Portrait de l'artiste au nez rouge

Ces pages sont des épaves, repêchées au hasard des grèves où les abandonnait mon impuissance. Qu'on n'y voie rien de certain, mais seule l'âme arrachée, rage et raison. Peut-être ai-je voulu, jadis, en faire un livre qui aurait eu l'orgueil des métaux précieux, mais il y eut examen de l'orage, et j'en restai longtemps hébété par le dégoût de "faire" que ne compensait pas l'appétit de "jouir". Je me contentai de sceller dans le silence mes rares et prudentes certitudes, sans savoir encore que je ne renoncerai pas à être saint. J'ai prétendu être pur et le Monde s'en est moqué, et j'ai plaint le monde comme un jeu mal joué, un jouet reçu sans joie, dans la nostalgie des merveilles. Laissez-moi vous dire à l'oreille que la vie n'est pas vainement vouée au miracle. Ph. L.

Clinique de la raison close

« Je suis devenu "vieux sans être adulte" et je remercie les dieux qui n'ont pas encore voulu ma perte. Je n'ai pas de métier. Je ne travaille pas, mais je ne fais rien d'autre. Je suis un comédien ou un acteur, car l'un et l'autre s'écrient. C'est "à la criée" que je prends ma vie, jouée à la perte, à l'écroulement, à la saignée. Je me suis reproduit par séparation et j'ai dû aimer toutes mes vies. Ce livre relève de l'inévitable "dérangement de cervelle", dont parle Diderot, et de la lubie d'appeler littérature ce qui n'est, chez moi, qu'une manie de la main. Si j'ai donc écrit, au lieu de proférer ou de hurler, c'est par lassitude. Oui, c'est par fatigue, c'est par... c'est parce que chaque fois que j'ai voulu parler sincèrement, on m'a pris fermement, amicalement, par le bras et on m'a dit "Ne vous énervez pas, s'il vous plaît, calmez-vous !" Voilà qui est fait. »

Portrait de l'artiste au nez rouge

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