Histoire de Matt, ours bilingue

Pierre-Albert Jourdan, né en 1924, est mort le 13 septembre 1981. Lecture, peinture, poésie, photographie ont agrémenté sa vie "merveilleusement ordinaire" . Ami de René Char, de Yves Bonnefoy, de Henri Michaux, et de beaucoup d'autres poètes, il crée en 1974 la revue Port-des-Singes qu'il dirigea jusqu'à sa mort. Grand poète méconnu, Pierre-Albert Jourdan aura peu publié, avant de nous quitter sur la pointe des pieds. Ce volume rassemble, en respectant l'ordre chronologique, les fragments et jounaux de Pierre-Albert Jourdan : soit quatre livres (La langue des fumées, Fragments, L'angle mort, L'entrée dans le jardin) publiés par l'auteur lui-même, deux autres posthumes (Les sandales de paille, L'approche), suivis de deux ensembles plus brefs, A la merci des sentences, paru du vivant de l'auteur dans Le Monde des Lettres, et un texte inédit, Pages de journal 1981.

Les Sandales de paille

Après Les sandales de paille (1987), recueil des fragments et journaux de Pierre-Albert Jourdan (1924-1981), ce second volume, posthume lui aussi, Le bonjour et l'adieu, rassemble l'intégralité de son oeuvre poétique : neuf recueils pour la plupart inédits qui, composés de 1956 à 1978, témoignent de la très riche palette d'un écrivain injustement méconnu, et pourtant reconnu d'écrivains aussi prestigieux que René Char et Yves Bonnefoy. A découvrir cette oeuvre, on comprend combien la poésie était, pour celui qui en usait chaque jour, non seulement une manière d'être, mais encore une véritable alchimie spirituelle. Pierre-Albert Jourdan ne s'enferme pas dans la tour d'ivoire de sa propre écriture, dans le décor de ses images ou de ses gnoses, il "traverse" l'écriture, en fait l'épreuve, crevant l'écran des mots pour une totale mise à nu. Livre plein de beautés, comme pailleté de mille petites illuminations, Le bonjour et l'adieu n'est pas un jeu stérile de poète de salon : dans toutes ces pages, il y va de notre vie, et c'est la plus quotidienne que Pierre-Albert Jourdan, franc-tireur, repriseur de bleu, vise à changer, à justifier dans une langue simple, discrète et profonde.

Le bonjour et l'adieu

Ecrire à boulets rouges sur ce moi multiforme. Nous n'avons pour sortir de cette condition étriquée, aveugle, qu'une seule possibilité qui est un renversement, de fond en comble. Renversement : jeté bas, idole brisée... c'est presque vouloir pousser la montagne, c'est en quelque sorte un suicide. Mais un suicide pour vivre mériterait quelque considération. Ces exercices sont d'assouplissement car ils ne visent qu'à introduire des brisures dans le souffle du dormeur. S'éloigner. Sur la pointe des pieds. Les petits bouts de papier ne font pas message, ils sont interrogation. Inachèvement. Donc, possible de s'éloigner. La table est desservie. Il n'y a plus rien sur la table qu'un énigmatique reflet de soleil. A s'y casser les dents. Ce n'est pas une bataille de mots, c'est une bataille d'être dont les morceaux se recollent mal. Sortir de la page n'est pas bien difficile, mais savoir sortir en ne perdant pas de vue le chemin est sans doute un tout autre exercice.

Histoire de Matt, ours bilingue

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