L’or fumier
Les Misérables
Publié par Gallimard, le 22 février 2018
1734 pages
Résumé
Faut-il, peut-on résumer Les Misérables? Ce qu’en dit Hugo a de quoi intimider : «La destinée et en particulier la vie, le temps et en particulier ce siècle, l’homme et en particulier le peuple, Dieu et en particulier le monde, voilà ce que j’ai tâché de mettre dans ce livre, espèce d’essai sur l’infini.» Un essai? et sur l’infini? Infini et roman ne font pas toujours bon ménage. Mais ce roman-là, Baudelaire l’a bien vu, est «construit en manière de poème». Même idée chez Rimbaud : «un vrai poème». Et chez Hugo déjà : «le poème de la conscience humaine», «une épopée supérieure et définitive». Un livre à part, bien sûr. Une somme, à la fois montagne et océan. Commencé par un pair de France en 1845, interrompu «pour cause de révolution» en 1848, repris par un proscrit en 1860, c’est un roman de l’exil. «Parole enchaînée, c’est parole terrible.» Mme Rimbaud mère s’inquiète du pouvoir de cette parole devenue action. Elle reproche à Izambard de l’avoir mise sous les yeux de son fils. Ce faisant, elle rejoint Lamartine, qui jugeait le livre faux et dangereux. En 1862, il n’était pas le seul. Mais la ferveur des lecteurs ne cessera de croître et donnera aux Misérables un statut d’œuvre populaire, «au sens où Homère est de la littérature populaire : une littérature qui s’adresse aux hommes de tous les temps et de toutes les cultures» (Simon Leys). Trop tard pour Mme Rimbaud : Arthur admire le «forçat intraitable», dont Une saison en enfer se souviendra. Un siècle et des poussières plus tard, le rimbaldo-hugolien Pierre Michon enfonce le clou : «Méfiez-vous des types bien. Fiez-vous aveuglément à tout forçat évadé.» Entré au catalogue de la Pléiade en 1951, le roman du forçat évadé se joue du temps. Il est ici proposé dans une présentation toute nouvelle. Nouveau texte : bien que le livre ait été publié du vivant de Hugo, il est difficile (et passionnant) à éditer. Nouvel appareil critique : il fallait tisser des liens avec le reste de l’œuvre, et rendre le lecteur du XXIe siècle sensible à l’image du XIXe qui, du 18 juin 1815 (Waterloo) à l’insurrection des 5 et 6 juin 1832, se dégage de la narration. Un appendice offre des ébauches, des pages écartées, des projets de préface : c’est l’atelier de l’œuvre. Une Note sur la scène et l’image retrace l’histoire de l’illustration et des adaptations. Elle s’adosse à un dossier iconographique : dessins de Hugo, portraits des protagonistes par Brion, caricatures de presse, éditions illustrées… Mais peut-être les images les plus authentiques sont-elles celles que se forme le lecteur. «Des buissons chétifs et difformes» : le bois de Montfermeil. Une fillette soulevant à deux mains un seau plein d’eau, tandis que «le tragique masque de l’ombre semblait se pencher vaguement sur cet enfant» : Cosette. Tout à coup, le seau ne pèse plus rien. «Une grande forme noire, droite et debout, marchait auprès d’elle dans l’obscurité» : Jean Valjean. Qui ne sent que Hugo est son propre illustrateur et que pour lui, dire, c’est aussi faire apparaître? Les Misérables, Henri Scepi le souligne, ce n’est pas seulement un drame, mais «une façon de dire, de figurer l’humain dans les profondeurs du temps et de la conscience».
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