1er Janvier Enfant, on vous dira plus tard que le grand-père
Vous adorait ; qu'il fit de son mieux sur la terre,
Qu'il eut fort peu de joie et beaucoup d'envieux,
Qu'au temps où vous étiez petits il était vieux,
Qu'il n'avait pas de mots bourrus ni d'airs moroses,
Et qu'il vous a quittés dans la saison des roses ;
Qu'il est mort, que c'était un bonhomme clément ;
Que, dans l'hiver fameux du grand bombardement,
Il traversait Paris tragique et plein d'épées,
Pour vous porter des tas de jouets, des poupées,
Et des pantins faisant mille gestes bouffons ;
Et vous serez pensifs sous les arbres profonds.
1er janvier 1871.
il y a 10 mois
François Coppée
@francoisCoppee
Mois de Janvier Songes-tu parfois, bien-aimée,
Assise près du foyer clair,
Lorsque sous la porte fermée
Gémit la bise de l'hiver,
Qu'après cette automne clémente,
Les oiseaux, cher peuple étourdi,
Trop tard, par un jour de tourmente,
Ont pris leur vol vers le Midi ;
Que leurs ailes, blanches de givre,
Sont lasses d'avoir voyagé ;
Que sur le long chemin à suivre
Il a neigé, neigé, neigé ;
Et que, perdus dans la rafale,
Ils sont là, transis et sans voix,
Eux dont la chanson triomphale
Charmait nos courses dans les bois ?
Hélas ! comme il faut qu'il en meure
De ces émigrés grelottants !
Y songes-tu ? Moi, je les pleure,
Nos chanteurs du dernier printemps.
Tu parles, ce soir où tu m'aimes,
Des oiseaux du prochain Avril ;
Mais ce ne seront plus les mêmes,
Et ton amour attendra-t-il ?
il y a 10 mois
L
Louis Fréchette
@louisFrechette
Le premier Janvier Vents qui secouez les brandies pendantes
Des sapins neigeux au front blanchissant ;
Qui mêlez vos voix aux notes stridentes
Du givre qui grince aux pieds, du passant ;
Nocturnes clameurs qui montez des vagues,
Quand l’onde glacée entre en ses fureurs ;
Bruits sourds et confus, rumeurs, plaintes vagues
Qui troublez du soir les saintes horreurs ;
Craquement du froid, murmures des ombres,
Frissons des forêts que l’hiver étreint,
Taisez-vous !… Du haut des vastes tours sombres,
La cloche a jeté ses sanglots d’airain !…
Voix mystérieuse au fond du ciel blême,
Le bronze a sonné douze coups,—minuit !
C’est le dernier mot, c’est l’adieu suprême
Que le présent jette au passé qui fuit.
il y a 10 mois
O
Ondine Valmore
@ondineValmore
Mère C’est l’hiver et le noir décembre
Gémit dans le bois attristé ;
A la fenêtre de ta chambre
Pend un vieux pampre dévasté ;
La bise qui gronde à ta porte
Siffle autour de ton front charmant ;
Sans songer aux fleurs qu’elle emporte,
Pourquoi souris-tu si gaîment ?
Oh ! dit-elle en levant la tête,
Que me fait le temps triste ou beau !
Tous mes jours sont des jours de fête.
J’ai dans le cœur un chant d’oiseau.
Mais du sein de la terre ouverte
S’élèvent les blondes moissons ;
Vois la feuille odorante et verte
Habiller rochers et maisons :
Quant tout frémit, s’éveille et chante,
Quand ta vitre brille au soleil,
Pourquoi la gaîté rayonnante
A-t-elle fui ton front vermeil ?
il y a 10 mois
Robert Desnos
@robertDesnos
La fleur de pommier Joli rossignol et fleur de pommier,
Si la neige tombe au mois de Juillet,
Joli rossignol et fleur de pommier,
C'est que le soleil en Janvier brillait,
Joli rossignol et fleur de pommier.
il y a 10 mois
Théodore de Banville
@theodoreDeBanville
Bûche A quoi penses-tu, pauvre bûche ?
Dis-je à la bûche dans mon feu,
Qu'un blanc vêtement de peluche
Environnait, comme par jeu,
Pâlie et rouge tour à tour,
Comme une fille en mal d'amour.
La bûche répondit : Je pense,
Avec un plaisir infernal,
Que la plus douce récompense
Est mon habit de cardinal,
Dont l'adorable vermillon
Brille comme un rouge paillon.
Le froid noir, c'est moi qui le brave,
Car seule, en ce moment, j'ai chaud.
Et folle, ayant quitté la cave
Du charbonnier, sombre cachot,
Je me chauffe dans un brasier
Aussi vermeil que le rosier.
Chacun s'affuble de mitaines.
En proie à l'Hiver, ce bourreau,
Blanches, les muettes fontaines,
Oubliant de verser leur eau,
Avec un faste oriental
Ont de grands plumets de cristal.
Ne pouvant porter de voilettes,
Les messieurs tristes, dont les nez
Ressemblent à des violettes,
Regrettent parfois d'être nés
Ailleurs qu'au pays où Brazza
Dans l'air enflammé s'embrasa.
il y a 10 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Janvier est revenu. Ne crains rien, noble femme ! Janvier est revenu. Ne crains rien, noble femme !
Qu'importe l'an qui passe et ceux qui passeront !
Mon amour toujours jeune est en fleur dans mon âme ;
Ta beauté toujours jeune est en fleur sur ton front.
Sois toujours grave et douce, ô toi que j'idolâtre ;
Que ton humble auréole éblouisse les yeux !
Comme on verse un lait pur dans un vase d'albâtre,
Emplis de dignité ton cœur religieux.
Brave le temps qui fuit. Ta beauté te protège.
Brave l'hiver. Bientôt mai sera de retour.
Dieu, pour effacer l'âge et pour fondre la neige,
Nous rendra le printemps et nous laisse l'amour.