Charles Dullin - Portrait brisé
Faut-il brûler Jeanne ? - Mystère en trois journées
Publié par FeniXX réédition numérique (Gallimard), le 01 janvier 1954
216 pages
Résumé
Je ne sais quel ange ou quel démon m'a insinué de traiter, après tant d'illustres prédécesseurs, le sujet sacré de Jeanne, de la Pucelle d'Orléans. Ma modestie à la fois et ma démesure, l'atmosphère aussi de mon époque, l'actualité qui me baigne, m'ont conduit à l'imaginer sous un angle téméraire. J'ai vu les Saints, à l'approche du supplice de leur protégée, supplier Dieu de la sauver, de lui éviter le bûcher et la mort. L'Éternel a consenti. À cette condition cependant, et terrible, que la prisonnière des Anglais n'entendrait plus les voix. Car, lorsqu'un être a achevé sa mission, le Ciel n'éprouve plus le besoin de lui parler, et le malheureux se trouve seul alors, abandonné, en butte à tous les périls, à toutes les sollicitations, à tous les chantages ; rien ne le soutient. J'ai donc osé jeter Jeanne parmi les écueils de la réussite apparente, les précipices de la fausse victoire. Écourée, désespérée, elle criera à la fin à Dieu qu'il eût mieux valu pour elle être brûlée à Rouen. Et le Ciel l'exauce, efface de la mémoire des hommes le songe de cette entorse violente à l'histoire, qui reprend son cours. Ainsi se déroule, ajoutée à la réelle, la tragédie imaginaire de Jeanne d'Arc, dans un temps qui ressemble au nôtre, où les choses qui se refusent à mourir, et celles qui résistent à naître, se heurtent violemment et confusément, tendent à déborder, et à engloutir le héros dès qu'il a rempli la tâche que lui a assignée le destin.
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