Retour écrémé

Indéniable constante de l’histoire des civilisations, l’impérieuse nécessité de vouloir coucher avec tout le monde s’exprime de nos jours volontiers dans les bars. C’est donc au bar que nous retrouverons les protagonistes de cette histoire muette (mais pas sans phylactère), chacun développant des stratégies (dont la subtilité va s’étiolant à mesure des consommations) pour parvenir à ses fins. Force insultes abondamment imagées seront échangées dans ce récit dense où l’utilisation d’un système élaboré de bulles et cases permettent à divers niveaux de pensée de coexister tant bien que mal. Le tout à l’acrylique sur toile de grand formats. Pourquoi peint sur des toiles? Parce qu’elles étaient là. Décidément, Ibn Al Rabin n’est pas n’importe qui.

Lentement aplati par la consternation

Depuis 2003, de Sierre à Buenos Aires, en passant par Angoulême, Moscou ou Bruxelles, la Fabrique de Fanzines et ses ouvriers sillonnent les routes pour porter la bonne parole, celle du fanzinat et DIY (do it yourself). Armés d’une photocopieuse, de bleus de travail impeccables et d’un bon esprit à toute épreuve, les ouvriers de la Fabrique (Baladi, Ibn Al Rabin, Andréas Kündig, Yves Levasseur et Benjamin Novello) invitent le public (mais également parfois des auteurs «reconnus») à créer des fanzines, immédiatement reproduits et mis à la disposition de tous. Cette formule, inaugurée lors d’une exposition consacrée à Atrabile au festival de Sierre il y a maintenant 8 ans, a remporté un succès inattendu, et la Fabrique continue de se balader aujourd’hui par monts et par vaux, visitant aussi bien des festivals de bande dessinée et des foires du livre que des musées, des bibliothèques… ou d’autres lieus plus surprenants. C’est cette expérience que narrent dans cet ouvrage les stakhanovistes de la Fabrique. Ils en profitent pour nous faire partager leur enthousiasme pour l’objet fanzine, se permettant à l’occasion de généreuses digressions, nous livrant des anecdotes aussi bien liées à la Fabrique qu’à leurs rencontres diverses et variées, mais également les origines (méconnues) du fanzinat, ou ce qui, à leurs yeux, fait toute la singularité et la force du fanzine. De ce livre aux pages denses, et souvent très drôles, émane un enthousiasme communicatif. Preuve que le fanzinat a encore de beaux jours devant lui ?

La Fabrique de Fanzines par ses ouvriers mêmes

Cot cot

Certes il est pertinent de se poser des questions sur le dessin, mais est-ce vraiment le meilleur moment pour le faire alors que l'envahisseur est à nos portes? En effet, un armada de vaisseaux venus d'outre espace s'apprête à déferler sur la Terre, et les différents personnages apparaissant dans ce livre vont réagir avec plus ou moins d'intérêt face à cet événement unique et à la portée potentiellement funeste: l'armée se propose d'atomiser la Chine et la Russie, les spécialistes désertent les plateaux de télé, un industriel de haut vol se lance dans la fabrication de sucettes pour deux au design calqué sur celui des vaisseaux E.T., et l'artiste de service se demande s'il y aura toujours quelqu'un à qui donner ses fanzines - l'énumération n'est pas exhaustive, on en vient même à un moment à parler de «génocide amical! ».
Bref, c'est la chienlit. Après tout ça, faut pas s'étonner non plus si on pédale dans la semoule.

Contribution à l'étude du léger brassement d'air au-dessus de l'abîme

les miettes

Le peuple d'Israël était dépourvu de roi. Ils en réclamèrent un au Seigneur, afin d'accroitre l'efficience du dépecage d'incirconcis lors des guerres. Le Seigneur accepta, tout en les prévenant du funeste destin qui leur pendait au nez. Et effectivement, Saül, premier roi d'Israël, n'eut pas un parcours des plus pépères. David, son successeur, qui l'a épargné lorsque Saül déféquait à sa merci, un brin plus. Encore des feutres, encore du sacré, encore du bruit et de la fureur, mais avec cette fois un peu de scatologie.

Le Roi Saül ; le meilleur de la Bible

Cot Cot, c’est un commentaire pertinent sur l’exode rural, un plaidoyer vibrant pour le respect de la vie, une analyse lucide des rapports Nord-Sud, une remise en question radicale de la dialectique hégélienne. Mais Cot Cot, c’est avant tout 32 pages de bande dessinée minimalistes et redoutables. Jugez plutôt : un fermier s’ennuie ferme. Il est envahi par les poules, son esprit vacille, c’est un homme malade que l’on voit là, un homme à bout. Et puis un jour voilà, une poule lâche le cot qui fait déborder le vase, et c’est le massacre… Ce récit d’Ibn Al Rabin (scénariste de Les Miettes avec Frederik Peeters, inventeur de la bande dessinée abstraite) est-il autobiographique ? Le fermier fera-t-il fortune grâce à une vache qui sait compter ? Allez savoir.

Cot Cot

Tiré du site Internet de bdselection.com: "Milch habite une maison isolée. Il ne dort pas bien la nuit. Sa femme est morte il y a peu, assassinée. Une nuit d'insomnie, il croise son fantôme, qui retourne dans sa tombe. Hallucination? Apparition? Ce fantôme muet cherche-t-il à lui dire quelque chose? Milch va entrainer une multitude de personnages dans son sillage pour régler ses comptes et retrouver la sérénité. Le nouvel album de Ibn Al Rabin est un gros pavé de plus de 1000 pages. A travers l'histoire de Milch et des gens qu'il côtoie, l'auteur nous offre un véritable bijou de drôlerie et de tendresse. Avec un sens de l'humour particulièrement corrosif, Ibn Al rabin aborde la question de la disparition de l'être aimé. Comment vivre quand la personne que l'on aime a disparu? Peut-on retrouver une vie normale? Clairement, le sujet de la perte d'un être cher est au coeur de cet album. Mais un certain nombre d'autres thèmes tels que la confrontation de nos rêves d'enfant à la réalité ou la peur de l'inconnu sont également très présents. Le style pictographique de Ibn Al Rabin parvient à être extrêmement expressif. Il parvient donc à distiller une émotion toujours présente. Certaines scènes sont de véritables petits bijoux de finesse, d'émotion et de pudeur. Dans ces instants, l'auteur est au sommet. Avec une économie de moyens impressionnante, Ibn Al Rabin parvient à toucher durablement ses lecteurs. Finalement, la grande force de L'autre fin du monde, c'est de passer constamment de l'humour à la pure émotion. Ainsi, l'auteur peut aborder les sujets qui le préoccupent sans être pesant et sans surenchère, mais avec une grande sensibilité. L'autre fin du monde, avec sa richesse et le ton employé, est sans conteste l'un des albums majeurs de cette rentrée. On pourrait juste regretter le prix élevé, mais qui se justifie lorsque l'on tient l'album en main."

Retour écrémé

Plus de livres de Ibn al Rabin

Critiques

Ce livre n'a pas encore de critiques