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La Conversation | Jean d'Ormesson
La Conversation | Jean d'Ormesson

La Conversation

Publié par Héloïse d'Ormesson

Résumé

Un soir de l'hiver 1803-1804, aux Tuileries. Une conversation imaginaire entre Bonaparte et son deuxième consul, Jean-Jacques Régis de Cambacérès, celui à qui il ne cache rien et demande tout. Au comble de la tension entre l'esprit révolutionnaire et l'avidité de puissance, le vainqueur d'Arcole tente de rallier son complice à ses convictions. Une seule volonté anime le héros républicain : bâtir sa légende de son vivant. L'empire, va-t-il démontrer avec éloquence, c'est la république qui monte sur le trône. Jean d'Ormesson saisit l'ambition au moment où elle se change en histoire, le rêve sur le point de devenir réalité.Extrait:L'histoire offre des moments où elle semble hésiter avant de prendre son élan : Alexandre le Grand à la tête de ses phalanges à l'instant d'attaquer l'Empire perse aux ressources inépuisables ; Hannibal quand il décide de passer les Alpes avec ses éléphants pour frapper Rome au coeur ; César - l'exemple le plus célèbre - sur les bords du Rubicon ; le général de Gaulle à Bordeaux, à l'aube du 17 juin 1940, quand il monte dans l'avion du général Spears qui va l'emmener vers Londres, vers la rébellion, vers une résistance qui peut paraître alors sans espoir - et vers la gloire.C'est un éclair de cet ordre que j'ai tenté de saisir : l'instant où Bonaparte, adulé par les Français qu'il a tirés de l'abîme, décide de devenir empereur.Il y a toute une préhistoire qu'il faut garder présente à l'esprit. En novembre 1799, Bonaparte a trente ans. Avec la complicité de Sieyès, après avoir acheté le concours de Barras et avec l'aide de son frère Lucien, il a réussi de justesse, à son retour d'Égypte, le coup d'État du 18 brumaire an VIII : il met fin à un Directoire discrédité qui a duré quatre ans. Les cinq directeurs (seuls les deux premiers comptent) - Barras, Sieyès, Gohier, Roger Ducos, Moulin -sont remplacés par une «commission consulaire» de trois membres - Sieyès, Ducos, Bonaparte -, bientôt remplacée elle-même, grâce à une nouvelle Constitution, par un autre trio : Bonaparte, premier consul ; Cambacérès, deuxième consul ; Lebrun, troisième consul. Le Premier consul a tous les pouvoirs. Le deuxième et le troisième consul n'ont qu'une voix consultative.La situation du pays est terrifiante. Le commerce et l'industrie sont ruinés. La production industrielle est réduite de 60 % à Paris, de 85 % à Lyon. Les ports de Marseille et de Bordeaux sont pratiquement fermés. Le réseau routier est détruit. Le service des diligences n'est plus assuré. Un brigandage généralisé s'étend à l'ensemble du territoire, surtout en Provence et dans l'Ouest. Les forêts et les cultures sont dévastées. La monnaie a été dévaluée de 99 %. Les caisses de l'État sont vides. La paye des fonctionnaires et de l'armée accuse un retard de plus d'un an. Les rentes ne sont plus versées. Il n'y a plus de budget établi. Un délire de plaisirs a détruit les moeurs.

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