Les séquestrés d'Altona

Les Sequestrés d'Altona

La Putain respectueuse, suivi de Morts sans sépulture

Les lendemains d'une cuite et d'une rixe, tel est le sujet de la nouvelle qui ouvre ce roman. L'auteur de la nouvelle, Georges, vingt-sept ans, est d'origine provinciale et modeste et lecteur dans une maison d'édition parisienne. Le milieu dans lequel il évolue est constitué de gens de son âge, déclassés pour la plupart, en compagnie desquels il passe de longues soirées au café, et de deux femmes : Danielle, une amie, qu'il a connue à son arrivée à Paris, et Claire, mariée et mère d'un petit garçon, avec laquelle il entretient une liaison compliquée et maussade. Georges se laisse aller au gré de l'événement quotidien, fasciné par les choses environnantes et « par son propre vide qui est aussi sa propre épaisseur ». Un seul projet : écrire. Un roman, des nouvelles, une histoire, des histoires... Le moindre geste, la moindre péripétie sert de prétexte à un souvenir, à un projet d'écriture, à la résurgence d'images ou de fantasmes. Plusieurs personnages - Marcel, Robert, Lucien, Irène, Nicole - qu'il crée plus ou moins à son image ou à celle de gens qu'il fréquente, tissent leurs toiles d'araignée, mais chacun se prend dans les fils de l'autre : Georges ne sait jamais trop bien où il en est, ni avec ses personnages et ses histoires, ni avec lui-même. Avec angoisse, parfois avec humour, André Puig entraîne le lecteur dans les méandres de ce désordre permanent - fait d'autocritique et de complaisance, de mauvaise foi et d'authenticité - que Georges tente de maîtriser.

L'inachevé

- Il m'a empoisonnée ?- Eh oui, madame.- Mais pourquoi ? pourquoi ?- Vous le gêniez, répond la vieille dame. Il a eu votre dot. Maintenant il lui faut celle de votre sœur.Ève joint les mains dans un geste d'impuissance et murmure, accablée :- Et Lucette est amoureuse de lui !La vieille dame prend alors une mine de circonstance :- Toutes mes condoléances... Mais voulez-vous me donner une signature ?Machinalement, Ève se lève, se penche sur le registre et signe.- Parfait, conclut la vieille dame. Vous voilà morte officiellement.Ève hésite, puis s'informe :- Mais où faut-il que j'aille ?- Où vous voudrez. Les morts sont libres.

Les jeux sont faits

Dans n'importe quelle circonstance, dans n'importe quel temps et dans n'importe quel lieu, l'homme est libre de se choisir traître ou héros, lâche ou vainqueur. En choisissant pour lui-même l'esclavage ou la liberté, il choisira du même coup un monde où l'homme est libre ou esclave - et le drame naîtra de ses efforts pour justifier ce libre choix. En face des dieux, en face de la mort ou des tyrans, une même certitude, triomphante ou angoissée, nous reste : celle de notre liberté. Tel est le sens général de l'oeuvre de Sartre, et particulièrement de son théâtre dont ce premier volume contient : Les mouches, Huis-clos, Morts sans sépulture et La putain respectueuse.

Théâtre Tome 1

La brève histoire qui est ici retracée, de 1789 à 1802, dépasse de beaucoup l'aventure personnelle de cet homme sur qui l'auteur a choisi de la centrer (de façon pourtant fort significative). C'est en effet l'histoire des rapports entre deux Révolutions, celle de Saint-Domingue et celle dite de 89, « la nôtre » - qui ne commença guère qu'une année plus tôt, mais qui allait déboucher pour nous sur l'Empire en cette même année 1804 où sa sour presque jumelle accédait à l'indépendance. A la lire aujourd'hui, on ne peut que se sentir très profondément concerné, et assez diversement troublé. Il y a cet exemplaire cheminement, depuis la révolte des colons français contre l'autorité française (pour des raisons d'intérêt commercial) jusqu'à la rupture définitive avec la métropole, en passant par les soulèvements successifs des petits blancs, des propriétaires autochtones et enfin des esclaves eux-mêmes. Il y a cette étonnante dialectique entre les contradictions sociales dont souffrait à Saint-Domingue la volonté de libération et celles qui déterminaient en France, au même moment, les temps forts et les temps faibles de la dynamique révolutionnaire. Il y a ce phénomène de radicalisation selon lequel les esclaves (les « nouveaux libres ») s'emparèrent du pouvoir, à peine les affranchis (les « anciens libres ») étaient-ils parvenus à s'y installer... Mais sans doute y a-t-il, par-dessus tout, ce prodigieux télescopage auquel nous sommes contraints d'assister entre l'époque de Toussaint Louverture et la nôtre, que sépare pourtant plus d'un siècle et demi. Citant la profession de foi d'un planteur (libérer les esclaves serait « les rendre cent fois plus malheureux qu'ils ne sont »), et la rapprochant de ce noble souci du sort du fellah dont se prévalaient récemment nos « humanistes en uniforme », Roger Dorsinville nous fait toucher du doigt cette plaie vive, dans notre progressiste univers : « Il n'est pas possible, dit-il, que dans cent soixante ans encore, l'Histoire ait à poser son oil ironique sur un autre planteur ou un autre centurion. »

Toussaint Louverture - Ou La vocation de la liberté

«Dès qu'un but est assigné à l'espèce humaine et que ce but est fini, dès qu'on l'envisage comme réalité, tout sombre dans le sinistre, l'espèce humaine devient fourmi. Le donné se referme sur elle.» Cette réflexion de Sartre révèle aussi bien son auteur que Mallarmé lui-même : Sartre a laissé inachevée une partie de ses écrits, et cet essai sur le poète, entrepris en 1952, est du nombre ; quant à Mallarmé, il est mort comme il avait à peine commencé le «Grand Oeuvre» pour lequel il se savait élu, but suprême dont le sens était de n'être jamais atteint.

Mallarmé : la lucidité et sa face d'ombre

Ce chef-d'oeuvre de la philosophie française de tradition cartésienne, devenu le livre culte des existentialistes, porte l'empreinte d'un dialogue critique avec la philosophie allemande (Hegel, Husserl, Heidegger). À la phénoménologie, il emprunte son vocabulaire technique, mais aussi les sophistications d'une méthode visant à dévoiler "l'être de la conscience". Toutefois, les pages consacrées à la description des comportements de mauvaise foi sont d'un abord plus facile. Sartre excelle dans le récit de situations qui révèlent les ruses de la conscience qui se ment à elle-même. Ainsi, le garçon de café qui se prend pour un garçon de café, sans chercher à réaliser son être autrement, parvient à fuir liberté et angoisse. De même, la femme qui abandonne son bras comme une chose morte entre les mains de l'homme qui la désire, tout en lui tenant des propos éthérés, cherche à s'affranchir des affres de la décision.

Les séquestrés d'Altona

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