La Castration Mentale

Joël Leick : le partage du livre

Dans un café, le narrateur rencontre Jean, un photographe de renom. A peine ont-ils échangé quelques propos sur l'art photographique et la fascinante ambiguïté de l'image que Jean disparaît. Seuls trois indices signifieront qu'il est toujours vivant, et, elliptiquement, où il se trouve : ce sont trois photos, l'une presque blanche avec ces mots : " Rencontré le paradis perdu. On y a coupé l'Arbre ". La seconde, nommée Eve, représentant un visage féminin et la troisième un serpent.
Commence alors un thriller philosophique et érudit, en quête d'un énigmatique paradis terrestre conçu à l'époque stalinienne, et qui semble avoir absorbé Jean dans les grandes plaines russes.
Dans cette traque politico-métaphysique, le narrateur n'a comme pistes que celles, incertaines, qu'inscrivent une pièce oubliée de Boulgakov, Adam et Eve, les multiples récits de la Genèse, et surtout cette grande mythologie originelle qu'est le conflit fondateur de l'humanité aux prises avec la tentation et la connaissance.
Un vertigineux voyage dans un monde où les puissances des mots et des représentations se jouent du temps comme de l'espace.

Le roman d'Adam et Eve

«On pourrait dire motifier pour prendre mot, comme on dit incarnerpour prendre chair. Écrire consisterait alors à motifier sa vie ou son corps, mais si les mots remplissent tellement bien leur rôle qu’à la fin ils nous dévorent, comment inverser le mouvement? Comment les ré-incarner? Il n’y a pas de symétrie. Il y a seulement le langage qui vit et se perpétue en nous faisant chanter. Qu’on lui avance une lettre, et mot devient mort. Il suffit pour garantir cette avance de gager sa vie – mais y joue-t-on sa peau ou bien ses mots?»

La Peau et les Mots

Une Messe Blanche

La Chronique de la Gruélie est une aventure artistique collective : Geneviève Besse, peintre bien connu pour ses livres d'artistes, a réalisé les illustrations. Olivier Seguin, sculpteur, a conçu la couverture et Bernard Noël, écrivain contemporain incontournable, a rédigé le texte de cette chronique qui plonge ses racines dans la généalogie de Pantagruel. Le caractère unique de cette création est renforcé par ses dimensions exceptionnelles (1m x 1,75m), un livre présenté depuis juin 2005 au musée Rabelais en Touraine. Biro éditeur réalise une édition 19 x 28 cm de l'intégralité de cet ouvrage.

Chroniques de la Gruélie

La collection "Textes" permet de redécouvrir les grandes oeuvres de la littérature contemporaine de la fin du XXe siècle souvent trop vite oubliées.
Les "premiers mots" de Bernard Noël sont aussi les derniers. Ils sont donc pris dans un mouvement où s'entrelacent la fin et le commencement. Un homme et une femme parlent: ils se connaissent à travers leurs mots et ils partagent la mort d'un Autre, un ami. Cet échange, toujours plus excessif, s'empare des gestes, de la peau, des perceptions, envahit tout l'espace de la rencontre...

Les premiers mots

'Pourquoi pas Le Roman de Roman? Non, dit Opalka, Le Roman d'un être me paraît plus juste : c'est donc le titre retenu. De 1965 à sa mort, en 2011, Roman Opalka a peint la suite des nombres. Chaque nombre est la somme de ceux qui le précèdent, chaque instant de notre vie est la somme des précédédents. Je fais toujours la même chose et elle est toujours différente, comme est la vie. Regarder peindre Opalka révélait l'identité de son acte et de sa vie ; l'écouter confirmait l'accord entre sa langue et sa main. Pareil engagement est unique : l'écriture tente, ici, d'entrer dans ce mouvement et même de se confondre avec lui...'

Le roman d'un être

Le narrateur du Roman d'Adam et Eve rencontre fortuitement un photographe entraîné en Russie pour découvrir la résurrection d'un paradis que Staline aurait fait édi ? er comme un tableau vivant de l'idéologie communiste. Quelques signes photographiques de cette enquête lui parviennent par éclipses jusqu'au silence définitif. Le destin du narrateur va consister à essayer de comprendre cet élan vers l'inconnu. Il est alors tentant de réduire le roman à une fable savante sur les conceptions du paradis en Occident : à un univers parfait, dont l'homme est déchu, a succédé un monde aux lendemains qui chantent. Si le photographe s'est mis en marche derrière le visible, c'est le leurre de tout paradis extérieur qu'il fait découvrir au narrateur : le paradis n'est qu'en l'homme, il est donc un enfer. Son roman est le récit de cette désillusion car le monde est sans échappatoire. Et il convient d'assumer cette situation ou de vivre dans le semblant.

La Castration Mentale

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