Les gens, les années, la vie
Les gens, les années, la vie
Publié par Parangon, le 24 janvier 2008
618 pages
Résumé
Beaucoup des habitués, Léger, Kisling, Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars, Gleizes, étaient au front. Diego Rivera voulait s'engager, mais il avait été réformé, comme moi : on lui avait expliqué que ses jambes ne valaient rien. La Rotonde était déjà avant la guerre un endroit où l'on vous servait le catastrophisme avec votre tasse de café. Lorsque ce qui n'était que vagues pressentiments devint la réalité quotidienne de l'Europe, Picasso en fut naturellement moins étonné que la boulangère chez qui il achetait son pain. Elle était veuve et n'avait pas d'enfants. Elle avait pris son parti de la guerre, mais soudain, elle se mettait à sangloter : " Non, dites-moi, qui a inventé ça ? Ils sont tous devenus fous, je vous le dis, et si quelqu'un peut m'expliquer pourquoi on se tire dessus, je lui donne tout de suite vingt francs. Et vous savez combien coûte un kilo de beurre, à présent ? " Picasso avait l'air de savoir à l'avance tout ce qui allait se passer. Il travaillait beaucoup et, vers le soir, il venait à La Rotonde. je le rencontrais là-bas, ainsi que Diego Rivera et Modigliani. j'étais épuisé par le travail de nuit, je lisais Dostoïevski et les apocryphes, j'écrivais des vers de plus en plus frénétiques. Un visiteur de hasard aurait pu croire que La Rotonde se trouvait dans un Etat neutre, alors qu'en fait elle vivait dans le pressentiment de la catastrophe bien longtemps avant le 2 août 1914. En 1913, nous avions tous lu le poème de Cendrars La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France...
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