trône, Jules deux sous son dais, César dans les clairons, Et nous avons pitié lorsque nous comparons À l'aurore des cieux cette fausse dorure. Lorsque nous contemplons, par une déchirure Des nuages, l'oiseau volant dans sa fierté, Nous sentons frissonner notre aile, ô liberté ! En fait d'or, à la cour nous préférons la gerbe. La nature est pour nous l'unique et sacré verbe, Et notre art poétique ignore Despréaux. Nos rois très excellents, très puissants et très hauts, C'est le roc dans les flots, c'est dans les bois le chêne. Mai, qui brise l'hiver, c'est-à-dire la chaîne, Nous plaît. Le vrai nous tient. Je suis parfois tenté De dire au mont Blanc : — Sire ! Et : — Votre majesté À la vierge qui passe et porte, agreste et belle, Sa cruche sur son front et Dieu dans sa prunelle. Pour nous, songeurs, bandits, romantiques, démons, Bonnets rouges, les flots grondants, l'aigle, les monts, La bise, quand le soir ouvre son noir portique, La tempête effarant l'onde apocalyptique, Dépassent en musique, en mystère, en effroi, Les quatre violons de la chambre du roi. Chaque siècle, il s'y faut résigner, suit sa route. Les hommes d'autrefois ont été grands sans doute ; Nous ne nous tournons plus vers les mêmes clartés. Jadis, frisure au front, ayant à ses côtés Un tas d'abbés sans bure et de femmes sans guimpes, Parmi des princes dieux, sous des plafonds olympes, Prêt dans son justaucorps à poser pour Audran, La dentelle au cou, grave, et l'œil sur un cadran, Dans le salon de Mars ou dans la galerie D'apollon, submergé dans la grand'seigneurie, Dans le flot des Rohan, des Sourdis, des Elbeuf, Et des fiers habits d'or roulant vers l'Œil-de-Boeuf, Le poète, fût-il Corneille, ou toi, Molière, — Tandis qu'en la chapelle ou bien dans la volière, Les chanteurs accordaient le théorbe et le luth, Et que Lulli tremblant s'écriait : gare à l'ut ! — Attendait qu'au milieu de la claire fanfare Et des fronts inclinés apparût, comme un phare, Le page, aux tonnelets de brocart d'argent fin, Qui portait le bougeoir de monsieur le dauphin. Aujourd'hui, pour Versaille et pour salon d'Hercule, Ayant l'ombre et l'airain du rouge crépuscule, Fauve, et peu coudoyé de Guiche ou de Brissac, La face au vent, les poings dans un paletot sac, Seul, dans l'immensité que l'ouragan secoue, Il écoute le bruit que fait la sombre proue De la terre, et pensif, sur le blême horizon, À l'heure où, dans l'orchestre inquiet du buisson, De l'arbre et de la source, un frémissement passe, Où le chêne chuchote et prend sa contrebasse, L'eau sa flûte et le vent son stradivarius, Il regarde monter l'effrayant Sirius. Pour la muse en paniers, par Dorat réchauffée, C'est un orang-outang ; pour les bois, c'est Orphée. La nature lui dit : mon fils. Ce malotru, Ô grand siècle ! Écrit mieux qu'Ablancourt et Patru. Est-il féroce ? Non. Ce troglodyte affable À l'ormeau du chemin fait réciter sa fable ; Il dit au doux chevreau : bien bêlé, mon enfant ! Quand la fleur, le matin, de perles se coiffant, Se mire aux flots, coquette et mijaurée exquise, Il passe et dit : Bonjour, madame la marquise. Et puis il souffre, il pleure, il est homme ; le sort En rayons douloureux de son front triste sort. Car, ici-bas, si fort qu'on soit, si peu qu'on vaille, Tous, qui que nous soyons, le destin nous travaille Pour orner dans l'azur la tiare de Dieu. Le même bras nous fait passer au même feu ; Et, sur l'humanité, qu'il use de sa lime, Essayant tous les cœurs à sa meule sublime, Scrutant tous les défauts de l'homme transparent, Sombre ouvrier du ciel, noir orfèvre, tirant Du sage une étincelle et du juste une flamme, Se penche le malheur, lapidaire de l'âme. Oui, tel est le poète aujourd'hui. Grands, petits, Tous dans Pan effaré nous sommes engloutis. Et ces secrets surpris, ces splendeurs contemplées, Ces pages de la nuit et du jour épelées, Ce qu'affirme Newton, ce qu'aperçoit Mesmer, La grande liberté des souffles sur la mer, La forêt qui craint Dieu dans l'ombre et qui le nomme, Les eaux, les fleurs, les champs, font naître en nous un homme Mystérieux, semblable aux profondeurs qu'il voit. La nature aux songeurs montre les cieux du doigt. Le cèdre au torse énorme, athlète des tempêtes, Sur le fauve Liban conseillait les prophètes, Et ce fut son exemple austère qui poussa Nahum contre Ninive, Amos contre Gaza. Les sphères en roulant nous jettent la justice. Oui, l'âme monte au bien comme l'astre au solstice ; Et le monde équilibre a fait l'homme devoir. Quand l'âme voit mal Dieu, l'aube le fait mieux voir. La nuit, quand Aquilon sonne de la trompette, Ce qu'il dit, notre cœur frémissant le répète. Nous vivons libres, fiers, tressaillants, prosternés, Éblouis du grand Dieu formidable ; et, tournés Vers tous les idéals et vers tous les possibles, Nous cueillons dans l'azur les roses invisibles. L'ombre est notre palais. Nous sommes commensaux De l'abeille, du jonc nourri par les ruisseaux, Du papillon qui boit dans la fleur arrosée. Nos âmes aux oiseaux disputent la rosée. Laissant le passé mort dans les siècles défunts, Nous vivons de rayons, de soupirs, de parfums, Et nous nous abreuvons de l'immense ambroisie Qu'Homère appelle amour et Platon poésie. Sous les branchages noirs du destin, nous errons, Purs et graves, avec les souffles sur nos fronts. Notre adoration, notre autel, notre Louvre, C'est la vertu qui saigne ou le matin qui s'ouvre ; Les grands levers auxquels nous ne manquons jamais, C'est Vénus des monts noirs blanchissant les sommets ; C'est le lys fleurissant, chaste, charmant, sévère ; C'est Jésus se dressant, pâle, sur le calvaire. Le 22 novembre 1854.

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