Histoire de la révolution française Tome 2-1
Le Peuple
Publié par publie.net, le 14 juin 2019
Résumé
Ce livre je l'ai fait de moi-même, de ma vie, et de mon cour. Il est sorti de mon expérience, bien plus que de mon étude. Je l'ai tiré de mon observation, de mes rapports d'amitié, de voisinage ; je l'ai ramassé sur les routes ; le hasard aime à servir celui qui suit toujours une même pensée. Enfin, je l'ai trouvé surtout dans les souvenirs de ma jeunesse. Pour connaître la vie du peuple, ses travaux, ses souffrances, il me suffisait d'interroger mes souvenirs. Car, moi aussi, mon ami, j'ai travaillé de mes mains. Le vrai nom de l'homme moderne, celui de travailleur, je le mérite en plus d'un sens. Avant de faire des livres, j'en ai composé matériellement ; j'ai assemblé des lettres avant d'assembler des idées, je n'ignore pas les mélancolies de l'atelier, l'ennui des longues heures... Triste époque ! c'étaient les dernières années de l'Empire ; tout semblait périr à la fois pour moi, la famille, la fortune et la patrie. Ce que j'ai de meilleur, sans nul doute, je le dois à ces épreuves ; le peu que vaut l'homme et l'historien, il faut le leur rapporter. J'en ai gardé surtout un sentiment profond du peuple, la pleine connaissance du trésor qui est en lui : la vertu du sacrifice, le tendre ressouvenir des âmes d'or que j'ai connues dans les plus humbles conditions. Il ne faut point s'étonner, si, connaissant autant que personne les précédents historiques de ce peuple, d'autre part ayant moi-même partagé sa vie, j'éprouve, quand on me parle de lui, un besoin exigeant de vérité. Lorsque le progrès de mon Histoire m'a conduit à m'occuper des questions actuelles, et que j'ai jeté les yeux sur les livres où elles sont agitées, j'avoue que j'ai été surpris de les trouver presque tous en contradiction avec mes souvenirs. Alors, j'ai fermé les livres, et je me suis replacé dans le peuple autant qu'il m'était possible ; l'écrivain solitaire s'est replongé dans la foule, il en a écouté les bruits, noté les voix... C'était bien le même peuple, les changements sont extérieurs ; ma mémoire ne me trompait point... J'allai donc consultant les hommes, les entendant eux-mêmes sur leur propre sort, recueillant de leur bouche ce qu'on ne trouve pas toujours dans les plus brillants écrivains, les paroles du bon sens. [extrait de l'introduction que Jules Michelet adresse à Edgar Quinet]
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