La femme adultère Écoutez ce que c’est que la femme adultère.
Sa joie est un tourment, sa douleur un mystère :
Dans son cœur dégradé que le crime avilit
Un autre a pris la place à l’époux réservée ;
D’impures voluptés elle s’est abreuvée ;
Un autre est venu dans son lit.
Dévorée au dedans d’une flamme cachée,
Toujours, devant les yeux son image attachée
Jusqu’aux bras d’un époux vient encor la troubler ;
Elle reste au logis des heures à l’attendre.
Prête l’oreille et dit, quand elle croit l’entendre,
A ses enfants de s’en aller.
Son complice ! des lois il brave la vengeance !
Qui pourrait, trahissant leur sourde intelligence,
Éveiller dans les cœurs le soupçon endormi ?
De son crime impuni le succès l’encourage,
La mère lui sourit, et l’époux qu’il outrage
L’embrasse en disant : mon ami.
Voici venir enfin l’heure tant retardée ;
Les voilà seuls, la porte est close et bien gardée :
Pourquoi cet air pensif, pourquoi cet œil distrait ?
Pourquoi toujours trembler et pâlir d’épouvante ?
Personne ne l’a vu monter, et la suivante
A reçu le prix du secret.
Dans un festin brillant le hasard les rassemble ;
Leurs sièges sont voisins. Que vont-ils dire ensemble ?
Quel sinistre bonheur dans leurs regards a lui !
Oh retiens les éclairs de ta prunelle ardente,
Garde de te trahir, et de boire, imprudente !
Dans la même coupe après lui !
Que dis-je ? Du mépris et de l’indifférence
Elle sait à son œil imposer l’apparence :
Un regard indiscret jamais ne révéla
De son cœur déchiré la sombre inquiétude.
Elle s’observe, et sait, à force d’habitude,
Rester froide quand il est là !
Ses tourments sont cachés à tous, soyez sans crainte ;
Aussi regardez-la sans gêne et sans contrainte
Répondre à vingt propos, sourire… oh si du moins,
Pour apaiser l’ardeur dont elle est embrasée,
Elle pouvait, auprès d’une obscure croisée,
L’avoir un instant sans témoins !
Sentir le bruit léger de sa robe froissée,
Dans les plis de satin sa jambe entrelacée,
Lui donner d’un regard l’heure du lendemain,
Et, dans ce tourbillon qui roule et qui l’emporte.
Lui dire… ou seulement debout, près de la porte,
En passant lui serrer la main !
Cependant, pas à pas, la vieillesse est venue
Troubler son cœur flétri d’une crainte inconnue.
Le prestige enivrant s’est enfin dissipé :
Il faut quitter l’amour, l’amour et son ivresse ;
Il faut se trouver seule et subir la tendresse
De cet homme qu’elle a trompé.
il y a 9 mois
M
Madeleine de l'Aubespine
@madeleineDeLaubespine
Berger tant rempli de finesse Berger tant rempli de finesse,
Contentez-vous d'être inconstant,
Sans accuser votre maîtresse
D'un péché que vous aimez tant.
La nouveauté qui vous commande,
Vous fait à toute heure changer :
Mais ce n'est pas perte fort grande
De perdre un ami si léger.
Si vous eussiez eu souvenance
De l'œil par le vôtre adoré,
En dépit de votre inconstance,
Constant vous fussiez demeuré.
Mais vous n'étiez à six pas d'elle
Que votre cœur s'en retira.
Nous verrons, monsieur le Fidèle,
Qui premier s'en repentira.
Ces pleurs et ces plaintes cuisantes
Dont tout le ciel elle enflammait,
C'étaient des preuves suffisantes
Pour montrer qu'elle vous aimait.
Mais vous, plein d'inconstance extrême,
Oubliâtes pleurs et amour.
Donc, si Rosette en fait de même,
Ce n'est qu'à beau jeu beau retour.
Cette si constante et si belle
Que vos propos vont décevant,
S'elle arrête votre cervelle
Peut aussi arrêter le vent.
Mais je ne poste point d'envie
Au bien que par vous elle aura :
C'est elle, je gage ma vie,
Qui premier s'en repentira.
il y a 9 mois
Pierre de Ronsard
@pierreDeRonsard
Marie, à tous les coups vous me venez reprendre Marie, à tous les coups vous me venez reprendre
Que je suis trop léger, et me dites toujours,
Quand je vous veux baiser, que j'aille à ma Cassandre,
Et toujours m'appelez inconstant en amours.
Je le veux être aussi, les hommes sont bien lourds
Qui n'osent en cent lieux neuve amour entreprendre.
Celui-là qui ne veut qu'à une seule entendre,
N'est pas digne qu'Amour lui fasse de bons tours.
Celui qui n'ose faire une amitié nouvelle,
A faute de courage, ou faute de cervelle,
Se défiant de soi, qui ne peut avoir mieux.
