Gai-Luron ou la joie de vivre (Gai-Luron, #1)
Rubrique-à-brac, Intégrale
Publié par Dargaud, le 19 novembre 2010
470 pages
Résumé
Petit flash-back à l'usage des moins de vingt ans qui n'étaient pas nés : dans les années 60, la bande dessinée est surtout faite d'aventures viriles sur des mers infestées de pirates ou dans des canyons infestés de cactus.La bande dessinée d'auteurs, avec états d'âme d'auteurs, n'existe pas. (Bien souvent, les auteurs n'existent pas non plus. Ils travaillent anonymement, ils sont payés au lance-pierre et passent pour des tarés.) En 1965, dans la mouvance du magazine américain Mad (dont Goscinny et Gotlib sont de fervents lecteurs), Les Dingodossiers annoncent, encore timidement, une liberté nouvelle que Gotlib va explorer plus à fond à partir de 1968 avec la Rubrique-à-brac."Sans les Dingodossiers, je n'aurais peut-être jamais fait la Rubrique-à-brac?, dit-il. Et ç'aurait été dommage, car c'est grâce à la RAB (pour les intimes et autres feignants) qu'il va devenir une star célèbre qu'on embête dans la rue - il l'a bien cherché, à force de se dessiner partout, avec son duffle-coat, ses brocolis, ses angoisses et sa couronne de lauriers.Écrite dans une langue très châtiée, avec ruptures de ton assorties à un dessin "expressif? - c'est le moins qu'on puisse dire, si l'on considère les trombines des intervenants et leur propension à exploser -, la RAB présente la particularité de déclencher le rire trois fois par case, ce qui n'est pas très courant. Et comme son nom l'indique, c'est un ramassis de machins : relecture anarchique des contes de fées, études atroces du monde animal (l'épisode "rumination de la vache? est d'une grande beauté), bidouillages philosophiques et splendeurs de la vie quotidienne, sans oublier les aventures des deux parfaits crétins Bougret et Charolles, et, en cadeau final, les interventions de Druillet, Giraud, Mandryka et Bretécher, qui s'esquinte à dessiner un lapereau hypertrophié dans le seul but d'amener un jeu de mots foireux.Au milieu de ce désordre, deux héros récurrents, Isaac Newton et la coccinelle, ramènent leur fraise à tout propos - ramener sa fraise étant justement la caractéristique essentielle du héros récurrent.Isaac Newton a une bonne raison d'être là : ayant reçu une pomme sur la tronche, il en a déduit la loi de l'attraction universelle, ce qui fait de lui une source d'hilarité inépuisable. Quant à la coccinelle, d'abord introduite de manière sporadique et vêtue d'un graphisme assez sommaire, elle embellit au fil des pages et finit par installer son petit souk personnel, tout en donnant son avis sur tout, comme un minuscule choeur antique - 1,2 cm sur 4 mm, en moyenne. Tout ça pour dire que, malgré la modestie de sa carrure, ce bestiau tient une place énorme dans la bande dessinée.Aujourd'hui, l'humour "glacé et sophistiqué? de la RAB, qui valut jadis à Gotlib "un abondant courrier de trois lettres?, n'a pas pris une ride. Des ex-fans de Pilote aux jeunes générations, chacun vient y puiser le vernis de culture nécessaire à la survie en société. Bref, tout le monde a un bout de RAB dans sa bibliothèque, et c'est bien le problème, cet éparpillement : on ne retrouve jamais les cinq tomes (taumes ?!?) et on a justement paumé celui où la coccinelle joue "larida-tu-tu larida-pon-pon? à la cornemuse. C'est énervant.Tandis que là, il suffit de feuilleter calmement les 400 pages de cette intégrale pour être sûr de retrouver son passage favori. À l'évidence, cette réédition groupée s'imposait.
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