À la cure, les coloniaux ! Thermalisme, climatisme et colonisation française : 1830-1962
La France Libre fut africaine
Publié par Perrin, le 13 mars 2014
350 pages
Résumé
«Avec quelle rage l'antigaullisme de gauche et l'antigaullisme de droite, les communistes et les vichystes, s'acharnent à propager la légende de "la résistance de Londres" ! [...] Aux uns comme aux autres, j'oppose la vérité : la France libre fut africaine.»Voilà ce que soutenait fort justement au lendemain de la guerre Jacques Soustelle, ethnologue et commissaire national à l'Information de la France libre. A l'automne 1940, Londres en soi n'apportait effectivement à la France libre ni combattants, ni matières premières, ni territoire national, ni souveraineté. La France libre s'étendait en réalité de la frontière tchado-libyenne au fleuve Congo, ainsi qu'aux îlots français épars du Pacifique et de l'Inde. Sans ces territoires, quelle crédibilité, quelle reconnaissance internationale, quel argument à faire valoir contre Vichy qui clamait la «fidélité absolue» de l'empire ? Alors que l'on connaît à présent le parcours et les motivations de Félix Éboué, le gouverneur guyanais qui rallia le Tchad au général de Gaulle, ainsi que les exploits de la résistance intérieure et de la lutte alliée dans leurs moindres détails, le sort de l'Afrique équatoriale française (AEF) et du Cameroun, bastions gaullistes de la première heure, est demeuré jusqu'ici curieusement occulté, hormis quelques études universitaires spécialisées, focalisées sur une minorité des territoires en question : le Gabon et le Cameroun, principalement.De 1940 à 1943, les principaux fondements de la France libre ne se situent donc pas à Londres, comme l'affirment la plupart des récits, mais en Afrique française libre. Le combattant résistant archétypal de la première heure n'est pas un Savoyard coiffé d'un béret, mais plutôt un Tchadien, un Camerounais, ou un habitant de ce qu'on appelait alors l'Oubangui-Chari (actuelle République centrafricaine). Il est parfois volontaire, parfois pas. Pour un mouvement dont la gloire repose en partie sur le sursaut personnel du volontariat, sur l'élan patriotique, voilà de quoi troubler les esprits et brouiller les repères. De nombreux historiens ont établi que les maquis métropolitains connurent leur envolée autour de 1943 ; nous savons en outre grâce aux travaux de Jean-François Muracciole que, entre l'échec de Dakar le 25 septembre 1940 et la fin 1942, la France libre peinait à recruter hors de ses territoires coloniaux et connut de ce fait un grand creux ; raison de plus pour situer une part importante de la première résistance française armée entre le Sahara et le fleuve Congo. Ce qui oblige bien entendu à «repenser la France à partir de ses colonies». L'un des premiers réflexes du général de Gaulle en juin 1940 fut en effet d'exhorter les coloniaux à le rejoindre, si possible avec leurs territoires.Le trou mémoriel est-il réellement béant ? Hormis quelques rares exceptions comme au mont Valérien, en région parisienne, l'on cherchera en vain une plaque ou un monument en hommage à l'apport de l'AEF et du Cameroun à la France libre. Les historiens et les cinéastes ont certes insisté sur le rôle capital joué par des troupes issues des colonies françaises au cours des deux guerres mondiales. Au cinéma, en 2006, le film Indigènes de Rachid Bouchareb a suscité une prise de conscience de la contribution africaine aux forces françaises combattantes. L'année suivante, François Broche, Georges Caïtucoli et Jean-François Muracciole osaient briser un tabou en déclarant que «la majorité des Français libres qui ont sauvé l'honneur du pays en 1940 ne sont pas des citoyens français». Mais, même sur ce terrain, l'AEF et le Cameroun restent globalement sous-estimés. Bien des récits, à commencer par celui du film Indigènes, ont en effet tendance à débuter en 1943, avec l'entrée dans la bataille de l'AOF et de l'Afrique du Nord, et non en 1940. A l'instar de la remarque du président Jacques Chirac, qui s'est dit choqué par le sort réservé aux anciens combattants issus des colonies, l'opinion s'arrête donc aujourd'hui sur les fameux tirailleurs d'Afrique occidentale et sur les troupes maghrébines entrées en guerre à partir de 1943. Mais une autre réalité, et une mémoire, demeurent enfouies : celles des dizaines de milliers de soldats tchadiens, congolais, camerounais, centrafricains, gabonais, qui portèrent le fer contre l'Axe dès le début de l'année 1941, alors que la métropole agonisait.Mes recherches révèlent l'étendue de l'effort de l'AEF et du Cameroun dès 1940. Entre 1940 et 1944, 17 013 Africains furent recrutés par la France libre en AEF et au Cameroun, auxquels s'ajoutent les forces qui cantonnaient sur ces mêmes territoires au moment des ralliements (16 500 hommes d'après Jean-Louis Crémieux-Brilhac, 7 000 hommes selon d'autres estimations). Pour être plus exact, il faut tenir compte d'un dédoublement, car l'AEF et le Cameroun basculent dans le camp de la France libre en août 1940 ; une petite tranche de ces soldats est ainsi comptabilisée deux fois. J'émets donc l'estimation de 27 000 hommes d'AEF et du Cameroun dans les rangs des Forces françaises libres. Certes, ces chiffres peuvent sembler relativement modestes par rapport au nombre d'Africains, du Nord comme de l'Ouest sous les drapeaux en 1940, par exemple, mais le fait est qu'en dehors des éléments présents sur le sol de l'AEF et du Cameroun en 1940, ces hommes sont hors combat entre 1940 et 1943. Et surtout ce total pèse lourd : en fonction des estimations, à l'été 1943, les Forces françaises libres comptent environ 70 000 âmes : 39 000 citoyens français pour quelque 30 000 coloniaux.
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