De l'art de terre, de son utilité, des esmaux et du feu

Les oeuvres de Palissy sont comme un itinéraire dans la découverte des savoirs et des arts de la Renaissance. A peine sorti de la prison où l’ont jeté les premiers troubles de religion, Palissy décrit son art et son esthétique de peintre-verrier devenu émailleur de « rustiques figulines », ses projets de jardinier, d’architecte. C’est aussi une réflexion sur la folie des hommes et sa foi profonde. L’admiration des merveilles du monde gouverne son propre désir de créer de la beauté. Bernard Palissy témoigne, face au savoir antique des lettrés, de son savoir supérieur : don de Dieu, talent à faire fructifier, mais aussi fruit de l’observation minutieuse et raisonnée du réel. La Théorie ne vient pour lui qu’après l’expérience. Fontaines et fossiles, fumiers et marais salants, pierres et matière finissent par livrer des secrets, et lui faire concevoir l’unité d’une Nature sans cesse en travail. Fragments d’autobiographie d’un artiste qui fut aussi un croyant et un savant, les OEuvres font ici l’objet d’une édition critique complète avec des notes, réalisées par une équipe d’universitaires (Keith Cameron, Jean Céard, Marie-Madeleine Fragonard, Marie-Dominique Legrand, Frank Lestringant, Gilbert Schrenck) sous la direction de Marie-Madeleine Fragonard.

Oeuvres complètes

Dans sa Recepte Véritable, Palissy donne des conseils d'agriculture - notamment sur les engrais des terres - et de science. Il décrit un jardin idéal, inspiré du Psaume 104, te une "forteresse imprenable", sur le modèle d'un coquillage en spirale... Jeux d'un poète et curiosité exaltée, La Recepte Véritable, à mi-chemin entre l'alchimie et la philosophie naturelle, entreprend de mettre "plusieurs secrets en lumière, afin de multiplier les biens et vertus de tous les habitans du royaume". Mais Palissy prend un risque: il craint la raillerie car il ne sait ni latin ni grec. Il confie : "J'aime mieux dire la vérité en mon langage rustique que mensonge en langage réthorique".

Recepte véritable

Il n'est pas de domaine qui ait échappé à la curiosité de celui qu'on surnomme le Vinci français. Que ce soient les Arts (potier de terre et inventeur des rustiques figulines du roi), les Sciences (en particulier la chimie, la géologie et la minéralogie), l'Agriculture ou encore le commerce, son esprit travaille à observer, à expérimenter, à rechercher les causes des effets. Philosophe et autodidacte, il a appris avec les dents, mais si fermement qu'il peut exposer ses découvertes devant le petit monde scientifique d'alors, dans une série de conférences données à Paris, de 1575 à 1584. Les Discours Admirables reprennent ces conférences, dans un style plein d'humour, où s'affrontent Théorie et Pratique, sur les sujets de la nature des eaux et des fontaines, des métaux, des glaces, des sels, des pierres, de l'argile, de la marne... et bien sûr des émaux et de l'art de terre. Et petit à petit, au fil de ses analyses, ses digressions et ses emportements, la vie de Palissy se dévoile, avec ses déboires, ses exils et ses réussites toujours précaires en cette époque violente et âpre. Destin tragique et magnifique, Palissy incarne par ces Discours Admirables, cette volonté humaine de découvrir tous les secrets du monde

Discours admirables 1580

Céramiste, géologue, précurseur de la paléontologie par ses observations sur les fossiles, Palissy est aussi un écrivain : ses textes comptent parmi les sommets de l'anti-Renaissance expérimentale, alchimique et maniériste. Dans la Recette (1563), Palissy s'affirme comme l'un des précurseurs du roman autobiographique, un visionnaire de la trempe de Rabelais ou de Campanella, qui transporte Thélème aux champs et restitue l'Eden perdu au milieu de la France désolée des guerres de Religion. On rencontre ici, tour à tour, l'écologiste qui supplie qu'on cesse d'"avorter la terre" ; le huguenot, porté par une foi intransigeante, qui nous retrace au jour le jour les épreuves de la petite communauté réformée de Saintonge en proie aux persécutions ; l'inventeur d'un "jardin délectable", que Palissy décrit de bout en bout, avec ses "cabinets rustiques", ses cavernes factices, ses bosquets sculptés, ses mousses feintes, ses girouettes musicales ; l'architecte utopiste qui trouve l'inspiration de sa "ville de forteresse" dans la structure des coquillages ; le rêveur de la matière, qui voit dans le sel un principe unificateur du monde, et qui dialogue, par-delà les siècles, avec Léonard, Goethe ou Bachelard.

De l'art de terre, de son utilité, des esmaux et du feu

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