Poesies -reliee

Ego scriptor: Poèmes et petits poèmes abstraits

"Prose, vers, souvenirs, images ou sentences, ce qui vint du sommeil, ce qui vint des amours, ce que donnent les dieux comme les circonstances s'assemble en cet album de fragments de mes jours. Selon l'heure, naïf, absurde, aimable, étrange, esdave d'une mouche ou maître d'une loi, un esprit n'est que ce mélange duquel, à chaque instant, se démêle le MOI." "Le "moi" n'est peut-être qu'une notation commode, aussi vide que le verbe "'être" - tous les deux d'autant plus commodes qu'ils sont plus vides." Paul Valery

Mélange

«J'étais en proie à de grands tourments ; quelques pensées très actives et très aiguës me gâtaient tout le reste de l'esprit et du monde. Rien ne pouvait me distraire de mon mal que je n'y revinsse plus éperdument. Il s'y ajoutait l'amertume et l'humiliation de me sentir vaincu par des choses mentales, c'est-à-dire, faites pour l'oubli. L'espèce de douleur qui a une pensée pour une cause apparente entretient cette pensée même ; et par là, s'engendre, s'éternise, se renforce elle-même. Davantage : elle se perfectionne en quelque manière ; se fait toujours plus subtile, plus habile, plus puissante, plus inventive, plus inattaquable. Une pensée qui torture un homme échappe aux conditions de la pensée ; devient un autre, un parasite.» Paul Valéry.

L'Idée fixe ou Deux hommes à la mer

Valéry a trente ans. Le rythme de l'écriture s'est fort accéléré depuis que l'ancien rédacteur au ministère de la Guerre est devenu le secrétaire particulier d'un administrateur de l'agence Havas, Édouard Lebey, et qu'il a tout à la fois le besoin et le temps de se consacrer davantage à sa recherche. C'est là le devoir, le but difficile poursuivi avec ténacité, l'investissement vital à côté duquel tout semble temps perdu. Constituant ce tome V de l'édition intégrale, les deux grands cahiers-registres écrits entre avril 1902 et juin 1903 témoignent de la fécondité de ces années où prédominent les passages rédigés, parfois longs. De façon décisive, s'installe maintenant cette interrogation retournée vers soi-même - Qui moi ? Qui parle ? - vite devenue le fil conducteur des Cahiers. Valéry découvre l'importance de l'informulé central, de l'incohérence, du confus. En même temps, il s'attache plus que jamais au fonctionnement, oppose aux entités des philosophes les observations et les expériences concrètes possibles, et envisage une théorie de la vie mentale rompant totalement avec les représentations traditionnelles. Dans cette perspective, il élabore la théorie du réflexe - et du bi-réflexe psychique parle/écoute, nommé plus tard Moi Bouchoreille - qui aura une place centrale et sera la référence constante. Si, avec la théorie des phases, le modèle thermodynamique joue d'autre part un rôle important, le modèle mathématique reste présent : c'est l'analysis situs, la topologie, sans doute remémorée par la parution de La Science et l'hypothèse. D'une façon plus singulière, c'est le problème des quatre couleurs, une des rares recherches mathématiques suivies dans les Cahiers, dont le cahier hors texte donne ici la reproduction. Riche et complexe, cette période, où la réflexion abstraite domine, laisse pressentir l'envergure d'une recherche psychologique dont toute la richesse n'a pas encore été finement explorée.

Cahiers 1894-1914 Tome 5

Introduction biographique par Agathe Rouart-Valéry

Oeuvres Tome 1

«Détruite ? Perdue ? Séquestrée dans les profondeurs des bibliothèques publiques ? Pendant trois quarts de siècle, toutes les rumeurs, chacune traînant sa part de vérité, ont couru sur le destin de cette correspondance, réputée sulfureuse. On en parlait peu dans le monde, encore moins, forcément, dans la presse. Dans les publications où il était possible d'esquiver le sujet, on s'ingéniait le plus souvent à occulter le nom des correspondants. Mais les temps ont changé, les moeurs aussi, et la voici enfin, exhibée au grand jour, cette étonnante correspondance, ou du moins ce qu'il en reste : un grand pan d'une histoire d'épanouissement amoureux et de crise affective et intellectuelle - sans doute l'essentiel. Sur fond de salons parisiens et d'opulentes villégiatures que peuplent le beau monde et les têtes pensantes des années vingt (croquées d'un trait volontiers acerbe) se déroule une relation houleuse, où, de part et d'autre et de façon répétée, un désespoir insondable succède à une indicible plénitude. Disons-le : ces lettres forment, dans leur genre, une manière de chef-d'oeuvre.» Lawrence Joseph.

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