Les hommes maladifs, ou matés de vieillesse,
Doivent être constants : mais sotte est la jeunesse
Qui n'est point éveillée, et qui n'aime en cent lieux.
il y a 9 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Les infidèles Je t'aime, en attendant mon éternelle épouse,
Celle qui doit venir à ma rencontre un jour,
Dans l'immuable éden, loin de l'ingrat séjour
Où les prés n'ont de fleurs qu'à peine un mois sur douze.
Je verrai devant moi, sur l'immense pelouse
Où se cherchent les morts pour l'hymen sans retour,
Tes sœurs de tous les temps défiler tour à tour,
Et je te trahirai sans te rendre jalouse ;
Car toi-même, élisant ton époux éternel,
Tu m'abandonneras dès son premier appel,
Quand passera son ombre avec la foule humaine ;
Et nous nous oublierons, comme les passagers
Que le même navire à leurs foyers ramène,
Ne s'y souviennent plus de leurs liens légers.
il y a 9 mois
Evariste de Parny
@evaristeDeParny
Aux infidèles À vous qui savez être belles,
Favorites du dieu d'amour ;
À vous, maîtresses infidèles,
Qu'on cherche et qu'on fuit tour à tour ;
Salut, tendre hommage, heureux jour,
Et surtout voluptés nouvelles !
Écoutez. Chacun à l'envi
Vous craint, vous adore, et vous gronde ;
Pour moi, je vous dis grand merci.
Vous seules de ce triste monde
Avez l'art d'égayer l'ennui ;
Vous seules variez la scène
De nos goûts et de nos erreurs :
Vous piquez au jeu les acteurs ;
Vous agacez les spectateurs
Que la nouveauté vous amène ;
Le tourbillon qui vous entraîne
Vous prête des appas plus doux ;
Le lendemain d'un rendez-vous
L'amant vous reconnaît à peine ;
Tous les yeux sont fixés sur vous,
Et n'aperçoivent que vos charmes ;
Près de vous naissent les alarmes ;
Les plaintes, jamais les dégoûts ;
En passant Caton vous encense ;
Heureux même par vos rigueurs,
Chacun poursuit votre inconstance ;
Et, s'il n'obtient pas des faveurs,
Il obtient toujours l'espérance.
il y a 9 mois
Evariste de Parny
@evaristeDeParny
Du plus malheureux des amants Du plus malheureux des amants
Elle avait essuyé les larmes,
Sur la foi des nouveaux serments
Ma tendresse était sans alarmes ;
J'en ai cru son dernier baiser ;
Mon aveuglement fut extrême.
Qu'il est facile d'abuser
L'amant qui s'abuse lui-même !
Des yeux timides et baissés,
Une voix naïve et qui touche,
Des bras autour du cou passés,
Un baiser donné sur la bouche,
Tout cela n'est point de l'amour.
J'y fus trompé jusqu'à ce jour.
Je divinisais les faiblesses ;
Et ma sotte crédulité
N'osait des plus folles promesses
Soupçonner la sincérité ;
Je croyais surtout aux caresses.
Hélas ! en perdant mon erreur,
Je perds le charme de la vie.
J'ai partout cherché la candeur,
Partout j'ai vu la perfidie.
Le dégoût a flétri mon cœur.
Je renonce au plaisir trompeur,
Je renonce à mon infidèle ;
Et, dans ma tristesse mortelle,
Je me repens de mon bonheur.
il y a 9 mois
Evariste de Parny
@evaristeDeParny
L'infidélité Un bosquet, une jeune femme ;
À ses genoux un séducteur
Qui jure une éternelle flamme,
Et qu'elle écoute sans rigueur ;
C'est Valsin. Dans le même asile
Justine, crédule et tranquille,
Venait rêver a son amant :
Elle entre : que le peintre habile
Rende ce triple étonnement.
il y a 9 mois
Evariste de Parny
@evaristeDeParny
Palinodie Jadis, trahi par ma maîtresse,
J'osais calomnier l'Amour ;
J'ai dit qu'à ses plaisirs d'un jour
Succède un siècle de tristesse.
Alors, dans un accès d'humeur,
Je voulus prêcher l'inconstance.
J'étais démenti par mon cœur ;
L'esprit seul a commis l'offense.
Une amante m'avait quitté ;
Ma douleur s'en prit aux amantes.
Pour consoler ma vanité,
Je les crus toutes inconstantes.
Le dépit m'avait égaré.
Loin de moi le plus grand des crimes,
Celui de noircir par mes rimes
Un sexe toujours adoré,
Que l'amour a fait notre maître,
Qui seul peut donner le bonheur,
Qui sans notre exemple peut-être
N'aurait jamais été trompeur.
Malheur à toi, lyre fidèle,
Où j'ai modulé tous mes airs,
Si jamais un seul de mes vers
Avait offensé quelque belle !
Sexe léger, sexe charmant,
Vos défauts sont votre parure.
Remerciez bien la nature,
Qui vous ébaucha seulement.
Sa main bizarre et favorable
Vous orne mieux que tous vos soins ;
Et vous plairiez peut-être moins,
Si vous étiez toujours aimable.